Eul' chomach'
Version française – Le Chômage – Marco Valdo M.I. – 2012
d'une
Chanson populaire du Nord-Pas de Calais – Picard Chtimi – Eul' chomach' – anonyme
Quelqu'un
peut-être, en voyant ce titre dans la liste des chansons pourrait penser à quelque mélodie celtique ou en quelque autre langue étrange. En fait, non. Ce serait, hem, du "français"; mais le
Français qui se parle dans le Nord et dans le Pas de Calais, le chtimi ou ch'ti. Les linguistes nous disent que ce serait le picard moderne, mais je préfère l'appeler par son nom, qu'ensuite,
c'est aussi celui de ceux qui le parlent. D'ailleurs, les Nordistes s'appellent chtimi.
Et je l'aime
bien ce chtimi et ceux qui le parlent. J'ai vécu un peu au milieu d'eux. i pour un po'; Justement, ce site, les "CCG" sont nés quand j'étais là-haut, près de Valenciennes, dans une rue dédiée à
Jean Jaurès et dans un hachelème (HLM) où nous étions de 22 nationalités différentes. Vous ne voudriez quand même pas que Venturi fût allé dans une villa, non.. ?. Pour cela, depuis lors, mon
français parlé a résolument une allure de banlieue pourrie ; officiellement, cependant, on parle de quartier sensible. Je m'amuse aussi pas mal, quand il m'arrive d'échanger quelques mots avec
des touristes français à Florence, à les choquer un peu lorsque le rital auquel ils demandent un bon restaurant leur répond quelque chose du genre : « y en a un tout près mais faut fair' gaffe
qu'y ne vous flanquent une addition à vous fair' péter le cul ». Comme toujours, je divague. Le "Docteur Divago », on pourrait m'appeler. À partir de maintenant.
À cette heure,
puis, on n'a pas vraiment à en faire une tonne. On est ici à déconner et à s'amuser, la nuit. Pause pause rythme lent; et, en effet, je suis certain que cette chansonnette chtimi n'aurait pas en
rien déplu à Enzo Del Re et à sa chaise[[http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=6838&lang=it]]. En outre dans cette époque de crise, avec toutes ces jérémiades sur l'occupation, (curieux
qu'on utilise le même terme pour le "travail" que pour l' "invasion militaire."..), sur les "jeunes sans avenir" et belle compagnie. On sait quel futur pour les jeunes, avec le travail! Pour en
finir avec le travail, on chantait sur les barricades parisiennes de 1268; je dis 1268 parce que depuis environ huit siècles ont passés. Quelqu'un dit 45 ans, mais ce n'est pas vrai. C'est le
travail qui en en a fini avec nous. Vaffanculo!
Et, alors,
place à cette chanson du peuple. Le peuple, de temps en temps, en serine une. Là-haut en Chtimilande, chômage à 45% ou à peu près, une vie faite d'anciens mineurs, d'Assedic Chômage, vous ne
comprendrez pas ce que je suis en train de dire, peut-être; mais Marco Valdo oui, de RMI, d'allocations familiales et d'alcool, celui qui a conçu cette chanson il le sait bien. Une approche un
peu différente de l'habitude, qui dans la strophe finale semble reproduire celle de la « Leggera » . Ceci vaut un vrai internationalisme. Il gratte il gratte, les chômeurs commencent à s'en
foutre du travail ; et la voici, oui, la révolution. La vraie. Celle qui secoue les fondations.
Le texte de la
chanson je l'ai trouvé sur le livre du Chorale Karaoke, à la page 74. Je le transcris comme il est et puis, je le traduis en italien. [RV]
+++++++
Cela dit, nos
aut's (je ne garantis pas l'orthographe... ), Marco Valdo M.I. mon ami, on comprend assez bien cette langue étrange, le chtimi. Je dis langue, car c'est une langue à part entière qui est plus
généralement connue sous le nom de picard [[http://fr.wikipedia.org/wiki/Picard]], ou parler de la Picardie, de la région picarde... Ce n'est donc pas une variante du français, bien qu'elle lui
soit apparentée. Tout comme les wallons sont des variantes d'une langue wallonne et non du français, même si comme le français et le picard, le wallon est une langue romane. Vu d'ici, de quelque
part dans ce Hainaut (qui d'ailleurs pourrait aussi bien être Haynaut, Hennaut, Hénaa... Serait-ce le bassin de la Haine – Henne qui en serait à l'origine ?) qui allait des confins de l'Île de
France à ceux de Bruxelles et de Namur, on assimile certains wallons à certaines formes de picards ou l'inverse. Donc, à l'oreille et à une oreille d'âne mieux encore, on s'y
retrouve...
D'abord, Lucien
l'âne mon ami, tu as vu que notre ami Ventu m'a interpellé dans son commentaire à propos des Assedics, devenues entretemps Pôle Emploi... Il va évidemment de soi que je sais qu'il s'agit là de
l'organisme qui en France, s'occupe du chômage et des allocations qu'il remet aux personnes concernées et que le terme est également usité pour désigner les allocations elles-mêmes; il en va de
même pour le RMI - Revenu Minimum d'Insertion... mais cette nomenclature évolue en fonction des errances des réglementations et des administrations. Pour l'organisme, je traduirais en « wallon »
par Forem (Formation Emploi) – Onem(Onem – Office national de l'emploi), lesquels, comme il n'y a pas d'emplois pour plus de cinq cent mille personnes (je rappelle que la population totale de la
Wallonie frôle les 3.500.000 de personnes)... sont des administrations qui gèrent les chômeurs (pas tous les sans-emplois – il y a beaucoup d'exclus) et au besoin (c'est-à-dire de plus en plus
souvent), les virent purement et simplement, font de l'animation des chômeurs, qui organisent (et même pas bien) l'occupation des chômeurs...
C'est cela...
Il faut bien les occuper, ces gens-là... Sinon, ils finiraient par s'ennuyer, dit Lucien l'âne en ponctuant son propos de points d'ironie avec ses oreilles.
Tout cela à
défaut de créer les emplois, ce qui devrait en bonne logique être leur mission première. Avant de poursuivre, je signale qu'il faut ajouter aux sans-emplois les membres de leurs familles, qui
sont à leur charge... Ceci augmente encore l'ampleur des dégâts...
Disons qu'on
multiplie par deux (au moins) les cinq cent mille personnes évoquées ci-dessus... On est au million...
Un bon tiers de
la population...
Mais, laissons
de côté ces administrations fantoches et répressives et revenons maintenant au picard et au wallon... En ce qui me concerne, sans doute un peu comme toi, on a parfois du mal à identifier tel ou
tel wallon – nos oreilles acceptant indifféremment les wallons de Liège (Lîdge), de Hesbaye, du Namurois, d'Ardenne, du Brabant wallon, de Charlewè (alias Charleroi), du Centre, du Borinage, le
tout mâtiné de picard, de brabançon, de bruxellois, de flamand et bien évidemment, d'italien ou de sicilien...
Comme tu le
sais,dit Lucien l'âne en riant, il est tout-à-fait possible de vivre ici en ne parlant que l'italien ou le sicilien. Cela pour m'en tenir à ce qui est le plus évident... je te passe les
particularités locales... On n'en sortirait plus.
Quant à écrire
le wallon ou le picard, c'est une autre paire de manches... Certains s'y sont essayés avec succès... On parlait de l'Acopleûse l'autre jour... et de son auteur, Marcel Hicter, que tu as fort bien
connu. Lequel distinguait, t'en souvient-il, le wallon de Haneffe de celui de Momalle, villages distants de quelques kilomètres... Et écrivit « Li Pont à l' Mwète Êwe », qui commence ainsi
:
« Hènèef
Donceel èt Lîmont
Doûmartégn' èt
Hôzémont
èt lès bwès dès
haûteûrs di Moûse
è Lîdge tot à
coron... »
en français
contemporain, cela donne :
« Haneffe,
Donceel et Limont
Dommartin et
Hozémont
Et les bois des
hauteurs de Meuse
Et Liège tout
au fond... ».
Avec ça, on
n'est pas sorti de l'auberge et je ne te dirai rien des affres dans lesquelles m'a jeté la traduction de Rémi Magermans... Tout ça pour dire que celle que je vais faire de cette chanson en ch'ti
pourra bien être aussi approximative, aussi « à peu près », que celles que je te sers de l'italien ou de l'allemand... Elles tiennent toutes plus de l'interprétation que de la traduction
proprement dite... On ne saurait donc trop s'y fier... Pour le reste, je veux dire, pour ce qui concerne le « chomach' », là, on en connaît un bout... Il suffit de se reporter aux chansonchômes
wallonnes de langue française, à commencer par À la Poursuite du Chômeur [[http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=9606&lang=it]], qui se termine par le suicide du « chercheur d'emploi »,
dûment animé jusqu'à la fin par les sbires de l'administration... Chanson prémonitoire, s'il en est... À mettre en rapport avec ce qui se passe aujourd'hui en Grèce (Regardez ce qu'ils font aux
Grecs !), en Espagne, au Portugal, en Italie... Partout en Europe. Le fait nouveau est peut-être le suicide des petits patrons – les grands eux sont dans leurs îles dorées et s'en foutent
complètement.
Évidemment
qu'ils s'en foutent et pire, je pense même qu'ils s'en réjouissent, dit Lucien l'âne en se hérissant de tous ses poils d'échine, car si tu examines ces suicides dans le cadre de la Guerre de Cent
Mille Ans que les riches font aux pauvres afin de les terroriser... Pourquoi ? Eh bien, chaque suicide renforce la terreur... Répand dans les caisses de résonance des médias outre la sainte
terreur du présent, la grande peur de l'avenir. Et il ne faut pas penser un seul instant que cette mise à genoux des populations, des immenses majorités des gens – jeunes, vieux ou de moyens âges
soit fortuite ou l'œuvre d'une « main invisible qui tue »... Certes, la main est invisible, car elle se cache... mais on sait quelle est cette main, c'est celle de l'étrangleur de Chicago ou de
Francfort, la main des marchés et comme on le voit, elle tue. Une main tueuse ainsi décrite par Arthur Rimbaud, jeune poète de chez nous...
« Puis ils ont
une main invisible qui tue :
Au retour, leur
regard filtre ce venin noir
Qui charge
l'œil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez
pris dans un atroce entonnoir. »
Revu à l'aune
des chansonchômes, ce passage des Assis prend une allure d'acide vérité... « Vous suez pris dans un atroce entonnoir... », c'est ce qui arrive aux chômeurs, aux jeunes, aux vieux, aux Grecs... et
qui pend au nez de tous les Européens aujourd'hui déjà ou alors demain... La Guerre de Cent Mille Ans continue ses ravages...
Raison de plus,
Marco Valdo M.I., pour continuer la résistance (Ora e sempre : Resistenza !) et pour que nous tissions sans relâche le linceul de ce vieux monde abrutissant, équarrisseur en gros, mortifère et
cacochyme (heureusement).
Ainsi Parlaient
Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Tous savent que l'été dans les fabriques
Il fait malsain, il pue et il fait chaud
Aussi je propose de fermer toutes les boutiques
Et que les ouvriers s'en aillent au bord de l'eau
Jusqu'en septembre à la fin des vacances
On commencerait à se mettre à travailler dur
Et de temps en temps, on irait faire bombance
Pendant l'hiver à Nice sur la Côte d'Azur.
Et pour qu'il n'y ait plus jamais de chômage
Voilà une loi qu'on devra faire voter
Diminuer les heures d'ouvrage
Et les salaires faudra les augmenter.
On n'a pas besoin de tous les biens du monde
Pour vivre heureux, il ne nous en faut pas tant.
Et en un mot, voilà ce qu'on demande
Très peu d'ouvrage et bien des macarons
Des macarons !
Et puis, le lundi sera un jour de fête
Et puis le mardi, ça sera pour se reposer
Et le mercredi on verra si, peut-être,
On se remettrait doucement à œuvrer.
Et puis, le jeudi, on passerait à la caisse,
Et le vendredi, ça serait pour se décrasser,
Et puis, le samedi, on ferait la semaine anglaise
Et les dimanches, ça sera les congés
payés.