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17 avril 2019 3 17 /04 /avril /2019 17:59

 

LES AIGLES ERRANTS

 

Version française – LES AIGLES ERRANTS – Marco Valdo M.I.2019

Chanson italienneAquile randagieStefano "Cisco" Bellotti2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Aigles Errants étaient un groupe scout clandestin de milan, qui a commencé ses activités en 1928 (après la dissolution du scoutisme catholique italien en faveur de l’opera nazionale balilla – formation de jeunesse fasciste), avec la promesse de résister « un jour de plus du fascisme » ; il continua son activité clandestine de résistance jusqu’à la fin de la guerre. Après l’armistice (1943), dans la zone occupée par les Allemands et les fascistes, à partir des Aigles Errants, ils fondèrent l’OSCAR (Opera Scout Cattolica Aiuto RicercatiOeuvre Scout Catholique d’Aide aux Recherchés) pour fournir de faux documents et aider les Juifs, les appelés et les fugitifs politiques à émigrer en Suisse. Cette petite structure, malgré les poursuites et la répression, réussit à expatrier 2166 clandestins et à distribuer 3000 faux documents.

 

 

 

Nous sommes des aigles errants

Qui volent haut dans le ciel ;

Nous sommes de jeunes fidèles rebelles

Qui combattons l’uniforme noir.

C’est nous qui sommes dans les bois –

Cœur libre, sincère regard.

Nous sommes ceux qui du matin au soir

Résistent au monde entier, pas à pas.

 

 

Estote parati ! Toujours prêts !

C’est le cri que nous avons à la bouche.

Estote parati ! Toujours prêts !

Retrouvons-nous ce soir où l’aigle vole.

 

 

Bottines pleines de boue,

L’uniforme caché dans la cantine,

Pas rapides et échine droite,

Pour aller le matin en montagne ;

Il y a des gens à sauver,

À mener par-delà la frontière.

Marcher, se cacher encore ;

Jusqu’au bout, résister.

 

 

Estote parati ! Toujours prêts !

C’est le cri que nous avons à la bouche.

Estote parati ! Toujours prêts !

Retrouvons-nous ce soir où l’aigle vole.

 

 

Nous sommes des aigles errants

Qui volons haut dans le ciel ;

Nous sommes de jeunes fidèles rebelles

Qui résistons au monde entier ;

Se taire n’est pas possible

À lutter, nous devons tant :

Amour, folie et courage,

C’est ce qui nous pousse en avant.

 

 

Estote parati ! Toujours prêts !

C’est le cri que nous avons à la bouche.

Estote parati ! Toujours prêts !

Retrouvons-nous ce soir où l’aigle vole.

 

Nous sommes des aigles errants

Qui volons haut dans le ciel

Nous sommes de jeunes fidèles rebelles

Qui résistons au monde entier

Se taire n’est pas possible

À lutter, nous sommes tant

Amour, folie et courage

C’est ce qui nous pousse en avant.

 

 

Estote parati ! Toujours prêts !

C’est le cri que nous avons à la bouche.

Estote parati ! Toujours prêts !

Retrouvons-nous ce soir où l’aigle vole.

 

 LES AIGLES ERRANTS
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Published by Marco Valdo M.I.
16 avril 2019 2 16 /04 /avril /2019 19:48

 

La Confination

 

 

Lettre de prison 22

 

28 mai 1935

 

 

 

 

Carlo Rosselli

 Peinture de Carlo Levi

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique 

 

 

Lors donc, Lucien l’âne mon ami, nous voici au 28 mai 1935 et la lettre de Levi parle de confination.

 

Au fait, questionne Lucien l’âne, qu’entend-on exactement par confination ? – autant éclaircir les choses dès le début.

 

C’est nécessaire, en effet, Lucien l’âne mon ami, d’autant plus que, comme tu le sais certainement, quand on change de langue, il faut changer de mot et même que d’un pays à l’autre, pour ce qui est apparemment la même chose, dans la pratique, les choses soient très différentes. C’est le cas ici. Je m’explique en ce qui concerne ce terme de confination. J’avais au départ imaginé utiliser le mot relégation, car c’était le mot ou plutôt la chose qui se rapprochait le plus de ce que désigne en italien, le mot « confino ». Donc, la relégation est une sanction pénale française qui, en gros, oblige quelqu’un – le relégué – à résider ou à être interné hors du territoire métropolitain – c’est-à-dire fort loin, car le but est de se débarrasser de condamnés particulièrement dangereux. Excellente définition, mais elle ne s’applique pas aux condamnés « politiques », auquel s’applique la déportation, terme auquel j’aurais dû finalement me rallier. Maintenant, le mot italien est « confino » et il s’agit d’une «  Pena restrittiva della libertà personale consistente nell’obbligo di dimorare in un luogo appartato e lontano. Trasformato nel 1930… » – « Peine restrictive de la liberté personnelle consistant en l’obligation de demeurer dans un lieu à l’écart et lointain… Transformé en 1930… » en une sanction politique qui relève de l’Ovra et du Tribunal spécial, dont dépendent ces « magistrats » et « fonctionnaires » qui s’occupent du cas de Carlo Levi ; ce sont eux qu’il rencontre et qui l’interrogent et le surveillent depuis des années. Donc, ici, j’allais dire « déportation » et non, ce serait encore inexact. J’ai finalement opté pour le néologisme « confination », du moins dans cette acception particulière. Cette « confination » est donc un exil intérieur, dans un lieu isolé dans région reculée ou dans une île.

 

Si je résume, Marco Valdo M.I., tu as dû trouver un mot particulier pour désigner une pratique particulière, le « confino » ou l’exil intérieur à l’italienne, exil qui nécessite un pays assez grand pour créer l’éloignement. On a tous en mémoire l’exemple de la Russie où trouver de l’éloignement à l’intérieur du pays est assez simple.

 

Donc, Lucien l’âne mon ami, cette « confination », ce « confino », comme je viens de te le signaler, venait d’être « adapté » aux besoins du régime fasciste en en confiant la gestion au tribunal spécial et à l’Ovra (police politique), car le-dit régime fasciste ne pouvait se permettre d’exiler ses opposants, car ils avaient alors tendance à se grouper, à s’organiser et à organiser la résistance à partir de l’étranger ; il pouvait encore moins les fusiller, c’était gênant pour l’image du régime vis-à-vis de la population, mais surtout de l’étranger et il ne voulait (ni ne pouvait) laisser les opposants sur place dans leur milieu de vie et d’influence et au cœur de leur réseau de connaissances et d’organisation. Il lui fallait couper les têtes sans les couper ; il fallait étêter l’opposition – sans assassiner comme il l’avait fait pour Giacomo Matteotti et comme il le fera, un peu plus tard, pour les frères Carlo et Nello Rosselli. Ainsi, le mot « confination », c’est le point central de cette canzone, de cette lettre qui annonce les décisions à venir et comme c’était le but et la nécessité depuis le départ, il s’agit pour Carlo Levi de ménager sa famille, mais surtout de transmettre l’information par ce biais à « qui de droit », comme on dit. Le reste de la lettre est une variation sur les thèmes usuels : le temps, le plaidoyer d’innocence et les préoccupations d’artiste.

 

Voyons voir ça, dit Lucien l’âne, et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde carcéral, assassin, menteur, bluffeur et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

J’attends avec plaisir

Le moment de sortir

Au soleil pour m’allonger

Dans la cour et le laisser

Doucement me réchauffer.

 

Cette histoire de prison

Qui s’est répétée

Est un habit de confection,

Une soupe réchauffée,

Une chose connue, une resucée.

 

Prison et peine

N’ont pas de sens

Pour l’innocence

Et la conscience

Est souveraine.

 

Ils m’ont avoué cette fois

Qu’ils vont m’envoyer en confination,

Car je suis suspect par mes relations

Politiques. Mais je suis peintre, moi,

Qu’ai-je à faire de tout ça ?

 

Donc, ce sera la confination,

Sauf si je convaincs la Commission

De mon absolue innocence.

En cela, j’ai tout à fait confiance ;

On ne peut que me donner raison.

 

Où en est l’exposition ?

Et de mon prix, que sait-on ?

Mais j’oublie

On ne donne pas un prix

À un bandit.

 

 

La Confination
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Published by Marco Valdo M.I.
15 avril 2019 1 15 /04 /avril /2019 17:29

 

 

LA COMPTINE ADULTE

 

 

Version française – LA COMPTINE ADULTE – Marco Valdo M.I. – 2019

Chanson allemande – Kein KinderliedMascha Kaléko1968

 

Poème de Mascha Kaléko (née Golda Malka Aufen, 1907-1975), poétesse juive polonaise, originaire de Galice austro-hongroise.

Un poème mis en musique, par exemple, par Jörg Hofmann in « Mascha Kaléko - Den Herbst im Herzen, Winter im Gemüt ».

 

Mascha Kaléko

 

 

 

Golda Malka Aufen, alias Mascha Kaléko, est née en Galicie dans une famille juive d’origine russe. Suite à la Guerre et à la misère qui s’ensuivit, la famille fuit en Allemagne, où Macha a grandi à Marbourg, puis à Berlin où elle poursuit des études de secrétaire. En 1928, elle épouse un enseignant, Saul Aaron Kaléko. En 1930, elle commence à publier des poèmes dans la presse. Ses œuvres la font rapidement connaître. Elle fréquente le « Romanisches Café », fréquenté par les journalistes, les écrivains et de façon générale, l’intelligentsia berlinoise.

En 1933, avec l’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne, son nom se retrouve sur la liste des auteurs interdits, comme les autres écrivains juifs. Elle s’exile (juste à temps) en 1938 à New York avec son deuxième mari, le musicologue Chemjo Vinaver. Elle revint vivre à Berlin en 1956, le temps d’être consacrée par le prix Fontane, qu’elle refuse, car elle devait le recevoir des mains d’un ancien officier nazi. Juste après, elle alla s’installer à Jérusalem en 1960.

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une comptine adulte et en plus, elle parle du voyage, du voyage qui toujours mène nulle part ou peut-être, devrait-on dire jamais quelque part. Qu’en penses-tu, toi qui erres depuis tant et tant de temps ?

 

Marco Valdo M.I. mon ami, tu devrais savoir qu’un âne n’est pas censé parler, il n’est même pas censé être sensé. Pourtant, comme tu m’interroges, je m’en vais te répondre. D’abord pour fixer le contexte de ma réponse. Pour commencer, j’aimerais insister sur ceci que cette comptine de Mascha Kaléko s’appuie sur sa propre histoire, sur cette vie où comme des milliers et des milliers de familles juives, elle erra de Silésie, en Allemagne, d’Allemagne en Amérique, puis, elle finit son parcours en Israël. Comme je ne sais trop quand ce texte a été réellement pensé et écrit, je ne fixerai pas les choses. Mais ce qui me frappe, c’est que sa vie alla ainsi brinquebalant d’un refuge à l’autre – fuir la Pologne, la peur et la misère, puis devoir fuir l’Allemagne devenue nazie… et que cette comptine adulte reflète cette bousculade. J’ajouterais que dans la Guerre de Cent Mille Ans, c’est un destin partagé par énormément de gens. Sa chanson est universelle, cette comptine est celle de tous les déplacés, de tous les réfugiés, de tous les exilés.

 

Ainsi, Lucien l’âne mon ami, la comptine, généralement destinée aux enfants, aux petits enfants, par la grâce de la poétesse, est devenue adulte. Ce n’est pas la seule comptine du genre, surtout quand la comptine est prise dans le tourbillon de la guerre et qu’elle dit l’effroi du monde ; juste deux exemples : une comptine d’Ilse Weber Theresienstädter KinderreimComptine de Thérésine et de Fritz Löhner-Beda, la Kindermärchen – La Marche des Enfants, la « marche » étant elle-même une sorte particulière de chanson ; en réalité, la traduction exacte serait : Le Conte enfantin, qui serait l’antonyme de la comptine adulte.

 

Certes, dit Lucien l’âne, il y aurait encore beaucoup à dire sur les comptines et sans doute, en viendra-t-il encore – les mêmes causes (exil, déportation, fuite) causant les mêmes effets : les plaintes des gens frappés par le malheur prennent alors les allures de complaintes. En attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde plein de malheurs et d’exil, de guerres et de vexations, effrayant, mortel et cacochyme.

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

 

 

Où que j’aille en voyage,

J’arrive toujours nulle part.

Les valises encombrées de bagages,

Le cœur empli de cafard.

Aussi solitaire que le vent du désert,

Aussi apatride que le sable :

Où que j’aille en voyage,

J’arrive toujours nulle part.

Où que j’aille en voyage,

J’arrive toujours nulle part.

 

 

Les forêts ont disparu,

Les maisons ont brûlé.

D’autres, je n’en ai pas trouvées.

Personne ne m’a reconnu.

Et quand l’étrange oiseau a crié,

Je me suis envolée.

Où que j’aille en voyage,

J’arrive toujours nulle part.

Où que j’aille en voyage,

J’arrive toujours nulle part.

 

LA COMPTINE ADULTE
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Published by Marco Valdo M.I.
14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 20:24

 

La Sagesse de la Nation

 

 

Lettre de prison 21

24 mai 1935

 

Jacopo da Barbari

 

Luca Pacioli et son disciple (1495)

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

En fait, Lucien l’âne mon ami, le titre « La Sagesse de la Nation » aurait dû être plus long, mais pour toutes ces lettres de prison, j’ai définitivement opté pour des titres courts.

 

Bonne idée, Marco Valdo M.I., mais du coup, tu m’intrigues. Qu’aurait été ce titre court, s’il avait pu être long ?

 

Bonne question, Lucien l’âne mon ami, il aurait été formulé comme ceci : « La Sagesse de la Nation, de la Justice et de la Raison », mais tout compte fait, ce n’était pas nécessaire et je vais te dire pourquoi. Vois-tu, mon ami l’âne Lucien, quand on choisit un titre, il faut savoir pourquoi. Dans mon cas, je veux dire, dans ce cas-ci, j’utilise le titre pour attirer l’attention sur le point focal de la canzone. Ceci vu qu’une chanson parle de diverses choses et qu’il faut bien lui faire exprimer un caractère qui la distingue de toutes les autres. Pour mieux me faire comprendre, j’aurais pu intituler tout simplement « Lettre de Prison » toutes les chansons de cette compilation qui elle-même s’intitule « Lettres de Prison ». Et pour chacune, ç’aurait été un titre exact. Cependant, on aurait eu beaucoup de mal à les différencier. Évidemment, j’aurais pu les nommer : Lettre de Prison 1, Lettre de Prison 2, et ainsi de suite et d’une certaine manière, sous un certain angle, ce pouvait être une excellente formule. Elle aurait reflété la monotonie de ce séjour en isolement. J’aurais pu mettre comme titres : Lettre de Prison du 17 mars 1934, et ainsi de suite. D’ailleurs, le numéro et la date figurent en sous-titre à chaque chanson.

 

Bien sûr, dit Lucien l’âne, et à la vérité, ça n’aurait pas manqué d’ordre et de clarté.

 

Certainement, Lucien l’âne mon ami, mais c’eût été un peu monotone comme les longs sanglots d’un violon et surtout, c’eût été manquer de poésie et la table aurait tous les airs d’un livre comptable ou d’un abaque de références dont raffolent les gens de sciences et les mathématiciens ou d’un inventaire de huissier ou de notaire.

 

Quelle horreur, Marco Valdo M.I. mon ami ! En matière d’inventaire, je préfère celui de Prévert, qui est d’un modèle plus poétique.

 

C’est dans ce sens-là qu’il faut considérer la chose, reprend Marco Valdo M.I.. Les titres donnent un parfum poétique à la chanson et une fois rassemblés sur une table, ils constituent eux-mêmes un singulier poème. Ils content toute l’histoire.

 

Oh, dit Lucien l’âne, on reste rêveur devant une telle table. Parfois même, à condition d’avoir lu le livre, on peut le reparcourir rien qu’en le regardant ; c’est fascinant. Mais que me dis-tu de cette lettre de prison ?

 

Rien qu’elle ne te dira mieux elle-même, répond Marco Valdo M.I.. Laissons-la faire !

 

Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, comme tu dis, laissons chanter la canzone et tissons au point d’ironie le linceul de ce vieux monde monotone, sage, juste raisonnable et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Cette admonition

Qui dure depuis un an

Est comme une autre prison

Et ce deuxième emprisonnement

Tuent la création.

 

Pourtant, je supporte avec patience

Ce supplément de prison

Car j’ai grande confiance

En la sagesse de la nation,

De la justice et de la raison.

 

Hier, on m’avait dit

Qu’on viendrait me chercher

Après le souper.

Je croyais être libéré.

J’ai lu au lit jusqu’à la nuit.

 

Il y a encore des livres intéressants

À la bibliothèque. C’est rassurant.

J’ai trouvé en cherchant

Un roman anglais d’il y a cent ans.

Ici, on lit pour passer le temps.

 

Bientôt, je ne lirai

Plus ces romans.

Bientôt, dans mon atelier,

Je peindrai

Des tableaux surprenants.

 

Deux semaines sont passées

Et voilà,

Je suis toujours là.

Et j’attends de savoir pourquoi

Les heures s’en sont allées.

 

La Sagesse de la Nation
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Published by Marco Valdo M.I.
13 avril 2019 6 13 /04 /avril /2019 19:37

 

 

CHANSON POUR DEMAIN

 

 

Version française – CHANSON POUR DEMAIN – Marco Valdo M.I. – 2019

Chanson allemande – Chanson für MorgenMascha Kaléko1945

 

Poème de Mascha Kaléko (née Golda Malka Aufen, 1907-1975), poétesse juive polonaise, originaire de Galice austro-hongroise.

Un poème qui est déjà une chanson en soi. Mais il a aussi été mis en musique, par exemple par le compositeur allemand Hans-Dieter Kuhn

Dans la collection "Verse für Zeitgenossen", publiée en 1945

 

 

 

 

 

Golda Malka Aufen, alias Mascha Kaléko, née en Galicie

 

 

 

 

 

 

Golda Malka Aufen, alias Mascha Kaléko, est née en Galicie dans une famille juive d’origine russe. Suite à la Guerre et à la misère qui s’ensuivit, la famille fuit en Allemagne, où Macha a grandi à Marbourg, puis à Berlin où elle poursuit des études de secrétaire. En 1928, elle épouse un enseignant, Saul Aaron Kaléko. En 1930, elle commence à publier des poèmes dans la presse. Ses œuvres la font rapidement connaître. Elle fréquente le « Romanisches Café », fréquenté par les journalistes, les écrivains et de façon générale, l’intelligentsia berlinoise.

En 1933, avec l’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne, son nom se retrouve sur la liste des auteurs interdits, comme les autres écrivains juifs. Elle s’exile (juste à temps) en 1938 à New York avec son deuxième mari, le musicologue Chemjo Vinaver. Elle revint vivre à Berlin en 1956, le temps d’être consacrée par le prix Fontane, qu’elle refuse, car elle devait le recevoir des mains d’un ancien officier nazi. Juste après, elle alla s’installer à Jérusalem en 1960.

 

 

 

Nous ne savons pas ce que demain sera.

Nous ne sommes pas des gens intelligents.

La pelle résonne ici et la faux bourdonne là,

Nous ne savons pas ce que demain sera.

Nous trimons et labourons le jour présent.

 

Nous savons bien ce qu’était hier,

Et qu’on ne l’oubliera jamais, on l’espère.

Nous savons bien ce qu’était hier,

Et nous semons le pain, et le pain est rare,

Et nous espérons aussi en manger encore.

 

 

Nous ne savons pas ce que demain sera.

Si nous attend la paix ou le combat,

Si une faux bourdonne ici ou un sabre sonne là -

Nous saurons seulement, ce que demain sera,

Quand pour labourer, des épées on forgera.

 

 CHANSON POUR DEMAIN
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Published by Marco Valdo M.I.
12 avril 2019 5 12 /04 /avril /2019 20:17

 

 

Admirable Justice

 

 

Lettre de prison 20

 

24 mai 1935

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Comme tu pourras t’en rendre compte, Lucien l’âne mon ami, le Dr. Levi est d’une cohérence durable et en quelque sorte, imperturbable. Si l’on reprend ses lettres depuis le début – soit sur une durée d’une année, il tient les mêmes arguments et il développe les mêmes pensées avec une grande constance.

 

C’est très bien tout ça, Marco Valdo M.I. mon ami, mais ne pourrais-tu pas détailler un peu ?

 

Bien sûr que si, Lucien l’âne mon ami et je vais le faire à l’instant. Tout au long de ces échanges de lettres avec sa famille – essentiellement sa mère et sans que nous ayons connaissance des réponses, il affirme systématiquement qu’il est innocent de ce dont on pourrait l’accuser, qu’il n’a rien à voir, ni rien à faire avec la politique, qu’il est sincère, qu’il ne comprend pas ce qu’on lui reproche, qu’il est un artiste qui s’intéresse essentiellement à l’art et qu’en définitive, il est convaincu qu’on va le relaxer, car on ne pourra faire autrement. Ce pourquoi, il a la plus grande confiance en la justice.

 

En effet, reprend Lucien l’âne, ça me semble résumer assez bien son argumentation et ses interrogations, mais ne dit-il pas d’autres choses dans la chanson ?

 

Certes, Lucien l’âne mon ami, tout cela est un peu répétitif, amis ce n’est qu’une apparence. Cette sorte de monotonie des choses est évidemment due aux conditions de la vie en prison où il ne se passe pas grand-chose et où les événements du dehors n’arrivent qu’avec un long décalage, largement expurgés et au travers d’une sorte de brouillard filtrant. De toute façon, une expression directe de mécontentement ou de critique aurait toutes les chances d’être purement et simplement effacée. Cependant, si Carlo Levi dit les mêmes choses, il les dit autrement. Cette fois, il dit des choses inattendues à propos de ses chaussettes qui tiennent bien droites et qui – c’est là le message – lui sont parvenues alors que les lettres qu’il attend ne sont pas arrivées. C’est plus qu’une allusion évidente à l’intervention de la censure qui retient le courrier. D’autre part, dans le combat qui l’oppose depuis plus de dix ans au fascisme…

 

Ora e sempre, Resistenza !, dit Lucien l’âne. N’était-ce pas le mot d’ordre de Giustizia e Libertà ?

 

En tout cas, Lucien l’âne mon ami, c’est évidemment sa manière de faire et celle de Carlo Levi qui dans ce combat contre le fascisme et son État, continue à utiliser l’arme de l’ironie ; ce que j’ai souvent nommé l’acide ironique. Il se gausse de ses censeurs en vantant leurs mérites. Il affirme, par exemple, que la justice de l’État est admirable, alors qu’il pense tout le contraire ; il dit ne pas douter de la bonne foi des fonctionnaires et des agents du régime, alors qu’il est persuadé de leur totale partialité. Cette voie ironique peuplée d’affirmations louangeuses pour ses ennemis, c’est aussi se payer la tête des adversaires et sur le plan personnel, c’est une manière de se venger du sort qu’ils lui infligent.

 

Finalement, dit Lucien l’âne, c’est étrange ce climat de la prison, cette vie faite de silence, de bruits de clés, de pas, de ce temps qui passe dans une sorte d’absence du monde ; finalement, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde pervers, autoritaire, infernal et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Je n’ai pas reçu vos lettres.

Par contre, les chaussettes

Sont faciles à mettre.

Elles tiennent droites

Et sans fixe-chaussette.

 

Aujourd’hui, ils m’ont appelé.

Je pensais être libéré.

Ils m’ont interrogé,

Ils m’ont gardé.

Ils doivent encore enquêter.

 

Ils ont une fausse opinion de ma personne,

C’est dramatique.

Ma nature est bonne,

Mon tempérament absolument artistique

Et je fuis toute activité politique.

 

Comme je suis sincère,

Je ne doute pas un instant

De la bonne foi des fonctionnaires

Et du zèle de ces agents

Du ministère.

 

La justice de l’État est admirable ;

Elle est capable

De punir les coupables,

Mais elle défend

Aussi les innocents.

 

Ne vous désespérez pas !

J’entrevois une solution favorable

À tout cet embarras.

Bientôt, on sera ensemble à table,

C’est une perspective formidable.

 

 

 Admirable Justice
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Published by Marco Valdo M.I.
11 avril 2019 4 11 /04 /avril /2019 18:31

 

LA BALLADE DES SEPT FRÈRES

 

OU L’HISTOIRE DES FRÈRES CERVI

 

 

Version françaiseLA BALLADE DES SEPT FRÈRES OU L’HISTOIRE DES FRÈRES CERVI – Marco Valdo M.I.2019

d’après la version italienne de Riccardo Gullotta – La ballata dei Fratelli Cervi

d’une chanson sicilienne« Ballata per i fratelli Cervi »Ignazio Buttitta1968

(tiré de « La paglia bruciata. Racconti in versi" , 1968) 

 Interprétée par le conteur de Tano Avanzato (à 15.35 du commencement du clip).

 

 

 

 

 

Depuis la nuit des temps, la narration orale occupe une place de choix parmi les formes d’art discursifs. Il suffit de penser à Homère, à Hésiode, et à toute une multitude d’aèdes et de rhapsodes qui ont fleuri à l’époque de la Grèce préclassique. D’autres expériences de tradition orale ont été les bardes de la culture celtique, les gawlo/djeli (en français « griot« ) encore présents en Afrique subsaharienne, les chamans des cultures orientales.

 

Dans l’Empire romain aussi, la narration orale, confiée aux « histrions », se répandit. Au Moyen Âge, les troubadours et trouvères, à la cour des puissants, les ménestrels et les bouffons, ces derniers plutôt errants, avaient un rôle fondamental dans la narration des actes de chevalerie, puis dans la diffusion des archétypes fonctionnels à la classe féodale, les artistes à jouer un rôle pour une sorte de conte ante litteram. Ils sont, d’une certaine manière, les précurseurs des « Cantastorie ».

L’école poétique sicilienne avec Ciullo d’Alcamo, XIVième siècle, peut aussi être rattachée à cette veine. Les formes de narration orale ou d’exécutions représentatives qui n’avaient pas un caractère strictement sacré ont été découragées par l’Église, puis interdites.

L’invention de l’imprimerie a donné une forte impulsion à la circulation des « feuilles volantes » qui ont facilité la diffusion des histoires à raconter oralement. En Sicile, entre le XVIième et le XVIIième siècle, il y avait une différence entre les « cantastorie » et les « cuntastorie ». Ces derniers sont basés sur la tradition des commissaires-priseurs qui ont été engagés par les dirigeants pour la notification des édits et la diffusion des nouvelles importantes. Plus tard, au XIXième siècle, l’Opera dei Pupi s’est imposé, un théâtre de marionnettes, avec des histoires tirées de l’épopée chevaleresque, en particulier du cycle carolingien (chanson de geste). En Sicile, l’héritage des Normands et des Souabes est bien établi.

Les différences entre Cantastorie, Cuntastorie et Opera dei Pupi ne sont naturellement pas nettes. Chaque forme a emprunté à l’autre et l’a à son tour influencée. S’il fallait marquer une différence, on pourrait dire que dans l’opéra de marionnettes, la présence des marionnettes et du marionnettiste est prédominante, alors que le cuntastorie classique itinérant se réfère aux mêmes sujets, ou à des sujets similaires, en utilisant une affiche. Le conteur, également itinérant, présente des thèmes liés à l’actualité, accompagnés par l’accordéon et/ou la guitare. Les représentations ont toujours lieu à l’extérieur.

Au XXième siècle, en Sicile, il y a eu une évolution et une diversification des conteurs. Avec l’extension de l’alphabétisation, le conteur distribue des feuilles de papier volantes aux spectateurs moyennant des frais. Avec l’avènement des disques et des cassettes, la Cantastorie s’oriente vers la vente de ces derniers, jouant en play-back. Soit parce que la spontanéité n’est pas forcément présente, soit parce que la diffusion de la télévision envahit et absorbe tout espace multimédia natif, nivelant (unifiant ?) les cultures et la weltanschauung, le genre subit en fait un déclin, mais pas au point de disparaître ou de rendre impossible la mémoire des artistes suivants (mes excuses à tous ceux dont je ne parle pas par ignorance ou oubli) :


Orazio Strano da Riposto (m.1981), Paolo Garofalo da S.Cataldo (m.2016), Gaetano Grasso da Paternò (m.1979), Ciccio Busacca da Paternò (m.1989), Vito Santangelo da Paternò (m.2014)), Rosa Balistreri da Licata (m.1990), Antonio Tarantino da Palermo (m.2009), Peppino Castro da Dattilo, Rosita Caliò da Catania, Nonò Salamone da Sutera (n.1945), Fortunato Sindoni da Barcellona.

Ignazio Buttitta était le poète de beaucoup d’entre eux.

 

Chansons et poèmes à propos des frères Cervi :
La pianura dei sette fratelli
(Gang)
Per i morti di Reggio Emilia
(Fausto Amodei) (Sangue del nostro sangue, nervi dei nostri nervi, come fu quello dei Fratelli Cervi)
La ballata dei Fratelli Cervi
(Ignazio Buttitta)
Compagni Fratelli Cervi
(anonimo)
Papà Cervi raggiunge i sette figli
(Eugenio Bargagli)
Sette fratelli
(Mercanti di Liquore e Marco Paolini)
Campi rossi
(La Casa del vento)
Ai fratelli Cervi, alla loro Italia
(Salvatore Quasimodo)
Canzone per Delmo
(Filippo Andreani), dedicata ad Adelmo Cervi
I Sette Cervi
(anonimo)
Salmodia della speranza
(David Maria Turoldo)

 

Dialogue Maïeutique

 

Mon cher ami Lucien l’âne, pour une fois, ce n’est pas nous qui parlerons de la chanson longue et de sa longue histoire; c’est l’introduction faite ci-dessus par Riccardo Venturi. Par contre, je vais faire une brève note historique à propos de cette famille des Cervi. Et d’abord, dire qui ils furent ces sept-là : Gelindo (1901), Antenore (1906); Aldo (1909); Ferdinando (1911); Agostino (1916); Ovidio (1918) et Ettore (1921); c’étaient les fils d’Alcide Cervi (1875-1970) et de Genoeffa Cocconi (1876-1944), une famille de paysans antifascistes. À partir de septembre 1943, ils entrèrent dans la Résistance, fait prisonniers par les fascistes, ils furent torturés et ensuite, fusillés le 28 décembre 1943. Comme le dit la chanson à sa manière, le père Alcide, qui a vécu jusque 95 ans, a toujours été hanté par leur présence et porta leur souvenir jusqu’au bout. La mère ne supporta pas cette tragédie et mourut quelques mois après d’un « mal de cœur » – dans tous les sens du terme. Comme la chanson l’évoque peu, je voudrais ici insérer en italien et en faire une version française, l’épigraphe que Piero Calamandrei consacra à cette mère.

 

Epigrafe per la madre dei fratelli Cervi

di

Piero Calamandrei

 

Quando la sera tornavano dai campi
Sette figli ed otto col padre,
Il suo sorriso attendeva sull’uscio
Per annunciare che il desco era pronto.

Ma quando in un unico sparo
Caddero in sette dinanzi a quel muro,
La madre disse:
“Non vi rimprovero o figli
D’avermi dato tanto dolore,
L’avete fatto per un’idea,
Perché mai più nel mondo altre madri
Debban soffrire la stessa mia pena.

Ma che ci faccio qui sulla soglia,
Se più la sera non tornerete.
Il padre è forte e rincuora i nipot,

Dopo un raccolto ne viene un altro,
Ma io sono soltanto una mamma
O figli cari,
vengo con voi”.

 

ÉPIGRAPHE POUR LA MÈRE DES FRÈRES CERVI.

 

Quand le soir revenaient des champs,

Sept fils et huit avec le père,

Son sourire attendait sur le devant

Pour annoncer que le souper était sur la table.

 

Quand en un seul tir,

Les sept tombèrent devant ce mur,

La mère dit d’un murmure :

« Je ne vous reprocherai pas, mes enfants,

De m’avoir donné tant de douleur, ô tant,

Vous l’avez fait pour une idée,

Pour que jamais plus dans le monde d’autres mères

Ne doivent souffrir de la même peine.

 

Mais que fais-je, moi, sur ce devant

Si le soir, je ne vois plus revenant.

Votre père est fort, il élèvera vos enfants,

Après une récolte en vient une autre,

Mais je suis seulement une maman,

Ô mes chers enfants,

Je viens avec vous, je suis la vôtre. »

 

Je suis heureux, Marco Valdo M.I. que tu aies repris ici ce poème de Piero Calamandrei et j’apprécie que tu en aies fait une version de ta main en notre langue commune. À présent reprenons notre tâche – Ora e sempre, Resistenza ! – et tissons le linceul de ce vieux monde sans cesse recommencé, où reviennent en force la bêtise et la brutalité, vieux monde barbare, éructant, tweetant et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

Je vous chante l’histoire des Frères Cervi, des sept frères paysans tués par les fascistes à Reggio Emilia le 28 décembre 1943. Le père avait survécu, la mère est morte de douleur, mais il y avait quatre veuves et onze enfants. C’est la vérité, souvenez-vous de ça.

 

Je vous chante l’histoire des frères Cervi,

De sept frères paysans fusillés par les fascistes

À Reggio Emilia, le 28 décembre 1943.

Le père est toujours en vie, la mère est morte de douleur

Il y avait quatre veuves et onze enfants. C’est la vérité, rappelez-vous ça.

Les fascistes les ont tués au polygone de tir de Reggio.

La mémoire ne s’efface pas, ce fut un jour de sacrilège.

 

Un prêtre hypocrite leur a dit juste avant leur mort :

« Confessez vos péchés, car le Seigneur ouvre les portes »

Les frères répondirent : « Notre foi, c’est la liberté,

Les fascistes tuent ceux qui ont la foi ; allez donc les confesser ! ».

Les fascistes leur ont dit : « Si vous ne voulez pas mourir,

Embrassez le fascio et reniez la liberté ! »

 

Ils ont répondu avec indignation :

« Nous sommes de sang émilien et nous ne voulons

Pas nous salir le cœur, ni les mains.

Ils aimaient la liberté, les Cervi, la terre, mère des humains,

Ils la cultivaient avec amour et obstination.

 

Le 8 septembre 1943, la ferme devint un refuge pour les résistants :

Un va-et-vient continu de ceux qui

Voulaient la liberté pour l’Italie,

Ils les accompagnaient en montagne pour la lutte des partisans.

Les fascistes les ont découverts, ils ont encerclé la ferme,

Il y avait un rideau de brouillard, la nuit était sombre,

Cette nuit du 25 novembre.

 

Papa Cervi, commandant du peuple, « Aux armes ! » a crié :

La ferme tire comme cent bouches de volcan.

Après une heure de combat, les fascistes, gens répugnants,

Qui ont la merde dans leur pantalon, la grange, ont incendié.

Le vieil homme dit : « Je ne me rends pas, je mourrai dans les flammes. »

Mais son fils Aldo dit affolé :

« Papa, reste pour les enfants et les femmes.

Je préfère mourir, que toi, dans les flammes. »

En se mordant les mains avec désespoir et colère,

Papa Cervi ferme les yeux, pâle comme un mort.

Puis tous se rendent – quelle douloureuse séparation ! -

Père, mère, enfants et brus fortement se serraient.

« Ne pleurez pas » – disaient-ils à leurs enfants et à leur mère – « Nous reviendrons »

Et ils savaient que jamais, ils ne reviendraient.

 

Elle avait la peau sur les os, elle ne pouvait pas travailler,

Elle embrassait ses petits-enfants et souriait pour ne pas pleurer.

Dès qu’elle était seule dans sa chambre, elle fermait la porte.

Et elle faisait et défaisait les lits de ses enfants.

Elle les faisait et les défaisait continuellement heure après heure,

Avec un esprit étrange, des mains de mort-vivant.

 

Jusqu’à la fin de ses jours, elle comptait tous les lits avec son doigt.

Et elle répétait les noms de ses fils jusqu’au dernier :

Un : Hector, deux : Ovide jusqu’à sept et chaque fois,

Commençait et recommençait le compte sans s’arrêter.

Et les enfants dans la pièce augmentaient de sept à la fois,

La mamma, la mamma comptait ses sept fils, faisait une infinie addition,

Et ses sept fils, ses sept fils au total sont mille,.... un million.

 

Tant de morts, tant de sang, quel terrible drame !

(Imaginez les Cervi, l’état de leur mère.

On n’achète pas ses enfants aux enchères,

On ne les pêche pas au fond de la mer,

La peau et les os, elle n’était plus qu’un spectre étouffé,

C’était elle, elle était la mère de sept fils tués.

Et elle sentait les battements de son cœur écrasé.)

 

Avant d’être fusillés, à l’heure de leur mort,

Ils s’embrassaient, les mains liées au dos.

Pendant le tir, à haute voix cria Aldo :

« Nous ne mourons pas, nous ne mourons pas » et de fait, ils ne sont pas morts.

Ils sont morts pour ceux qui vivent comme des morts, ils sont vivants pour ceux qui vivent.

Leur foi et leur amour sont des lumières pour le monde.
 

Ils sont vivants pour le père qui vécut 90 ans.

Et il les voit grandir jour après jour.

La nuit, pendant qu’il dort, devant lui, il les voit.

Et il leur parle comme les dévots parlent toujours.

Le matin, il se réveille et au-delà des murs et des toits,

Il voit ses enfants dans les champs, tous les sept travaillant.
 

[Chez lui, quelle douleur !

Sa femme erre toujours ;

Sept lames dans le cœur

Et son sang s’encourt].

 

LA BALLADE DES SEPT FRÈRES  OU L’HISTOIRE DES FRÈRES CERVI
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Published by Marco Valdo M.I.
11 avril 2019 4 11 /04 /avril /2019 08:49

 

AH, LA GUERRE, LA GUERRE !

 

Version française – AH, LA GUERRE, LA GUERRE ! – Marco Valdo M.I. – 2019

d’après la version allemandeAch, Krieg, Krieg !

d’une chanson populaire tchèqueAh, Vojna, Vojna !Leoš Janáček – 1885

 

[seconde moitié du 19ième siècle]

Pour chœur d'hommes a cappella, écrit en 1885 par le compositeur tchèque Leoš Janáček (1854-1928), grand ami d'Antonín Dvořák, sur un texte du recueil de poésie populaire de Moravie du Sud, Sušil (1860).

 

 
Leoš Janáček

 

 

 

 

 

 

Une chanson qui évoque la guerre dite de Sept Ans, de 1756 à 1763 entre les grandes puissances européennes de l’époque, dont la monarchie des Habsbourg, alors représentée par l’archiduchesse Marie-Thérèse.

La Moravie est restée avec la Bohême comme possession des Habsbourg jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, c’est la raison du texte en allemand.

 

 

 

 

 

Ah ! Guerre, oh malheur, c’est à nouveau la guerre,

Et je dois y aller, et je dois y aller !

En Moravie, l’impératrice a elle-même envoyé

Des lettres pour appeler le pauvre Janosch à la guerre.

 

Janosch est triste au bord du ruisseau, la tête à l’envers,

Janosch à cheval, sabre au côté, casquette sur le crâne.

Non, je ne monte pas, ma tête est à l’envers,

Je suis meurtri, je suis perdu, j’ai mal à la tête.

 

Et les yeux de mon amour pleurent

Ah ! guerre, oh malheur, c’est à nouveau la guerre,

Et je dois y aller, et je dois y aller !

Mon amie est belle et elle seule, elle va rester.

 

 AH, LA GUERRE, LA GUERRE !
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Published by Marco Valdo M.I.
10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 16:05

 

L'Amoureuse d'Arlequin

 

Chanson française – L'Amoureuse d'Arlequin – Marco Valdo M.I. – 2015 - Un temps égarée, réinsérée - 2019

 

ARLEQUIN AMOUREUX – 3

 

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.

 

 

 

 

Pollo, dis-moi, je suis amoureux de toi

Répète. Je suis amoureux de toi, Arlecchina.

 

 

 

 

Évidemment, dit Lucien l'âne, tout frétillant du dos et de la queue, ton Arlequin amoureux doit bien avoir une amoureuse…

 

 

Évidemment. Mais une amoureuse quelque peu fantasque, qui toujours lui serre le cœur et toujours, lui échappe. Mais des choses amoureuses, on ne saurait tout dire en une fois. Il nous faudra bien toute l'histoire pour en deviner les contours à leur amour. Mais c'est là, je peux déjà te le dire, un amour vrai, un amour comme on n'en fait plus trop de nos temps, un amour d'Arlequin. Dans cette canzone-ci, ils se retrouvent et comme de vrais amoureux, ceux que l'on rencontre dans les histoires, à peine retrouvés, ils se perdent. Elle est comédienne et sa troupe reprend la route et surtout, sans que cela soit dit explicitement, l'Arlequin est un hors-la-loi ; c'est un homme qui doit s'en aller, toujours s'en aller. Il n'a droit qu'à de brèves rencontres. Addio, Pollo ! Addio, Arlecchina !

 

 

Je comprends très bien tout cela. Moi-même, tu le sais, je cours le monde depuis si longtemps. Mais, écoutons son histoire… et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde insensible, méprisant, implacable et cacochyme.

 

 

 

Heureusement !

 

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Ne dis pas, ô, Arlecchina

Ne me dis pas que tu t'en fiches.

Voyez, il ne reste de mon Arlecchina

Qu'une silhouette sur cette affiche

Tenue toute ma vie par devers moi.

Au dos, La Tournesse, son nom d'artiste

 

Arlecchina, une passade, une fredaine,

Fille d'entre souper et déjeuner ?

Vous avez bien tort de croire cela.

L'erreur, mon cher, est humaine

Mais c'est diablerie de persévérer.

Alors, je vous en prie, ne le répétez pas !

 

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,

Oui, Monsieur Chi,

Oui, Monsieur Nelle,

Oui, Monsieur Polichinelle.

 

Regardez cette affiche !

Mon plus précieux fétiche,

Placée contre mon sein

Jusqu'à la fin de ma fin,

Sur les routes de mon infortune,

Sous les étoiles des nuits sans lune.

 

Onze ans, onze ans dans l'oubli,

Je n'avais pas été grandiose dans son lit.

Cœur gros, je l'ai cherchée, Madonna mia.

Je la cherchais et ne la trouvais pas.

Moi le nain, elle la Princesse,

Arlequin nostalgique de La Tournesse.

 

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,

Oui, Monsieur Chi,

Oui, Monsieur Nelle,

Oui, Monsieur Polichinelle.

 

Pollo, dis-moi, je suis amoureux de toi

Répète. Je suis amoureux de toi, Arlecchina.

Depuis quand ? Pollo, depuis quand ?

Il y a tellement, tellement longtemps.

Addio, Pollo. Qu'est-ce que tu as ? Où tu vas ?

Au pays, en Bohème ? Je ne sais pas, Arlecchina.

 

Fuyard, déserteur en caleçon et chemise,

Marchant depuis Marengo et Venise,

Fuyant les soudards comme les rats,

Risquant mille fois d'être repris,

Sans papiers, sans Arlecchina,

Je pâlis, je maudis tous les pays.

 

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,

Oui, Monsieur Chi,

Oui, Monsieur Nelle,

 

Oui, Monsieur Polichinelle.

 L'Amoureuse d'Arlequin
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Published by Marco Valdo M.I.
9 avril 2019 2 09 /04 /avril /2019 18:21

 

 

Le Bouquet

 

 

 

 

 

Lettre de prison 19

 

 

 

18 mai 1935

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

 

Pour une fois, Lucien l’âne, commençons par le commencement. Allons-y dans l’ordre. Ce samedi 18 mai 1935, Carlo Levi est en prison depuis deux jours déjà et il n’a encore été informé de rien en ce qui concerne les motifs de son arrestation et de son incarcération ; il n’a même rencontré personne pour l’interroger. Il se trouve dans un vide total – probablement voulu, évidemment.

 

 

 

Ce doit être assez angoissant, dit Lucien l’âne, mais connaissant le Dr. Levi, il ne doit pas en être trop affecté.

 

 

 

Non en effet, répond Marco Valdo M.I., ce qui l’embarrasse, c’est le manque d’informations. Il y fait allusion quand il dit à la fin de la lettre :

 

 

 

« Je me demande si la Gazzetta del Popolo

 

Va faire l’éloge de mes tableaux au Valentino

 

Ou de la grande expo

 

De Paris, inaugurée quand on m’arrêtait. »

 

 

 

Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Gazzetta ?, demande Lucien l’âne. N’en avait-il pas déjà parlé l’année précédente ?

 

 

 

Oui et non, Lucien l’âne mon ami ; pas de la même façon, en tout cas. Ces histoires de la Gazzetta dello Sport qui est le journal sportif, édité à Milan, le plus lu en Italie – depuis au moins un siècle et de la Gazzetta del Popolo – aujourd’hui disparu – qui fut pendant presque un siècle et demi jusqu’en 1983 un quotidien turinois et sous le fascisme, un fidèle soutien du régime, méritent ici un peu d’explication, un dévoilement. Tu te souviens sans doute que lors de sa précédente incarcération, le Dr. Levi avait déjà fait allusion à la Gazzetta dello Sport, comme unique journal accessible aux incarcérés politiques à propos d’un communiqué – qui vérification faite, n’y a jamais été publié. Alors la question se pose du pourquoi ? Pourquoi Levi parlait-il d’un communiqué, d’une notice qui n’existait pas dans la Gazzetta. Tout simplement pour attirer l’attention sur l’autre Gazzetta qui elle reflétait fidèlement les opinions et les orientations fascistes et qui publiait des informations précieuses pour les inculpés alors en prison. Cette fois, un an plus tard, il redemande qu’on suive ce qui est dit par la Gazzetta del Popolo, mais cette fois, à propos de ses expositions. C’est une manière de prendre la température, en quelque sorte ; de mesurer son exclusion de la vie culturelle et de fait, il n’y aura dans cette Gazzetta aucune mention de sa participation à ces deux expositions. La mesure de ban frappe aussi bien les œuvres d’art que l’artiste.

 

 

 

Ah, dit Lucien l’âne, les pies sont des oiseaux bien bavards, même quand ils ne disent rien. Mais que dit d’autre notre prisonnier dans sa lettre-chanson ?

 

 

 

Comme de bien entendu, Lucien l’âne mon ami, il s’évertue à jouer la carte de l’innocence outragée. D’autant plus qu’il faisait depuis sa sortie de prison l’année précédente l’objet d’une mesure d’« ammonizione », qui en Italie de l’époque était souvent appliquée dans un premier temps aux opposants politiques et qui était assez différente de l’admonition telle qu’elle est connue en langue française. Pour ta lanterne, je cite l’encyclopédie italienne Treccani :

 

« Provvedimento di polizia (sostituito dal 1956 con la sorveglianza speciale della pubblica sicurezza), pronunciato a carico di individui ritenuti socialmente pericolosi, che imponeva all’ammonito un particolare tenore di vita restrittivo della libertà personale (per es., rincasare la sera non più tardi di una determinata ora). »

 

« mesure de police (remplacée en 1956 par la surveillance spéciale de la sécurité publique), prononcée à charge d’individus considérés comme socialement dangereux, qui impose à l’admonesté un mode de vie restreignant sa liberté personnelle (Par ex., ne pas rentrer le soir plus tard qu’une certaine heure). »

 

 

 

En fait, dit Lucien l’âne, ça ressemble assez aux arrêts disciplinaires du militaire, qui est cantonné à son logement ou à sa caserne, dont Xavier de Maistre tira son « Voyage autour de ma chambre ». Cette admonition n’est autre qu’une assignation à résidence.

 

 

 

Pas seulement, Lucien l’âne mon ami. Pour résumer l’affaire telle qu’elle fut imposée à Carlo Levi, voici les événements dans leur rigoureuse succession : du 13 mars 1934 au début mai – dernière lettre le 8 mai 1934 – il est emprisonné aux Nuove à Turin ; relâché, il est mis en résidence surveillée dans son atelier et arrêté à nouveau, le 15 mai 1935. La mesure d’« ammonizione » qui lui est infligée a comme conséquence entre autres que tous ses déplacements, toutes ses visites, toutes ses relations, sa correspondance sont sous contrôle de la police politique. Cet état de liberté surveillée est très embêtant, car il doit restreindre sa vie sociale et il lui arrive de devoir décourager des visiteurs. Ceci sans rien envisager de ses activités clandestines et de son rôle moteur dans l’organisation Giustizia e Libertà. Et puis, c’est probablement le reflet de la réalité, cette mesure finit par peser lourd et mettre à mal l’inspiration et le travail de l’artiste. Ce qui pour un peintre aussi viscéralement attaché à ses travaux et à cet acte de libre création est très douloureux. Peut-être y reviendra-t-on encore, mais le besoin de peindre, de créer, de mobiliser sa pensée, son regard, ses mains pour recréer une parcelle du monde est proprement vital.

 

Autant couper les ailes à un oiseau, dit Lucien l’âne. C’est une chose curieuse que ce flux permanent de création qui est le propre de l’artiste. En quelque sorte, il faut que ça sorte ; c’est aussi irrépressible, aussi indispensable que la respiration ou les battements du cœur. C’est le mouvement interne de sa vie. Beaucoup de ceux que j’ai rencontrés au cours des âges m’en ont parlé en ce sens. Mais trêve de considérations dignes d’une classe d’esthétique, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde incarcérateur, étouffant, inerte, ignare et cacochyme.

 

 

 

Heureusement !

 

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Que viennent nombreuses les heures

 

De soleil et l’apparence

 

Lumineuse du bonheur !

 

Moi, ici, je respire l’indifférence,

 

Tel un colis en souffrance.

 

 

 

Ici, c’est déjà samedi

 

Et de mon sort,

 

On ne m’a encore

 

Absolument rien dit

 

De ce qui me retient ici.

 

 

 

On ne m’a pas interrogé.

 

De quoi suis-je accusé ?

 

Que peut-on m’imputer ?

 

Je ne peux l’imaginer,

 

Je n’ai rien à me reprocher.

 

 

 

C’est mon deuxième emprisonnement

 

Et j’ai l’espoir au fond

 

Qu’il va dénouer heureusement

 

Ma situation

 

Et liquider tous les soupçons.

 

 

 

Cette admonition me pesait

 

Et lentement détruisait

 

L’inspiration de ma peinture.

 

Il faut croire en la justice, bien sûr !

 

Sinon, où donc on irait ?

 

 

 

Je me demande si la Gazzetta del Popolo

 

Va faire l’éloge de mes tableaux au Valentino

 

Ou de la grande expo

 

De Paris, inaugurée quand on m’arrêtait.

 

Ce serait vraiment le bouquet !

 

 

 Le Bouquet
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Published by Marco Valdo M.I.

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