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7 décembre 2020 1 07 /12 /décembre /2020 21:51

QUELLE VIE MERVEILLEUSE

 

 

Version française – QUELLE VIE MERVEILLEUSE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Che vita meravigliosaDiodato – 2020


 

 

LA DANSE DE LA VIE

Edvard Munch – 1899



 

Comme le dit Marco Valdo M.I., les plus belles chansons anti-guerre sont celles qui ne parlent pas de guerre, mais de paix et de vie. Cette chanson d’amour pour la vie – à mon avis l’une des plus belles chansons italiennes sorties cette année – s’inscrit dans le sillon de chansons déjà présentes sur notre site telles que Gracias a la vida, What A Wonderful World, o A la vida où l’émerveillement et l’étonnement pour ce que la vie nous offre n’excluent pas l’adversité, la douleur et la colère pour les injustices de ce monde, en fait elles sont rendues encore plus fortes.

(Sans oublier : Ma che bel mondo è – Punkreas, I.G.Y. (What a Beautiful World)‎Donald Fagen et évidemment, What a Thunderful World ! (Quel Monde Merveilleux ! Pouah !) – Marco Valdo M.I., dit Lucien l’âne en riant.)

Diodato a écrit un texte entièrement classique, utilisant la métaphore de la vie comme un voyage pour atteindre une Ithaque (voir Itaca) qui donne un sens à notre errance, à notre recherche, un but que nous ne devons pas être pressés d’atteindre. Et je pense que ce n’est pas une coïncidence si, dans le clip vidéo, la chanson est introduite par des fragments d’un bulletin d’information qui raconte les tensions au sein du gouvernement sur la peau de ceux que la Vie a vraiment poussés au milieu de la mer à la recherche d’une vie meilleure, douloureuse mais aussi séduisante et miraculeuse.

Che vita meravigliosa (Quelle vie merveilleuse) est le chant d’un être humain perdu dans la mer de la vie, parmi ses vagues, parmi les chants des sirènes, à la recherche de ports sûrs, de morceaux de terre sur lesquels s’arrêter ne serait-ce qu’un instant, avant de s’abandonner au désir fou de reprendre son voyage. Dans l’enregistrement, le sens de la chanson est fortement révélé, se transformant et prenant la forme définitive d’un hommage harmonique à cette vie merveilleuse, douloureuse oui, mais fortement séduisante, miraculeuse.

 

« Je suis un affamé de vie. Et cette faim s’est intensifiée au fil du temps. Quand j’ai grandi, elle a grandi aussi. Ses odeurs, ses images, ses montagnes russes sans fin, le vide dans son estomac, la souffrance, la joie, les incroyables coïncidences, l’amour, la douleur, cette mer incommensurable de sensations est ce qui me nourrit, ce qui me fait me sentir vivant. Et c’est ce que j’ai essayé de dire, d’enfermer dans cette chanson, dans une tentative désespérée d’arrêter ce qui ne s’arrête jamais. Je voulais qu’elle pue le vécu. Je voulais que ma faim d’elle soit dedans. » – dit Diodato à propos de la chanson.

 

 

Cette vie divague

Avec ses baisers et ses vagues

Elle cogne fort.

Vie, qui chaque jour dévore,

Elle séduit et abandonne

Quand la tête bourdonne.

 

Parmi les choses pas faites pour ne pas avoir à se repentir,

Les promesses faites seulement à moitié,

Quand on pense que cette survie est déjà mourir,

On ferme les yeux sur le temps passé.

 

Ah, quelle vie merveilleuse,

Cette vie douloureuse,

Séduisante, miraculeuse !

Vie qui pousse à prendre la mer,

Fait pleurer, danser, et tout faire

Avec elle, à l’endroit, à l’envers.

 

Oui, on aurait pu aller à l’horizon,

Ne pas s’allumer à chaque émotion,

Pour un cliché, se prendre d’affection.

La vie choisie se décide comme ça

Et ne se regrette pas,

Même quand le vent parle trop bas.

 

On se perd dans le tourbillon des passions,

Les parfums incendiaires des floraisons,

On boit les baisers pour ensuite arriver,

Ivre à hurler, à la dernière nuit de l’été.

 

Ah, quelle vie merveilleuse

Cette vie douloureuse

Séduisante, miraculeuse

Vie qui pousse à prendre la mer

Fait pleurer, danser, et tout faire

Avec elle, à l’endroit, à l’envers.

 

Ah, quelle vie merveilleuse

Cette vie douloureuse

Séduisante, miraculeuse

Vie qui pousse à prendre la mer

Fait pleurer, danser, et tout faire

Avec elle, à l’endroit, à l’envers.

 

On ne voudrait jamais la voir finir,

On ne voudrait jamais la voir finir.

 

Ah, quelle vie merveilleuse,

Ah, quelle vie merveilleuse,

Ah, quelle vie merveilleuse,

Ah, quelle vie merveilleuse !

 

Ah, quelle vie merveilleuse

Cette vie douloureuse

Séduisante, miraculeuse

Vie qui pousse à prendre la mer

Fait pleurer, danser, et tout faire

Avec elle, à l’endroit, à l’envers.

 

Ah, quelle vie merveilleuse

Cette vie douloureuse, séduisante, miraculeuse

(Ah, quelle vie merveilleuse)

Vie qui pousse à prendre la mer

(Ah, quelle vie merveilleuse)

Fait pleurer, danser, et tout faire avec elle, à l’endroit, à l’envers.

(Ah, quelle vie merveilleuse)

 

Ah, quelle vie merveilleuse !

QUELLE VIE MERVEILLEUSE
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Published by Marco Valdo M.I.
6 décembre 2020 7 06 /12 /décembre /2020 16:58

GUERRE

 

Version française – GUERRE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson néerlandaise – OorlogToon Hermans – 2000


 

 

 

 VELOUTÉ DE CHAMPIGNON

 

 

 

Dialogue Maïeutique 

 

 

Je ne te savais pas si savant, Marco Valdo M.I. mon ami, au point que tu puisses traduire le néerlandais.

 

Oh, Lucien l’âne mon ami, c’est là une vilaine taquinerie, car ici, on est tous censés connaître la langue de Vondel ou celle, en l’occurrence, de Toon Hermans. Et pour moi, c’est relativement vrai ; cependant, à la vérité, il faut reconnaître qu’on la connaît mal, moins bien encore qu’on ne sait le français.

 

Soit, dit Lucien l’âne, il doit bien y avoir des raisons à ça.

 

Certes, répond Marco Valdo M.I., et la première raison, c’est qu’on ne peut connaître toutes les langues. À entendre certains, il nous faudrait être tous polyglottes, question de s’entendre entre voisins. Moi, je veux bien, mais dans la ville ici où on vit, on recense plus de 150 langues et ce doit être à peu près pareil un peu partout en Europe dans les villes un peu peuplées. Moi, face à ce déluge, je reste d’avis qu’il conviendrait d’abord d’en maîtriser correctement une, chose que j’ai bien du mal à faire.

 

Évidemment, dit Lucien l’âne, il faudrait définir ce qu’on entend par maîtriser une langue. En prenant le seul vocabulaire, la maîtrise d’une langue comme le français suppose la connaissance fine de plusieurs milliers de mots – si ce n’est plus encore et leurs diverses significations.

 

De fait, dit Marco Valdo M.I. ; en plus, il faut avoir l’oreille et ça, c’est un acquit physiologique culturel, une aptitude – dès la plus petite enfance – à entendre la langue dans laquelle on vit, à entendre, à percevoir certaines sonorités. La tessiture, la tessiture, je te le dis, selon les langues, est plus ou moins étendue. Il paraît que la langue française est assez peu douée pour cet exercice, ce qui expliquerait bien des choses.

 

La tessiture, la tessiture, dit Lucien l’âne, tu as bien dit la tessiture ? Curieux, nous les ânes, on entend tout, mais on ne comprend rien. C’est du moins ce qu’on dit de nous.

 

Enfin, bref, tout ça pour te dire, Lucien l’âne mon ami, que finalement – inspiré par la traduction de Riccardo Venturi, je me suis autorisé à faire une version française d’une chanson en néerlandais et je pense ne pas m’en être trop mal tiré. Sans doute aussi, grâce à la rime, qui est – soit dit en passant – un merveilleux instrument, même si dans son Art poétique, Verlaine, grand rimeur, a tenté de faire croire le contraire.

 

« O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ? »

 

Pourtant et c’est effet de la rime, il ajoutait :

 

« Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint. 
»

 

Bien sûr, bien sûr, dit Lucien l’âne, mais sansdieu, que raconte cette chanson ? Elle devrait parler de la guerre, il me semble, pas d’art poétique.

 

De fait, dit Marco Valdo M.I., mais elle veut le faire, comme toute bonne chanson, poétiquement et elle fait donc ainsi avec une très jolie rengaine où des enfants s’amusent à sauter à la corde – peut-être, sous-entendu, et que les adultes se massacrent. Oui, une jolie rengaine, qui dit :

 

« Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants. »

 

Ah, dit Lucien l’âne, ce sont des enfants qui ont de la chance, s’ils peuvent jouer et s’ils ne sont les cibles de tireurs ou de bombardements.

 

Et puis, la chanson se pose aussi la question du « loup garou », dont on avait déjà causé dans le dialogue préliminaire à « Gare au Garou », quatre-vingt-huitième chanson de la suite Ulenspiegel le Gueux. Pour le reste, il suffit de lire la chanson.

 

Oui, c’est ce que je vais faire, dit Lucien l’âne. Allons, maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde tueur, tuant, truand, tué, guerrier, guerroyant et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


 


 


 


 


 

Parfois, par les rats, les chats sont attaqués

Et les moutons dévorent les lions ;

Les mains douces commencent à frapper

Et le tendre murmure se mue en lamentation.


 

Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.


 

Parfois, les gens attaquent les gens,

Parfois, les gens perdent la raison en masse,

Les villes brûlent et les navires périssent.

Le journal dit : c’est la guerre, maintenant.


 

Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.


 

On déchire l’amour en morceaux

Et l’un l’autre, on se fait la peau,

Au lieu de cueillir des fleurs sauvages.

Le monde est mûr pour le carnage.


 

Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.


 

La bête, au fond de nous, gratte

Encore et sort à nouveau ses pattes.

C’est le temps des pleurs et du désarroi,

Encore une fois après déjà tant de fois autrefois.


 

Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.


 

Pourquoi les gens se font-ils tant de mal

Et trouvent ça normal ?

Seraient-ils de ces loups-garous

Qui des morts ont le goût ?


 

Seuls les enfants sautent à la corde

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.


 

GUERRE
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Published by Marco Valdo M.I.
5 décembre 2020 6 05 /12 /décembre /2020 21:48
TUEZ-MOI

Version française – TUEZ-MOI – Marco Valdo M.I. – 2020

d’après la version italienne – Ammazzami – de Riccardo Venturi

d’une

Chanson macédonienne – Убиj ме (Ubij me) – Bernays Propaganda – 2009

 

 

 

 

EXÉCUTION

Bob Thompson - 1962


 

 

 

 

New Wave / Post Punk de la Macédoine post-yougoslave. Un groupe vraiment remarquable. Nous promettons de chercher d’autres paroles. Tuez-moi / Je ne suis pas comme vous ! La haine de la différence comme base de toutes les guerres.

 Note : Les paroles de la chanson anglaise translittérée avec « x2 » peuvent être trouvées sur l’un des habituels « sites de paroles ». Ici, nous avons soigneusement restauré les paroles dans leur écriture cyrillique (au moins jusqu’à ce soir, la langue macédonienne était encore écrite en cyrillique), en fournissant une translittération légèrement moins anglicisante et également une traduction anglaise complète (en plus de la traduction italienne).

 

Le groupe Bernays Propaganda s’est formé à Skopje, en Macédoine, en 2007, une ville qui a vu naître de nombreux groupes intéressants ces derniers temps. Au chant, Kristina Gorovska, vedette glaciale et charismatique ; à la guitare électrique Vasko Atanasoski, ancien membre de Forever Positively Obsessed (FPO) ; à la basse, Nenad Trifunovski ; à la batterie, Dzano Kuc.

 

Ils portent le nom des travaux (Propaganda) d’Edward Bernays, l’un des premiers à mettre en relation la psychologie du subconscient et l’instrumentalisation de l’opinion publique. Ce n’est pas un hasard si l’un de ses textes les plus célèbres, datant de 1928, s’intitule Propagande. Le premier album des musiciens de Skopje s’intitule Happiness Machines et fait suite à une série de collaborations avec l’éclectique label slovène Moonlee Records, dont le catalogue comprend de brillants groupes tels que Repetitor et Bilk.

 

Dialogue Maïeutique

 

D’abord, Lucien l’âne mon ami, je voudrais attirer ton attention sur le nom du groupe, car il est en soi très intéressant, à condition de décrypter le message. Bernays Propaganda, qu’est-ce à dire ? En fait, il s’agit d’une référence directe à Edward Bernays et à son « œuvre », la théorisation et la mise en pratique de la propagande qu’il vaudrait mieux qualifier de machine à décerveler, comme l’aurait certainement fait Alfred Jarry, car la propagande, vue par Bernays, est principalement, je veux dire dans son principe-même, une machine à laver le cerveau et à manipuler l’être humain. Voir à ce sujet, histoire de te décrasser les méninges : Le Viol des foules par la propagande politique de Serge Tchakhotine, un ouvrage ancien, mais salutaire. Mais écoute bien, il faut ici comprendre la propagande sous toutes ses formes, dans tous ses états : propagande politique, propagande commerciale, mieux connue sous son nom aseptisé de publicité, propagande sociale dont l’euphémisme est « les relations publiques ». On y ajoutera pour compléter la panoplie de Bernays, le « lobbying » et la pratique souterraine des coups d’État.

 

Oh, dit Lucien l’âne, la propagande ainsi développée est à l’œuvre au cœur de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent à l’encontre des pauvres afin d’assurer leur domination, de garantir leur pouvoir, d’étendre leur influence, de multiplier leurs richesses, de reproduire leurs privilèges et encore bien d’autres objectifs tous aussi iniques. La propagande est l’arme la plus redoutable, car elle agit la plupart du temps masquée, maquillée à l’insu de ceux qu’elle séduit. En quelque sorte, elle mène la guerre sous l’apparence la plus pacifique, de façon éminemment clandestine. C’est le jésuitisme élevé en institution sociétale.

 

C’est bien de ça qu’il est question, dit Marco Valdo M.I., quand on parcourt l’« œuvre » de Bernays, son immense travail de sape, d’un demi-siècle, à l’encontre des gens et au profit de la machine à profits. Maintenant, pour ce qui est du choix de ce nom de « Bernays Propaganda » par le groupe musical macédonien, il ne peut être qu’une sorte de mise en garde ironique face au décervelage considéré comme un mode de domestication de la société, objectif de Bernays et toujours en usage chez ses successeurs.

 

Si c’est ça, dit Lucien l’âne, je tire mon chapeau à ce groupe macédonien. Mais la chanson, alors ?

 

Elle raconte tout simplement, répond Marco Valdo M.I., la situation d’un humain mis face à d’autres humains d’une autre couleur et l’horreur qui en résulte, quand la bêtise et la haine s’en mêlent et sans doute aussi, toujours sur le mode sarcastique, l’anticipation par la future victime du massacre annoncé.

 

Brrr, dit Lucien l’âne, ça me hérisse l’échine. C’est encore une fois, l’histoire de l’âne, ce pelé, ce galeux qu’on s’en va sacrifier à la cohésion de la foule, de la tribu, de la nation, de la race ou que sais-je encore, n’importe quoi. Ça me révulse jusqu’en dessous des sabots ; alors, tissons, tissons, le linceul de ce vieux monde manipulé, manipulateur, racial, idiot, barbare et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Pourquoi on naît et pourquoi on meurt,

Pourquoi on vit, on le sait.

Pourquoi on naît et pourquoi on meurt,

 

Pourquoi, on le sait.

Pourquoi on vit, on le sait.

 

Je ne suis pas comme vous,

Je n’ai pas la même couleur,

Votre haine est la vôtre, et votre volonté.

Je ne suis pas comme vous,

Je n’ai pas la même couleur,

Votre haine est la vôtre, et votre volonté.

 

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Et pour ça, tuez-moi

Tuez-moi, tuez-moi, tuez-moi.

 

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Et pour ça, tuez-moi

Tuez-moi, tuez-moi, tuez-moi.

 

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Et pour ça, tuez-moi

Tuez-moi, tuez-moi, tuez-moi.

 

Pourquoi on naît et pourquoi on meurt,

Pourquoi on vit, on le sait.

Pourquoi on naît et pourquoi on meurt,

Pourquoi on vit, on le sait.

 

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Et pour ça, tuez-moi

Tuez-moi, tuez-moi, tuez-moi.

 

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Je ne suis pas comme vous,

Et pour ça, tuez-moi

Tuez-moi, tuez-moi, tuez-moi.

 

 

 

TUEZ-MOI
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Published by Marco Valdo M.I.
4 décembre 2020 5 04 /12 /décembre /2020 10:02

 

ATHÈNES 1943

 

Version française – ATHÈNES 1943 – Marco Valdo M.I. – 2020

d’après la version italienne de Riccardo Venturi

d’une chanson grecque – Αθήνα 1943Nikos Kavvadias / Νίκος Καββαδίας – 1943

 

 

 

 

ANDARTES

Válias Semertzídis – 1944

 

 

 

Le texte a été publié dans la revue clandestine Πρωτοποροι [Protoporoi] / Pionniers en décembre 1943 sous le pseudonyme de A. Tapinos.

Lorsque Kavvadias l’a écrit, il était trop tôt pour prédire la libération ; il restait encore dix mois dramatiques. Pourtant, dans ces vers, il respirait plus que l’espoir malgré les pendaisons, l’air lourd, l’écoute clandestine de Radio Londres et de Radio Moscou, les Allemands à chaque carrefour sous un drapeau noir. Néanmoins, la victoire est pressentie par Kavvadias dans le cadre d’un ποίησις, de ce processus créatif qui rend les artistes clairvoyants et actifs. Et, dans ce cas, elle se poursuivra jusqu’à la μουσική που κάθε στόμα θα λαλήσει / musique que chaque bouche chantera.

On ne peut pas en dire plus, il n’y a pas de traductions sur le net.

[Riccardo Gullotta]

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Athènes 1943, dit Marco Valdo M.I., est-ce que ce titre ne te rappelle pas quelque chose, Lucien l’âne mon ami ?

Oh, oui !, dit Lucien l’âne, c’est la révolte d’Athènes en pleine occupation nazie, c’est cette grande journée de grève générale de juillet et la tragique manifestation où défilèrent contre l’occupant des centaines de milliers d’Athéniens. L’armée allemande (nazie), les cavaliers italiens (fascistes) et la police grecque (fasciste) ont tiré dans le tas et tué des dizaines et blessés des centaines de personnes.

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, c’est justement ce que raconte cette chanson : la résistance d’Athènes à l’occupation. Enfin, pas de tout Athènes puisqu’il y avait là comme ailleurs des gens qui sympathisaient avec l’occupant.

 

Je sais ça, dit Lucien l’âne. Il y en a toujours eu ; je veux dire que cette scission des populations entre ceux qui s’accommodent de n’importe quel régime afin de pouvoir mener leurs affaires, ceux qui se rallient au pouvoir et les opportunistes prêts à changer de camp à tout moment, d’une part et d’autre part, ceux qui n’acceptent pas volontiers les envahisseurs et ne s’en accommodent pas vraiment, même s’ils prennent le temps de rassembler assez de forces, assez de courage, assez de moyens, à un moment, passent à l’action – une action souvent forcément clandestine aussi longtemps que le rapport de forces est favorable à l’ennemi. A priori, des civils désarmés ou peu armés sont très vulnérables face à un pouvoir organisé, à tous ses services et à son armée.

 

Ainsi, reprend Marco Valdo M.I., la grande manifestation d’Athènes est une journée d’exception, mais ni elle, ni les actions semblables menées en d’autres lieux, n’ont jamais pu mener à la liquidation de l’occupant et la plupart ont été violemment réprimées. En fait, ce sont des méthodes trop pacifiques pour les temps sombres. Cependant, j’aimerais rappeler la grande grève contre la guerre, victorieuse celle-là, menée à partir d’Athènes et dans les autres cités grecques : la grève du sexe que les femmes firent triompher. C’était il y a 2 400 ans. Depuis, tout est rentré dans l’ordre ; les guerres ont repris leur train-train.

 

En effet, dit Lucien l’âne, tu fais bien de rappeler Lysistrata, mais comme tu dis, c’était il y a bien longtemps. Et puis, c’était une résistance « entre soi » – en quelque sort d’homme à homme, si je peux dire, pas vis-à-vis d’un occupant étranger. Il y avait quand même entre les belligérants beaucoup d’intérêt commun et en la matière, c’étaient les femmes qui tenaient le bon bout.

 

Cependant, enchaîne Marco Valdo M.I., pour en revenir à la chanson, même si elle était pleine d’un espoir de libération, même si elle annonçait cette dernière, même si cette dernière est intervenue quelque dix mois plus tard, elle se trompait grandement sur le futur. À peine les envahisseurs chassés, en Grèce commença (ou continua) la guerre civile, où la résistance qui avait tenu face aux Allemands fut balayée par les troupes (anglaises) des libérateurs.

 

Ainsi s’en va l’Histoire – on ne peut pas lui faire confiance, dit Lucien l’âne, et c’est la raison pour laquelle nous, nous tissons le linceul de ce vieux monde traître, borné, brutal, bancroche et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Les rues rouges pleines d’appels et de requêtes

Proclament clairement le temps venu.

La tramontane souffle des crêtes

Et dans les parcs balancent lents les pendus.

 

Tout le monde est muet dans Athènes

Chacun, danger, va doucement par les rues sombres :

À sept heures, on écoute Radio Moscou

Et à huit heures (plus bas, plus bas), « Ici Londres ».

 

Souffle rapide, rafale l’étésien siffleur,

Le meltem froid déboule de Crimée.

Les Allemands passent sur la chaussée

Sous une noire bannière de malheur.

 

Croissent ceux qui y croient, de mois en mois,

D’heure en heure, grandira la cohue

Jusqu’à quand on entendra dans la rue

La musique que chaque bouche chantera.

 

ATHÈNES 1943
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Published by Marco Valdo M.I.
1 décembre 2020 2 01 /12 /décembre /2020 21:22
TIRS DISTANTS

 

Version française – TIRS DISTANTS – Marco Valdo M.I. – 2020

d’après la version italienne de Stanislava – 2020

d’une chanson tchèque – Vzdálené výstřelyVladimír Merta – 1989 (2011)

 

 

 

 

 

 

Musée du communisme à Prague

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson tchèque, c’est une chose à prendre en considération, car ce qui s’est passé dans le passé et ce qui se passe aujourd’hui, dans ce qui fut un temps la Tchécoslovaquie, est (dans nos régions et plus encore pour ce qui est de la chanson) mal connu, si ce n’est carrément inconnu. Tout comme est, à mon sens, méconnu le penchant tchèque pour un humour ravageur (c’est le pays du soldat Chveik , à la gloire duquel j’ai écrit La chanson de Chveik le soldat) et pour une vision doucement ironique du monde et de la vie ; humour et ironie qui transparaissent aussi dans cette chanson et que je te laisse le soin de découvrir.

 

Je vais m’y efforcer, Marco Valdo M.I. mon ami, car j’aime ça.

 

Une histoire méconnue, reprend Marco Valdo M.I. ; en un siècle, depuis l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, elle a été secouée, envahie, martyrisée cette pauvre Tchécoslovaquie.

 

L’Empire austro-hongrois, demande Lucien l’âne, n’était-ce pas celui où l’Arlequin amoureux, paysan tchèque, conscrit engagé involontaire contraint à se battre, avait déserté de l’armée autrichienne à Marengo en 1800 ? Je me demande d’ailleurs si l’histoire tragi-comique de l’Arlequin amoureux n’est pas une sorte de paraphrase de l’histoire tchèque.

 

C’est bien cet Empire, dit Marco Valdo M.I., et il est fort probable que ta supputation concernant le caractère parabolique de l’Arlequin amoureux soit exacte. Pour en revenir à la Tchécoslovaquie, elle s’est finalement dissoute, après un très court intermède de deux ans, pour donner naissance à deux pays distincts. Cependant, quand la chanson a été écrite, elle existait encore.

 

Donc, si je me souviens bien, dit Lucien l’âne, c’est après la Grande Guerre, celle de 1914-18, que ce petit pays est né sur les débris de l’Empire des Habsbourg. C’était au départ une démocratie parlementaire. On la dépeça en 1938 à Munich pour satisfaire les revendications des nazis, avant qu’ils ne l’envahissent en même temps que presque toute l’Europe quelques années plus tard.

 

Oui, dit Marco Valdo M.I., jusque-là, c’est globalement exact. Par la suite, après l’effondrement de l’Empire nazi, la Tchécoslovaquie se réunifie et après trois années troublées, en 1948, elle sombre sous une dictature communiste ou si on veut sous une démocratie populaire.

 

C’est conceptuellement flou, souligne Lucien l’âne en riant.

 

Ensuite, reprend Marco Valdo M.I., il faudra attendre vingt ans pour qu’en 1968 souffle un léger vent de libéralisation. Une libéralisation du régime que les chars soviétiques des pays amis écraseront. C’est là que se situe l’histoire du rabbin.

 

Oh, dit Lucien l’âne, celle-là, je pense que je la connais et comme elle me fait rire, redis-la moi.

 

Eh bien voilà, se lance Marco Valdo M.I., en ce mois d’août 1968, dans une ville de Tchécoslovaquie, se réunit le Comité local du Parti (communiste tchécoslovaque), car des événements graves viennent de se passer dans le pays. Les chars des pays amis ont envahi le pays pour le sauver de lui-même. Le Comité local du Parti, qui dirige aussi la ville, s’inquiète et s’interroge à propos de ces étranges touristes. Un peu perdu, il envoie chercher le rabbin de la ville, pensant que celui-ci bénéficiait de lumières particulières. La milice amène le rabbin devant le Comité local du Parti et le rabbin, effrayé, demande ce qu’on lui veut. Le Secrétaire local du Parti le rassure immédiatement et lui demande :

— Rabbin, n’aie pas peur, nous ne te voulons aucun mal. Bien au contraire, on a besoin de tes lumières particulières, car nous on n’y comprend rien. Par rapport à la situation, on voudrait savoir ceci : « Quand et comment nos amis touristes en chars d’assaut vont quitter le pays ? »

 

Le rabbin réfléchit et dit :

 

— Il y a deux solutions : une normale et une miraculeuse.

— Ah, dit le Secrétaire du Parti, dis-nous la solution normale.

— Bien, dit le rabbin, si vous y tenez. Il y aura un million d’anges qui vont descendre du ciel et les reconduire chez eux.

— Oh, dit le Secrétaire du Parti, alors, dis-nous la miraculeuse.

— Ah, dit le rabbin, c’est tout simple, c’est qu’ils s’en aillent d’eux-mêmes.

 

Merci beaucoup, dit Lucien l’âne. Mais que s’est-il passé ensuite ?

 

Curieusement, dit Marco Valdo M.I., d’une certaine manière le rabbin avait raison. Il n’y a pas eu besoin des anges. L’Empire a disparu de lui-même et les chars sont rentrés chez eux. Pour l’effondrement de l’Empire soviétique, il aura fallu attendre encore vingt ans – jusqu’en 1989, pour que la Tchécoslovaquie retrouve réellement son indépendance. C’est de ce moment que date la chanson, quand les Tchèques – et sans doute aussi, les habitants des autres pays dits de l’Est – ont pu ouvertement parler des bienfaits de la période sous domination soviétique. C’est précisément ce que fait cette chanson, tout comme elle rappelle aussi l’éphémère « Printemps de Pékin » de cette année-là, écrasé lui aussi – selon la tradition, par l’armée, guidée par le parti Communiste.

 

« Katyn, Gdańsk, Prague, Berlin,

Budapest, Tbilissi, Bakou, Pékin,

Chaque nom est un cauchemar

Et la pluie lave le sang des trottoirs. »

 

et

 

« Les tirs distants

Sur la Place de la Paix Céleste

Tuent les illusions qui nous restent,

L’espoir, la solidarité, le sentiment. »

 

Oh, dit Lucien l’âne, finalement, il y a toujours un nouveau printemps ; les saisons n’ont pas de frontières. Quand même, c’est une grande vérité commune à l’humanité , toutes tendances confondues, qui conclut la chanson :

 

« Qui sur la route du pouvoir, assassina,

Encore et encore assassinera,

Encore et encore assassinera. »

 

Quant à nous tissons le linceul de ce vieux monde gourd, engourdi, lourd, manieur de gourdin, stupide, avide, hargneux et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Tirs distants

Dans leurs propres rangs,

L’arrogance suit l’arrogance.

L’arrogance précède la déchéance.

 

Katyn, Gdańsk, Prague, Berlin,

Budapest, Tbilissi, Bakou, Pékin,

Chaque nom est un cauchemar

Et la pluie lave le sang des trottoirs.

 

Qui sur la route du pouvoir, assassine,

Encore et encore assassine.

 

Après des années, il se révèle

Que c’étaient des erreurs individuelles,

Déviationnismes de droite, de gauche,

Payés par des milliers de victimes.

 

Des millions d’innocents sans nom,

Sortis des tombes et dans les rues errant,

Accusant sous leurs fenêtres les vivants,

À jamais sur nos terres divagueront.

 

Qui sur la route du pouvoir, assassine,

Encore et encore assassine.

 

Changent les lieux d’affrontement ;

Les tirs des soldats sont toujours justes,

Ils tirent sur leurs enfants

Et se disent – comment ? – communistes.

 

Je parle évidemment pour moi,

Un peu pour vous aussi, je crois.

Si nous avons peur de parler à basse voix,

Gardons le silence à haute voix.

 

Les tirs distants

Sur la Place de la Paix Céleste

Tuent les illusions qui nous restent,

L’espoir, la solidarité, le sentiment.

 

En ville, les mains des meurtriers,

Comme à de petits enfants abandonnés,

Aux soldats, vainqueurs d’une si glorieuse bataille,

Distribuent cyniquement des médailles.

 

La violence se traîne dans les rues

Du matin au soir, elle se perd.

Le monde ne sera plus

Jamais le même qu’hier.

 

Les statistiques ont d’étranges dénis,

Les ordres au nom du peuple uni

Viennent d’un communiste, pas d’un ennemi.

 

Qui sur la route du pouvoir, assassina,

Encore et encore assassinera,

Encore et encore assassinera.

TIRS DISTANTS
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Published by Marco Valdo M.I.
29 novembre 2020 7 29 /11 /novembre /2020 18:24


 

L’AMÉRIQUE, LE RIZ ET LES

 HARICOTS

 

 

Version française – L’AMÉRIQUE, LE RIZ ET LES HARICOTS – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – America, riso e fagioliAntonio Infantino – 1976

 

Album : « La Morte Bianca – Tarantata dell'Italsider », con il Gruppo di Tricarico (o I Tarantolati di Tricarico), Fonit Cetra / Folkstudio.

 

 

 

 

Metro NY

Lily Furedi – 1934

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Tout en faisant la version française de cette chanson d’Infantino, au titre éloquent et moqueur, canzone dont je parlerai un peu plus après, dit Marco Valdo M.I. il m’est revenu en une série de vagues les multiples chansons qui parlent de l’exil, de l’émigration, ce long voyage aller et souvent même, aller-retour entre l’Italie et l’Amérique, toue l’Amérique, l’Amérique considérée comme un tout, ce dernier comprenant autant le Canada, le Brésil, le Honduras, le Mexique, le Panama, l’Argentine, le Venezuela, Cuba que les États-Unis. Cependant, comme souvent, dans cette chanson, il faut centrer le regard sur ces derniers, qui ont monopolisé indûment le nom du continent tout entier (alors que même rien qu’en Amérique du Nord, le Canada est plus grand qu’eux) et ont distillé et diffusé dans le monde l’idée de l’« American way of Life », sorte de paradis terrestre à la portée de tous – sous certaines conditions.

 

Oui, dit Lucien l’âne, j’en ai entendu parler et même depuis longtemps de cette émigration vers le « nouveau monde », qui a frappé depuis des siècles tout le Vieux Continent. L’Amérique, tous pays confondus, incarnait un futur de rêve. C’est sans doute la première « fake news ». J’ai entendu dire aussi qu’il fut le lieu de multiples ruées vers l’or, vers le pétrole, vers le caoutchouc, vers quoi encore ? Vers le bonheur ? Vers la richesse ? Vers quoi, vers quoi ?

 

Vers tout ça et vers une vie meilleure, répond Marco Valdo M.I., par exemple, Angelo Giusti déjà avant 1900 fit une chanson « Merica, Merica », que j’avais rendue en français sous le titre « MÉRIQUE, MÉRIQUE », qui disait :

 

« Mérique, Mérique, Mérique,

Que sera cette Mérique ?

Mérique, Mérique, Mérique,

Un beau bouquet de fleurs. »,

 

mais – pour beaucoup, il a fallu déchanter. Ainsi, à la même époque encore, une chanson anonyme pareillement intitulée « Merica, Merica », que j’avais mise en français sous un titre un peu différent et significatif de son amertume par rapport au rêve grandiose, « AH ! MÉRIQUE, MÉRIQUE ! », disait :

 

« Ah ! Mérique, Mérique, Mérique !

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

Mérique… au travail ! »

 

 

C’était là déjà le fond de cette histoire et c’est ce qu’on retrouve ici. Le paradis américain, c’est comme la loterie, pays de l’illusion, continent d’Alice au pays des merveilles. Tout le monde peut jouer, et avec de la patience et de l’abnégation, tout le monde a sa chance, mais réellement, très peu finissent par gagner. Cependant, il y a une grande différence, c’est que dans America, riso e fagioli (L’AMÉRIQUE, LE RIZ ET LES HARICOTS), il y a s’appuyant sur la constatation fondamentale de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font la guerre aux pauvres pour les dominer, pour les exploiter, une réflexion qui aboutit à la volonté explicite de changer le monde et l’idée que :

 

 

« cette expérience vivante de, de, de,

De ce nouveau monde

M’a appris que, que, que

Dans le monde entier,

Oui, entier, il faut changer,

Il faut changer.

Pour changer le monde entier. »

 

Comme on le voit, on est très loin du beau bouquet de fleurs de Merica,Merica d’Angelo Giusti.

 

Oui, dit Lucien l’âne, il y a là une vérité qui me plaît. Cette idée de changer pour changer le monde, si elle n’est pas sans une certaine cohérence devrait indiquer que le début de ce changement vers la fin de la Guerre de Cent Mille Ans passe par un changement de la conscience humaine, de l’homme individuel lui-même. Hors ce changement, on retombe au pas précédent. C’est du moins comme ça que je vois le monde, mais il est vrai que je suis Lucien et un âne. Quoi qu’il en soit, tissons le linceul de ce vieux monde global, prometteur, vantard et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


 

 

Je suis arrivé,

Je suis arrivé,

Ici en Amérique,

Ici en Amérique,

 

Comme un qui ne compte pas,

Un qui compte pour rien,

Qui ne compte pas,

Qui compte pour rien.

 

Ici en Amérique,

Ici en Amérique.

 

Le premier mot que j’ai appris

C’était « Très bien

Très bien, très bien.

Très bien, très bien, très bien ».

 

Ici en Amérique,

Ici en Amérique.

 

Ensuite, j’ai appris

À manger tout le jour, tous les jours,

Manger toujours

Des haricots et du riz riz riz riz.

 

Haricots et riz,

Haricots et riz.

 

Les gens que je rencontrais

Me parlaient et souriaient aussi

Ils me parlaient et me disaient

Ils me disaient ainsi :

 

Tout pousse, tout grandit

Vite, vite, tout pousse

Tout pousse, tout pousse

En Amérique, ici.

 

Ici en Amérique,

Ici en Amérique.

 

Moi j’ai travaillé, travaillé tant

Travaillé dur, travaillé tellement

Pour changer ma vie avec vaillance,

Avec patience, pour changer mon existence.

 

Ma vie, mon existence,

Ma vie, mon existence.

 

Mais c’est là que j’ai appris

Okay okay okay : oui, oui, oui,

Ce que je savais déjà,

Je savais déjà

 

Que partout dans le monde

Partout dans le monde,

Il y a un maître qui veut faire

Veut faire de nous.

 

Veut, veut, veut faire

Ses esclaves, ses serviteurs ;

Faire de nous, faire

Ses esclaves, ses serviteurs.

 

Excusez mes amis et camarades si,

Cette chanson n’est pas de la poésie

Mais c’est une chanson qui

De l’âme, qui de l’âme de l’âme, qui

 

Vient de l’âme,

Vient de l’âme.

 

Et en pleurs, je vois pendre, sans rémission,

Je vois, je vois se balancer

Tous les camarades qui n’ont, n’ont

Rien à, rien à, rien à manger.

 

Et pour manger,

Et pour manger,

 

Ils n’ont pas la force,

Ils n’ont pas la force, oui

Ils n’ont pas vraiment pas la force

De lever les bras et ainsi, amis,

Oui, ils ont vraiment faim, oui.

 

Pour de vrai, oui,

Pour de vrai, oui.

 

Mais cette expérience réelle de, de, de,

De ce nouveau monde

Mais cette expérience vivante de, de, de,

De ce nouveau monde

M’a appris que, que, que

 

Dans le monde entier,

Oui, entier, il faut changer,

Il faut changer.

Il faut changer

Dans le monde entier, pour changer,

Pour changer le monde entier.

 

Pour changer le monde,

Pour changer le monde.


 

L’AMÉRIQUE, LE RIZ ET LES  HARICOTS
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Published by Marco Valdo M.I.
28 novembre 2020 6 28 /11 /novembre /2020 21:07
AH ! MÉRIQUE, MÉRIQUE !

 

Version française – AH ! MÉRIQUE, MÉRIQUE ! – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Merica, Merica – anonyme – circa 1900

 

GLI EMIGRANTI

Angelo Tommasi1896

 

 

 

 

La chanson est composée de deux parties : la première (texte anonyme et musique de Cantovivo) est la présentation de l’Amérique comme un pays idéal, la Mecque du prolétariat. La seconde (recueillie à Seregno par Maria Adelaide Spreafico) est la survie forcée des émigrants dans ce pays de rêves et de chimères.

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Écoute bien ceci, Lucien l’âne mon ami, car ça vaut la peine de l’expliquer, ça vaut la peine de connaître la peine que cette chanson m’a donnée.

 

Oh, dit Lucien l’âne, il vaudrait mieux dire la peine que tu t’es imposée à toi-même.

 

Oui, sans doute, dit Marco Valdo M.I., mais quand même voici l’histoire. J’étais occupé à la version française d’une autre chanson italienne America, riso e fagioli quand transcrivant notre dialogue à son sujet, je me suis souvenu d’une chanson au thème proche Merica Merica d’Angelo Giusti, dont j’avais fait une version française, et par la même occasion, j’ai découvert qu’il existait une autre portant ce même titre, c’est-à-dire celle-ci. Ce sont deux chansons de la fin du XIXe siècle, quasiment contemporaines l’une de l’autre ; déjà à l’époque, le rêve américain (american dream) faisait des ravages (en Italie, comme partout en Europe) au point de susciter des chansons. Cet American dream s’est traduit en Italie, dans le langage populaire par le mot « Merica » et on donnait à ceux qui revenaient au pays, plus ou moins nantis, le surnom d’Americano ou Mericano. Par ailleurs, déjà à ce moment, comme les chansons le racontent, c’est un rêve parfois abouti et l’exilé rentre au pays enrichi et s’installe ; parfois, le rêve tourne au cauchemar et dans le meilleur des cas, s’il ne meurt pas de misère au bout du monde, l’exilé rentre aussi au pays, mais ruiné. On le surnomme aussi l’Americano.

 

Je pense que cette aventure, dit Lucien l’âne, je l’ai aussi entendue raconter plus récemment, vécue par des émigrants semblables, avec les mêmes rêves et les mêmes déceptions, qui venaient d’Asie ou d’Afrique ici en Europe.

 

De fait, dit Marco Valdo M.I., dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour conserver leurs privilèges, accroître leurs richesses, renforcer leur domination, les mêmes effets surgissent des mêmes causes.

 

Au passage, dit Lucien l’âne, j’ai oui dire qu’aux Zétazunis, ce sont des immigrés latino-américains récemment installés qui s’opposent le plus à l’accueil de nouveaux immigrants tout aussi latino-américains. Allez comprendre l’humanité !

 

Donc, pour en revenir à la chanson, reprend Marco Valdo M.I., comme je voulais citer quelques vers de l’une et de l’autre, il m’a bien fallu commencer par faire la version française de celle-ci.

 

Oh, dit Lucien l’âne, c’est juste un détour et puis, du coup, on va avoir deux nouvelles chansons pour le prix d’une. Je m’en réjouis. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde prometteur de beaux jours, menteur, impitoyable et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


 

 

 

O chers frères, maintenant écoutez, je vous prie :

De nombreux travailleurs quittent l’Italie.

Laissant la terre et l’air si bons,

Pour travailler en Amérique s’en vont.

 

On gagne bien six lires par jour, là-bas,

Vêtus légers, mais bien logés,

Soumis à des patrons comme des soldats.

Si vous travaillez, il y a plus de liberté.

 

Ah ! Mérique, Mérique, Mérique !

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

 

Le voyage nous coûte, mais tout est payé.

Par qui d’Italie, les travailleurs attend ;

Qu’il paye d’avance avec du bon argent,

S’il veut nos bras pour travailler.

 

L’Amérique est bien plus grande que l’Italie.

les terres sont des bois, des vallées et la prairie.

Pour ceux qui y vont, on a déjà préparé

Les équipes de la colonie à travailler.

 

Ah ! Mérique, Mérique, Mérique !

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

 

Bosser, travailler et ne jamais s’arrêter

Et on sera bientôt riche et instruit.

En Amérique, on laissera nos ennuis,

Et on reviendra avec l’or acheter des propriétés.

 

J’ai quitté mon foyer, j’ai laissé mon amour

Pour aller par terre et par mer voyager.

Si je peux d’Amérique revenir un jour,

Je jure de ne plus jamais travailler.

 

Ah ! Mérique, Mérique, Mérique !

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique, Mérique, Mérique,

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

Mérique… au travail !

AH ! MÉRIQUE, MÉRIQUE !
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Published by Marco Valdo M.I.
24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 11:17
FRONTIÈRES

 

Version française – FRONTIÈRES – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson catalane – FronteresSopa de Cabra2020

 

Fronteres – FRONTIÈRES est une chanson sur les réfugiés qui, contrairement à l’argent, se heurtent aux frontières et n’ont pas de paradis.

 

 

Esili – Exilés

Tableau du peintre catalan

Josep Franch Clapers – 1939

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Comme on le sait, Lucien l’âne mon ami, une fois n’est pas coutume.

 

Euh, oui, dit Lucien l’âne, mais ensuite ?

 

Une fois n’est pas coutume, répond Marco Valdo M.I., car je vais te raconter l’histoire du peintre, auteur d’une série de tableaux qui pourraient illustrer cette chanson. En l’occurrence, celui qui a retenu mon attention est une peinture intitulée Exili (en français, comme tu t’en doutes : Exilés), qui a été peint en quelque sorte « à chaud », par un jeune homme de 24 ans, exilé républicain espagnol, un Catalan, en 1939 : Josep Franch Clapers.

 

Ah, dit Lucien l’âne, parler d’un tableau, d’un peintre catalan, de la République espagnole à propos d’une une chanson, voilà qui est curieux, dit Lucien l’âne. Moi aussi, je suis curieux d’entendre ton histoire.

 

D’abord, reprend Marco Valdo M.I., si je prends la peine de la raconter, cette histoire, c’est qu’elle rappelle à certains égards l’histoire de Joseph, le héros malgré lui de « Dachau Express ». Première coïncidence, ce peintre catalan s’appelle aussi Joseph : pour le Sarde : Giuseppe ; pour le Catalan, Josep – cependant, si Giuseppe, qui finit sa vie en Belgique, se faisait appeler en français, Joseph ; Josep, qui a fini sa vie en France, se faisait appeler par son nom francisé, Franc. Donc, tous les eux ont en commun d’avoir été – jeunes gens – pris dans la tourmente qui emportait le monde autour d’eux et d’entrer en résistance (« Ora e sempre : Resitenza ! » – Lo avrai camerata Kesselring) face aux fascismes. En l’occurrence, Franc jusque-là menait une vie tranquille ; venu de son village où son père était maréchal-ferrant, il étudiait le dessin et la peinture, les beaux-arts et entamait une carrière de peintre. C’était en 1936 à Barcelone. Alors, éclate soudain la rébellion militaire d’une partie de l’armée espagnole et la guerre civile s’ensuit, qui emporte Franc – et des millions d’autres – dans les combats contre les franquistes. En 1939, trahie, démantelée de l’intérieur, la République s’effondre et comme nombre de républicains, Franc fuit en France et se retrouve dans un camp de réfugiés. Il va témoigner de ces moments de la Retirada et des camps français en peintre : multipliant les techniques : dessin, croquis, esquisse, fusain, lavis, peintures. Une autre coïncidence entre ces deux destins : comme Joseph, le déserteur, qui fut remis aux fascistes italiens :

 

« Mineur, résistant, mais étranger

Mineur, résistant, étranger et dénoncé

Pieds et poings liés remis

Aux fascistes de Mussolini.

Pieds et poings liés remis

Aux fascistes de Mussolini. »

(Le Fils ressuscité)

 

Franc fut remis aux Allemands. Il parvient à échapper aux nazis et comme Joseph, il entre dans la clandestinité quelque part en Provence. Comme Joseph également, la guerre terminée, il épousera une Française, la fille de ceux qui l’avaient accueilli. À la fin de sa vie (il décède en 2005), il offre une part importante de son œuvre à la Catalogne.

 

Voilà toute une aventure, dit Lucien l’âne, et bien des coïncidences entre ces destinées contrariées. Mais, dis-moi, la chanson, que raconte-t-elle ?

 

Bonne question, en effet, Lucien l’âne mon ami, on l’aurait presque oubliée, cette chanson. Mais rassure-toi, il n’en est rien. Donc, elle raconte l’exil, les exilés, vus par ceux qui restent ; un peu ce qui est arrivé à beaucoup d’Espagnols lors de la Retirada de 1939 ; mais dans ces transhumances humaines, s’il y en a toujours qui partent, il y en a toujours qui restent, qui espèrent que l’exilé pourra réussir son exil et qu’il pourra les aider. Disons que la chanson parle de tous les exils et de tous les exilés de tous les temps – et dès lors de ceux d’aujourd’hui qui frappent aux portes closes d’Europe et d’ailleurs et aussi, de ceux qui sont restés en arrière, qui ont voulu rester en arrière. Dans l’ensemble tout ça ressemble à la quadrature du cercle, un tourbillon infernal et une problématique forcément complexe qui ne peut se résoudre par le simple jeu des vases communicants. Quand même un dernier mot pour signaler que cette chanson est un dialogue entre celui – celle qui part et celui – celle qui reste ; ou l’inverse. Allez savoir !

 

Oui, dit Lucien l’âne, allez savoir ! Ce qui est certain, c’est que les exils se suivent et se ressemblent ; ce qui est certain aussi, c’est ce n’est pas près de cesser. Et qu’y pouvons-nous, sans doute pas grand-chose ; en parler un peu, c’est déjà quelque chose, une étincelle dans le magma du cerveau commun de l’humanité.

 

Essayons, interrompt Marco Valdo M.I., toutefois de nous conformer à la supplique que le doyen de la cathédrale Saint-Patrick de Dublin, probablement athée, l’ironique écrivain Jonathan Swift, fit inscrire, en 1745, sur sa tombe :

 

« Ubi sæva Indignatio

Ulterius

Cor lacerare nequit.

Abi Viator

Et imitare, si poteris,

Strenuum pro virili

Libertatis Vindicatorem. »

 

qu’on traduit en français :

 

« Ici repose la dépouille de Jonathan Swift, D.D., doyen de cette cathédrale, qui désormais n’aura plus le cœur déchiré par l’indignation farouche. Va ton chemin, voyageur, et imite si tu le peux l’homme qui défendit la liberté envers et contre tout. »

 

Allons, dit Lucien l’âne, il ne faut pas désespérer pour autant et tisser le linceul de ce vieux monde tristounet, exileur, massacreur, indigne et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Tous les chemins sont fermés

Et la nuit renaît, elle ne finit jamais.

Il y a tant de gens qui attendent

Et la pluie tombe sur leurs têtes.

 

Sous un ciel qui n’a pas de fin,

Ils vont demandant qui a la clé.

Reste avec moi, ne pars jamais !

 

Ils disent que les fleuves portent à la mer ;

Aujourd’hui, tous les cœurs se sont envolés !

Ils disent que nous devons atteindre la terre,

Mais les navires sont aussi arrêtés.

 

Sous un ciel qui grandit toujours,

Ils demandent s’ils arriveront un jour.

Ne me quitte pas, non ! Pourquoi s’en vont-ils ?

Reste , ne pars jamais !

 

La la la la la…

 

Sur la glace, qui se brise maintenant,

Nous nous demandons, si nous arriverons.

Reste ici avec moi : emmène-moi au ciel !

Ne me laisse pas seul, ne pars jamais !

 

La la la la la…

 

Toutes les lumières se sont éteintes

Et les gens viennent toujours là attendre.

Tous les chemins sont fermés :

Nous trouverons une façon d’y arriver !

 

FRONTIÈRES
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Published by Marco Valdo M.I.
21 novembre 2020 6 21 /11 /novembre /2020 21:32

 

LA VILLE

Version française – LA VILLE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – La cittàYu Kung – 1977


 


 

 Les Maisons

Chaim Soutine, 1921



 


 

Dialogue Maïeutique


 

 

Cette chanson, c’est une histoire, dit Marco Valdo M.I., l’histoire d’une ville, d’une de ces petites villes récentes qui font les banlieues et qui, au bout d’un moment, s’en vont à vau-l’eau, suivant le courant chaotique de l’économie et du profit. Ce sont des choses qui arrivent dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour maintenir leurs profits, consolider leurs richesses, se débarrasser de tout ce qui entrave leur progrès.


 

Oui, dit Lucien l’âne, je vois ça ; j’en ai traversé de ces champignons nés au temps où l’Europe s’industrialisait et où elle modernisait son paysage industriel, passant de la grande concentration à une dissémination de plus petites unités de production disséminées au bord des routes. Et quelques temps plus tard – on n’arrête pas le progrès, la dite-production par secteurs entiers s’en est allée au bout du monde, et depuis, même de là, elle s’est évaporée pour un autre bout du monde cherchant des pauvres encore plus misérables, encore plus malléables, abandonnant ces petites villes (et leurs habitants) à leurs déliquescents destins, répétant ce qui avait été fait avant aux grandes cités ouvrières quand les monstres de la grande industrie se sont effondrés.


 

C’est ainsi, en effet, Lucien l’âne mon ami, que ces ex-El Dorado sont devenus des dépotoirs et ont lâché prise. Tout y a trop vite vieilli, tout s’est dégradé, la vie quotidienne s’y est abîmée. Parmi ceux qui vivent là, ceux qui arrivent encore à trouver un travail doivent aller le chercher ailleurs, plus loin, autre part. On les entend partir le matin au premier car, au premier train et revenir le soir quand tout est déjà obscur. Ils avaient cru pourtant un temps à ces quartiers nouveaux, à ces maisons modernes, à ces rues nouvelles devenues de vraies poubelles.

 

« On a fait de la ville

Quelque chose d’incivil,

On a fait de la cité

Un îlot déglingué»

 

Mais malgré ça, la chanson évoque un chant d’espoir – l’espoir, toujours l’espoir, une lamentation de combat peut-être prometteuse :

 

« Vient un chant bizarre

Qui réclame une cité

Moins barbare,

Une ville de maintenant

Qui plaît aux gens. »

 

Oh, dit Lucien l’âne, ça me rappelle la chanson de Brel, La Quête, qui disait :

 

« Rêver un impossible rêve,

Porter le chagrin des départs,

Brûler d’une possible fièvre,

Partir où personne ne part »

 

D’ailleurs, dans ces cités, au moment de l’effondrement, les plus réactifs avaient pris le chemin de l’exil, mais à mon sens, c’était reculer pour mieux sauter. Regarde, la chanson est ancienne et elle semble d’actualité, et elle paraît décrire des villes d’aujourd’hui, mais c’est tout simplement parce que cette maladie des villes est endémique. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde malade, ravagé, triste, obscur et cacochyme.


 

Heureusement !


 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


 

Des pavillons à l’infini,

Un nuage de fumée,

Des rangées de baraques, des taudis,

Des ordures partout disséminées

Et un peu de lumière autour

Pour voir si naît un autre jour,

Ont fait de la ville

Quelque chose d’incivil.
 

Un cinéma et un bar

Pour trop de gens

Entassés dans le ciment.

Par heure, un car

Pour se rendre

Dans le centre

Et autour du quartier,

Un fleuve de moustiques et de cheminées

A fait de la cité

Une oasis déglinguée.
 

Des ateliers

Vient un chant bizarre

Qui réclame une cité

Moins barbare,

Une ville de maintenant

Qui plaît aux gens.

 

Hé, petit, écoute, c’est presque le soir,

Il est temps de rentrer

Dans ton ghetto, dans le noir,

Par ce train bondé

De banlieusards.

Un peu de lumière autour,

Pour voir si naît un autre jour,

On a fait de la ville

Quelque chose d’incivil,

On a fait de la cité

Un îlot déglingué.


 

LA VILLE
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Published by Marco Valdo M.I.
20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 18:03

 

 

LES SONNAILLES

 

 

Version française – LES SONNAILLESMarco Valdo M.I. – 2020

d’une chanson francoprovençaleLi SounalhéAnonyme – transcription : Enrica Vottero – 2003

 

 


 


 

 

Sonnailles en Provence

 


 

 

C’est une chanson en francoprovençal (graphie à préférer à franco-provençal), la langue du sous-groupe Galloroman qui comprend la langue d’oïl et l’occitan. Bien qu’elle ait de nombreuses affinités, elle se distingue de ces dernières. En Italie, c’est la langue d’une minorité, résidant dans le Val d’Aoste et dans les vallées piémontaises du sud, protégée par la loi.

Les paroles de la chanson ont été adaptées à une mélodie antérieure, apparemment dans la tradition de l’église vaudoise. Nous devons à Mme Enrica Vottero sa redécouverte. Elle faisait en effet partie du répertoire de son père, violoniste. Il faisait partie d’un groupe d’amis qui, dans cette région des vallées, s’appelaient « li sounalhé », les musiciens.


 

[Riccardo Gullotta]

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui me va droit au cœur et je suppose que tu devines pourquoi.

 

Certainement, répond Lucien l’âne, car elle exprime la joie de ces persécutés que furent les disciples de Valdo (qui avaient dû fuir les sbires de l’Église catholique jusqu’en Bohême pour certains et dans les hautes vallées alpines pour d’autres) de vivre en paix dans leurs montagnes, où ils s’étaient réfugiés, et de fêter le printemps et le rassemblement des brebis au départ vers les pâturages. J’ai été témoin et j’ai accompagné leurs grandes transhumances à travers un millénaire.

 

Si tu as compris tout ça, Lucien l’âne mon ami, tu as aussi compris que c’est un chant de résistance, un chant de vie. Maintenant, il faut rappeler que cette persécution tient essentiellement au fait que ces persécutés, s’appuyant sur les seuls textes de légende disponibles (en fait, la Bible), mettaient en cause l’ordre des puissants et des riches.

 

Bref, dit Lucien l’âne, au milieu de  la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres, ils menaient la tranquille et pacifique résistance des pauvres contre l’ordre établi si profitable aux riches et à l’exploitation.

 

En effet, dit Marco Valdo M.I. ; maintenant, pour ce qui est de la chanson, que cache-t-elle sous ses airs festifs, comme c’est souvent le cas avec les chansons anciennes, telles qu’elles nous parviennent sous leur gangue folklorique ? Il faut donc l’interpréter. Et d’abord, il me paraît que le mot « sounalhé » est en francoprovençal le mot pluriel pour « sounalha », qu’on peut traduire par « sonnaille ». Les « sonnailles », c’est le bruit que font les clochettes quand se rassemblent et se déplacent les brebis. Ce sont aussi les joyeux tintements qui augurent du printemps et marquent le passage des années, souvent avec une fête. Je pense aussi qu’il faut entendre les « sonnailles » comme le chant des brebis – au sens chrétien, cette fois et tout ça me paraît s’accorder avec les rythmes des villages de montagne et leurs pasteurs. C’est dans ce sens que j’ai établi cette version française.

 

Évidemment, conclut Lucien l’âne, vue comme ça, la chanson prend une tout autre dimension. Cependant, depuis le temps, le tourisme a fait de ces retrouvailles des événements qui drainent dans les villages d’autres foules que les brebis et fait perdre la mémoire et le sens de cette chanson. Mais assez causé, tissons le linceul de ce vieux monde bien établi sur ses bases inéquitables, persécuteur, maugréant et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

À l’heure où sortent à l’air frais,

Les troupeaux au grand complet,

Tous courent en pagaille

Pour écouter les sonnailles.

 

Vingt-cinq anes sont passées,

La soixantaine n’est pas encore arrivée,

Nous sommes dans le meilleur de la vie aux sonnailles.

 

Sortez, les amis,

Même pieds nus et sans habits,

On ne sent pas le froid en écoutant les sonnailles.

 

Vingt-cinq anes sont passées,

La soixantaine n’est pas encore arrivée,

Nous sommes dans le meilleur de la vie aux sonnailles.

 

Et s’il vous vient l’envie

D’aller quérir une bouteille d’eau de vie

Ou du meilleur vin, nous ferons la fête aux sonnailles.

 

Vingt-cinq anes sont passées,

La soixantaine n’est pas encore arrivée,

Nous sommes dans le meilleur de la vie aux sonnailles.

 

LES SONNAILLES
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Published by Marco Valdo M.I.

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