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6 septembre 2022 2 06 /09 /septembre /2022 10:36

 

À perdre la Raison

 

Chanson française — À perdre la Raison Marco Valdo M.I. — 2022

 

 

 

LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.

 

 

 

 

LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 064. Que faire ?; Épisode 065 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 066 : Le Congé éternel

 

 

 

Épisode 67

 

 

 

LE GUIDE ET LES AUTRES

Selon George Orwell — 1984

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Toujours des voix, Lucien l’âne mon ami, une voix peut-être, peut-être même la même et peut-être pas. De toute façon, il vaut mieux qu’on ne le sache pas. Ainsi va la vie en Zinovie.

 

Marco Valdo M.I., qu’est-ce que tu me chantes là ? Tout ça met en appétit ma curiosité. Quelle est donc cette voix qu’on ne connaît pas ?

 

Et qu’on ne connaîtra sans doute pas, dit Marco Valdo M.I., et je disais que ce pourrait être la voix habituelle qu’on entend dans ce voyage et à bien y réfléchir, il me semble que c’est elle.

 

Finalement, remarque Lucien l’âne, ce qui importe, c’est ce qu’elle raconte.

 

Très juste, dit Marco Valdo M.I. et pour commencer, elle parle de la vie du fantassin et de ce qu’il ressent au combat.

 

« Les peurs et l’horreur du fantassin.

L’attente, la soif, la faim

La boue, le froid, la fin

Et le rire de la mort partout »

 

Ensuite, ce qui explique le titre, elle souligne que dans le pays, l’ambiance est irrespirable, démente, insupportable, destructrice de la vie quotidienne :

 

« Le jour, la nuit, en toutes saisons,

Une senteur à perdre la raison. »

 

Et puis, la voix évoque le personnage — une dame nommée Mariamarie et surnommée l’Abrutie, qui, toujours selon la voix projetée d’on ne sait où, est l’incarnation légendaire de la Zinovie.

 

« Avec la Zinovie au cœur,

Lisier, purin, engrais, odeurs,

Voici venir Mariamarie l’Abrutie,

L’incarnation légendaire de notre État. »

 

Puis, elle parle du Guide et de son goût pour la gloriole et d’un condamné qui a « renoncé à exister » :

 

« Contre la guerre, un homme a protesté.

Un procès public a été organisé ;

L’accusé n’a pas pu y assister.

Condamné, il a renoncé à exister. »

 

Je vois, dit Lucien l’âne. Sans doute, a-t-il renoncé à vivre à l’insu de son plein gré. Bref, encore un suicidé volontaire pour l’exemple. Ça se fait beaucoup dans certains pays. Serait-ce le cas en Zinovie ? Et puis encore ?

 

La deuxième strophe, reprend Marco Valdo M.I., est un plaidoyer du Guide pour son statut de statue vivante.

 

Bien vu, dit Lucien l’âne, j’avais moi aussi cette impression qu’il jouait la partition du Grand Commandeur dans le Festin de Pierre ou dans le Don Giovanni. En fait, il m’a tout l’air d’une sorte d’ectoplasme autarcique.

 

Donc, je poursuis, dit Marco Valdo M.I. ; comme dans les étapes précédentes de ce long voyage, il y a toute une justification de la société zinovienne et du bon droit des chefs à l’être et à être respectés. C’est la doxa nationale. Je laisse à chacun savourer cette apologie du Guide par lui-même. Car en réalité, toute son adulation est dictée par lui et relayée par les bouches sonores de ses inconditionnels. Je ferai cependant juste un petit éclairage à propos du dernier vers de la chanson où un mot, un seul, change tout.

 

Ah, oui ?, dit Lucien l’âne, et lequel ?

 

Le mot « pour », explique Marco Valdo M.I., car selon que le mot « pour » est absent ou pas, le vers est plus ou moins effroyable. Regarde :

 

« Nous ne laisserons personne nous dénoncer. »

et

« Nous ne laisserons personne pour nous dénoncer. »

 

— Sans le « pour », dans le futur et si le Guide a encore le pouvoir, on empêchera les gens de dénoncer les erreurs et horreurs du régime , c’est-à-dire du guide, de son entourage et des dirigeants et de ceux qui les servent. Ce qui est déjà un projet monstrueux et hautement criminel.

— Avec le « pour », c’est pire encore ; il s’agit bel et bien de liquider préventivement tous les gens qui pourraient un jour dénoncer les erreurs et horreurs du régime , c’est-à-dire du guide, de son entourage et des dirigeants et de ceux qui les servent.

 

J’ai comme l’impression, dit Lucien l’âne, que c’est ce qui s’est fait et qui se fait encore dans certains pays ; mais en effet, s’ils souhaitent échapper à la justice, ces dirigeants ont tout intérêt à éliminer préventivement tous ceux qui pourraient témoigner de leurs crimes. Je leur suggère de commencer par eux-mêmes et si possible, immédiatement, car ainsi, il ne pourra y avoir d’aveux Allons, tissons le linceul de ce vieux monde dénonciateur, horrible, horrifique, dément et cacochyme.

 


Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

En Zinovie, francs et ardents,

Les chants, les chants perçants.

Pour les grandioses moments,

Mille ans d’entraînement.

Le front, la bataille, le destin

Les peurs et l’horreur du fantassin.

L’attente, la soif, la faim

La boue, le froid, la fin

Et le rire de la mort partout

Voix voilée autour de vous.

Le jour, la nuit, en toutes saisons,

Une senteur à perdre la raison.

 

Principes, grandeur et misère.

Ohlala ! Le lait va déborder,

Fidélité aux idéaux et à la terre,

Allons donc étendre le fumier.

Avec la Zinovie au cœur,

Lisier, purin, engrais, odeurs,

Voici venir Mariamarie l’Abrutie,

L’incarnation légendaire de notre État.

Elle seule peut sauver la Zinovie.

Quelle Zinovie ? On ne sait pas.

Et la sauver de quoi ? On se demande.

En Zinovie, le Guide commande.

 

En Zinovie, il convient de choisir

Le côté héroïque et supérieur de l’avenir.

Par mille tours de passe-passe,

Le Guide assied sa propre gloire.

Pour le Guide, la voie de la victoire

Consiste à ne jamais perdre la face.

En Zinovie, avoir des idées

Est déjà une mauvaise idée.

Contre la guerre, un homme a protesté.

Un procès public a été organisé ;

L’accusé n’a pas pu y assister.

Condamné, il a renoncé à exister.

 

Nous comprenons tout, dit-il,

On nous prend pour des imbéciles.

C’est sûr, absolument certain,

Nous en avons tous les moyens.

En Zinovie, la société se divise

Entre nous, les chefs patentés,

Et vous, la masse soumise.

On ne juge pas les vainqueurs.

Les chefs doivent être respectés,

C’est la base saine de la société.

Si le Guide a commis des erreurs ;

Nous ne laisserons personne pour nous dénoncer.

 À perdre la Raison
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Published by Marco Valdo M.I.
3 septembre 2022 6 03 /09 /septembre /2022 17:38
CRISTALLOMANCIE

 

Version française — CRISTALLOMANCIE — Marco Valdo M.I. — 2022
Chanson finlandaise (finnois) — KrystallomantiaKorpiklaani — 2022


 

Les superstars du Folk Metal finlandais KORPIKLAANI ont sorti un nouveau single intitulé “Krystallomantia” qui voit le groupe coupler son son caractéristique avec ses paroles les plus politiquement influencées à ce jour. La chanson anti-guerre, mélancolique mais optimiste, a été écrite sur l’Ukraine et l’invasion russe en cours dans ce pays.
 

KNAC. COM

 

 

 


 

LA BOULE DE CRISTAL

John William Waterhouse — 1902

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

Dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, qu’est-ce qui peut pousser les gens à recourir à la cristallomancie, laquelle, si je ne me trompe, consiste à lire l’avenir ou un présent distant et invisible au travers d’une boule ce cristal, un art qu’on attribuait aux sorcières et à certains anciens manciens.

 

Oui, dit Marco Valdo M.I., la cristallomancie était anciennement une science de la divination, disons plus exactement, une pseudo-science qu’étaient réputés maîtriser les sorcières, mais aussi toutes sortes de devineresses et de devins le plus souvent auto-proclamés tels. Depuis, d’autres s’y essaient également en amateurs de transes. Cela dit, c’est bien à cet art divinatoire que se réfère la chanson et à titre tout à fait métaphorique et en un usage purement poétique. J’ajoute qu’ici dans la chanson, il n’est nullement question d’une sorcière ; il s’agit d’une cristallomancienne — ça fait plus professionnel, un peu comme nécromancienne.

 

Je vois, dit Lucien l’âne. Mais au fait, que raconte-t-elle cette chanson, car encore une fois, tu as noyé le poisson avec ta digression.

 

Je m’en vais te répondre à l’instant, Lucien l’âne mon ami, mais avant ça, je voudrais situer la chanson dans son contexte et à plus sieurs égards. D’abord, souligner que c’est une chanson on ne peut plus contemporaine — elle date de quelques semaines et il faut bien vu qu’elle parle de la guerre en Ukraine. Un autre point, c’est qu’elle (du moins, sa version originelle en suomi) nous vient de la lointaine Finlande — en finnois, Suomi, laquelle entretient une proximité dangereuse avec l’ours Igor, nommé dans la chanson et figure emblématique de la Russie ; un voisinage périlleux de 1 200 Km de long, avec un ursidé féroce qui est actuellement

d’humeur à agresser et envahir ses voisins. C’est là que la divination a son rôle à jouer en tirant le signal d’alarme, en sonnant le tocsin.

 

En gros, dit Lucien l’âne, si je comprends bien, l’affaire se résume ainsi :

 

« Avant était avant ;

Avant, l’ours était assoupi.

Maintenant est maintenant ;

De sa tanière, l’ours est sorti. »

 

Tu résumes parfaitement, Lucien l’âne mon ami. Cependant, la chanson fait plus que sonner l’alerte, elle annonce la résistance, elle l’appelle de ses vœux, elle l’appelle par avance :

 

« Non, il n’y a aucune raison de s’incliner,

Vous pouvez peut-être nous écraser,

Nous mourrons, mais la terre mère

D’un sol d’or revivra fière. »

 

Elle a raison, dit Lucien l’âne, surtout, quand on vit près d’un ours, on n’est jamais trop prêt à se défendre et tous ensemble, les morts y compris, comme le disait Piero Calamandrei dans « Lo avrai Kamerata Kesselring ». En Italie, certains ont adopté et conservent cette antienne qu’on a faite nôtre également : « Ora e sempre : Resistenza ! ». Allons, tissons le linceul de ce vieux monde préhistorique, barbare, imbécile et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

La danseuse, devant le musicien silencieux,

Est pétrifiée ; le kantele est en feu.

Le soleil sans lumière,

Dans le rêve, se réverbère.

 

La cristallomancienne voit

Un guerrier, sa poitrine, le fer

Jamais ne rouillera.

Elle dit la vie est comme la guerre

Et le temps ; aujourd’hui, le soleil passe ;

Demain, reviendront le gel et la glace.

 

Non, il n’y a aucune raison de s’incliner,

Vous pouvez peut-être nous écraser,

Nous mourrons, mais la terre mère

D’un sol d’or revivra fière.

 

La cristallomancienne voit

Un guerrier, sa poitrine, le fer

Jamais ne rouillera.

Elle dit la vie est comme la guerre

Et le temps, aujourd’hui, le soleil vient ;

Mais demain…

 

Avant était avant, maintenant est colère.

Avant le grain houlait, le grain riait bien fort.

Avant était avant, maintenant est tonnerre.

Mauvaise faux, rumeur et réveil du fort :

Igor de l’Est massacre depuis sa tanière.

 

Avant était avant, maintenant est colère.

Avant le grain houlait, le grain riait encore.

Avant était avant, maintenant est guerre.

Mauvaise faux, rumeur et roulement et réveil du fort :

Igor de l’Est massacre depuis sa tanière.

 

Avant était avant,

Avant était avant,

Avant était avant.


 

CRISTALLOMANCIE
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Published by Marco Valdo M.I.
2 septembre 2022 5 02 /09 /septembre /2022 17:19

 

Le Congé éternel

Chanson française — Le Congé éternel Marco Valdo M.I. — 2022

 

LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.

 

 

 

LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; 064. Que faire ?; 065 : Ni chaud, ni froid ;


 

Épisode 66

 

 

LA MÉRIDIENNE

Vincent Van Gogh — 1890-91

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

À voir ce titre, dit Lucien l’âne, j’ai des visions macabres.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, détrompe-toi, il n’en est rien. Ce congé éternel est bien sûr une vision de l’esprit, mais pas nécessairement macabre. En fait, il désigne autre chose que ce que tu imaginais. Évidemment, cette expression de « congé éternel » convient parfaitement pour désigner la mort et de ce point de vue, tu as complètement raison, je ne saurais en disconvenir.

 

Soit, dit Lucien l’âne, mais alors quoi ? De quoi est-il question ?

 

Ah, dit Marco Valdo M.I., ce congé éternel, c’est tout le contraire du temps macabre, ce n’est vraiment pas l’univers de la mort, c’est la vie, mais par n’importe quelle vie. C’est là le thème central de la chanson : la vie en rêve.

 

« La vie en rêve, c’est évident,

C’est le véritable paradis.

En rêve, personne pour vous obliger ;

La vie alors est un éternel congé. »

 

Qui peut avoir de telles idées ?, demande Lucien l’âne.

 

Comme d’habitude en ce voyage, dit Marco Valdo M.I., et j’ajouterais, comme d’ordinaire en Zinovie, qui a de telles idées se garde bien de révéler son identité ; c’est une voix anonyme et c’est la voix de toute la chanson.

 

Et donc pas si anonyme que ça, dit Lucien l’âne, même si on ne peut lui mettre un nom.

 

Peut-être, répond Marco Valdo M.I., mais en tout cas, elle échappe ainsi aux services et à leurs sévices.

 

Alors, que dit-elle cette vox clamantis in deserto zinoviano ? , demande Lucien l’âne.

 

En fait, continue Marco Valdo M.I., cette vie en rêve est une manière de clandestinité, un moyen de résistance (au demeurant fort efficace) que cette voix anonyme expose – à bons entendeurs, salut ! C’est aussi un mode de survie en Zinovie, où la vie quotidienne est à la fois, terne et pesante, toujours sous contrôle et la victime des mouchards et des dénonciations. Cependant, la vie en rêve demande un apprentissage, de l’entraînement et de l’expérience – comme la marche, on l’apprend en la pratiquant. Elle suppose aussi une auto-discipline et une grande discrétion. En quelque sorte, il faut se fondre dans le paysage, ne jamais se laisser deviner.

 

Oh, dit Lucien l’âne, c’est l’intime forteresse ; c’est tout un art.

 

En effet, dit Marco Valdo M.I. ; et la leçon vaut également pour tous les mondes oppressifs, que l’oppression soit fille d’une autocratie, de l’idéologie ou de la religion, elle n’en est pas moins oppressive. Maintenant, pour le reste de la chanson, la voix de l’inconnu zinovien raconte sa vie, l’endroit où il est né – dans un village perdu d’une lointaine province là-bas au fond de la Zinovie ; son départ à la ville dans le grand exode des populations paysannes de Zinovie – il en résulta des disettes et des famines énormes ; un épisode imaginaire de défilé militaire ; ensuite, l’histoire d’un savant exilé que les services (dits de sécurité) vont empoisonner.

 

Voilà des choses très diverses et pas roses, dit Lucien l’âne, et pour la dernière, carrément effroyable. Je vais te dire, moi, avec tous ces épisodes de ce voyage – on en est au soixante-sixième, je commence à me faire une idée de la vie en Zinovie et j’avoue que je m’y ferais guère et même, à vrai dire, pas du tout. Raison de plus pour continuer notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde infâme, infernal, infirme, infini et cacochyme.

 


Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Nés en province, au fin fond,

Là où on vivait sans façon

Avant et pendant la révolution ;

Après, on a quitté nos maisons

Pour aller en ville chercher

Fortune et vivre la modernité.

Au village, on retourne parfois

Enterrer grand-père, enterrer grand-mère,

Et retrouver de notre commune prospère

Les ruines, les friches et les bois.

La télé, le frigo, les jeans et les collants

Y sont à présent d’un usage courant.

 

Imaginez : on déboucherait sur la place,

On montrerait la face, on marquerait le pas.

On n’entendrait plus que notre pas.

On marquerait le pas, on montrerait la face.

La foule médusée ferait silence :

Elle ne verrait que notre être immense.

Logique : même à boire de l’eau,

L’excès est un défaut.

Logique : prolonger la vie des gens

Est certes une bonne chose ;

Logique : elle peut être une mauvaise

Chose pour le Guide et les dirigeants.

 

Vivre endormi, jamais d’éveil

Le sommeil, c’est mon conseil.

Dormir debout est mon postulat,

Pour vivre une vie sans embarras,

La vie en rêve, c’est évident,

C’est le véritable paradis.

On échappe au gouvernement

On échappe au parti,

Pas de contrôle, pas d’irruption,

Pas d’armée, pas d’espions.

En rêve, personne pour vous obliger ;

La vie alors est un éternel congé.

 

Un savant de chez nous, écœuré,

Est parti vivre loin à l’étranger.

En Zinovie, on ne pouvait l’interner,

On ne pouvait le mettre en prison,

On ne pouvait le faire mourir.

Comment expliquer les raisons ?

Il avait fallu le laisser aller,

C’était le moyen de s’en débarrasser.

En Zinovie, on a préféré le bannir.

On ignore la nature du poison

Et l’identité des exécutants,

À l’étranger, morts aussi, maintenant.

 

 

 

Le Congé éternel
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1 septembre 2022 4 01 /09 /septembre /2022 09:01

 

LES CHAÎNES D’ACIER

 

Version française — LES CHAÎNES D’ACIER — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après les versions

italienne : CATENE D’ACCIAIO — Cristina Contilli — Ines Scarparolo
et anglaise : STEEL ROOTS — Translated from the Farsi Dari by Farhad Azad

d’une chanson afghane en persan : رشته های پولادينNadia Anjuman — 2001
 

 

 

 

ANDROMÈDE ENCHAÎNÉE

Rembrandt — 1631

 

 

 

« Catene d’acciaio » (Chaînes d’acier) est le titre donné à ce poème dans la traduction italienne, qui accentue l’image de la souffrance par rapport à la traduction anglaise intitulée « Steel roots » (Racines d’acier). Nadia ne voit en fait aucune lueur d’espoir, même le poème ne parvient pas à libérer l’être humain en identifiant une zone libre du désespoir.

La traduction italienne, précieuse, est une reprise assez libre du poème qui ne s’écarte pas du message de l’auteur. Ce n’est que dans la partie centrale qu’il nous semble que la traduction anglaise parvient à solliciter quelques vibrations supplémentaires : « my amorous words hark back to death / the river shall flow at the foot of hope's flower vines » (mes mots amoureux renvoient à la mort / la rivière coulera au pied des vignes fleuries de l’espoir).
 

Sur Nadia Anjuman, se sont croisées les failles d’une société qui espérait se débarrasser bientôt de siècles d’obscurantisme et d’oppression tribale grâce à un changement de régime. La réalité était bien différente… Nadia a vécu cet état de désillusion et de malaise à fleur de peau, dans sa sensibilité de femme et d’artiste, loin de la politique et des statistiques.

C’est un langage qui se manifeste plus clairement aujourd’hui. Quarante millions d’Afghans sont pris dans un étau : d’une part les délires théocratiques anachroniques, fonctionnels au blocage des relations sociales, d’autre part les délires d’omnipotence de ces secteurs occidentaux qui mettent tout un peuple au banc des accusés et en état d’isolement, avec des millions de personnes affamées et analphabètes, coupables de contiguïté avec les terroristes du 11 septembre.

Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.


[Riccardo Gullotta]

 


 


 



 

Mes lèvres bannies de la nef du chant,

 

Les murmures arrachés de mon cœur,

 

Pour ma nature riante, pour la joie et le bonheur,

 

L’homme est douleur et chagrin consternant.

 

Mon travail cligne d’étoiles ;

 

Le conte mes rêves infinis dévoile.

 

Ne demandez pas l’amour, encore ;

 

Ses mots renvoient à la mort.

 

L’espoir coule au pied des vignes,

 

La musique achoppe au tempo de mes larmes,

 

Je suis fille de la ville des sonnets et des odes.

 

Malades et naïfs sont mes vers routiniers,

 

Mes semis n’ont pas connu le jardinier.

 

N’attendez pas grand-chose de mes bourgeons,

 

Main, pied, langue entre les chaînes d’acier,

 

Sur le dos du temps, écrivent mon nom.

 

LES CHAÎNES D’ACIER
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Published by Marco Valdo M.I.
30 août 2022 2 30 /08 /août /2022 18:45


BOUCHE CLOSE

Version française — BOUCHE CLOSE — Marco Valdo M.I. — 2022

D’après la version anglaise — NO DESIRE TO OPEN MY MOUTH de Mahnaz Badihian (Mahnaz Badihian est une poètesse et écrivaine iranienne, naturalisée américaine depuis 30 ans. Sa traduction est la référence pour les autres langues ; sans son soutien, nous n’aurions aucune connaissance des poèmes de Nadia Anjuman.)

espagnole : Trasversales : NO DESEO ABRIR LA BOCA

et italiennes : Ines Scarparolo et Cristina Contilli — NON HO VOGLIA DI APRIR BOCCA et NESSUNA VOGLIA DI PARLARE

d’une chanson en langue persane (afghane) نیست شوقی که زبان باز naset shewqa keh zeban baz Nadia Anjuman — 2005

 

Poèsie : Nadia Anjuman


Interprétée par : 1. Inconnues, 2. Miriam GuidettiChristopher Gunning, 3. unaisladeideas

 

 

UNE FEMME AFGHANE - BOUCHE CLOSE

2022

 

 

Nadia Anjuman fine poètesse afghane, morte à 25 ans, semble avoir projeté sur elle toutes les contradictions d’un peuple écrasé entre les superstructures féodales et la modernité. Elle est le paradigme de la femme afghane, un être considéré comme marginal, réduit à un objet, une image réifiée de la violence. Elle a été tuée par son mari lors d’une violente dispute.

 

Sur la condition des femmes en Afghanistan

 

Selon le département des affaires économiques et sociales des Nations unies, la population afghane en 2022 sera d’environ 41 millions d’habitants, dont 51,7 % d’hommes et 48,3 % de femmes. Le taux de croissance annuel est de 3 %.

Le taux d’analphabétisme de la population adulte (plus de 15 ans) est de 76 % pour les femmes, 48 % pour les hommes.

Le taux d’analphabétisme de la population jeune (moins de 15 ans) est de 54 % pour les filles, 30 % pour les garçons.

L’Afghanistan occupe l’une des dernières places du classement mondial pour le taux d’alphabétisation.

Selon les statistiques de l’OIT (Organisation internationale du travail), la main-d’œuvre féminine à la fin de 2021 est de 17 % sur un total de 9,7 millions, et se réduit progressivement. En 2021, selon les données de la Banque mondiale, le taux de participation à la population active est de 14,85 % pour les femmes et de 66,52 % pour les hommes, avec une tendance significative à la baisse dans les deux cas.

La répartition en pourcentage de la main-d’œuvre féminine dans les différents secteurs en 2020 était la suivante : 52 dans l’agriculture, 25 dans la fabrication de textiles, 18 dans l’administration publique et le secteur tertiaire (données de l’OIT).

L’Afghanistan est le pays où le taux d’emploi des femmes est le plus faible au monde. Les personnes souhaitant analyser cette question plus en détail peuvent consulter la monographie Desai et Li Analyzing FLFP in Afghanistan, Harvard University, 2016, en précisant que les projections indiquent une détérioration continue des indicateurs en lien avec la montée en puissance des talibans.

Voir quelques photos de femmes afghanes dans la ville dans les années 1970.

Il n’y a pas besoin de dire un mot sur le rôle des femmes dans la société afghane ; les informations ne manquent pas dans les médias de diverses orientations. Nous aimerions ajouter quelques points sur lesquels le courant dominant ne s’est pas attardé, peut-être en raison de la difficulté d’obtenir des informations directes.

Nous sommes tombés sur un communiqué sur le site web afghan du ministère de la justice. Poussés par la curiosité, nous avons alors pu constater ce qui suit. Le ministère des Affaires féminines [dari : وزارت امور زنان], créé en 2001, a été supprimé le 7 septembre 2021, après la prise du pouvoir par les talibans. Ses fonctions ont été transférées au " Ministère de la diffusion de la vertu et de la prévention de la dépravation " [dari : وزارت دعوت و ارشاد امر بالمعروف و نهی المنکر] [sic]. Même si aucun lecteur n’a la moindre connaissance du dari, y compris l’auteur, il peut être intéressant de parcourir les images du document pour se faire une vague idée de la police des mœurs au ministère.

 

Quelques faits saillants

 

26 décembre 2021 : de nouvelles restrictions entrent en vigueur pour les femmes afghanes. Elles ne peuvent pas voyager à plus de 50 miles (72 km) si elles ne sont pas accompagnées par le tuteur masculin, le mahram [مهرام]. Il y a des femmes sans tuteur, pas par leur propre volonté. Aucune exception n’est autorisée. Les chauffeurs de taxi sont tenus de signaler (ou de dénoncer) les transgressions. La police des mœurs fait le guet.

 

Mars 1922 : les femmes afghanes ne sont plus autorisées à prendre des vols intérieurs ou internationaux si elles ne sont pas escortées par leur tuteur masculin, le mahram.

 

22 mars 2022 : les écoles pour filles de plus de 6ᵉ année sont définitivement fermées.

 

7 mai 2022 : le ministère susmentionné publie un décret sur la tenue des femmes et les sanctions en cas de transgression. Toutes les femmes afghanes sont tenues de porter au moins le hijab, un voile qui les couvre, ou une robe longue, en veillant à ce qu’elle ne soit ni serrée contre le corps ni assez fine pour qu’on puisse la voir en dessous. Si une femme est arrêtée sans le hijab, le tuteur, le mahram, est responsable.

Trop stricte ? Pas du tout, le choix des alternatives est large : burqa, niqab, tchador, shayla, al-amira, khimar. Sur la haute couture islamo-afghane, il n’y a pas lieu de s’attarder, peut-être à une autre occasion.

 

Des informations récentes sur le statut des femmes en Afghanistan peuvent être lues dans les articles de Ruchi Kumar, DW, Zahra Nader e di Kreshma Fakhri.
 


Le poème

 

Le poème proposé fait partie du recueil گل دودی [Gul-e-dodi] / Fleur de fumée. Les poèmes de Nadia n’ont pas de titre. Certains traducteurs italiens l’ont intitulé « Cri de douleur ». D’autres s’en tiennent à la pratique consistant à répéter le premier vers, de sorte que le titre est « Nessuna voglia di aprire bocca ».

C’est aussi dans ce poème que Nadia manifeste toute son angoisse, entre désespoir étouffé et envie de réagir. « Je ne suis pas un peuplier faible.

Aucune hésitation, seulement le désarroi de ceux qui, jusqu’à hier, avaient cru à une autre réalité. « J’ai été silencieuse pendant trop longtemps, mais je n’ai pas oublié la mélodie ».

Nadia n’a pas d’autre moyen de protestation que les mots : tranchants, secs, directs mais avec une profondeur unique, celle que seuls les êtres touchés au plus profond d’eux-mêmes sont capables d’exprimer avec une simplicité désarmante.

Il ne s’agit pas d’une invocation consolatrice, mais d’une parole prononcée « pour me rappeler qu’un jour je détruirai cette cage et m’envolerai loin de la solitude ».

C’est la parole qui veut se matérialiser, la parole qui est devenue du sang.

 

Les interprétations

 

La première interprétation proposée est celle de deux jeunes femmes afghanes qui, dirait-on, connaissent bien l’œuvre de Nadia. Nous ne pouvons en dire plus, leurs noms ne sont pas connus bien sûr, ni l’origine de la mélodie, elles risqueraient beaucoup plus que la peine qu’elles subissent déjà en tant que femmes afghanes. Seule la chaîne youtube a rendu cela possible est connue, " The last torch ".

Dans le second, Miriam Guidetti récite le poème en italien avec une force expressive remarquable. La musique de fond est due au compositeur anglais Christopher Gunning.

 

[Riccardo Gullotta].

 

 

 


 


 

Aucune envie de parler

Pour que chanter ?

De moi, la vie désespère :

Chanter ou se taire,

Parler de douceur,

Avec tant de rancœur ?

D’un tyran, la rage farouche

Bouche ma bouche.

Personne dans ma vie,

Pas de douceur amie.

Tout est indifférent : rire, dire,

Mourir, vivre.

Avec ma seule détresse,

Ma douleur, ma tristesse,

Je suis née pour le néant,

Ma bouche est condamnée.

Mon cœur, sens-tu le printemps ?

De la fête, voici le temps.

Que faire ? Mon aile brisée,

M’empêche de voler.

Longtemps, je me suis tue,

Je voilais ma mélodie perdue.

Je ressasse à présent

En mon cœur, les doux chants,

Secrets messages

Du jour où je briserai la cage,

Où je laisserai cette solitude,

Où je psalmodierai mon hébétude.

Je ne suis pas tremble tremblant,

Ballotté au gré du vent.

Je suis femme afghane,

Cela seul me condamne.

 


 

BOUCHE CLOSE
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29 août 2022 1 29 /08 /août /2022 16:34

 


LES PAS VERTS DE LA PLUIE

Version française — LES PAS VERTS DE LA PLUIE — Marco Valdo M.I. — 2022

D’après les versions anglaise : Zuzanna Olszewska and Belgheis Alavi — A VOICELESS CRY,

espagnole : El Poder de la Palabra — UN LLANTO SORDO

et italienne : Cristina Contilli — Ines Scarparolo — VERDI PASSI DELLA PIOGGIA

d’une chanson en langue persane (afghane) صدای گامهای سبز باران است — sedaa guamhaa sebz baran aset Nadia Anjuman — 2002

 

Poème : Nadia Anjuman
Interprétée par : Marita Monteleone


 

 

FEMMES DU DÉSERT

 d'après Angelo Drago — 1978

 

 

C’est l’un des poèmes les plus significatifs de Nadia Anjuman par sa charge de désolation et son lyrisme intense. En anglais, le titre donné par les traducteurs est Voiceless cry.

Dans ce cas aussi, nous avons réussi à retrouver le texte original. Sur le net, il n’y a pas d’interprétation en dari, ni en anglais. En revanche, nous avons réussi à trouver une interprétation en espagnol qui ne nous fera pas regretter l’indisponibilité dans d’autres langues. Il est signé par une interprète emblématique de la culture latino-américaine, « la voz », l’Argentine Marita Monteleone.

 

[Riccardo Gullotta].

 


 

 

Dans la pluie, sonnent des pas verts.

Ils nous viennent de la route.

Âmes assoiffées et jupes poussiéreuses du désert,

Mirées de mirage, souffles brûlants,

Bouches sèches, couvertes de poussière,

Arrivent par la route, maintenant.

Des filles, rudes à la douleur, corps méprisés

Visages malcontents,

Cœurs vieillis, fissurés.

Aucun sourire sur l’océan des lèvres,

Aucune larme sur la rivière

Sèche des yeux.

Dieu !

Atteindra-t-il les nuages leur cri silencieux ?

La voûte infinie ?

Leurs pas verts sonnent dans la pluie.

 

 

 LES PAS VERTS DE LA PLUIE
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29 août 2022 1 29 /08 /août /2022 11:22

 

Ni chaud, ni froid

 

Chanson française — Ni chaud, ni froid Marco Valdo M.I. — 2022

 

 

LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.

 

 

 

LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; 064. Que faire ?


 

Épisode 65

LA MORT ET LES MASQUES

James Ensor — 1897

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Dans la chanson, Lucien l’âne mon ami, la voix s’emmêle, on ne sait trop laquelle, ni si c’est à chaque fois la même ou à chaque fois une autre, mais sûrement, elle soliloque. Ce monologue ressemble à une longue réflexion, dont on ne sait jamais dans quelle tête, forcément anonyme, mais toujours très personnelle. C’est la Zinovie vue de l’intérieur non seulement de son territoire où se déroule notre voyage, mais en plus, de l’intérieur de la tête, du cerveau, et même, de la conscience d’un Zinovien.

 

Soit, dit Lucien l’âne, mais en tout cas, pas d’un Zinovien quelconque à voir ce qu’il (il, elle, ils) nous a raconté jusqu’à présent. Et que dit-elle cette fois, cette voix ?

 

Comme on commence à en prendre l’habitude, dit Marco Valdo M.I., je vais souligner quelques traits et laisser le reste de la chanson à découvrir en comptant sur ta patience et ta proverbiale sagacité. Brièvement – curieux ce mot ; pour moi, on pourrait aussi bien dire « brèvement » ; l’étrangeté est que si brièvement existe encore, son origine est «  brief », c’était il y a des siècles, et il est quand même devenu depuis le mot « bref, brève ». Pourquoi donc pas ne pas adapter l’adverbe ? Nul ne le sait.

 

Là, Marco Valdo M.I. mon ami, tu t’égares.

 

Mais oui, je me suis égaré, reprend Marco Valdo M.I., revenons en Zinovie. Le titre d’abord ; il renvoie à la dernière ligne de la chanson, qui dit : « Tout ça ne me fait ni chaud, ni froid. » On y reviendra donc à la fin. Au début, la voix parle de l’enseignement de l’histoire aux élèves de Zinovie Important, l’enseignement de l’histoire, comme on va le voir. La chanson montre comment en Zinovie, on instille dès l’enfance une mentalité d’esclave à la population et on lui inculque la conviction de la puissance et de la grandeur de l’empire. C’est un procédé insidieux.

 

Ah, dit Lucien l’âne, on a donc en Zinovie, selon la voix, une population formatée pour se penser elle-même comme esclave du Guide et des dirigeants. C’est là une belle manière de cultiver la barbarie.

 

En effet, reprend Marco Valdo M.I. ; ensuite, l’anonyme, qui s’est replié sur lui-même, s’extrait de son univers et se rend compte de sa marginalité. Il s’est détaché du « nous », s’est posé en « moi » et de ce fait, il ne participe plus de ce qui fait la vie routinière du Zinovien moyen.

 

C’est un peu logique, dit Lucien l’âne, qu’il soit à l’écart ; d’ailleurs, j’imagine que ça l’arrange. Il devrait y trouver une vie plus tranquille.

 

Bien vu, Lucien l’âne mon ami, car c’est ce que disent les deux dernières strophes. Sa démarche est la suivante : à défaut d’un but honorable – un devoir ou une œuvre, tel qu’on pouvait en avoir « avant » (sous-entendu : avant le régime en place), il s’agit de refuser la collaboration ou la soumission, en ne s’impliquant pas dans le « social ». Le résultat est plaisant :

 

« Maintenant, sans but à atteindre,

Je n’ai plus rien à feindre.

Sans obligation, sans mode,

Ma vie est simple et commode.

À présent, en Zinovie, je dors

L’esprit tranquille et sans remords. »

 

Évidemment, dit Lucien l’âne, je connais cette situation. Elle est confortable jusqu’à ce que la « socialité » se mette en quête du « pelé, du galeux d’où vient tout le mal ». Comme âne, je suis témoin de cette ignoble pratique. Et le reste ?

 

Le reste, dit Marco Valdo M.I., c’est la fin de la chanson. En gros, c’est la réponse à la question qui l’introduit : « À quoi bon remuer tout ça ? » En fait, c’est encore l’ataraxie comme mode d’existence. Candide avait un objectif similaire, il entendait « cultiver son jardin ». Pour condenser le propos, la voix conclut que quoi qu’il arrive au monde, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Il faut le comprendre comme règle d’existence, comme une condition fondamentale de la survie et par conséquent, de la vie elle-même.

 

Dans le fond, dit Lucien l’âne, elle a raison la voix de la chanson, car cette tranquillité d’esprit et de conscience qui la mène est la manière de vivre une vie qui vaut d’être vécue, de se tenir en état de résistance face au grégarisme et à l’esclavage institués. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde asservi, grégarisant, esclavant, pesant et cacochyme.

 


Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

En Zinovie, à l’école, en histoire,

On nous raconte la Rome antique,

Ses armées, ses légions, sa gloire,

Sa grandeur, son aura romantique,

Son pouvoir, son immensité, son empire,

Tout ce qui faisait son bel âge.

Le cirque, les massacres, l’esclavage,

Tout ce qu’elle a fait de pire.

Ici, les élèves doivent prendre parti

Même à Rome, en solidarité rétrospective,

Les enfants se doivent d’être des esclaves.

En Zinovie, on apprend la vie ainsi.

 

Les bateaux filent les voiles sous le vent.

Les cavaliers avancent bannières au vent,

Au soleil, les épées étincellent.

Des villes, des vallées, des îles surgissent.

Au palais, les femmes dansent entre elles,

Mystérieuses, inaccessibles, elles glissent.

Les images tremblent et m’émerveillent.

Alors, en Zinovie, je me réveille.

Que se passe-t-il autour de moi ?

Que font tous ces gens, là ?

Ils ne me regardent même pas.

Pour eux, je n’existe pas.

 

En Zinovie, avant, on venait au monde

Avec un devoir à remplir,

Avec une œuvre à accomplir.

Les anciens savaient la terre ronde.

Et mission achevée, satisfaits,

Nous quittaient la conscience en paix,

Maintenant, sans but à atteindre,

Je n’ai plus rien à feindre.

Sans obligation, sans mode,

Ma vie est simple et commode.

À présent, en Zinovie, je dors

L’esprit tranquille et sans remords.

 

À quoi bon remuer tout ça ?

Juste pour dire ce que je pense, moi.

Passons sur le climat et la pollution,

La menace nucléaire, la guerre.

Mourir d’une mine, d’une explosion,

Quelle importance ? Et l’avenir de la Terre ?

Tout ça ne m’empêche pas de dormir.

Qu’on soit dix milliards à l’avenir,

Ne me fait pas sauter de joie.

Et que d’un mouvement souterrain,

Ensuite, on s’éteigne tous soudain.

Tout ça ne me fait ni chaud, ni froid.

 

 

 

Ni chaud, ni froid
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Published by Marco Valdo M.I.
28 août 2022 7 28 /08 /août /2022 10:53


SANS SENS

Version française — SANS SENS — Marco Valdo M.I. — 2022

D’après la version anglaise – MAKES NO SENSE de Farzana Marie (Poétesse afghane résidant en Arizona)

d’une chanson en langue persane (afghane) دخت افغان — - Dokhte Afghan (Fille afghane) — Nadia Anjuman — 2005

 

Poème : Nadia Anjuman
Musique : Farid Zoland

Interprétée par : Sohaila Zaland [
سهیلا زلاند] ;
Molly Fairhurst


 

 

LA FEMME AFGHANE

Shamsia Hassani – ca. 2020 (s.d.)


 

Le texte de la chanson est le poème de Nadia Anjuman intitulé ebeth [dari : عبث] / Sans signification, mis en musique par Farid Zoland, frère de la célèbre chanteuse afghane Sohaila Zaland, éclipsée par les restrictions imposées par le régime taliban. Les personnes qui regardent le clip vidéo sur la chaîne Tolo de la télévision afghane pourraient être amenées à croire que le chanteur et le public sont des expatriés afghans. Ce n’est pas le cas, quelques semestres se sont écoulés depuis que les femmes afghanes se produisent ou font des reportages à la télévision et peuvent circuler sans hijab sans difficulté, du moins dans les centres urbains les moins arriérés.

Dans la deuxième et la troisième interprétation, le poème est récité en dari.

Droits de l’homme et reconnaissance internationale

 

Les fondamentalistes islamiques au pouvoir en Afghanistan se donnent beaucoup de mal pour rétrograder le temps, c’est bien connu. Moins connue et beaucoup moins débattue est la question de la reconnaissance internationale de l’émirat islamique. Les pays européens et les États-Unis sont contre la reconnaissance tant que le régime ne donne pas de garanties sur le respect des droits de l’homme et la gestion du territoire. Les pays voisins, en revanche, sont plus accommodants, tant pour des raisons économiques que pour éviter qu’un effondrement de l’Afghanistan ne donne lieu à un exode incontrôlable de millions de réfugiés et à l’intensification du trafic de drogue.

 

La conséquence la plus importante de la non-reconnaissance est le maintien des sanctions économiques imposées à l’Afghanistan. Les sanctions sont une arme de pression contre les talibans, mais en réalité, elles affament directement et indirectement la population, rendant l’existence de millions de personnes toujours plus précaire. Sans parler de la décision de M. Biden d’allouer la moitié des fonds afghans, soit 7 milliards de dollars gelés aux États-Unis, aux familles des victimes du 11 septembre, plutôt qu’en aide humanitaire directe comme cela avait été annoncé précédemment. Les Talibans ont proposé de mettre en place un organisme commun pour la gestion de l’aide humanitaire et du programme « nourriture contre travail » déjà en place.

Cependant, sans une forme de reconnaissance internationale, tout plan visant à aider concrètement la population reste sur le papier et un nombre croissant de millions d’Afghans vivent sous le seuil de pauvreté.

[Riccardo Gullotta].


 

 

 

La musique n’a plus de sens — pourquoi composer,

Abandonnée par le temps, me taire, chanter.

 

Pour ma langue, mes mots sont un poison,

Mon violeur étouffe mes chansons.

 

Personne, nulle part, ne voit, ne s’inquiète

Que je pleure, rie, meure ou vive encore

 

Ici, dans cette cellule entre chagrin et remords ;

pourquoi vivre, si ma langue est scellée, encore.

 

Tout doux, cœur, pour cueillir le doux printemps,

Mes ailes brisées vont apaiser ce tremblement.

 

Les mélodies coulent de ma mémoire, fanée par le silence,

Et encore, les chansons affluent des soupirs de l’âme.

 

La pensée du jour où ma cage, je briserai,

Me fait, soûlote sans souci, gronder,

 

Car je ne suis pas un saule tremblant au vent, et

Femme afghane, je gémirai et je chanterai !

 

SANS SENS
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26 août 2022 5 26 /08 /août /2022 18:18

CHANT DE LA PAUVRETÉ ENDORMIE

 

Version française — CHANT DE LA PAUVRETÉ ENDORMIE — Marco Valdo M.I. — 2022

Chanson allemande — Lied von der schlafenden ArmutStrom&Wasser2007


Texte et Musique : Heinz Ratz

Album : Farbengeil


 


LA PAUVRETÉ EN MARCHE

Antonio Berni — 1934

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui illustre le principe fondamental de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres, les puissants aux faibles et aux désarmés pour imposer et maintenir leur domination et accroître leurs richesses et leurs privilèges.

 

Fort bien, dit Lucien l’âne, mais que dit-elle d’autre ?

 

Deux choses essentielles sont à retenir, répond Marco Valdo M.I. ; d’abord, elle pose le problème en termes de justice et d’injustice ; elle donne à l’injustice une personnalité, elle est en fait une force au service des riches dans l’affrontement en cours, tout comme l’argent. La chanson les désigne comme les facteurs de la misère des autres. De plus, tout cal avec une certaine apparence, un certain masque de bienveillance. C’est ce que raconte la première partie de la chanson.

 

« Les possédants ne veulent pas partager.

L’animal le plus avide pille le monde entier

Avec des gestes charitables et des couperets sanglants. »

 

C’est une accusation directe me semble-t-il, dit Lucien l’âne. Et que dit-elle d’autre ?

 

 

La deuxième partie, reprend Marco Valdo M.I., fait état de la réaction des gens qui subissent son emprise. Elle annonce le réveil de la pauvreté endormie sous la forme d’une mystérieuse menace dont la puissance est celle du nombre. Il ne s’agit s encore ici que d’une invocation, d’une sorte de prédiction :

 

« Entendez-vous le cri des nuits blêmes ?

La pauvreté endormie, même,

Même la pauvreté a de la force ! »

 

C’est déjà ça, dit Lucien l’âne, mais ça ne règle pas la question. Le réel reste le réel et le monde reste le monde ; et la discrimination et le déséquilibre restent ce qu’ils sont, à ceci près que les écarts augmentent et que le nombre des pauvres et des miséreux est toujours plus grand, ne fût-ce que parce que la quantité d’humains sur la Terre augmente à chaque instant et que les améliorations qu’a pu apporter l’évolution de ces derniers siècles ont des conséquences désastreuses.

 

Curieusement, dit Marco Valdo M.I., le progrès des uns ou celui réalisé dans un domaine, entraîne d’effroyables régressions pour d’autres. Un peu comme dans le domaine immense des sciences, la découverte de nouveaux domaines ouvre de nouveaux champs à découvrir ; le savoir croissant fait croître l’étendue de l’ignorance et il me semble qu’on ne peut échapper à ce processus paradoxal. Autrement dit, c’est comme sur l’océan, plus on avance, plus l’horizon recule – et encore, l’océan est fort limité. C’est encore plus pertinent dans l’espace.

 

Laissons ici ces questions en suspens, dit Lucien l’âne, et tissons le linceul de ce vieux monde déséquilibré, injuste, insensé, insane, inéquitable et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

 


 

L’injustice court en de plus fins habits,

Elle tue en douceur par délégation.

Elle s’entoure d’envieux polis

Et change les mots d’or en poison.

Elle rit de bon cœur d’opprimer.

Derrière les murs, elle parle de liberté.

L’injustice regrette de manière très convaincante

Sa malheureuse démarche oppressante.


Construit sur le dos bosselé du pognon,

Le sort balance entre les morts.

On se familiarise avec la dépression

Et l’acier pour décor.

Le prix de la liberté est toujours l’argent.

Les possédants ne veulent pas partager.

L’animal le plus avide pille le monde entier

Avec des gestes charitables et des couperets sanglants.
 

L’argent s’octroie plus de concessions

Et se célèbre avec passion.

Entendez-vous le cri des nuits blêmes ?

La pauvreté endormie, même,

Même la pauvreté a de la force !

 

Les infirmes, les vieillards, les mendiants,

Jetés comme des ordures,

Surgissent soudain dans la froidure

De votre monde de comptes et de bilans.

Ils sortent de leurs trous comme les rattes,

Le regard plein de misère et d’impuissance.

Alors, la peur grimpe sur vos cravates,

Et vous criez protection et surveillance.

 

Vous pouvez toujours les écraser, les briser,

Comme des bêtes, les repousser dans les coins secrets.

Entre violences et cris désespérés,

Leur nombre sera plus grand que jamais.


À la nuit, vous vous enfermez.

Dehors, la faim déchire le silence.

Ils sont des millions à crier.

Vos fenêtres étouffent la souffrance.

 

Vous les riches, les beaux, vous les toujours raison,

Vous vous célébrez avec passion.

Entendez-vous le cri des nuits blêmes ?

La pauvreté endormie, même,

Même la pauvreté a de la force !
 

CHANT DE LA PAUVRETÉ ENDORMIE
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Published by Marco Valdo M.I.
23 août 2022 2 23 /08 /août /2022 09:34

 

Que faire ?

 

 

 

Chanson française — Que faire ? Marco Valdo M.I. — 2022

 

 

LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.

 

 

 

LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ;


 

 

 

Épisode 64

 

 

 

 

 

DÉFILÉ MILITAIRE

Konstantin Yuon — 1941

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Une fois encore, Lucien l’âne mon ami, le chœur des voix s’emmêle dans la chanson où retentit plusieurs fois cette question angoissée : « Que faire ? » ; c’est la raison pour laquelle « Que faire ? » est le titre de la chanson.

 

Soit, dit Lucien l’âne, mais encore ?

 

Mais encore ?, reprend Marco Valdo M.I. ; d’abord, « Que faire ? », tout au long de la vie, est une question essentielle et même, existentielle et on peut y avoir souvent recours. Par exemple, sans qu’elle le dise ici, je suis certain que la grand-mère dont parle la chanson au début devait se la poser souvent cette question. Ici, Grand-mère parle de la santé et à sa manière, elle indique l’écart qui sépare le monde ancien (le sien) du monde nouveau (l’actuel) et l’incompréhension qui les sépare. Bien sûr, il faut avoir à l’esprit également, comme toujours dans les chansons qui racontent ce voyage en Zinovie, l’aspect symbolique de ces propos.

 

Oui, dit Lucien l’âne, le monde ancien a du mal à accepter l’évolution, à comprendre ce monde nouveau.

 

Ensuite, intervient une autre voix, dit Marco Valdo M.I., zinovienne qui reprend quasiment mot pour mot la doctrine officielle avec on ne saurait dire, un double sens, une distance d’ironie ou une énorme maladresse. J’en tiens pour preuve le très restrictif :

 

« Quand même en Zinovie,

Tout ne va pas si mal que ça. »

 

En effet, dit Lucien l’âne, c’est une formulation ambiguë. Logiquement, elle sous-entend et elle admet comme base que tout va mal, mais quand même pas si mal que ça. Ça ressemble fort à un vœu pieux, une façon d’atténuer le réel.

 

C’est bien ça, reprend Marco Valdo M.I., et ensuite, surtout, il y a ce passage :

 

« On a…

Une formidable technique militaire,

Et des guerres qu’on ne fait pas.

Certes, tout n’est pas parfait,

Mais dans le pays règne la paix. »

 

Oh, dit Lucien l’âne, on a souvent entendu ici et ailleurs, ce discours en porte-à-faux, ce discours faussé, ce discours faux, digne de la novlangue d’Orwell.

 

Ensuite, Lucien l’âne mon ami, les deux dernières strophes sont plus réalistes et lèvent le voile sur ce qui est réellement et examinent l’hypothèse d’un terrorisme intérieur comme solution à l’immobilisme de plomb (de ce plomb qui couvrait le toit de la prison vénitienne de Casanova ; de ce plomb qu’on envoie par balle dans le corps des gens), immobilisme plombé imposé par la dictature, installée depuis longtemps en Zinovie.

 

Eh bien, dit Lucien l’âne, on est loin de cette Zinovie tranquille que j’imaginais ; on dirait que sous la cendre refroidie des « rêves et des illusions » couve un feu nouveau et qui pourrait encore projeter des étincelles ou même provoquer l’effondrement du haut de l’édifice. On dirait qu’en Zinovie, la roue du destin s’est remise à tourner ; on verra le moment venu ce qu’il en sera. Cependant, tissons le linceul de ce vieux monde inconscient de lui-même, couvert de cendres, étouffé, rêveur, imaginatif et cacochyme.

 


Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Ma grand-mère disait ainsi,

Elle se parlait à elle-même,

Elle me transmettait aussi

Une forme de sagesse suprême :

L’important, c’est de bien se porter,

Tant qu’on peut se servir de ses bras,

Marcher, courir, aller au pas

Respirer, chanter, faire mille activités.

Il y a les maladies terribles,

Celles qu’on voit ;

Et les malaises internes invisibles,

Ceux-là ne comptent pas.

 

Quand même en Zinovie,

Tout ne va pas si mal que ça.

On a le plein emploi,

Les soins gratuits à vie,

Des satellites tout autour de la Terre,

Au bout du cosmos, on ira.

Une formidable technique militaire,

Et des guerres qu’on ne fait pas.

Certes, tout n’est pas parfait,

Mais dans le pays règne la paix.

On accueille des touristes étrangers,

On est un pays très hospitalier.

 

La Zinovie du siècle dernier

Vivait de rêves et d’illusions.

En Zinovie, un nouveau monde était né.

Le grand Guide protégeait la nation.

En Zinovie, la révolution a apporté

Tant de promesses d’amélioration.

Le monde nouveau a engendré

Pour tous, de nouvelles obligations.

En Zinovie, de ce destin malcommode,

Les gens patients s’accommodent.

Que faire ? Comment sortir de ce marigot ?

Que faire ? Que faire pour changer le haut ?

 

Et le terrorisme ?, dites-vous.

En Zinovie, ça n’existe pas.

On parle de groupes parfois,

On dit qu’il y en a partout,

Mais on ne les voit pas.

Que faire ? Que faire ?

Tirer sur qui ? Sur quoi ?

Mettre des bombes ? Où ça ?

Ce n’est pas si facile à faire.

Si on étouffe l’affaire, qui le saura ?

Faudrait y aller carrément

Et dire pourquoi aux gens.

 

Que faire ?
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