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17 novembre 2018 6 17 /11 /novembre /2018 17:51

 

La Malédiction de Lamme

 

 

Chanson française – La Malédiction de Lamme – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
108
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, XI)

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Pour cette fois, commence Marco Valdo M.I., je ne partirai pas du titre « La Malédiction de Lamme » pour présenter cette chanson, je me contenterai de rappeler que lors du précédent épisode « Le Carillon d’Harlem », la ville était assiégée et l’hiver glacé avait coupé la route aux secours et poussé la flotte des Gueux à la retraite. Tout au long, souviens-toi, les cloches et le carillon accompagnaient l’histoire de leur fanfare ; mais à la fin, commençait le siège de la ville : un siège qui allait durer des mois ; des mois durant lesquels les habitants résistèrent, jusqu’au moment où la faim engendra la fin.

 

Je me souviens de tout cela, dit Lucien l’âne, je me souviens de la neige, du gel, du vacarme des cloches et du carillon, mais voyons la suite.

 

Ici, après une lutte à un contre dix, le siège se termine et la ville se rend aux Espagnols ; les bourgeois, il faut comprendre les habitants de la ville, rachètent pour un montant absolument colossal, à l’Espagnol vénal, le pillage et la vie des citadins. Moyennant cette honteuse transaction, l’Espagnol accepte et promet cette vie sauve à tous ceux qui sont dans la ville ; mais il ne tiendra pas sa parole et il massacrera les Gueux prisonniers – des Wallons (près de mille), des Anglais, des Écossais, qui dans cette guerre de liberté anticipent les milices internationales qui près de quatre cents ans plus tard affronteront les armées franquistes. Curieusement, il épargne les mercenaires allemands, dont il imagine sans doute pouvoir acheter les services. Au début, l’Espagnol pendra ses prisonniers de guerre, mais ensuite, trouvant la méthode trop lente ou peu rentable, il en viendra à l’égorgement et alors, coulera un fleuve de sang. Comme dit Till dans la chanson :

 

« Quand la corde ne suffit pas au trépas,

Vient l’heure de l’épée, du glaive et du coutelas. »

 

Oh, dit Lucien l’âne, la démarche n’est pas nouvelle. À Constantinople et à Jérusalem, les Croisés marchaient dans des rues où coulait en rus malodorants le sang de leurs victimes. Les armées de la Mère Catho ont une manière bien à elles de faire du tourisme. Et puis, on n’est pas loin de la Saint-Barthélémy. Mais que vient faire dans cette histoire ce titre finalement intriguant ?

 

Cette « Malédiction de Lamme », répond Marco Valdo M.I., arrive tout à la fin de la chanson. Lamme écœuré par tant de vilenie, par tant de cruauté, par tant de mauvaise foi, Lamme qui voit venir sa mort et celles de Till et de Nelle, Lamme qui marche au supplice portant sa bedaine vide, laisse éclater sa rancœur et sa colère. Réduit à l’impuissance, au pied de la potence, il maudit le duc félon, le fils d’Albe, le ducaillon sanguinaire et il appelle sur lui une malédiction particulière, un traitement de son cru qui ne maque pas d’imagination culinaire.

 

Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, que voilà un bonhomme, ce bon Lamme est un cœur d’or dans une bedaine d’âne. Moi, je l’aime beaucoup et j’espère que ce n’est pas encore là l’heure de sa mort.

 

Lucien l’âne mon ami, ne te désole pas si vite, souvent les trains les plus sûrs ont du retard, certains même n’arrivent jamais, certains sont annulés, que sais-je ? Peut-être, comme la nôtre, sa mort ne viendra-t-elle jamais ?

 

Que le Dieu des ânes (et s’il existe, c’est évidemment un âne ; comme tous les dieux, et même si à la rigueur, il n’y en a qu’un seul, c’est un métamorphe, comme celui qui subvertit Majipoor ; comme le caméléon, il adapte son apparence à son environnement) me damne si Lamme en réchappe et que le Diable des ânes fasse à son tour rissoler ce ducaillon d’Espagne. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde nationaliste, impérialiste, militariste et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

 

Voici juin, les foins embaument l’air ;

Au soleil, les oiseaux et les blés chantent.

La faim est plus forte que le fer

Et la ville épuisée, affamée déchante.

 

La flotte des Gueux se retire en mer,

Les secours d’Orange tardent sur terre,

Et nous, nous tenons à mille contre dix mille.

Le bonheur nous délaisse et fui la ville.

 

Moyennant paiement, le duc de sang accorde la paix

Et la vie à tout qui vit dans la ville.

Les Espagnols entrent au grand complet.

« Nous mourrons aujourd’hui », dit Till.

 

Les bourgeois rachètent le pillage et leurs vies

Au prix de deux cent quarante mille florins.

Dans les églises, on a mis les femmes à l’abri.

Le massacre des Gueux commence ce matin.

 

Les Espagnols pendent trois cents Wallons au marché.

Nelle dit : « Le sol est trempé, c’est le sang des décapités. »

Till dit : « Quand la corde ne suffit pas au trépas,

Vient l’heure de l’épée, du glaive et du coutelas. »

 

Cinq cents Wallons sont séparés de leur tête,

Des Anglais, des Écossais et trois cents autres encore

Ont le crâne libéré du corps

Et les bourreaux font la fête.

 

« Cette fois, dit Lamme, c’est le festin de mort. »

« Nous mourrons, dit Nelle, mais pas encore. »

Quatre de front, les prisonniers vont en cadence

Par les rues rouges au champ de potences.

 

Sur les murailles, le sang se plaque ;

Les corbeaux accourent de tous côtés.

Par-ci par-là, le sang en flaques

Tache les chemins et les prés.

 

Lamme dit : « Si je tenais ce duc de sang,

Jusqu’à ce que sa peau éclate,

Je lui ferais manger cordes et bancs

Et avaler tout son jus écarlate.

 

Hors de sa peau déchirée et de son poitrail,

Je lui arracherais le foie et le cœur,

Et je dirais au diable de rôtir ses tripailles

Et de le cuisiner toute l’éternité, au beurre. »

 

 La Malédiction de Lamme
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Published by Marco Valdo M.I.
14 novembre 2018 3 14 /11 /novembre /2018 18:47

 

Le Carillon d’Harlem

 

Chanson française – Le Carillon d’Harlem – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
107
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, XI)

 

 

HAARLEMMERMEER

 
 
 

Dialogue Maïeutique

 

 

Le Carillon d’Harlem, Marco Valdo M.I. mon ami, serait-ce qu’il y aurait fête et que la paix serait descendue telle un ange bleu sur la ville au bord du lac d’Haarlemmermeer, depuis lors asséché et pour partie reconverti en aéroport.

 

Comme te le dira à son début la chanson, réplique Marco Valdo M.I., le carillon et les cloches d’Harelem sonnent l’heure à l’accoutumée. C’est l’hiver, tombe la neige molle ; mais très vite, malgré un premier silence de consternation, les cloches et le carillon reprennent de plus belle et appellent à la résistance face à la venue du duc d’Albe et de ses bourreaux. En fait, tout comme dans le Moscou de 1812, musique de Tchaikowsky, les cloches et le carillon sont des acteurs de la tragédie. Et puis…

 

Et puis, justement, demande Lucien l’âne. Est-ce tout, est-ce une histoire de carillon et de cloches ?

 

Hé bien, oui !, reprend Marco Valdo M.I., et puis, les cloches transportent dans l’air au-dessus de la campagne hollandaise le défi que la ville lance à l’armée de tueurs qui vient la prendre contre son gré. C’est le début d’un long siège, d’une bataille qui va durer huit mois. Et, comme tu le verras, l’hiver qui gèle le lac et coupe les voies d’accès mettra la ville en péril.

Écoutons donc cloches et carillon, puis tissons le linceul de ce vieux monde glacial, cruel, mortel et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Et la neige, la neige doucement neige

Et tombe, tombe mollement.

L’air, l’air est blanc, tout blanc ;

Sur l’eau noire, la neige se désagrège.

 

Sur la terre et sur les champs,

Les cloches d’Harlem sonnent l’heure.

Les arbres défeuillés demeurent.

Les chemins se perdent dans le blanc.

 

Cloches, cloches, ne sonnez pas !

Ne tintez plus l’air de joie !

Don Frédéric, le ducaillon de sang,

Arrive avec ses tueurs en régiments.

 

Entendez-vous dans les campagnes

Ces soldats, cette artillerie d’Espagne ?

Cloches, ne sonnez pas !

La mort vient à grands pas.

 

Cloches, cloches, nous sonnons

Et chante, toi, carillon !

Haarlem, bonne fille,

La masse de bourreaux défie.

 

« Qu’ils viennent ! », disent les gens,

« Nous sommes femmes, marins, habitants.

L’Albe arrogant présente son droit canon.

Cloches, carillon, « Dites non ! ».

 

Et le droit canon bat, abat nos murailles ;

Les portes s’effondrent, c’est l’assaut.

« Tue ! Tue ! » hurle la piétaille

« Bienvenue ! », nos canons offrent leur cadeau.

 

Cloches, cloches, saluez leur retraite !

Carillon chante les convois clandestins,

Le blé nourricier et la poudre prête.

Nos murs se relèvent avant le matin.

 

Venez dans nos rues, bourreaux !

Nos femmes guerrières font le guet.

Avec leurs minuscules petits couteaux,

Nos enfants couperont vos jarrets.

 

Alerte ! Ne sonnez plus, cloches et carillon !

Il gèle ! Il gèle, saison aigre et amère !

La flotte des Gueux sur l’Haarlemmermeer

Coincée par le gel est battue, les secours s’en vont !

 

Le Carillon d’Harlem
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Published by Marco Valdo M.I.
8 novembre 2018 4 08 /11 /novembre /2018 16:35

 

 

Sept et Vingt-deux

 

 

Chanson française – Sept et Vingt-deux – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
106
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, X)

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Décidément, Marco Valdo M.I. mon ami, pour ce qui est d’inventer des titres énigmatiques, tu t’y entends. Moi, par contre, je n’y comprends rien et me voici, contraint à chaque fois, de te demander une explication. Et ce n’est pas différent cette fois-ci avec cette mention chiffrée. 7 et 22, on dirait une date, mais laquelle ? Je connaissais déjà 11/9, 9/11, que sais-je encore ? Mais là, je donne ma langue au chat.

 

Et tu fais bien, Lucien l’âne mon ami, car ainsi le chat sera content. Trêve de plaisanterie, ces nombres étranges n’indiquent nullement une date. Il s’agit des fameux « Sept », dont parle la Légende, souviens-toi de « Vengeance et Mort »

 

« Par la guerre et par le feu,
Par la mort et par le glaive,
Cherche les Sept.

Dans la mort et dans le sang,
Dans les ruines et dans les larmes,
Trouve les Sept. »

 

Ces Sept que Till doit retrouver, mais dont on ne sait jamais si ce sont les bons. On avait déjà rencontré les sept bouchers à la fête chez Stevenine :

 

« Les Sept sont là,
Sept pour te sauver,
Sept fort bouchers,
Sept amis pour toi. »

 

Quant aux Vingt-deux, ce sont 22 assabres d’une escadre venue d’Espagne qui tente d’atteindre Anvers pour y porter vivres, armes et surtout l’or pour payer les armées du Duc de fer. Il est donc de la plus haute importance de s’en emparer et d’empêcher aux Espagnols l’accès par mer. Ce blocus finira par porter ses fruits.

 

Mais dis-moi, Marco Valdo M.I., que sont ces assabres tout aussi mystérieux ?

 

Lucien l’âne mon ami, tu as parfaitement raison de poser cette question, car en effet, c’est un terme assez sibyllin dont on ne trouve pas trace dans les dictionnaires usuels. Avec un peu de patience, on finit par trouver qu’il s’agit du nom donné à un petit bateau caboteur, usité par les Espagnols. La chanson raconte la capture et la destruction par les Gueux d’une escadre de 22 assabres dans la rade de Middelbourg jusque sous les tirs de canons des forts. Et ensuite, cette guerre continue s’alimentant d’elle-même continûment ainsi que le font toutes les guerres jusqu’à épuisement d’au moins un des adversaires.

 

Ainsi va le monde et personnellement, je ne sais s’il en ira un jour autrement, ni quand. L’essentiel cependant, conclut Lucien l’âne, c’est de vivre avec persévérance les bonheurs du jour ; jour après jour, tant qu’il y en a, comme ils viennent et tels qu’ils se présentent. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde plein de bruits et de furie, horrifiant où un ruffian coiffé d’une casquette rouge brait des éructations insensées, et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Nelle et Till conversent sur le pont ;

L’orage gronde au fond de la nuit.

« Nous sommes des renards qu’affole

L’arrivée de la volaille espagnole :

 

Vingt-deux assabres, piqués des lueurs

De lanternes, leurs insignes de malheur.

Tous feux éteints, nous attendons,

Dit Till, le passage du convoi ennemi. »

 

Et répond Nelle : « La nuit d’ici

Est une nuit de sorcières

Au ciel noir comme bouche d’enfer

Où les mouettes poussent de grands cris.

 

Till, mon aimé, prenons la poudre,

Allons dans le monde des esprits.

Peut-être, y verra-t-on les sept réunis. »

Alors, fermant les yeux, ils voient la foudre.

 

Et la mer démontée se rit du ciel lointain

Où sont les sept, les sept étoiles.

Arrive un navire de fer à l’immense voile,

Il déchire l’eau et la mer geint.

 

À l’arrière, trône madame la Mort.

Ricassante, de la gauche, elle serre fort

Sa faux et de la droite, elle dégage

Un fouet et frappe tout son équipage.

 

Partout, les victimes hurlent : « Pitié ! ».

Sur terre, flambent villages et villes.

Les noirs cavaliers tuent, volent, violent ;

Enfin, épuisés, ils s’asseyent et jouent aux dés.

 

Les lanternes des assabres font de rouges étoiles

« L’Espagnol vogue sur Flessingue. Alarme ! »

Les Gueux de mer exultent : « Aux armes !

Pour le Prince de Liberté, en chasse à pleine toile ! »

 

Tous à courre : La Johannah, le Cygne, le Gueux,

L’Anne-Mie, l’Egmont, le Guillaume-le-Taiseux,

Sous le vent, l’escadre fuit vers le port ;

Les flibots la poursuivent sous le feu des forts.

 

Les canons des murs tirent et tirent encore ;

Les Gueux vident les assabres et s’emparent

De l’or, de blé, de balles, d’artillerie et de poudre

Et dans la rade, abandonnent les carcasses noires.

 

 

Sept et Vingt-deux
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Published by Marco Valdo M.I.
7 novembre 2018 3 07 /11 /novembre /2018 11:27

 

 

La Saint-Barthélémy

 

 

Chanson française – La Saint-Barthélémy – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
105
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, X)

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

La Saint-Barthélémy, dit Lucien l’âne, pour moi, c’est cet énorme massacre qui eut lieu à Paris où les catholiques enragés firent un bain de sang de leurs voisins protestants ; un carnage qui fut étendu rapidement à d’autres villes de France et qui dura plusieurs mois. On dénombra plusieurs dizaines de milliers d’assassinés : hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes, tous y passèrent.

 

C’est bien cette Saint-Barthélémy-là que raconte Till dans la chanson, poursuit Marco Valdo M.I. et le Saint Barthélémy, dont selon la tradition catholique, on célébrait ainsi la fête à Paris n’est autre – quelle ironie – que le saint patron des bouchers, des écorcheurs et des tanneurs. Autant dire, Barthélémy, le saint patron des tueurs.

 

En effet, ça ne manque pas de sel, dit Lucien l’âne.

 

Mais au fait, que vient faire cette histoire de Saint-Barthélémy dans la légende la Légende des Pays.

 

Curieusement, Lucien l’âne mon ami, c’est un coup de bleu à l’âme de Lamme qui en est la cause ou l’origine. Du fait d’un sevrage prolongé, fait de petite bière et de hareng, le pauvre homme se met à dépérir.

 

On le comprend, s’écrie Lucien l’âne. Du hareng ; soit !, de temps en temps ; mais du hareng, rien que du hareng, à longueur de temps, arrosé de bière plate, il y a de quoi désespérer du monde et de la vie.

 

C’est précisément, dit Marco Valdo M.I., ce que fait Lamme. Il se lamente, il se chagrine et pire encore, il maigrit.

 

C’est terrible, dit Lucien l’âne en riant. Mais la Saint-Barthélémy, que vient-elle faire dans tout ça ?

 

J’y viens, dit Marco Valdo M.I., j’y arrive. La Saint-Barthélémy est évoquée par Till pour ramener à sa juste dimension le malheur de Lamme. C’est comme qui dirait s’il lui disait : « Rastrins valet ! », « N’exagère pas ! ». Il s’agit de faire voir à Lamme qu’il y un sort bien pire que le sien, qu’il convient d’accepter le hareng saur ou sec et la bière aqueuse tant que dure le combat pour la liberté et d’apprécier la vie – tant qu’il y en a. Ainsi, Till conforte l’âme de Lamme en lui prédisant le retour de sa femme. Pour le reste et les détails, voir la chanson.

 

Écoutons cette chanson de bien triste mémoire et puis, tissons le linceul de ce vieux monde fade, pénible, lourd, triste, veule et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Les flibots au soleil se traînent,

Les vigies dans les hunes sifflent

Et depuis le matin, scrutent l’horizon en vain.

Trèslong interroge, elles répondent : « Rien ! »

 

« D’où vient, Lamme, ton air si dolent ? »

« Oui, riez de moi, pauvre et souffrant,

Riez, par abandon, le cœur me faut :

Pain, fromage et boisson, il me faut.

 

Le Prince défend de prendre pour notre bien

Vivres des riches, ni rien des couvents.

Je n’ai plus ni ma femme, ni bon vin.

Je vis de petite bière et de hareng.

 

Où est passée la joie, où est passée la vie ? »

Till dit : « Je vais te le dire une bonne fois.

Oh Lamme ! Laisse-là tes mélancolies,

Frappe le soldat d’Albe où tu le trouveras.

 

Ils ont tué dix mille cœurs libres à Paris

La nuit de la Saint-Barthélémy.

Ils ont jeté au fleuve de pleines charretailles

De morts et de vivants et faisaient ripaille.

 

La Seine était rouge de sang et neuf jours entiers,

Les corbeaux s’abattant par nuées

Se repurent de ce carnage de réformés

Et d’autres villes sont encore endeuillées.

 

Les dames de la cour en grandes prêtresses

De leurs mains fines dépouillaient les corps

Pour voir et mesurer la virilité des morts

Et elles riaient ces paillardes, de cette étrange messe.

 

Si l’arrière-goût du hareng te rend malade,

L’odeur de cette vilenie est bien plus fade

Et les assassins ont les mains sales et roides

D’avoir tant tâté tant de viande froide.

 

Ces tueurs offraient aux dévotes damoiselles

Des oies grasses, le croupion ou les ailes.

Comme les charognards, des cadavres nourris,

Ces festins honteux fêtaient Saint Barthélémy. »

 

« Je ne me plaindrai plus, dit Lamme,

Ni du hareng, ni de la petite bière.

Tristesse et mélancolie, c’était hier.

Mon cœur est en joie, je reverrai ma femme. »

 

 La Saint-Barthélémy
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Published by Marco Valdo M.I.
4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 20:27

La Maumariée

 

Chanson française – La Maumariée – Anne Sylvestre – 1968

Paroles et musique : Anne Sylvestre – 1968

Écrite pour Serge Reggiani en 1968 et interprétée pour la première fois à Bobino (Paris) – 1968

Anne Sylvestre : https://www.youtube.com/watch?v=0p8SzaULmg8

Serge Reggiani : https://www.youtube.com/watch?v=u5-u3JjE7eA

 

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, j’ai toujours du mal à commenter certaines chansons d’Anne Sylvestre ou de Barbara.

 

Qu’est-ce que tu me chantes là, Marco Valdo M.I. mon ami ? Du mal et pourquoi donc ?

 

Du mal, mon ami Lucien l’âne, car leurs chansons, leur voix, leur ton, que sais-je, tout ça à la fois, ça me fait mal. Une douleur profonde, insinuante et pénétrante, rien que d’y penser et dont je n’arrive pas à me dépêtrer et si j’ai le malheur de les écouter, c’est pire encore. Oh, ce n’est pas que je ne les aime pas ; à vrai dire, je les aime trop et l’émotion, telle une cascade sauvage et gigantesque se déverse en moi et m’emporte sans que j’y puisse rien faire.

 

Et alors, Marco Valdo M.I., qui t’oblige à les écouter ou même, à t’en souvenir ?

 

Personne, ni rien, Lucien l’âne mon ami, elles s’invitent toutes seules. Soudain, elles sont là. D’aucuns disent que ce sont des chansons sorcières et je le croirais volontiers, mais malgré tout, ce sont de bonnes sorcières. Ah, si je commence à les écouter, il me faut me faire violence à moi-même pour m’en échapper. Ce ne sont pas les seules, évidemment ; c’est comme ça avec tant de chansons. Celles de Brassens, Ferré, Brel, Lapointe et d’autres me prennent aussi la mémoire et me poursuivent des heures, des jours durant, mais elles ne font pas ce mal-là. Elles ne me noient pas dans cette mélancolie qui m’enveloppe comme une brume de novembre. Tiens, c’est comme le dimanche soir, ça me fout le bourdon.

 

Voilà qui est déroutant, dit Lucien l’âne ; Cependant, qu’en est-il de la chanson elle-même ?

 

 

Pour ce que j’en sais, elle serait une réminiscence de chansons anciennes, d’histoires qui se sont transmises de femme en femme dans les provinces lointaines du Québec ou de n’importe quel village de n’importe quelle province. C’est l’histoire finalement banale d’une femme mal mariée, mariée contre son gré, mariée de force… Comme ça s’est toujours fait et ça se fait encore dans les sociétés patriarcales où la coutume, quand ce n’est pas la loi, ou un Dieu ou un prophète ramène la femme à moins qu’un homme et lui impose la soumission aux mots de la tribu. Certaines femmes sont patientes, certaines s’en accommodent – ce sont les plus résistantes ; d’autres mettent fin au supplice en se suicidant – ce sont les plus douces. La maumariée de la chanson est de celles-là.

 

Oh, dit Lucien l’âne, quelle triste histoire ! Elle a dû se demander comme Caussimon et Ferré après lui :

 

« …si c’est utile et surtout,

Si ça vaut le coup,

Si ça vaut le coup,

De vivre sa vie. »

 

Cela dit, il me semble qu’il existe déjà une « autre maumariée » au destin guère meilleur. Pour le reste, même si elle doit t’écorcher vif, écoutons cette chanson et puis, pour te consoler, tissons le linceul de ce vieux monde mélancolique, triste, sinistre et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Maumariée, oh maumariée !
Quand ils t’ont trouvée,
Si blanche et dorée,
Blonde, blonde, blonde.
Maumariée, oh maumariée !
Quand ils t’ont trouvée noyée

Dans le courant,
Entre tes draps de mousse,
Dans le courant,
Les yeux fermés, si douce,
Comme un jardin de fleurs,
Comme un jardin
Saccagé par l’orage,
Comme un jardin,
Comme une fleur sauvage,
Tu fuyais ton malheur
Entre deux eaux,
Entre deux eaux.

Et j’étais là, moi,
J’étais là,
Inutile et vain,
Avec mes deux mains.
Imbécile et froid,
Avec mes deux bras,
Avec tout mon corps
Qui regrette encore,
Maumariée,
Je t’aurais consolée.
Moi, maumariée,
Que j’aurais su t’aimer.

Et tous les hommes qui sont là
T’auraient ouvert portes et bras,
Tous auraient voulu empêcher
Cet irrémédiable péché.
Toi si blonde, maumariée,
Toi si blonde, mal aimée.

Maumariée, oh maumariée !
Quand tu t’es sauvée,
Si blanche et dorée,
Blonde, blonde, blonde,
Maumariée, oh maumariée,
Quand tu as désespéré,

Ne pouvais–tu,
Ne pouvais–tu m’attendre,
Ne pouvais–tu,
À cet instant comprendre
Que je courais vers toi,
Que je courais
Comme vers une source,
Ignorant que ma course
Me conduisait là–bas
Au bord de l’eau,
Au bord de l’eau

Et je suis là, moi,
Je suis là,
Avec mes deux mains
Qui ne tiennent rien.
Ton image en moi
Qui ne s’en va pas,
Avec tout mon corps
Qui regrette encore,
Maumariée.
Jamais je n’oublierai,
Moi, maumariée
Que j’aurais pu t’aimer.

Maumariée, oh maumariée,
Quand ils t’ont trouvée,
Si blanche et dorée,
Blonde, blonde, blonde, blonde, blonde…

 

La Maumariée
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Published by Marco Valdo M.I.
4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 09:21

 

 

Le Pont de Mons

 

 

Chanson française – Le Pont de Mons – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
104
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, IX)

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Sache, Lucien l’âne mon ami, si tu ne le sais déjà, qu’après le mariage, la vie continue, pour Nelle et Till comme pour tous ceux qui sont unis par cette vénérable coutume.

 

Qu’y faire, dit Lucien l’âne en riant. Nul ne peut échapper à cette dérive du temps, nul ne peut l’arrêter, même le plus heureux des événements.

 

Si je te dis ça, enchaîne Marco Valdo M.I., ce n’est pas que j’aie la moindre intention de philosopher à propos de cette curieuse habitude de se marier, mais simplement pour faire le raccord avec le moment où la dernière chanson avait laissés Nelle et Till. Donc, les aventures continuent et avec les Gueux des Mers, Nelle, Till et Lame poursuivent la lutte contre la présence espagnole et ses alliés ecclésiastiques. Je ne dis pas catholiques, car il faut – comme le fait Till lui-même et comme le fait le Prince de liberté – ici faire la distinction entre d’un côté, les gens qui vivent dans les Pays, qui peuvent être de telle ou telle confession ou sans confession du tout, et donc en ce compris les « catholiques » (généralement par tradition ou par habitude, mais gens de mœurs pacifiques et peu soumis aux idées et aux pratiques de l’Inquisition et peu désireux de nuire à leurs voisins fussent-ils d’une autre confession ou simplement, indifférents ou sans appartenance religieuse ou athées) et de l’autre côté, l’écrasante machine de domination qu’est l’Église catholique.

 

Permets-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, avant d’en venir à la suite, juste une petite remarque personnelle « à propos de cette curieuse habitude de se marier ». Ne l’as-tu pas pratiquée toi aussi ? À ce qu’il me semble, ce fut bien le cas. Cela dit…

 

Lucien l’âne mon ami, là, je t’arrête à mon tour un instant pour te faire remarquer que le fait de l’avoir pratiquée moi aussi fait tout simplement que je peux parler d’expérience. En somme, je te donne un avis d’expert.

 

Pour cette matière, dit Lucien l’âne, je pense que les experts ne manquent pas. Mais revenons à ta nouvelle chanson et à ce curieux « pont de Mons ». De quoi s’agit-il ?

 

Tu fais bien, Lucien l’âne mon ami, de recentrer l’attention sur le pont de Mons, dont je m’empresse de te dire deux mots. Pour ce qui est du pont lui-même, il s’agit d’un pont-levis, qui placé par-dessus les douves, devant une des portes de la ville, permet lorsqu’il est baissé l’accès à la cité et relevé, empêche le passage. Donc, tu en déduiras facilement que Mons, ville principale et chef-lieu du Hainaut, est à cette époque une ville fortifiée, entourée de remparts et de douves, dont on trouve traces encore aujourd’hui dans les boulevards circulaires qui l’entourent. Il reste encore dans le vocabulaire « mémoriel » des cités contemporaines cette expression « intra muros » qui désigne le « centre ville ».

Dans cette guerre de libération, comme on a pu le lire ici, il y eut pour les Gueux sur terre tant de victoires et tant de défaites ; il y eut un moment où s’accumulaient les victoires et puis, faut de moyens, la révolte fut écrasée par les troupes espagnoles. C’est alors que le mouvement des Gueux prit la mer.

La victoire des Gueux de terre, si je peux les nommer ainsi, à Mons était une prise capitale, qui fut rapidement contrariée par la suite. C’était dans les débuts de cette longue guerre en l’an 1572. Elle montre toute l’étendue de cette guerre des Gueux qui s’étendait sur un territoire qu’on pourrait appeler aujourd’hui le cœur de l’Europe. J’avais déjà fait remarquer également qu’il s’agit d’une épopée fluviale où apparaissent l’Yser, la Lys, l’Escaut, la Sambre, l’Oise, la Meuse, le Rhin, l’Ems… Et puisqu’il s’agit de Mons, laquelle est située au confluent de la Haine et de la Trouille, on les ajoutera.

 

Oui, tout ça est bien intéressant, dit Lucien l’âne, mais quand même, la chanson…

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, elle raconte l’exploit cavalier par lequel les Gueux, conduits par Louis de Nassau, frère du prince de Liberté, ont enlevé la ville aux Espagnols. C’est un bond superbe d’un genêt sur le pont qui se relevait et qui le rabattit et ouvrit ainsi la porte de la ville aux Gueux. Le reste est chanté par Till (accompagné au tambour par Lamme et au fifre, par Nelle) à la demande des Gueux de mer, à la fin d’un repas de fête. Enfin, tu remarqueras qu’elle est plus longue et n’a pas la même structure que les autres chansons de la Légende, car j’ai repris intégralement la chanson de Till.

 

Voyons voir et tissons le linceul de ce vieux monde inquiet, inquiétant, intolérant, fanatique et cacochyme.

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Till, Lamme et Nelle, le joyeux escadron,

Aux couvents reprennent le bien du pays

Que par romaines momeries et processions,

Les gens de l’Église au peuple avaient pris.

 

L’argent ainsi récupéré

Donne des armes à la liberté

Et c’est droit de guerre

Pour ceux qui n’en ont guère.

 

Lamme ramène saucissons et jambons,

Volailles, oies, dindes, poules, poulets et chapons

Et après lui, au bout d’une corde ecclésiastique

Il traîne les veaux et les porcs monastiques.

 

La jubilation s’empare des Gueux de mer.

Et dans la joie, ils requièrent au dessert

La chanson du pont de Mons, la victoire ;

Till chante ; Lamme et Nelle rythment l’histoire.

 

Le Pont de Mons

 

« Où sont tes piétons ou les cavaliers ?

Ils sont au bois, égarés, foulant tout :

Railles sèches, muguets en fleurs.

Monsieur du Soleil fait reluire

Leurs faces rouges et guerrières,

Les croupes luisantes de leurs coursiers ;

Le comte Ludwig sonne du cor :

Ils l’entendent. Doucement battez le tambour.

 

Au grand trotton, bride avalée !

Course d’éclair, course de nue ;

Trombe de fer cliquetant ;

Ils volent, les lourds cavaliers !

En hâte ! En hâte ! À la rescousse !

Le pont se lève… De l’éperon

Au flanc saignant des destriers !

Le pont se lève : ville perdue !

 

Ils sont devant. Est-ce trop tard ?

Ventre à terre ! bride avalée !

Guitoy de Chaumont, sur son genêt,

Saute sur le pont qui retombe.

Ville gagnée. Entendez-vous

Sur le pavé de Mons

Course d’éclair, course de nue,

Trombe de fer cliquetant ?

 

Vive Chaumont et le genêt !

Sonnez le clairon de joie, battez le tambour.

C’est le mois du fin, les prés embaument ;

L’alouette mont chantant dans le ciel.

Vive l’oiseau libre !

Battez le tambour de gloire.

Vive Chaumont et le genêt ! Or ça, à boire ça.

Ville gagnée !… Vive le Gueux ! »

 

  Le Pont de Mons
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3 novembre 2018 6 03 /11 /novembre /2018 18:03

 

LES EMBUSQUÉS

 

Version française – LES EMBUSQUÉS – Marco Valdo M.I. – 2018

Chanson italienne – Gli imboscati – anonyme – 1918

 

 

 


Sur l’air de "Bombacè" del Sor Capanna (1865-1921), probablement la toute première version de Il general Cadorna
Te
xte tiré de "Al rombo del cannon: Grande Guerra e canto popolare", de Franco Castelli, Emilio Jona, Alberto Lovatto, éditeur Neri Pozza

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Je me disais, Lucien l’âne mon ami, que j’allais l’insérer sans commentaire, car il y a tant à faire ici. J’en étais là de mes pensées en cours de traduction quand je me suis mis à ruminer. Il m’est d’abord venu l’idée que si l’on remplace « De Caporetto à Udine » par « De la Panne à Verdun », on peut en conclure immédiatement que c’était pareil sur tous les fronts, d’un côté comme de l’autre : à l’Ouest, rien de nouveau, sans compter le front de l’est où la même guerre produisait les mêmes effets. On peut y ajouter qu’on mourrait à l’offensive et on mourrait tout autant à la défensive.

En 1916, de l’autre côté du front, Erich Mühsam écrivait « Le Chant des Soldats »et tant d’autres dans de nombreux pays en de nombreuses langues, dont certaines sont ici dans un beau rassemblement de chansons contre la guerre.

 

 

Pour conclure ce bref dialogue, je voudrais dire que le cri de « Guerre à la Guerre » était le cri de ralliement de ceux qui en étaient réchappés. Les autres étaient enveloppés dans une stupeur muette pour l’éternité. Quant à nous, en accord avec tous ceux-là, tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, lâche, belliqueux, planqué et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Il ne faut pas beaucoup d’études
Pour reconnaître les embusqués
Qui arborent des guêtres luisantes
Et des cheveux gominés.

 

Et quand viendra la paix,
Eux seuls seront les héros
Et ils chanteront à la postérité
Ce que nous, nous avons fait.

 

De Caporetto à Udine,
Il n’y a que des embusqués
Qui, seuls, font la guerre,
Qui, seuls, sont soldats.

 

LES EMBUSQUÉS
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Published by Marco Valdo M.I.
31 octobre 2018 3 31 /10 /octobre /2018 21:24

 

Le Marié malgré lui

 

Chanson française – Le Mariage malgré lui – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
103
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, VII)

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Le Marié malgré lui, dit Lucien l’âne, voilà un titre qui me rappelle une pièce de théâtre que j’ai dû voir il y a bien longtemps, quelque temps après le temps de Till. Ainsi donc, Till va se marier, qu’est-ce qui a bien pu lui prendre ? En voilà une aventure qu’on n’attendait pas ; du moins, pas ici en plein milieu de cette guerre qui n’en finit pas. Qu’il se marie un jour, la chose était prévisible et même, on peut présager de l’élue. Bref, on s’y attendait depuis longtemps ; justement depuis qu’il fréquentait sa jeune amie ; peut-être, même avant. C’était, comme qui dirait, écrit dans le vent. D’ailleurs, si ma mémoire d’âne est bonne, il s’est déjà marié une fois, mais c’était pour du beurre, comme on disait quand enfants, on jouait à jouer la vraie vie.

 

C’est bien comme ça, Lucien l’âne mon ami, que va se produire cet événement : de manière tout à fait impromptue. Till va se marier, mais en quelque sorte par accident et comme tu le dis, au moment où il s’y attend le moins. Et nous aussi, d’ailleurs. Mais il fallait bien qu’à un certain moment, il se marie ; il ne pouvait quand même pas attendre la fin de la guerre. Remarque bien que son mariage sera une tribulation de cette interminable guerre et si cette guerre est interminable, c’est qu’elle dure quatre-vingts ans, une vie d’homme en somme et que la Légende est précisément l’histoire de cette guerre et de comment en faire advenir la libération de l’occupation espagnole avec tous les massacres et les inconvénients qu’elle comporte. Pour en revenir au titre et à ce « marié malgré lui », il faut comprendre que si sans aucun doute possible, Till était destiné à épouser Nelle et Nelle à épouser Till – ce qui était écrit dans les étoiles déjà du temps de Nabuchodonosor, nul n’avait imaginé des noces aussi soudaines, aussi abruptes et aussi expéditives.

 

Ah oui, dit Lucien l’âne, depuis le temps que duraient les fiançailles et puis, si loin de Damme, quelle histoire ! Mais, dis-moi, au juste, quelles ont les circonstances de ce mariage soudain ? Comment Till en est-il arrivé là ?

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, lors de la prise de Gorcum, Till avait reproché au capitaine Marin de ne pas respecter l’accord conclu lors de la capitulation de la ville, à savoir que les assiégés ne seraient pas inquiétés et qu’ils pouvaient en toute liberté s’en aller. 19 religieux catholiques avaient été arrêtés et Till avait protesté contre ce reniement de la parole donnée. Les religieux avaient été réclamés par le Sire de Lumey, grand amiral, Till avait été chargé de les amener à La Brielle ; là aussi, face au Sire de Lumey, Till prit leur défense en répétant : Parole de soldat est parole d’or. Souviens-toi, il dit aussi :

 

« La libre conscience est notre trésor

Et le prince de liberté a parole d’or

De celui qui se rend sans détour,

On respecte la personne toujours. »

 

Néanmoins, le Sire de Lumey fait pendre les moines en leur prison et exige que Till, s’il ne veut ne pas être pendu lui-même, reviennent sur ses accusations et déclare que Lumey avait raison d’arrêter et tuer les religieux. Till refuse, il doit donc être pendu.

On dresse la potence sur la Grand Place de la ville. Le reste est dit dans la chanson et tu découvriras là comment et avec qui Till s’est marié et pour quelle raison il l’a fait à ce moment.

 

Oui, dit Lucien l’âne, tu as bien fait d’arrêter là et de ne rien dire de la suite. On la découvrira avec la chanson. Ensuite, tissons le linceul de ce vieux monde parjure, menteur, lâche, malhonnête, imbécile et cacochyme.

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Une barque emmène droit à la mort

Les dix-neuf moines à Gorcum arrêtés.

Till leur dit : « Si je peux, je vous sauverai :

Parole de soldat est parole d’or. »

 

Plus tard, les dix-neuf religieux pendus,

Sire de Lumey, grand amiral des Gueux,

Fit venir Till pour être entendu

Et lui dit : « Tu mourras comme eux. »

 

« Parole de soldat n’est plus parole d’or,

Répond Ulenspiegel, je suis ton prisonnier.

Tu peux me faire pendre à ton grand hunier,

Mais de les assassiner ainsi, tu as eu tort. »

 

« Soldat, demande pardon ou tu es mort. »

« Je ne lèche pas des bottes sans conscience.

Je ne le ferai pas, parole d’or. »

« Parole de chanvre, qu’on le mène à la potence ! »

 

On dresse les fourches au Grand-Marché.

Ainsi, la ville consternée apprend

Qu’on va pendre sans justice et sans pitié

Till le Gueux, Till l’esprit libre et vaillant.

 

 

Sire de Lumey, avec sa garde et cuirassé,

Vient à cheval par lui-même s’assurer

De l’exécution de celui qu’il a condamné.

Sur la place, le peuple se presse courroucé.

 

Till est déjà sur l’échelle de la mort,

En son linge, bras liés au corps,

Mains jointes et corde au cou,

Contemple la foule de son air doux.

 

À l’instant où va basculer la vie,

Tout de blanc fleurie, une jeune fille

Au pied du gibet surgit et pousse un cri :

« Cet homme est le mien, je le prends pour mari ! »

 

« Vive la fille qui sauve la vie ! Vive la pucelle ! »

Les us et coutumes d’ici font défense

De pendre un homme qu’une demoiselle

Veut prendre pour époux au pied de la potence.

 

« Il doit l’épouser, vive la mariée ! Vive la Belle ! »

Et l’amiral Trèslong demande : « Qui est-elle ? »

« C’est mon aimée, dit Till, c’est mon éternelle. »

« Moi fifre et Till soldat, nous embarquons avec toi », dit Nelle.

 

Le Marié malgré lui
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30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 10:35

 

Planter Café

 

 

Chanson française – Planter CaféYves Montand – 1956 (à Moscou) – 1958 (disque)

Texte : Eddy Marnay

Musique : Emil Stern

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui aurait pu rester dans les limbes discographiques, si je n’étais pas tombé dessus par hasard. Comme tu t’en es sûrement déjà aperçu, le répertoire d’Yves Montand est très vaste et très divers et ce n’est pas là un hasard, car Montand était un chanteur-interprète (comédien, militant politique, « french lover » et plein d’autres choses aussi) ; il n’écrivait pas ses chansons et ne jouait pas d’un instrument particulier, en scène en tout cas. De ce fait, il recourait à des textes et des compositions d’autres créateurs. Cependant avant d’aller plus avant, il me faut souligner qu’au sein de ce répertoire d’inspiration éclectique, cette chanson ressort par son aspect – à mon sens faussement – bonenfant et en dépit de quoi je trouve que c’est une bonne chanson.

 

J’espère bien, dit Lucien l’âne. De toute façon, ce n’était pas la peine de le préciser, car j’imagine que tu n’insères pas ce que tu considères comme une mauvaise chanson ou alors, tu en donnerais les raisons. Mais voyons celle-ci.

 

En apparence, dit Marco Valdo M.I., il s’agit d’une chanson du genre exotique comme pouvait en chanter Henri Salvador ; notamment, tiens, Je ne peux pas travailler .

 

« Monsieur Jean le commerçant qui a des plantations
Me dit "Jules, viens donc chez nous, faut cueillir le coton"

Mais


Je peux pas travailler courbé
J’ai les doigts de pieds recourbés
Je peux pas travailler penché
Ma colonne veut pas se plier. »

 

Mais en apparence seulement, car celle-ci évoque un ouvrier, un manœuvre qui plante le café et elle se passe dès lors forcément dans un pays tropical et l'image est celle d’un travailleur que le travail rebute. C’est une représentation folklorique des ouvriers (esclaves ?) agricoles au Brésil (par exemple), pays grand producteur de café ; un pays rongé et ravagé par une classe moyenne phagocytaire et fascisante, fascinée par l’ambition et la richesse des riches. Une chanson avec son poids d’ironie et une bonne dose de second degré dans l’interprétation. Mais sur le fond, elle croise une autre chanson française où il est question de planter du café où les réalités apparaissent mieux. Sans doute, te souviens-tu de cette chanson de Maurice Dulac intitulée : « Dis à ton fils !» et particulièrement de la dernière strophe :

 

« Tu vois, ton fils n’est pas rentré,
Les soldats nous l’ont tué.
- Je sais bien qu’il n’est pas mort pour rien,
Nous serons libres demain.
- Mais demain, il va falloir se lever.
- Je sais bien, il faut planter le café. »

 

 

On peut y ajouter le « Duerme, negrito » de l’Argentin Atahualpa Yupanqui, auteur d’origine amérindienne.

 

 

« Dors dors Negrito
Ta maman est au champ
Negrito

Travaillant,
Travaillant durement,
Travaillant si,
Travaillant en deuil,
Travaillant si,
Travaillant en toussant,
Travaillant si,
Travaillant et pas payée
Travaillant si,
Pour le Negrito tout petit
Pour son Negrito, oui. »

 

Ces conditions de travail et de vie indécentes, dit Lucien l’âne, que l’on fait subir aux somari sont exactement celles que depuis toujours les hommes imposent aux ânes. Pour comprendre ça, je suggère d’aller voir aussi du côté de Rocco Scotellaro et par exemple : « Noi non ci bagneremo »

 

« Nous, nous ne nous baignerons pas sur les plages
Nous, nous irons faucher
Et le soleil nous cuira comme la croûte du pain. »

 

Enfin, nous, nous tissons – tels les canuts :

 

« Mais notre règne arrivera
Quand votre règne finira :
Nous tisserons le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la révolte qui gronde. »

 

– le linceul de ce vieux monde lourd, pesant, écrasant et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Planter café,
C’est pas pour les gens fragiles ;
Il n’y a qu’à se baisser,
Mais c’est ça qui est difficile.

 

Fait chaud l’été,
Le soleil pèse des tonnes ;
Il se fait porter,
Mais c’est trop pour un seul homme.

Moi, déjà j’ai mal au bras
Quand je pense qu’il faudra :
Cueillir café
Quand la fleur tombe des branches
Et mélanger la semaine et les dimanches

 

Le patron dira

Ce qu’il voudra :
Mon sommeil, il est à moi.

Porter café
Jusqu’au ventre des navires :
Il n’y a qu’à grimper
Et faire semblant de sourire.

 

Rêver café,
Je ne connais rien de pire
Pour m’énerver :
Ça m’empêche de dormir.

 

Ton métier contre le mien,
Mais surtout je te préviens :

 

Planter café,
C’est pas pour les gens fragiles :
Il n’y a qu’à se baisser
Mais c’est ça qui est difficile
Difficile, difficile…

Difficile…

 

 Planter Café
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29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 16:41

 

L’HOMME ET L’ARBRE


Version FRANÇAISE – L’HOMME ET L’ARBRE – Marco Valdo M.I.2018

Chanson italienne – L'omo e l'arberoTrilussa – 1932
Poème de Carlo Alberto Salustri, dit Trilussa, tiré du recueil “Giove e le bestie”, publié en 1932
Mis en musique par Giuseppe Micheli dans le disque “Trilussa e il suo tempo (e la sua Roma)”
Interprétation : Alba Bosi, Marcello Baldassarini et les solistes du Gruppo Folkloristico Romano.

 

 

Olivier penseur

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, «  L’HOMME ET L’ARBRE », est évidemment un sujet gigantesque à propos duquel il y aurait tant et tant à dire. On en disait déjà deux ou trois choses l’autre jour en discutant d’une autre chanson de Trilussa qui parlait d’un arbre qui faisait son testament .

 

Cet arbre-là était généreux, remarque Lucien l’âne, mais dans le fond, j’ai l’impression que tous les arbres ont toujours été généreux, même sans le savoir, comme le Monsieur Jourdain de Molière faisait de la prose. Ainsi, même un arbre mort est toujours généreux ; comme tous les morts, il offre son corps. De plus, des morts d’arbres, il y en a des millions, si ce n’est des milliards chaque année. Je me demande s’il restera encore quelque chose de l’Amazonie après la généreuse destruction qui s’annonce ; le résultat de cette curieuse alchimie où l’arbre vivant se transforme en profit mort et en terre battue sera probablement une sorte de Brésil chauve. La déforestation est pire que la guerre.

 

Tu ne crois pas si bien dire, Lucien l’âne mon ami. Pour en revenir à la chanson, elle prend la forme d’un dialogue enter un olivier, l’arbre nourricier de la Méditerranée, et son assassin avec en prime une intervention divinement ironique. En gros, l’imbécillité humaine veut sacrifier ce brave olivier, porteur de splendides récoltes pour en faire un saint de bois (ou plusieurs, qu’importe), star de la crédulité et de l’adoration des miraculeurs. Mais heureusement, le Dieu Soleil de son Paradis envoie un rayon d’or pour signifier son courroux et prendre la défense de l’olivier menacé de sainteté. On ajoutera que par ce même geste, le Dieu de ce Paradis Ensoleillé (n’est-ce pas le grand Rhâ lui-même ou sa réincarnation ?) met à mal la figure du saint, de tous les saints et par là, de la sainteté si chère à l’Église et à d’autres religions. Pourquoi chère à l’Église ? Dame, ce sont ses marionnettes qui dans son théâtre d’ombres égarent les hommes.

 

Hou-là, dit Lucien l’âne, on fit brûler des gens pour moins que ça et il n’y a pas si longtemps encore. Combien j’ai croisé d’histoires de saints sur ma route ? Je n’en sais plus rien ; mais, je me souviens très bien de combien elles étaient absurdes et ridicules.

 

« Saint de bois, saint de fer, si tu ne crois pas, tu vas en enfer. »

 

Bof, tissons le linceul de ce vieux monde majuscule, crédule, ridicule et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Comme il sciait un olivier, un jour,
Un bûcheron entendit ce discours
- « Plus tard, peut-être, tu éprouveras du remords
De m’avoir conduit ainsi à la mort.

 

Pourquoi m’arraches-tu de ma terre ?
Aurais-tu cette rage barbare
De me massacrer comme ce hêtre
Qui fut transformé en secrétaire ? »

 

Le bûcheron répond aussitôt
« Au contraire, un sculpteur célèbre,
Un maître du ciseau et du marteau,
Te prépare une fin bien plus digne.

 

Sous peu, sur l’autel, on te mettra ;
On te portera en procession,
Tu seras un saint et à l’occasion,
Tu feras les miracles que tu voudras. »

 

L’arbre dit : « Je te remercie bien,
Mais la récolte d’olives que j’ai sur le dos
Ne te semble pas un miracle plus gros
Que tout ce que je ferais comme saint ?

 

Tu méprises trop de choses belles
Au nom de la foi ! Tu t’agenouilles
Dès que remue une gargouille
Et jamais, tu ne vois les étoiles ! »

 

À peine, ces mots dits
Qu’éclate une lumière sans pareille :
Un rayon d’or tombant du Paradis
Bénit l’arbre d’un clin de soleil.

 

L’HOMME ET L’ARBRE
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