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27 septembre 2018 4 27 /09 /septembre /2018 20:14
Le Navire dans la Glace

Chanson française – Le Navire dans la Glace – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
91
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, I
)

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Mais, enfin ! dit Lucien l’âne, voici encore un titre énigmatique. Oh, ce n’est pas que je te les reproche, ni même que je n’aime pas ça – bien au contraire, mais souvent je ne les comprends pas ou, comme dans le cas de celui-ci, je leur trouve plusieurs sens et c’est déroutant. Ce « navire dans la glace » est un titre assez ambigu, il faut bien le reconnaître. Un navire dans la glace ? Qu’est-ce que ça peut bien signifier ? Est-ce un navire qui se reflète dans un miroir ? Ou bien, est-ce un bateau pris dans la glace ? Ce n’est pourtant pas une histoire qui se passe au Pôle…

 

Oh, dit Marco Valdo M.I., c’est presque ça. Comme tu t’en souviens certainement, Till et Lamme avaient reçu d’Orange comme mission ultime de rejoindre les Gueux de mer et d’embarquer avec eux dans cette nouvelle phase de la lutte contre l’Espagnol. Et c’est précisément ce qu’ils font en cette fin d’année. Ils remontent – fuyant les troupes d’Albe, vers le nord des Pays pour arriver à l’extrême de la Frise occidentale à l’endroit où l’Ems (encore un fleuve dans cette légende fluviale) se jette dans le Dollard là où le port d’Emden, situé sur la rive allemande, regarde le Dollard se rétrécir et s’ensabler la voie vers la mer des Wadden. C’est un pays de fagnes et de polders, d’eaux rampantes, souvent inondé et difficile d’accès, outre que d’être frontalier avec le Comté de Frise-Orientale, une puissance allemande peu commode et favorable aux Gueux. Cependant, on est en hiver et le gel s’empare du pays, congèle les basses eaux d’inondation et tient les bateaux captifs. C’est assez fréquent dans ces régions quand l’hiver est rude et que les vents du Pôle, qui descendent tout droit le long de la Norvège, frappent les côtes et s’engouffrent dans l’estuaire de l’Ems, fort exposé.

 

Merci, je comprends mieux, Marco Valdo M.I.. Voilà qui éclaire le titre et qui situe la chanson et ce qu’elle raconte.

 

Ainsi donc, Lucien l’âne mon ami, Lamme et Till – l’un suivant l’autre – sont arrivés à se mettre hors de portée des poursuivants et à rejoindre le lieu de rassemblement des Gueux de mer à Emden. Là, ils rencontrent l’amiral Très-Long et le convainquent de les prendre à son bord. Cependant, le dit-navire et toute la flottille est pris par les glaces. Ils sont coincés là et doivent attendre le dégel. Pendant ce temps, la vie continue. Il faut bien passer ce temps de léthargie : les gens glissent sur la gigantesque patinoire, Lamme cherche sa femme et Till se comporte comme Till, il lutine une jolie femme, qui le tient gentiment à distance, tout en s’inquiétant de son compagnon. Pour le reste et le terrible avertissement final, je te renvoie à la canzone.

 

Allons donc la voir et reprenons notre tâche. Tissons le linceul de ce vieux monde bloqué, congelé, glacé et cacochyme

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Sur les bateaux pêcheurs,

Les hommes armés de piques et de fers

Suivent avec grande ferveur,

Au large, les Gueux de mer –

 

Gens de mer au chef orné

D’une Lune aux reflets argentés

Gravée d’un écrit mémorable :

« Plutôt servir le Turc que le Pape ».

 

Till siffle le refrain de l’alouette

Et de la mer, le coq à mille voix répond

De la musique clairette

De son joyeux clairon.

 

Tout au Nord, à Emden, sur le grand quai,

Un Amiral des Gueux fait les cent pas.

Il s’impatiente de son navire bloqué.

L’alouette chante, il répond « Qui va là ? »

 

« Till, fils de Claes, brûlé au bûcher. »

« Très-Long, amiral. Je vais sur la mer. »

« Avec vous, Lamme et moi voulons chanter,

À belle voix d’arquebuse, la liberté de nos terres. »

 

« Sur mon navire ? Ainsi en sera-t-il ! »

Le navire attend la clémence de l’hiver

Pour emporter l’amiral, Lamme et Till.

Mais, le froid et le gel encore les enserrent.

 

Autour du navire pris dans la glace,

On patine, on lutine, on chante l’amour.

Au port, on mange, on boit, tour à tour.

Entre les échoppes, c’est fête sur la place.

 

Lamme, passe, repasse et muet, glisse.

Il cherche sa femme sur la mer lisse,

Till fréquente un estaminet pas cher ;

L’accoste une accorte au teint clair.

 

« Qu’as-tu fait, toi que voilà,

De l’homme beau et bien fait

Qu’on voit souvent près de toi ?

L’homme Lamme, qu’en as-tu fait ? »

 

Mais soudain, entends-tu la neige tomber ?

Mais soudain, entends-tu les marins chanter ?

La mort vient comme un voleur.

Il se prépare un grand malheur.

 

Le Navire dans la Glace
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Published by Marco Valdo M.I.
24 septembre 2018 1 24 /09 /septembre /2018 18:49

 

La Fin du Poissonnier

 

Chanson française – La fin du Poissonnier – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
90
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLIV)

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Ah, enfin ! dit Lucien l’âne, voici venue la fin de ce poissonnier délateur qui joue au garou dans les dunes. Comme Till avait bien eu tort de lui laisser la vie sauve quand il le tenait si bien au bord du canal. Combien de malheurs et de victimes auraient été épargnés.

 

Tu y vas fort, Lucien l’âne mon ami. Là, tu mets en cause la justice et même, tu sembles justifier le meurtre justicier.

 

Halte-là, Marco Valdo M.I. mon ami. J’ai vécu assez longuement pour voir qu’il y a des exceptions à toute règle. Certes, il n’est pas bon, disent les bonnes âmes des humains, de tuer une âme malsaine pour faire justice. Mais les mêmes humains ne voient pas d’inconvénient à tuer l’âne – même bon – pour faire du boudin. Cette singulière disposition est évidemment bien pire. Et puis, dans le cas que j’évoquais du poissonnier, il ne s’agissait pas de justice, mais de mettre fin à une série de méfaits criminels. Cela dit, comme je viens de l’énoncer, au principe angélique du « Tu ne tueras point ! », ceux-là qui l’énoncent solennellement n’ont jamais hésité à le transgresser (« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! », criait le croisé de Béziers) et même, si j’ose ainsi dire, à l’échelle industrielle, nationale, internationale et si besoin, cosmique. Certainement, je suis acquis à une règle générale de « non aux massacres ! » et de justice bien tempérée. Mais précisément, dans notre affaire du poissonnier, la justice n’était en rien tempérée ; elle brûlait les innocents à tour de bras. Elle allait tout de travers et c’est elle qui fut cause de la révolte des Gueux et de la vengeance de Till, vengeance qu’il tempéra au bord du canal, comme dans les dunes. Pour le reste, que faire d’une bête enragée ? La garder à l’écart en cage jusqu’à ce que mort s’ensuive ?

 

Oh, Lucien l’âne mon ami, je connais ce dilemme et je ne peux y répondre à présent que sur ce cas précis où il me paraît, en effet, qu’il aurait été préférable pour Boetkine – par exemple, que le poissonnier-garou fut mis plus tôt hors d’état de nuire. Mais revenons à la chanson et tu verras qu’elle répond à ton interrogation. C’est l’heure de la justice, le poissonnier-loup-garou est amené sous le tilleul, un gros arbre qui pousse au milieu de la place publique (dans d’autres endroits, il s’agit d’un chêne (Louis, roi de France), d’un orme (c’est fort courant dans le Sud), un cerisier (pour le roi Pausole, qui à la saison, mangeait les cerises pendant la séance) pour son procès, avec torture, si nécessaire et ce le sera, et enfin, l’exécution de la sentence. Sous le tilleul siège le tribunal, présidé par le bailli, représentant du Comte, entouré des échevins de la Commune et tout autour de la place, le peuple qui, comme l’exige la coutume, joue son rôle de jury. C’est un peu le même rôle démocratique que dans la tragédie grecque. Le peuple, le public, les gens interviennent avec force dans le débat ; autour de l’accusé, ce ne sont que reproches, rancœurs, cris, insultes, menaces.

 

Excuse-moi, dit Lucien l’âne, mais ça me fait penser aux foules qui assistaient aux combats de gladiateurs ou à celles qui assistent aux corridas ou aux matchs de football, de boxe ou de catch.

 

De fait, Lucien l’âne mon ami, il y a de ça. Une foule est une foule et vue globalement, quand elle se laisse aller, elle est féroce et virulente. Il y a un effet dynamo ; ses propres outrances la stimulent à produire d’autres outrances plus outrancières. Mais, il faut bien dire que l’attitude veule et sournoise de l’accusé ne va rien arranger. Ensuite, on le condamne à mort et on l’exécute illico, sur place et sans délai. Ainsi périt le poissonnier félon.

 

Finalement, il y a quand même une justice, dut se dire le peuple rassemblé. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde justicier, violent, brutal et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Au matin du lendemain,

Sonne la cloche de service

Pour assembler greffier, bailli et échevins,

Sous le beau tilleul de justice.

 

Sur la place, en posture de jurés,

Le peuple entier forme un cercle serré

Autour du poissonnier entêté

Qui ne veut rien avouer.

 

Il dit toujours :

« Je suis pauvre et malade, miséricorde ! »

Le peuple gronde à son tour :

« Au garou, tueur d’enfants, le feu ou la corde ! »

 

Les femmes disent narguant le piteux :

« Ne nous regarde pas de ces yeux froids,

Veule vilain vieillard vicelard et vicieux,

Nous ne te craignons pas ! 

 

Bête cruelle, méchant couard,

Tu assassinais les pauvres filles

Qui rêvaient d’une douce vie.

Paye, paye, laid pendard ! »

 

« Vampire, suceur de sang,

Tue, tue ! », crient les enfants

Et Toria : « Tenailles ardentes, à petit feu ! »

« Je suis faible, miséricorde ! », mugit le vieux.

 

Le poissonnier pleure, fausses larmes,

C’est feinte et mensonge encore.

Les femmes rient et font vacarme :

« Où sont les corps ? Où est l’or ? »

 

Sur le banc de torture,

On lui serre les pieds

D’étroites chaussures

Qu’on va encore serrer.

 

« Satan, c’est moi, mon être de nature.

Enfant, j’étais laid et mal aimé.

Garçons et filles, de moi n’avaient pitié.

Ainsi est né mon goût de la morsure. »

 

Enfin, condamné comme horrible meurtrier,

La langue percée, le poing coupé,

Dans le petit feu, on met le grigou

Et le poissonnier hurle comme un loup.

 

La Fin du Poissonnier
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Published by Marco Valdo M.I.
23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 10:52

 

BALLADE D’ESTHER JONAS

 

 

Version françaiseBALLADE D’ESTHER JONAS – Marco Valdo M.I. – 2018

Chanson allemande – Ballade von der Hester JonasCochise – 1979

Paroles : Peter Maiwald

Musique : Pit Budde

 

 

 

La « Ballade von der Hester Jonas » est l’histoire d’Esther Jonas, connue comme la sorcière de Neuss, sage-femme, accusée de sorcellerie, torturée jusqu’à lui extorquer des aveux, elle fut décapitée et ensuite brûlée le 24 décembre 1635.
Les Cochise en font une rêveuse et une libertaire que le pouvoir s’employa à éliminer.

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Une ballade, dit Lucien l’âne en souriant, moi, j’aime les ballades et encore plus, une ballade qui raconte l’histoire d’une femme. Et puis, une ballade étrangère, mise en langue française par tes soins, ça me fait toujours vibrer par avance, car je sais que j’y trouverai du mystère, de la poésie et tout un monde nouveau. Résumons : depuis toujours, j’aime les ballades, car ce sont des balades dans l’inconnu, dans la découverte, même si parfois, elles me racontent des histoires que j’ai déjà entendues lors de mes pérégrinations infinies. Mais autrement !

 

Voilà, réplique Marco Valdo M.I., une belle défense de la ballade et de l’art méconnu de la traduction, considéré comme l’art de la contrebande d’émotions et d’idées. Un art qui, par parenthèses, tend à abolir les frontières.

 

Cependant, reprend Lucien l’âne, je me demande qui est cette Esther Jonas et pourquoi un groupe musical plus ou moins contemporain (de la fin du siècle dernier) lui a consacré une ballade, il y a maintenant près de quarante ans. Sans compter qu’on pourrait aussi poser la question de savoir pourquoi les chansons mettent tant de temps à passer d’une langue dans d’autres. Ça m’attriste toujours et pour donner un premier élément de réponse, je suis sûr que sans les Chansons contre la Guerre, nous n’aurions jamais entendu parler d’Esther Jonas (Hester en allemand) et même, nous n’aurions – toi et moi – jamais fait de versions françaises de chansons et probablement, nous n’en aurions jamais écrites.

 

D’abord, Lucien l’âne mon ami, laisse-moi te dire quelques mots de ce groupe rock qui avait choisi de nom indien de Cochise. Cochise est un groupe de musique allemand de Dortmund qui de la fin des années 1970 à la fin des années 1980 s’est fait un nom avec des chansons Pop et Folksongs politiques. Il était populaire surtout sur la scène de la « gauche alternative » des nouveaux mouvements sociaux. Le groupe s’est nommé d’après Cochise, le chef de tribu apache Chokonen, né sous les Espagnols, mort sous les Étazuniens. Il vécut en Arizona de 1810 à 1872 et y mena une très longue guérilla et conclut une paix de résignation. J’invite tous les humains et à réfléchir à ses propos :

 

« Ce sont toujours les faibles qui perdent. Longtemps nous avons été les plus forts. Maintenant, nous sommes les plus faibles. Nous serons battus et nous mourrons, lentement si l’on réussit à nous enfermer dans des réserves, rapidement si l’on nous anéantit au cours d’une bataille. Puis ce sera votre tour. Après en avoir fini avec nous, vous vous tournerez vers d’autres peuples. Je suis certain que vous ne cesserez jamais de vous battre contre ces peuples qui sont sur des terres lointaines, de l’autre côté des océans et qui parlent des langues incompréhensibles. Serez-vous plus forts qu’eux ? Vous écraseront-ils ? Peu importe. Je ne sais qu’une chose : vous vous battrez sans répit. Partout où il y a des êtres vivants, la guerre est permanente. Nous autres Indiens, nous approchons de notre fin. La vôtre viendra aussi. Un homme fort rencontre toujours un homme plus fort que lui. »

 

 

Oh, oui, dit Lucien l’âne. On dirait qu’il raconte par avance l’histoire des Zétazunis et qu’il tente par avance de leur enseigner la sagesse et je ne suis pas sûr qu’il y soit parvenu. Et même, pour le moment, j’ai bien l’impression du contraire – à entendre le stupide slogan : « America first ».

 

Voilà donc pour Cochise, dit Marco Valdo M.I., et maintenant, je m’en vas te dire quelques mots à propos d’Esther Jonas. Elle a vécu, épileptique, en un temps où il ne faisait pas bon de souffrir du haut mal. Comme tu le sais sans doute, ce haut mal est l’épilepsie, une maladie liée au système nerveux. Mais par ignorance et superstition, on y voyait l’empreinte du diable, on y décelait la présence de l’ennemi de l’Ordre divin, on y trouvait je ne sais quelle sorcellerie et en finale, on exorcisait, on torturait et on brûlait le malade – déclaré sorcier ou sorcière. Dans le cas d’Esther Jonas, il faut y ajouter qu’elle était sage-femme, guérisseuse, naturopathe et avait un talent certain de conteuse. Bref, elle fascinait, on l’écoutait. Par ailleurs, son succès suscitait bien des jalousies et des calomnies. Et puis, un jour, comme toujours, les « autorités », le pouvoir pour satisfaire les superstitions en fit un bouc émissaire. On la chargea de mille phantasmes, on l’accusa d’hérésie et on la brûla après l’avoir pernicieusement torturée. Et c’est ce que raconte la chanson. Il ne te reste donc, Lucien l’âne mon ami, qu’à conclure.

 

Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, concluons. Mais avant, il me plaît de rappeler notre antienne ancienne : « Dans la chasse aux sorcières, soyons toujours du côté des sorcières. » Dès lors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde stupide, superstitieux, arrogant, croyant, calomnieux et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Là-bas au Gnadental, un événement s’est produit

Qui a bien commencé et n’a pas bien fini.

Esther Jonas était la femme de Peter Meurer,

Elle avait un joli corps et de solides mains de meunière.

 

Ses jours étaient travail, ses nuits vides.

Esther avait tant et tant de rêves

Que le matin au bord de l’Erft, lavant le linge,

Elle contait aux femmes ses rêves.

 

« Il y avait un fleuve de vin,

Les arbres portaient le pain ;

Dans le verger, des cerises fleurissaient,

Qui même en hiver rougissaient.

Nul besoin d’épicier en charrette,

Nul besoin d’argent pour se vêtir,

Nul homme n’avait besoin de fuir,

Nul chemin n’était trop au large. »

 

Les femmes écoutaient le visage souriant

Les rêves d’Esther beaux et fort plaisants

Et au marché, malgré l’appel des marchands,

Autour de Jonas, s’assemblaient plus de gens.

 

« Les villes tomberont

Qui déjà peu riches sont.

Les pauvres abattront

Alors la richesse sans effort

Et il n’y aura plus de prince,

Ni d’évêque, ni de tsar

Et rien ne sera au matin encore

Tel qu’il était le soir ! »

 

Les hommes lui parlèrent à voix basse,

Les meilleurs dirent : « Esther, redescends sur Terre ! »

Sur l’herbe fraîche, affamés, ils vinrent la nuit quand même

Et réclamèrent les rêves d’Esther : « Aujourd’hui même ! »

 

Un matin, deux hommes de la ville vinrent,

 

Et devant un magistrat, Esther Jonas traînèrent.

Là, il fut question d’un dieu, là il fut question d’elle

Et des rêves qui rendent homme et animal malades.

 

Son cou fut brisé et ses jambes cassées.

La ville entière, tout le jour, retentit des cris d’Esther,

Qui reconnut sa faute d’une main déformée

Et cria encore ses rêves, jusqu’à tant que le feu la fasse taire :

 

« Les villes tomberont

Qui déjà peu riches sont.

Les pauvres abattront

Alors la richesse sans effort

Et il n’y aura plus de prince,

Ni d’évêque, ni de tsar

Et rien ne sera au matin encore

Tel qu’il était le soir ! »

 BALLADE D’ESTHER JONAS
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Published by Marco Valdo M.I.
16 septembre 2018 7 16 /09 /septembre /2018 21:14

 

LA FAUTE DU DIABLE

 

Version française – LA FAUTE DU DIABLE – Marco Valdo M.I. – 2018

Chanson italienne – La colpa è del DiavoloCollettivo Víctor Jara – 1974

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Mon cher ami Lucien l’âne, je m’en vas te conter une histoire diabolique, celle de cette canzone qui accuse le Diable de tous les péchés du monde – au moins, de l’Italie, ce qui n’est assurément pas peu.

 

En somme, dit Lucien l’âne, elle se situe dans la tradition obscurantiste dont la religion infecte la société humaine depuis si longtemps. Un peu comme court dans les cours et les quartiers populaires l’idée qu’il y a grand profit à tirer sur la queue du Diable. Le pauvre Diable, crois-moi, dit Lucien l’âne en pouffant, à force de tirer dessus sa queue, elle fera bientôt le tour du monde. Mais j’imagine que ce n’est pas là le thème principal de la chanson. Je me demande d’ailleurs ce qu’il peut être.

 

Ah, Lucien l’âne mon ami, je m’en vas éclairer ta lanterne. La canzone détaille le chaos qui frappe l’Italie ; – remarque cependant que bien qu’elle date de 1974, elle vaut autant pour l’Italie d’aujourd’hui qui s’enfonce dans la mélasse un peu plus chaque jour. « Il faut que tout change pour que rien ne change », faisait dire au garibaldien Tancredi – si ma mémoire est bonne – Lampedusa. Et le chaos, énonce cette fable, c’est toujours la faute du Diable ; en d’autres termes, il n’y a pas de responsable. Tout comme sa queue, cette réputation exécrable, cette accusation imbécile, cette calomnie honteuse est extensible à l’infini. Un tel Diable est fort pratique, c’est une sorte de paratonnerre, un véritable parafoudre qui préserve les vrais responsables de cet immense foutoir qui, à mon sens, sont ceux-là même qui l’accusent.

 

À mon sens aussi, dit Lucien l’âne, et comme je viens de lire la chanson, il m’est clair que cette vilaine notoriété fait au Diable est pure invention, parce que le Diable n’existe tout simplement pas.

 

En fait, sir Marco Valdo M.I., Lucien l’âne mon ami, tu dis vrai. Ce Méphisto est une pure métaphore. Pour le reste, tout en en rappelant le caractère ironique, je renvoie chacun à la canzone pour les détails.

 

Bonne idée, Marco Valdo M.I., car il nous faut conclure. Reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde ironique, onirique, mensonger, calomnieux et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

Dégagez, extrémistes, babas, zozos !

Avancez, Monsieur le Parlementaire,

Son Éminence, venez, venez !

On va vous raconter ces histoires,

On va vous dire à qui la faute, venez

 

Merci, cher ami, allez, allez

 

Parfois, je me demande pourquoi depuis peu

Les choses vont si mal pour le citoyen honnête.

Le bon travailleur se sent menacé,

Il est fatigué et découragé, il ne sait plus que penser.

 

Les vols, les attaques sont choses quotidiennes

Contre les bonnes gens qui travaillent ;

Aux pauvres banquiers, on vide les caisses,

On enlève les industriels qui payent les taxes.

 

Je suis arrivé enfin à une conclusion

Qui est, je pense, la juste explication :

 

C’est la faute du Diable qui existe vraiment,

Il est petit et noir et se nourrit de chou.

C’est la faute du Diable, ce gros filou

Satanique aux gens de bien s’en prend.

Il vient le soir, avec ses yeux brillants ;

Il apporte le choléra et les poux.

 

Si ce n’était que ça, il n’y aurait pas de mal !

Mais le Diable joue aussi au niveau national.

 

On arrive à suspecter nos députés,

Qui sont si aimables, qui sont si bien éduqués.

Et voilà la calomnie qui circule dans les quartiers,

On dit qu’ils sont payés par certains pétroliers.

 

Les pétroliers sont des gens distingués,

Six m’ont assuré que c’est une rumeur

Lancée contre nos institutions pour les discréditer,

En insinuant qu’au pouvoir, il y a des voleurs.

 

 

Et qui a intérêt à le faire croire ?
C’est clair comme l’eau de roche, c’est un fait manifeste !

 

C’est la faute du Diable qui existe vraiment,

Il est petit et noir et se nourrit de chou.

C’est la faute du Diable, ce gros filou

Satanique aux gens de bien s’en prend.

Il vient le soir, avec ses yeux brillants ;

Il apporte le choléra et les poux.

 

Si ce n’était que ça, il n’y aurait pas de mal !

Mais le Diable est terrible, il joue au plan social.

 

Le peuple italien, encore il y a peu

Était l’exemple suprême d’une belle civilisation,

Un peuple généreux de nobles patrons,

De travailleurs intrépides et de paysans heureux,

 

Maintenant dans les rues, il proteste furieux

Jusqu’à faire penser que c’est changer de vie qu’il veut :

Travailler un peu moins et avoir plus de moyens ;

Il dit que les policiers sont des assassins !

 

Ils prennent les maisons

Sans payer un rond,

Puis, ils occupent les églises

Et les prêtres se taisent.

 

Et puis, ces prêtres qui font les progressistes

Me rappellent certaines histoires d’antéchrists…

 

C’est la faute du Diable qui existe vraiment,

Il est petit et noir et se nourrit de chou.

C’est la faute du Diable, ce gros filou

Satanique aux gens de bien s’en prend.

Il vient le soir, avec ses yeux brillants ;

Il apporte le choléra et les poux.

 

 

 LA FAUTE DU DIABLE
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Published by Marco Valdo M.I.
13 septembre 2018 4 13 /09 /septembre /2018 18:05

 

Le Gaufrier

 

Chanson française – Le Gaufrier – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
89
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLIII)

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

« Le Gaufrier », demande Lucien l’âne, serait-ce une chanson de cuisine ?

 

Pas exactement, dit Marco Valdo M.I., ou alors, un gaufrier sorti tout droit de la cuisine du diable. En réalité, ce gaufrier, comme on le découvre dans la chanson, est un instrument de meurtre, c’est l’arme du crime. En principe, un gaufrier est bien un outil de cuisinière ; il est équipé de longs bras de fer épais et au bout de ces bras, on trouve des plaques de fonte d’acier, fort épaisses et fort lourdes. Manié avec vigueur, c’est une masse d’arme redoutable. Il assomme et blesse et peut même tuer sur le coup si on frappe à la tête. Mais il y a pire encore, le gaufrier de la chanson est muni de dents d’acier qui crèvent les chairs, les arrachent, broient les os et les vertèbres.

 

Donc, reprend Lucien l’âne, on découvre le gaufrier entre les mains du poissonnier et que raconte-t-elle d’autre la canzone ?

 

Elle raconte, Lucien l’âne mon ami, que Till reconnaît dans ce garou, le poissonnier qui avait dénoncé son père, Claes le charbonnier et comme on peut le penser, Till n’est pas tendre avec cette crapule. Il a sorti son coutelas et s’apprête à lui percer la gorge quand Toria, la mère de Betkine, l’enfant assassinée, le retient. Pas par bonté d’âme ou par miséricorde, mais, car elle veut justice et elle veut surtout vengeance et elle se met sur le champ à l’exercer à l’aide du gaufrier. Une application immédiate de la loi du talion, en quelque sorte et de cette bouche létale, elle mord, elle mord pour faire mal, pour faire payer le meurtrier.

 

Hou-là, dit Lucien l’âne, c’est une louve en colère que cette femme. Elle va le tuer…

 

Je ne pense pas, rétorque Marco Valdo M.I, j’en tiens pour preuve ce qu’elle demande et d’ailleurs quand le meurtrier – sous ses coups – supplie qu’on l’achève, elle s’y oppose vivement en disant :

 

« Tenez le vif, il faut justice ! »,

« Gardez-le vif pour les supplices

Et qu’à la fin seulement, le diable l’emporte ! »

 

Oh, je vois, s’exclame Lucien l’âne : « Les supplices et à la fin seulement… », je comprends purquoi elle empêche Till de le tuer sur place et tout compte fait, elle fait bien. Elle évite à Till d’être poursuivi comme assassin. Car, même si la guerre en cours avec ses sacs et ses massacres peuvent faire paraître ces faits-divers insignifiants, il n’en reste pas moins qu’il faut que justice se fasse, mais par la voix de la justice. C’est un dilemme que se présente souvent quand le chaos de la guerre embrouille les événements. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde chaotique, périlleux, massacreur et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

La cloche sonne le vacarme,

Un enfant court le village

Et partout donne l’alarme :

« Garou est pris dans le bocage. »

 

Les bras pris au piège, le garou

Ne hurle pas comme un loup,

C’est un démon, il a des mains ;

Il pleure, il prie, il geint.

 

Comme un humain, il mande pitié.

« Je ne suis pas loup, je ne suis pas diable,

Je suis vieux, je saigne, je suis blessé,

Je souffre, c’est épouvantable ! »

 

Till dit : « Oh, poissonnier détestable,

Je te reconnais et comme alors, je te hais !

Les cendres sur mon cœur sont intraitables :

Foi de Till, je te le dis, pitié de toi, jamais ! »

 

« Poissonnier, tu as dénoncé mon père,

J’ai vu mourir ma mère ;

Je n’oublie rien de tout cela. »

Et Till sort alors son coutelas.

 

« Tenez le vif, il faut justice ! »,

Supplie la mère de l’enfant morte.

« Gardez-le vif pour les supplices

Et qu’à la fin seulement, le diable l’emporte ! »

 

Elle trouve l’arme du crime, le gaufrier ardent.

Elle l’ouvre, une gueule de lévrier

Aux brillantes et longues et dures dents ;

Elle ferme cent fois les mâchoires d’acier.

 

Sur les jambes, sur les pieds, sur les bras,

Le fer mord en haut, le fer mord en bas,

Et le poissonnier sanglote et se débat,

Et sans cesse encore, la morsure le broie.

 

« Il a fait ainsi à Betkine, il paye !

Le vilain paye ses odieux sévices.

Le meurtrier hurle et saigne, c’est justice !

La cloche des morts l’appelle, il paye ! »

 

« Je suis mouillé de sang, pitié ! »

« Du sang de l’enfant, pas de pitié !

À petit feu, main coupée, tenaille ardente,

La mort te tient, la mort est patiente ! »

 

 Le Gaufrier
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Published by Marco Valdo M.I.
12 septembre 2018 3 12 /09 /septembre /2018 17:44

 

Gare au Garou

Chanson française – Gare au Garou – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
88
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLIII)

 

 

 

 

 

Ah, dit Lucien Lane, qui arrive claudiquant à pas lents, ce titre me semble inspiré directement du « Gare au gorille ! », antienne du Gorille que composa et chanta Georges Brassens. Sans doute, le plus célèbre Gorille de tous les temps ; et à propos de gorilles, en restera-t-il encore sur Terre dans quelque temps ? Car, on les chasse odieusement. Cela dit, j’imagine que ce titre est un clin d’œil de connivence et c’est fort bien, mais est-elle aussi drôle, ta chanson ? ; je ne le sais pas, car je ne l’ai pas encore vue, mais j’en doute.

 

Elle ne l’est absolument pas, dit Marco Valdo M.I., car elle conte la chasse au loup-garou que va mener Till dans ces dunes proches de la plage, un lieu ordinairement empreint de paix et de sérénité, où depuis un certain temps – dans la nuit du samedi au dimanche – les gens sont assassinés. Tous ont la nuque brisée et au col des morsures de longues et pénétrantes dents. La dernière personne en date est Betkine, une jeune fille victime d’un meurtre dans les dunes. Cela posé, le « Gare au garou ! » s’impose, mais à l’inverse du « Gare au gorille ! », son avertissement, sa menace s’adresse au garou, c’est l’annonce faite au garou que sa fin approche à pas de loup.

 

Bien, dit Lucien l’âne, en se dandinant pour trouver la bonne position. Qu’en est-il alors de la chanson ? Que raconte-t-elle ?

 

Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., elle rapporte la suite des événements qui fait escorte à la découverte du cadavre d’une jeune fille assassinée dans les dunes qui longent la Mer du Nord du côté de Knokke. On a ramené le corps à la maison communale de son village, on l’autopsié et le bruit s’est répandu qu’il s’agit de l’œuvre d’un loup-garou. Le loup-garou – comme on sait – est un personnage mythique qui incarne dans le monde paysan toute l’angoisse, toute la frayeur refoulées.

 

Évidemment, dit Lucien l’âne, car c’est l’incarnation du loup en humain ou de l’humain en loup. Et des histoires de loup-garou, le monde féodal en était plein ; le monde romantique aussi – pour ne parler que de l’Europe ancienne. Je ne connais pas les loups-garous des autres continents ; ils doivent avoir d’autres apparences. Dans le réel, tout au long de mes pérégrinations, je n’en ai jamais, au grand jamais rencontré un seul ; tout comme je n’ai jamais rencontré de farfadet, de lutin, de gnome, de démon, d’ange ou de dieu ; ce sont des fantaisies de l’imagination.

 

Donc, dit Marco Valdo M.I., à l’idée du loup-garou, l’imagination s’emballe et on – c’est vraiment de « on » qu’il s’agit – décrète la chasse au loup-garou. Tout le monde crie au loup, mais de tous ces crieurs du devoir, personne ne se présente pour aller véritablement à la chasse au garou – sauf la mère de l’enfant et ses frères. Simplement, surgissent alors quelques réflexions plus raisonnables et notamment, l’idée que l’assassin mystérieux ne saurait se résumer à un garou – lequel se préoccupe comme le vampire essentiellement de sang frais, car le vol apparaît comme le véritable mobile de ces assassinats. D’autre part, Till intervient qui se porte volontaire et pas trop certain de ne pas avoir à faire à un garou, il s’es confectionné un piège à loup comme on en faisait à l’époque. Il s’en va seul affronter le tueur et le reste est dit dans la chanson.

 

Oui, Marco Valdo M.I., laissons dire la suite à la chanson et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde lâche, traître, pervers, assassin et cacochyme.

 

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

La population s’est rassemblée

Devant le corps de Betkine assassinée.

Femmes, enfants, hommes, tous pleurent

Et se lamentent d’un si grand malheur.

 

Et Toria, la mère de la morte

Geint et crie d’une voix forte :

« Je chasserai le garou jusqu’à tant

Que je le tuerai de mes dents. »

 

Des femmes dans son vœu la soutiennent,

Par prudence, d’autres la retiennent.

Avec son homme et ses frères, Toria s’en va

Par plage, dune et vallée et ne le trouve pas.

 

Le bailli dit : « Un loup-garou boit le sang,

Mais ne vole pas les habits d’argent. »

À la recherche des sols et des habits de l’enfant,

On arrête les bélîtres et les mendiants.

 

Mais tout ça ne donne rien.

Till alors s’en vient chez le bailli

Et dit : ce garou est un humain ;

J’en délivrerai le pays.

 

Till forge un piège secrètement,

Puis s’en va, dit-il, chasser la mouette.

Sur la plage, il ouït le flot déferlant

Et va voir le curé en tête à tête.

 

J’ai besoin d’aide pour cette nuit ;

Quelques hommes courageux, ça suffit.

Tous ont peur, à venger l’enfant, personne ne t’aidera

Sauf ses deux oncles et sa mère Toria.

 

Ce soir, le vent souffle d’Angleterre.

Till marche dans le sentier maudit,

Ses pas sont hésitants, il cherche la terre.

Il zigzague et titube en ivrogne accompli.

 

Till pose le piège sur le chemin

Il avance un peu et bande son arbalète.

Il chante faux un vrai refrain

Et veille en tanguant comme une bête.

 

Soudain, un pas lourd et ferme ;

D’un coup, un bruit de fer, un cri

Le piège se referme.

Le loup-garou est pris.

 

Gare au Garou
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10 septembre 2018 1 10 /09 /septembre /2018 16:46
Meurtre dans les Dunes

Chanson française – Meurtre dans les Dunes – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
87
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLIII)

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Cette fois, Lucien Lane mon ami, qui va balançant les oreilles, pour situer ce titre, digne, je te l’accorde, d’un roman policier – et d’ailleurs, on verra que c’est un peu de ça qu’il s’agit, je dirai volontiers que guerre ou pas, la vie continue.

 

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, j’aime beaucoup cette expression qui déclare que la vie continue, mais la penses-tu vraiment appropriée à un tel titre ?

 

Certes que oui, Lucien l’âne mon ami, car elle aide à comprendre ce qu’est la résilience dans une société désemparée par la guerre, meurtrie par mille blessures, éperdue par le chaos ambiant qui la pollue et l’empoisonne. Certaines de ses règles de bonne vie se perdent, le désarroi mine ses plus sûrs fondements.

 

Somme toute, dit Lucien l’âne, mais d’une certaine façon, on le savait déjà – peut-être même sans le savoir consciemment – que la guerre ne se fait pas qu’au front, qu’elle se meut jusque dans les plus innocents paysages. La guerre pourrit la vie qui, comme tu le dis, malgré tout, continue. Et pour ce qui me concerne, c’est heureux !

 

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, j’imagine qu’une science pourrait, si elle en prenait la peine, calculer le coefficient de résilience d’une population, d’un groupe, d’une personne, pris dans les arcanes d’une guerre. Mais tel n’est pas le sens de ma chanson.

 

Ce qui, soit dit en passant, dit Lucien l’âne, pourrait être passionnant et sans doute également, utile et pas seulement, à la polémologie, qui est la science de la guerre et qui devrait figurer parmi les préoccupations des plus pacifiques des pacifistes. Pour en finir avec la guerre, il me semble qu’il faudrait comprendre ce qu’elle est dans son rapport avec la paix, car elles sont les deux versants d’une même chose ou des degrés différents d’intensité d’un même état de société micro ou macrocosmique.

 

Cette fois, Lucien l’âne, c’est moi qui t’arrête dans tes débordements. Revenons à la chanson. Donc, il y a un meurtre, celui d’une jeune fille qui s’en était allée confiante par le chemin des dunes porter quelqu’argent à son oncle qui réside au village voisin. Elle a déjà souvent parcouru cette sente dans les dunes ; il fait plein jour et le ciel est dégagé. Je veux dire par là qu’ordinairement, il n’y a aucun danger à fréquenter cet endroit. Et soudain, c’est le drame. Des pêcheurs revenant de la plage la retrouvent le lendemain. Le médecin légiste – à l’époque, le chirurgien-barbier, conclut à l’assassinat par un loup-garou. Mais au fait, sais-tu ce qu’on appelle ainsi ?

 

Évidemment et je te le prouve, dit Lucien l’âne, en te disant que le loup-garou aurait aussi bien pu s’appeler de garloup, qui refléterait mieux le vieux nom francique de werwulf, werwolf et je suppose, en néerlandais, weerwolf. Mais brisons là et reprenons notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde belliqueux, belliciste, chimérique et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Dans les campagnes, dans les villes,

La guerre va et vient son train

Elle bouscule tout

Et malmène les humains.

 

Le chaos hante la vie civile,

Nulle part on n’est tranquille.

Le monde est sens dessus dessous,

L’air même a un sombre goût.

 

Dans les Pays, la mort partout,

Insidieuse, se glisse clandestine ;

Elle prend les gens par le cou,

De ses doigts gourds, elle assassine.

 

Alors, insouciante, une fille de quinze ans,

Belle comme la vie l’est en son printemps,

Au travers des sables, seule, en plein jour,

Vers Knokke prend le sentier le plus court.

 

Les loups-garous ne mordent que la nuit,

Ainsi, aussi, dit-on, les mauvais esprits.

La fille s’en va par la sente des dunes,

La route est sûre entre les communes.

 

Betkine, la belle enfant, se nomme ainsi,

A mis ses plus beaux vêtements.

Elle va chez son oncle Henri

Porter quarante-huit sols d’argent.

 

Au soir, elle n’est pas rentrée.

Sa mère ne s’en inquiète pas trop ;

Chez l’oncle Henri, elle est restée,

Elle reviendra demain au matin tôt.

 

À l’aube, les pêcheurs de retour de la mer

Tirent le bateau au sec sur la plage,

Emportent le poisson par charretée entière

À l’enchère de la minque du village.

 

Sur le chemin semé de coquillages,

Une fille bouche ouverte, toute nue, dort.

De sa nuque brisée, le sang sort

Des marques de dents d’une bête en rage.

 

Les pêcheurs la couvrent et la mènent à la commune.

Les édiles s’assemblent autour de l’infortune,

Le chirurgien-barbier examine le corps

Et dit : « Un loup-garou est cause de sa mort. »

 

 Meurtre dans les Dunes
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Published by Marco Valdo M.I.
9 septembre 2018 7 09 /09 /septembre /2018 20:53

 

ÉCHEC AU ROI !


Version française – ÉCHEC AU ROI ! – Marco Valdo M.I. – 2018

d’après la version italienne – SCACCO AL RE – Lorenzo Masetti – 2018

d’une chanson espagnole – Jaque al ReySka-P2018

 

 

 

 

 

 

 

 


Un nouvel épisode des sympathiques chansons dédiées à la maison régnante espagnole, parmi lesquelles on trouve Una historia real, Jo vull ser rei, Los Borbones son unos ladrones, Muerte a los borbones et naturellement, Simpático holgazán. Du tout nouvel album du retour de l’historique groupe ska madrilène.

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Voilà maintenant, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu nous emmènes jouer aux échecs. Tu annonces un échec au roi, mais généralement, le coup suivant peut être vraiment définitif et mener tout droit au terrible « Échec et mat », à la mort du roi, ce qui d’ailleurs est le but du jeu.

 

Oh, Lucien l’âne mon ami, je n’y suis pour rien, tu vois bien que c’est une traduction d’une chanson espagnole et toutes récentes – la chanson et la traduction en italien. Elle a été enregistrée cette année par un groupe populaire de Madrid. Cela dit, ton commentaire est exact ; l’échec au roi vise à l’élimination du roi. On dit alors qu’il est mat. Mais reprenons quelques faits pour éclairer le débat :

 

Lors de la guerre d’Espagne qui dura de 1936 à 1939, puis se poursuivit sous la forme d’une résistance clandestine pendant les trente-cinq années suivantes, le « généralissime » (« Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios ») Franco, dictateur de son état, a d’abord trahi, puis détruit la République, massacrant au passage une nonne part de la population.

Le même dictateur Franco (etc. por la gracia de dios), sentant sa fin prochaine, a voulu assurer une « transition » sous la forme d’une Constitution qui remit en place la monarchie des Bourbons.

L’Espagne a pour l’instant un roi.

Il s’appelle Philippe, comme le roi d’Espagne au temps de Till (voir notamment L’Araignée de l’Escurial) ; il porte le numéro VII.

 

C’est ce roi Philippe (Felipe VII) qu’il faut mettre en échec et puis, tout à fait hors jeu, c’est-à-dire Mat, afin de rétablir la République en Espagne. Du moins, c’est ce que dit la chanson.

 

Soit, dit Lucien l’âne. Ce serait un bon début, même si le simple départ des Bourbons et l’institution de la République ne changeraient pas grand-chose si on ne mettait dans le même temps hors jeu, échec et mat, toute la « Grande Espagne, Une et Libre », toutes ces séquelles du franquisme et tous ces arrogants dignitaires et leurs affidés. Il y a là un grand nettoyage à faire que n’a pas permis la soi-disant transition, où le franquisme est encore ordinaire. Sans balayer ces résidus de la dictature et du conservatisme espagnol, qui ont fait tant de mal aux gens d’Espagne et d’ailleurs, la même atmosphère pesante, la même domination insupportable, la même misère des pauvres resteront en place comme si de rien n’était.

 

Certes, dit Marco Valdo M.I., encore faut-il que cela se fasse. Cela dit, avant que tu conclues, je voudrais faire une petite excursion dans la version française et indiquer pour quoi j’ai choisi de (faire) dire au Bourbon : « Ma vie est une fiction ». C’est une coquetterie de traducteur – tout comme « pauvres cons » si gaillardement utilisé par un ex-président de France, tout comme « mon nom est bourbon(d) », je l’admets volontiers, mais il m’a plu pour « Ma vie est une fiction » de le faire en référence à la pièce de théâtre de Pedro Calderon de la Barca – La vida es sueño (1636), qui écrivait :

 

« ¿Qué es la vida? Un frenesí.

¿Qué es la vida?  Una ilusión,
una sombra, una ficción,
y el mayor bien es pequeño;
que toda la vida es sueño,
y los sueños, sueños son. »

 

« Qu’est-ce qu’est la vie ?

Une frénésie.

Qu’est-ce qu’est la vie ? Une illusion,

Une ombre, une fiction,

Et le plus grand bien est petit ;

Car toute la vie est rêve,

et les rêves, sont des rêves. »

 

Bien, ainsi, la vie est une fiction, un rêve, un songe… C’est un point de vue intéressant, conclut Lucien l’âne. Il nous faut cependant reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde hiérarchique, monarchiste, dictatorial, conservateur et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

Ne me cassez pas les bourbons !

 

Je ne m’embarrasse ni d’histoires, ni de science-fiction,

Je suis chef d’État sans avoir vaincu les élections.

Que croyez-vous, pauvres cons, ma vie est une fiction :

Mon nom est Bourbon.

 

Ne me racontez pas vos ennuis, car ils me font bâiller ;

Je ne sais ce qu’est une pioche, ni de devoir travailler.

Que croyez-vous, pauvres cons, ma vie est une fiction :

Mon nom est Bourbon.

 

Mon nom est Bourbon (Qu’en dites-vous, pauvres cons) !

Mon nom est Bourbon (ma vie est une fiction) !

Que croyez-vous, pauvres cons, ma vie est une fiction.

Mon nom est Bourbon !

 

Ne me cassez pas les bourbons !

 

L’Arabie, demain,

Ensuite à Pékin,

Je suis le commis de mon pays.

Les grands patrons

M’adoreront

Pour mes services.

Tout le monde danse.

 

ÉCHEC AU ROI !

La troisième république s’annonce déjà

ÉCHEC AU ROI !

Pour toi, pour moi, pour le roi

ÉCHEC AU ROI !

La troisième république est presque là

ÉCHEC AU ROI !

Pour toi, pour moi, dehors le Roi

 

Si on vous fout dehors, ça m’est égal !

Moi, je dors chez moi ou au palais royal.

Que croyez-vous, pauvres cons, ma vie est une fiction.

Mon nom est Bourbon !

 

Mon nom est Bourbon (Qu’en dites-vous, pauvres cons) !

Mon nom est Bourbon (ma vie est une fiction) !

Que croyez-vous, pauvres cons, ma vie est une fiction.

Mon nom est Bourbon !

 

Moi, comme chef d’État espagnol,

Je garantis que pour tous, la loi sera égale ;

Je garantis l’unité de la nation,

Le respect de la démocratie et de la Constitution,

La liberté d’expression,

Le respect des droits de l’homme,

Des pouvoirs, la séparation

et bien entendu, le bien-être de mon peuple

Olé, olé !

 

 

ÉCHEC AU ROI !

La troisième république s’annonce déjà !

ÉCHEC AU ROI !

Pour toi, pour moi, pour le roi !

ÉCHEC AU ROI !

La troisième république est presque là !

 

ÉCHEC AU ROI !

Pour toi, pour moi, dehors le Roi !

 

Dehors le roi !

 

Merci au dictateur,

Merci au dictateur,

Merci au dictateur, par la grâce de Dieu,

Je suis une institution.

 

Merci au dictateur,

Merci au dictateur,

Merci au dictateur, par la grâce de Dieu

Et à sa Constitution.

 

ÉCHEC AU ROI !

Ni roi, ni patrons !

ÉCHEC AU ROI !

Ni esclaves, ni plantons !

 

ÉCHEC AU ROI !

Ni patrons, ni roi !

ÉCHEC AU ROI !

Pour toi, pour moi, dehors le roi !

 

ÉCHEC AU ROI !

Ni roi, ni patrons !

ÉCHEC AU ROI !

Ni esclaves, ni plantons !

 

ÉCHEC AU ROI !
Ni patrons, ni roi !

ÉCHEC AU ROI !

Pour toi, pour moi, dehors le roi !

ÉCHEC AU ROI !
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Published by Marco Valdo M.I.
8 septembre 2018 6 08 /09 /septembre /2018 18:06
Le Retour de l’Alouette


 

Chanson française – Le Retour de l’Alouette – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
86
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLII)

 

 

 

Nelle et Till

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Encore une fois, dit Lucien Lane en balançant les oreilles, goguenard, un de ces titres codés dont il faut deviner la signification, mais je pense savoir de quoi il s’agit.

 

Je l’espère bien, Lucien l’âne mon ami, que tu sais ce dont il s’agit, car sa signification est évidente pour tout qui a suivi les méandres de cette fluviale légende de liberté.

 

Fluviale légende ?, Marco Valdo M.I. mon ami, fluviale légende ? Que veux-tu dire ?

 

Oh, Lucien l’âne mon ami, la chose est fort simple, mais cependant assez importante à envisager, car c’est une des clés principales du monde dans lequel s’inscrit la Légende elle-même. Fluviale, voici pourquoi. Il te souviendra que nous avons suivi Till souvent au bord de rivières, de fleuves, de canaux. Je cite pêle-mêle : la Meuse, la Sambre, l’Hélinium, le Rhin, l’Escaut, la Lys, la Senne et divers canaux sans nom particulièrement renommé, ce qui constitue en fait le territoire des Hauts et Bas Pays, bordés de la mer du côté où se couche le soleil ; ces mêmes Pays sont l’espace de la Légende. Mais dis-moi ce que tu as deviné ?

 

Je pense, dit Lucien l’âne, que tout au long de ce qui précède, Till pousse le cri de l’alouette quand il veut se signaler à un autre Gueux, lequel doit répondre par le chant du coq et donc, je pense que l’alouette de ce titre n’est autre que Till lui-même et qu’on assiste au retour de Till au pays d’où il a été longuement exilé.

 

C’est exactement ça, répond Marco Valdo M.I., Till et Lamme rentrent à Damme après longtemps d’absence, ce qui ne marque pas, rassure-toi, la fin de leurs aventures. On a encore beaucoup à connaître de leurs péripéties ; la guerre des Gueux n’est pas finie, loin de là. Simplement, comme il est annoncé dans diverses chansons, les Gueux vont conquérir les mers et poursuivre l’Espagnol jusqu’à l’autre bout du monde. Mais cela est une autre affaire et déborde de bien des façons de l’univers de la Légende. On ne s’y risquera pas, car il faudrait alors faire l’histoire entière de la Guerre de Cent Mille Ans, dont on ne sait déjà précisément quand elle commence et dès lors, quand elle finira ; mais certainement pas tout de suite.

 

En effet, dit Lucien l’âne songeur, faire l’histoire de la Guerre de Cent Mille Ans en entier est une œuvre considérable et probablement impossible, même si on ne s’en tient qu’au passé ; quant à son futur, un temps, les plus audacieux des romanciers de science-fiction ont essayé de le faire, sans y parvenir. Bref, c’est une mission impossible. Mais reviens à la chanson du retour de l’alouette Till.

 

Donc, Lucien l’âne mon ami, Lamme, tout à la joie du retour, s’étonne du mutisme de Till et lui en fait un amer reproche jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que Till est en larmes : larmes de chagrin au souvenir de la mort de Claes le charbonnier, son père, au souvenir de Soetkin, sa mère, morte de la mort de son mari ; larmes de bonheur à la douce idée de retrouver Nelle. Cette retrouvaille est la fin de la chanson et l’amorce d’une nouvelle époque de la Légende.

 

Alors, dit Lucien l’âne, voyons ce retour de l’Alouette au nid et reprenons notre tâche, tissons le linceul de ce vieux monde à bien des égards barbare, morne, mercantile, obsédé par l’argent, rongé par l’apparence, malade du pouvoir et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Au long du canal de Damme,

De longtemps, le temps est en exil.

Jean porte le gros bât de Lamme

Et Jef marche à côté de Till.

 

Les cigales bruissent dans les prés ;

Sur les champs, les manants récoltent le blé.

Les gens d’église viennent chercher

Le treizième pour les abbés et les curés.

 

Au-dessus de l’eau, les carpes affamées

Happent les mouches ronflantes ;

Les noires arondes virevoltantes

Leur volent les bestioles tant convoitées.

 

Sans souffle, l’air est chaud,

Les arbres tremblent au bord de l’eau.

Le soleil tape tout droit

Sur la berge où cacardent les oies.

 

Le carillon égrène le branle de midi,

Le soleil déverse sa chaleur,

La nature se tasse sous cette pâleur,

L’alouette rentre en son pays.

 

Les femmes crient à tue-tête

C’est l’heure du casse-croûte.

À Till, de sa main boudinée, Lamme

Montre le beffroi carré de Damme.

 

Lamme dit : « Là sont tes amours et tes douleurs. »

Till ne répond pas.

Lamme dit : « Là est ma demeure. »

Till ne répond pas.

 

Lamme dit : « Homme de bois, cœur de pierre !

Ton cœur a oublié ton père et ta mère ? »

Till ne répond pas.

Till pleure encore et ne répond pas.

 

Till entre en la maison de son enfance ;

Le nouveau charbonnier accueille sa souffrance.

Puis, avec les ânes, ils vont chez Katheline.

Ils entrent, les femmes dînent.

 

Till muet se tient là debout,

Saisie, Nelle pleure : « Se peut-il ? »

Nelle se jette à son cou.

Affolée, elle rit : « Till ! Till ! »

 

 

Le Retour de l’Alouette
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Published by Marco Valdo M.I.
6 septembre 2018 4 06 /09 /septembre /2018 15:50

 

Le Roi ne rit pas

 

Chanson française – Le Roi ne rit pas – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
85
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLI)

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Donc, Lucien l’âne mon ami, Je te remémore ce qui était dit dans notre dialogue maïeutique à propos de Festins de Carême, la précédente chanson de la Légende :

 

« Mais vois-tu, Lucien l’âne mon ami, il faut lier cette chanson à la suivante, dont je ne connais pas encore le titre, ni le texte, mais qui sera le négatif de celle-ci. Lamme incarne le bonhomme et l’homme bon, aimant la vie et la bombance, mais aussi celui qui ne fait cette guerre que contraint et forcé et encore, afin d’accéder à la paix dans les Hauts et Bas Pays et fait contraste avec Philippe, roi d’Espagne, fauteur de guerre, de religion et de malheur. Lamme est authentiquement contre la guerre et sa chanson aussi. »

 

Tout comme lorsqu’au début, je veux dire au moment de sa naissance ou à peu près, Till le (futur) Gueux était mis en balance avec Philippe le (futur) Roi, dans la canzone précisément intitulée : « Till et Philippe », cette confrontation traçait l’antagonisme essentiel entre les Pays (Hauts et Bas) et l’occupant espagnol et son Inquisition, Till apparaissait comme le symbole de la résistance, de l’engagement volontaire de liberté, ici, dans une autre confrontation – entre Lamme le Gueux bedonnant et Philippe le Roi aigre, Lamme incarne l’autre facette de la Guerre de Cent Mille Ans, celle de la résistance malgré elle, du pacifique contraint à se muer en guerrier à son corps défendant, par la force des choses. De façon principale et préférentielle, a priori, le bonhomme préfère la vie calme et tranquille, et tel l’ours d’autres légendes du Nord, il ne s’agite que s’il ne peut faire autrement, que sa dignité et sa conscience l’en persuadent et l’y poussent fortement. Souvent cette résistance ne se révèle que par une forme d’inertie, de lenteur dans l’obéissance, de candeur dans le raisonnement, ne se dévoile pas, reste confidentielle et agit clandestinement, parfois même, à l’insu de son porteur.

 

Fort bien, dit Lucien l’âne. Je comprends bien ce parallèle et ce qu’il exprime, mais, dis-moi, mon ami, au fond que raconte la canzone.

 

Comme le laisse entendre le titre « Le Roi ne rit pas », répond Marco Valdo M.I., titre qui n’est autre que la rengaine de la chanson, ce Roi Philippe est un triste sire, dans tous les sens. C’est un personnage aigre, méchant, absurde, sadique qui ne règne que par la peur qu’il inspire, même en ses amours.

 

Souvent d’ailleurs, je me demande, Marco Valdo M.I., comment les hommes, je veux dire les humains, peuvent volontairement obéir à de tels êtres et comment ils ne les ignorent tout simplement pas, les laissant ainsi à leur bêtise et à leur rancœur et je ne pense pas qu’à ce roi Philippe qui ne pleure pas plus qu’il ne rit.

 

Une fois encore, cet illuminé, qu’il eût mieux valu enfermer dès sa prime jeunesse quand il torturait la jeune Guenon, ce furieux torture des animaux avec raffinement, plaisir et malsaine délectation, précise Marco Valdo M.I. Il met au supplice du feu les mulots et les souris, il joue du clavecin à chats. Ce dément aurait mérité que s’accomplisse la vengeance que Georges Brassens imagine dans son Testament :

« Mais que jamais – mort de mon âme !,
Jamais il ne fouette mes chats.
Quoique je n’aie pas un atome,
Une ombre de méchanceté,
S’il fouette mes chats, il y a un fantôme
Qui viendra le persécuter. »

 

Quelle différence avec le bon Lamme et l’intrépide et honnête Till !, dit Lucien l’âne. Encore une fois, comment les humains peuvent-ils tolérer ça ? D’autant qu’un tel signe de décrépitude morale est le reflet du caractère profond de cet ignoble et du danger potentiel et dans le cas de ce Roi Philippe et des autres du même acabit, du danger réel qu’il fait courir à ses contemporains. La torture de la Guenon hérétique s’est traduite au fil du temps par des milliers de morts d’hérétiques. Mais, ce qui peut quelque peu rassurer et laisser un peu de vie à certains d’entre nous, c’est que ces cinglés, je veux dire les hommes de pouvoir, n’ont qu’une action marginale et ne peuvent toucher directement qu’une très petite partie des milliards de gens, qui échappent ainsi à leurs pénibles manigances. La dernière guerre mondiale fit des dizaines de millions de victimes, après quoi, la population est passée de grosso modo, un milliard à sept milliards et demi à présent. La-dite guerre fit environ 60 000 000 de morts, ce qui est largement inférieur à l’accroissement annuel de 90 000 000 que l’on connaît à présent. Il n’empêche que ces tortures, ces massacres, ces assassinats sont d’authentiques saloperies et qu’il conviendrait de refuser d’obéir à ceux qui les promeuvent et les décident. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde furieux, dément, débile, pervers et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Manger trop de chocolat

Donne la colique.

La pâtisserie rend le Roi

Philippe mélancolique.

 

Quand il broie du noir,

Philippe joue du clavecin vivant,

Une caisse avec des chats en dedans

Où chaque touche actionne un dard.

 

Le dard frappe à chaque note

La tête d’un chat ;

Chaque chat chante une note ;

Chaque note charme l’oreille du Roi.

 

Douleur de chat n’émeut pas le Roi :

Philippe s’amuse des cris des chats,

Il joue cette sonate à sept voix,

Mais Philippe ne rit pas.

 

Philippe est plus catholique

Que le Pape et l’Italie ;

Sur le trône d’Albion, fin politique,

Au lieu d’Élisabeth, il veut Marie.

 

Deux assassins vont là-bas

Sur les ordres du Roi.

Élisabeth les pend à son grand mat,

Mais Philippe ne rit pas.

 

Philippe se voit roi d’Angleterre,

Puis maître de toute la Terre,

Pour la foi, exterminer les réformés

Et des biens des victimes être l’héritier.

 

Philippe aime beaucoup la torture ;

Il fait chauffer en une boîte en fer

Des souris, des mulots, de pauvres créatures

Sans défense, elles ne savent que faire.

 

Elles crient, geignent, gémissent,

Courent, sautent, mais n’en sortent pas.

Les bestioles cuites meurent,

Mais Philippe ne rit pas.

 

Have, pâle, blême, tout tremblant,

Il s’en va triste amant

Dans le lit de celle qui craint le Roi,

Mais ne l’aime pas.

 
Le Roi ne rit pas
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Published by Marco Valdo M.I.

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