Que faire ?
Chanson française — Que faire ? — Marco Valdo M.I. — 2022
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 64
Konstantin Yuon — 1941
Dialogue Maïeutique
Une fois encore, Lucien l’âne mon ami, le chœur des voix s’emmêle dans la chanson où retentit plusieurs fois cette question angoissée : « Que faire ? » ; c’est la raison pour laquelle « Que faire ? » est le titre de la chanson.
Soit, dit Lucien l’âne, mais encore ?
Mais encore ?, reprend Marco Valdo M.I. ; d’abord, « Que faire ? », tout au long de la vie, est une question essentielle et même, existentielle et on peut y avoir souvent recours. Par exemple, sans qu’elle le dise ici, je suis certain que la grand-mère dont parle la chanson au début devait se la poser souvent cette question. Ici, Grand-mère parle de la santé et à sa manière, elle indique l’écart qui sépare le monde ancien (le sien) du monde nouveau (l’actuel) et l’incompréhension qui les sépare. Bien sûr, il faut avoir à l’esprit également, comme toujours dans les chansons qui racontent ce voyage en Zinovie, l’aspect symbolique de ces propos.
Oui, dit Lucien l’âne, le monde ancien a du mal à accepter l’évolution, à comprendre ce monde nouveau.
Ensuite, intervient une autre voix, dit Marco Valdo M.I., zinovienne qui reprend quasiment mot pour mot la doctrine officielle avec on ne saurait dire, un double sens, une distance d’ironie ou une énorme maladresse. J’en tiens pour preuve le très restrictif :
« Quand même en Zinovie,
Tout ne va pas si mal que ça. »
En effet, dit Lucien l’âne, c’est une formulation ambiguë. Logiquement, elle sous-entend et elle admet comme base que tout va mal, mais quand même pas si mal que ça. Ça ressemble fort à un vœu pieux, une façon d’atténuer le réel.
C’est bien ça, reprend Marco Valdo M.I., et ensuite, surtout, il y a ce passage :
« On a…
Une formidable technique militaire,
Et des guerres qu’on ne fait pas.
Certes, tout n’est pas parfait,
Mais dans le pays règne la paix. »
Oh, dit Lucien l’âne, on a souvent entendu ici et ailleurs, ce discours en porte-à-faux, ce discours faussé, ce discours faux, digne de la novlangue d’Orwell.
Ensuite, Lucien l’âne mon ami, les deux dernières strophes sont plus réalistes et lèvent le voile sur ce qui est réellement et examinent l’hypothèse d’un terrorisme intérieur comme solution à l’immobilisme de plomb (de ce plomb qui couvrait le toit de la prison vénitienne de Casanova ; de ce plomb qu’on envoie par balle dans le corps des gens), immobilisme plombé imposé par la dictature, installée depuis longtemps en Zinovie.
Eh bien, dit Lucien l’âne, on est loin de cette Zinovie tranquille que j’imaginais ; on dirait que sous la cendre refroidie des « rêves et des illusions » couve un feu nouveau et qui pourrait encore projeter des étincelles ou même provoquer l’effondrement du haut de l’édifice. On dirait qu’en Zinovie, la roue du destin s’est remise à tourner ; on verra le moment venu ce qu’il en sera. Cependant, tissons le linceul de ce vieux monde inconscient de lui-même, couvert de cendres, étouffé, rêveur, imaginatif et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ma grand-mère disait ainsi,
Elle se parlait à elle-même,
Elle me transmettait aussi
Une forme de sagesse suprême :
L’important, c’est de bien se porter,
Tant qu’on peut se servir de ses bras,
Marcher, courir, aller au pas
Respirer, chanter, faire mille activités.
Il y a les maladies terribles,
Celles qu’on voit ;
Et les malaises internes invisibles,
Ceux-là ne comptent pas.
Quand même en Zinovie,
Tout ne va pas si mal que ça.
On a le plein emploi,
Les soins gratuits à vie,
Des satellites tout autour de la Terre,
Au bout du cosmos, on ira.
Une formidable technique militaire,
Et des guerres qu’on ne fait pas.
Certes, tout n’est pas parfait,
Mais dans le pays règne la paix.
On accueille des touristes étrangers,
On est un pays très hospitalier.
La Zinovie du siècle dernier
Vivait de rêves et d’illusions.
En Zinovie, un nouveau monde était né.
Le grand Guide protégeait la nation.
En Zinovie, la révolution a apporté
Tant de promesses d’amélioration.
Le monde nouveau a engendré
Pour tous, de nouvelles obligations.
En Zinovie, de ce destin malcommode,
Les gens patients s’accommodent.
Que faire ? Comment sortir de ce marigot ?
Que faire ? Que faire pour changer le haut ?
Et le terrorisme ?, dites-vous.
En Zinovie, ça n’existe pas.
On parle de groupes parfois,
On dit qu’il y en a partout,
Mais on ne les voit pas.
Que faire ? Que faire ?
Tirer sur qui ? Sur quoi ?
Mettre des bombes ? Où ça ?
Ce n’est pas si facile à faire.
Si on étouffe l’affaire, qui le saura ?
Faudrait y aller carrément
Et dire pourquoi aux gens.