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19 juillet 2009 7 19 /07 /juillet /2009 19:47

Les Neiges du Vietnam et d'Irak.

 

Canzone léviane – Les Neiges du Vietnam et d'Irak – Marco Valdo M.I. – 2009

Cycle du Cahier ligné – 31

Les Neiges du Vietnam et d'Irak est la trente et unième chanson du Cycle du Cahier ligné, entièrement constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.

« I cônt à sôn andà a büta an s'el penôn la bandiera. », ce qui veut dire à peu près : Les comtes sont partis, on a jeté leur bannière en bas du mât.

Mais, comme tout s'entremêle dans le monde onirique du prisonnier-blessé-malade, comme les souvenirs se bousculent et s'entrechoquent avec les pensées et les réflexions, comme toute chose revêt un costume moiré de significations les plus diverses, qu'en est-il donc de ces comtes ? Assurément, on sait qu'il s'agit de comtes piémontais, ce sont en fait les Comtes de Roero, évoqués dans des canzones précédentes. Quand ils arrivaient au château, on levait le drapeau (la bannière), quand ils quittaient le château, on baissait la bannière. Ainsi, tout le monde savait s'ils étaient là ou pas. Cette cérémonie ancienne ne se joue plus. Ce sont des comtes mythiques.

Mais..., je m'en souviens très bien, dit Lucien l'âne qui rodait dans ces montagnes... Mais le comte est mort et tout ça s'est dilué dans les neiges du printemps. Cependant, peux-tu m'expliquer ce que viennent faire ici le Vietnam et l'Irak ?

En fait, les choses se mélangent. Et comme les comtes de ce château qu'ils avaient conquis bien avant, tout comme leurs titres et leurs privilèges, par la force, par le « droit » du plus fort, les envahisseurs du Vietnam – les nouveaux comtes – ont usé et abusé de leur force pour imposer leur droit et leurs privilèges, leur mode de vie et leurs entreprises. Mais un jour, voici venir, comme pour les comtes, les neiges et puis le printemps... Et puis, il leur faut amener le drapeau et baisser la bannière... Et comme la sorcière attendre penauds leurs juges.

En somme, c'est une parabole, dit Lucien l'âne de son air le plus docte...

En effet... Une parabole et une dénonciation assez nette d'ailleurs :

« Bombes du Vietnam ou d'Irak

Destruction - Pollution – Reconstruction

Les Neiges du Vietnam ou d'Irak

Destruction - Pollution – Reconstruction »

 

Cela dit, je suis comme toi, je découvre les significations de ce texte... La canzone a toujours des allures de Cassandre; celle qui parlait au temps de la guerre de Troie.

 

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.

I cônt à sôn andà a büta

an s'el penôn la bandiera.

Quel silence de fable merveilleux,

La neige montait mètre par mètre,

Les loups descendaient deux par deux

On survivait de peut-être.

Et les voix parvenaient en sourdine.

Sous la blanche paroi opaline,

Des galeries de maison à maison.

Chaque mouvement était une invention,

Une histoire, un village effacé,

Un pays sous-marin glacé, solidifié,

Les esprits, le loup, les apparitions

Les épreuves magiques et le pain,

Et les étoiles vagues et la tristesse du matin.

Il ne reste que des fragments, des miroirs brisés,

Des tessons écrasés, des ossements dispersés,

Des îles changeantes entre les rives du déluge.

Il reste la sorcière avec son filtre à moitié fait,

Résignée, qui attend ses juges

En inventant une sorte de paix.

Des bouts de mots résonneront

avec des morceaux de signification.

Dans le gris empoisonné des détritus.

Se confondent le dessous et le dessus

Bombes du Vietnam ou d'Irak

Destruction - Pollution – Reconstruction

Les Neiges du Vietnam ou d'Irak

Destruction - Pollution – Reconstruction

I cônt à sôn andà a büta

an s'el penôn la bandiera.

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Published by Marco Valdo M.I. - dans Marco Valdo M.I.
18 juillet 2009 6 18 /07 /juillet /2009 22:57

Si on ne voit pas la rose

 

Canzone léviane – Si on ne voit pas la rose – Marco Valdo M.I. – 2009

Cycle du Cahier ligné – 30

 

Si on ne voit pas la rose est la trentième chanson du Cycle du Cahier ligné, entièrement constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.


Le prisonnier pressent l'heure de la libération; l'homme appelle l'heure de la révolution. Une mandoline interdite, flanquée d'un bandonéon, s'en va détruire Ministères et Communes. Dada est passé par là et ainsi va le monde, ainsi va la Lune, c'est la révolution. On abat toutes les clôtures et l'on s'en va voir si la rose...


Ah, te voilà bien révolutionnaire, mon ami Marco Valdo M.I., dit Lucien l'âne, tout réjoui.


N'exagère pas, mon ami Lucien, tu vas m'attirer des ennuis. Ce n'est là qu'un rêve de prisonnier, un rêve d'être humain, mais de là à ce que cela se passe... Il faudra y travailler.


Oui, je sais, dit Lucien l'âne aux sabots plus durs que la pierre philosophale, on va devoir tisser et d'ailleurs, on le tisse le linceul de ce vieux monde.


Bien sûr, d'ailleurs, les canuts le chantaient : « Et on tend déjà la révolte qui gronde... ». Notre prisonnier ne dit pas autre chose...


À propos de quelle rose parle-t-il ? De quelle couleur est-elle ? Est-elle rose, est-elle rouge, est-elle plus rare, est-elle rouge et noir ?, demande Lucien l'âne en dressant ses oreilles en points d'interrogation.


Une dernière petite sentence de chez nous, je t'avertis tout de suite qu'elle est assez ironique et tout-à-fait digne d'illustrer une exposition dada... C'est une de ces sentences prémonitoires, moitié prédiction, moitié souhait : « Au matin du grand soir, le coq rouge pondra l'œuf noir ». Je la mettrai bien un de ces jours dans une de mes canzones...


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.


Quand l'heure sera venue,

Toutes les clôtures seront abattues.

Certainement quelqu'un dira

Ma mie, allons voir si la rose...

Et si on ne voit pas la rose,

On sent son parfum délicat.


La commune interdit une exposition Dada

avec la Mandoline de Man Ray qui sourit.

Personne ne demande pourquoi...

Quand une Commune ou un Ministère interdit,

C'est de la routine, c'est chose commune

Si une mandoline, accompagnée d'un bandonéon,

Jouant un air mystérieux détruit

Un Ministère ou une Commune

C'est la révolution.

Ainsi va le monde, ainsi va la Lune.


Quand l'heure sera venue,

Toutes les clôtures seront abattues.

Certainement quelqu'un dira

Ma mie, allons voir si la rose...

Et si on ne voit pas la rose,

On sent son parfum délicat.


La stupidité universelle n'a pas toujours raison.

Hélas, sous peu, je le pressens, les portes s'ouvriront,

Sous peu, je ne pourrai plus rester aux aguets

Là-bas, à l'entrée du virage,

Derrière les pierres blanches de mon muret

Attendant immobile l'improbable passage

D'un oiseau ou d'un papillon

Ou composant de muettes chansons.

Ainsi va le monde, ainsi va la Lune,

Avec des Ministères et des Communes.


Quand l'heure sera venue,

Toutes les clôtures seront abattues.

Certainement quelqu'un dira

Ma mie, allons voir si la rose...

Et si on ne voit pas la rose,

On sent son parfum délicat.


On sent le temps comme incertain,

On entend déjà un bruit sourd

Comme un grognement lointain,

Un roulement continu et lourd

Fait de gros sons inarticulés,

De lampes floues à l'horizon perdu

Comme au cœur d'un bel orage

Éclatant dans la touffeur de l'été,

De grands traits blancs éperdus,

Les éclairs zèbreront le paysage.


Quand l'heure sera venue,

Toutes les clôtures seront abattues.

Certainement quelqu'un dira

Ma mie, allons voir si la rose...

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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 21:48

VAN LOON

 

Version française – VAN LOON – Marco Valdo M.I. – 2009

Chanson italienne – Van Loon – Francesco Guccini – 1987


« Van Loon est dédié à mon père, qui lisait les œuvres de ce Piero Angela de son temps, c'est-à-dire des années 30. Van Loon était un Hollandais (ou un Flamand, je ne me souviens pas trop), vulgarisateur d' histoire, de géographie et d'humanité, dont les écrits se retrouvaient souvent dans les maison de ceux qui, comme mon père, avaient beaucoup d'intérêts, mais n'avaient pas eu l'occasion ni les moyens pour étudier. Une chanson intense que j'ai essayé plusieurs d'introduire dans le répertoire de mes concerts. Je l'ai essayée puis je fus forcé de la remettre de côté. Je n'arrivais pas à la chanter sans me sentir mal et pleurer, car, entretemps, mon père était mort. Un auteur des années trente, quarante, un écrivain de la génération de nos pères; je l'ai identifié avec cette génération que jeune, je classais dans les perdants. Mais en grandissant, tu t'aperçois que ton père n'était pas un perdant; c'était simplement quelqu'un contraint à vivre ainsi. Jeunes, on pensait que jamais on ne condescendrait à des compromis,que personne ne pourra nous y contraindre. Avec le temps, on change d'idée... Plus l'âge s'allonge et plus tu comprends ces pères que dans les années avant, tu avais refusés ou combattus, surtout car leurs défaites sont devenues ensuite aussi les tiennes et aussi les petites, d'abord même pas reconnues, victoires. » -Francesco Guccini


Hendrik Willem Van Loon, né à Rotterdam en 1882, mais naturalisé étazunien, fut un journaliste et un vulgarisateur de l'Histoire qui eut une certaine notoriété dans les années cinquante. Il avait un visage sympathique. Nombre de ses livres de vulgarisation furent traduits en italien... Aujourd'hui, on pense Internet, il suffit d'un clic; mais avant même l'Internet, la place des vulgarisateurs avait été prise par la télévision.

Ainsi, Guccini écrit une chanson sur les pères. Sur son père, sur mon père, sur les pères de tous.


...

Guccini dit n'avoir jamais pu la chanter sans pleurer, et je lui donne entièrement raison. Combien de fois, il m'est arrivé, à moi qui ne suis certes pas enclin aux larmes, d'avoir une larme à l'œil à la strophe finale. Et c'est aussi une chanson ardue, au texte inaccessible, une des rares que je ne me suis jamais hasardé à traduire dans n'importe quelle langue. Et cela en dit long. Et enfin, une des chansons que j'aime le plus dans ma vie. Et cela en dit encore plus long. [R.V.]


Et bien, tu vois, tu as eu tort... dit Lucien l'âne en secouant ses oreilles plus longues que celles de la mule du pape. Je te l'avais bien dit que tu ne devais pas traduire cette chanson. Que c'était au-delà de tes capacités... Mais tu as voulu faire le malin et voilà le résultat... Y a qu'à le regarder, c'est pas fameux...


Quoi, quoi, qu'est-ce que tu me dis ? Qu'elle est pas bonne ma traduction... C'est possible, tous comptes faits, mais c'est la mienne. Si je t'écoutais, je ne traduirais plus rien. Et quoi ? N'était-il pas dit qu'ici, on n'attendait pas des chefs d'œuvre de traductions, seulement d'honnêtes traductions faites par qui prendrait la peine de le faire... Ici, sur le site des CCG, traduire, c'est oser, c'est prendre le risque – devant tout le monde – de se tromper, de faire fausse route et même, de s'étaler comme un équilibriste qui manque un mouvement. Et ensuite, tu crois que je n'ai pas vu ce que dit Riccardo Venturi...


Oui, je crois que tu aurais dû réfléchir à ce qu'il dit là.



Mais justement, j'ai réfléchi et donc, j'ai traduit. D'abord, parce que comme les choses allaient, il n'y aurait jamais de traduction française et tu ne saurais même pas ce qu'il y a dans cette histoire de Van Loon. Et puis, Ventu a certainement des raisons personnelles de ne pas le faire et moi, j'ai des raisons personnelles – sans doute les mêmes que les siennes d'ailleurs, de le faire. Et puis, quand un ami est empêché, je trouve que c'est bien de faire le pas à sa place.


Ah oui, tu as des raisons personnelles... dit Lucien l'âne. Et on peut savoir lesquelles ?


D'abord, le portrait de cet homme aux épaules trop étroites pour son destin : c'est un peu nous tous. Et puis, cette histoire feutrée des pères... Et enfin, le nom-même de Van Loon. À le voir, je n'ai pas pu m'empêcher de me rappeler une interview de coureur cycliste, un qui racontait une anecdote, un souvenir de sa jeunesse.


Qu'est-ce que cette histoire de cycliste vient faire ici ?, dit l'âne Lucien proprement abasourdi.


Je te raconte l'histoire et tu comprendras. Le cycliste (je ne sais plus qui, ni quand, ni où... ma non importa) dit – pas tout à fait ainsi, mais le fonds de l'histoire est bon :

lorsque j'étais débutant dans une course de kermesse, quelque part en Flandre, j'étais plein d'orgueil et fier de mes mollets et le peloton dormait ou à peu près. Disons qu'il allait son train-train. J'y ai vu ma chance de gagner une course et j'ai foncé. Dieu que j'étais fier, tout seul devant, filant comme le vent. Et d'un coup, j'entends dans mes oreilles comme un bruit de train, comme une puissante machine qui me rattrape et une voix me dit, la voix d'un ancien, d'un coureur expérimenté : « Petit, je suis venu t'aider. As-tu déjà roulé derrière derny ? Alors, mets-toi derrière et accroche-toi, on va rouler. » On avançait à un train d'enfer, quelque chose comme soixante kilomètres à l'heure et l'écart avec le peloton ne faisait plus qu'augmenter. Moi, j'avais de la peine à le suivre... Et voilà l'arrivée... Là, la locomotive s'arrête presque et me laisse passer pour me donner la victoire... » Une histoire de père en quelque sorte.

D'accord, dit Lucien l'âne en souriant. Mais quel rapport avec Van Loon...


Ceci tout simplement, une sorte d'homonymie : la locomotive s'appelait Rik Van Looy. Et moi, je ressens cette anecdote, ce geste, cet homme, comme sans doute, on ressent toute histoire de main tendue. Y a pas à dire, elle m'émeut... Bien sûr, bien sûr, je vois l'ironie de tes yeux brillants et noirs comme l'ébène...


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.


Van Loon, un homme destiné, je dirais, depuis toujours

À un travail plus fort

Que ses épaules ou son intelligence

Ne pouvaient supporter

Sembla presque porté par une belle chance

Tant qu'il dut aller.

Il semble pourtant qu'il ne soit pas entré dans l'histoire,

Mais ce sont des choses qu'on sait seulement après;

D'autre part, personne n'a jamais demandé de choisir,

Ni même à l'aigle ou au rat;

Puis un certain jour marque tout un avenir

Ou une guerre éclate comme un jet de pierres,

Mais j'ai vu des fois aussi un rat rugir

Et même un aigle tomber.


Combien d'années, jour après jour,

Devons nous vivre avec quelqu'un

pour comprendre ce qui lui passe par la tête

Ou ce qu'il veut ou ce qu'il est.

Touristes du vide, explorateur de personne

Qui ne soit ni je ni moi.

Van Loon vivait et je le croyais mort
Oh - pire - inutile, seulement par la distance
Entre ses mythes divers et ma jeunesse et ma superbe d'alors,
Mon ignorance;
Qu'en savais-je combien il avait navigué
Avec le courage d'un Cabot dans les écumes,
De chacun de ses jours, et qu'un requin est devenu,
Jour après jour, un poisson d'eau douce.



Van Loon, Van Loon,
Que rumines-tu, quand se tait
La pensée et le moment se pacifie ?
Suis-tu une ombre ou cette paix
L'as-tu en toi ?


Je voudrais savoir
Ce que tu vois quand tu regardes autour de toi,
De lointains panoramas ou ce jour
Est déjà suffisant, est comme une don nouveau
Pour toi ?


Van Loon, Van Loon
À quoi pensas-tu dans ce début septembre
Brouillardeux qui tache l'Appennin;
Maintenant que tu as le temps de penser
Mais à qui ?


Va, mon vieux, va
Ne crains rien, chacun aura sa raison
Et même une justification
Même si on ne saura jamais laquelle,
Jamais !


Maintenant Van Loon se prépare tranquillement

À son dernier voyage;

Ses bagages sont déjà prêts depuis longtemps.

Comme tout homme prudent

Ou mieux, son bagage,

L'habituel d'un simple ou d'un sage,

C'est peu ou presque rien.

Et sûr qu'il ira dans un de ses lieux ou une de ses histoires,

Avec tous ses libres que la vie lui a interdits,

Avec de vieux amis dont il a perdu la mémoire,

Avec l'infini,

Où même sur nos montagnes, il y a toujours l'été,

Mais si quelqu'un le veut, cet hiver sans soucis

Où le gel crissait sous les clous

Des chaussures d'un autre temps, de ses dix-huit ans,

De ses dix-huit ans.


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Published by Marco Valdo M.I. - dans Francesco Guccini
17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 16:06

TEMPS DE PRISON

 

 

 

Version française – TEMPS DE PRISON – Marco Valdo M.I. – 2009

Chanson italienne - Tempo della prigione – Presi per Caso

 

Pris par hasard est un groupe rock, né il y a environ 8 ans à l'intérieur des murs de la prison de Rebibbia (Rome) grâce à une entente entre des détenus et un service éducatif. Comme premiers fruits de cet accord, il y eut la création d'une salle de répétition semi-équipée dans le département G8 (sic...) du pénitencier et une série d'autorisations de jouer durant les visites familiales dans l'espace vert.

 

L'orchestre commença son activité en répétant à l'intérieur de la prison des concerts pour les familles des détenus et en accompagnant tous les artistes qui se trouvaient, par solidarité, à passer par la prison (Claudio Baglioni, 99 Posse, Modena City Ramblers...). Une des caractéristiques principales de l'orchestre est d'être une formation en mutation perpétuelle. Libérations et arrestations, de fait, influent directement sur la composition du groupe et, cas rare pour un groupe rock, chaque défection (dur, précisément, à une libération) est saluée avec joie par les autres membres du groupe.

 

Dans la vie musicale de l'orchestre, on peut distinguer deux périodes : la première va de 1996 à 2001, c'est la période la plus dure et caractérisée par un régime carcéral sévère, musicalement exprimée par des chansons plus typiquement rock et par un usage intensif des guitares désaccordées. Les textes aussi sont imprégnés d'un fond de malaise et d'inquiétude qui reflète l'état d'âme typique de celui qui est reclus. De cette période, on garde la trace de quelques vidéos de concerts filmés par l'administration pénitentiaire sur un cd enregistré à l'intérieur de la salle de répétition de Rebibbia. Bien que la qualité des enregistrements ne soit pas professionnelle, il vaut la peine de signaler deux chansons : « Il cuore batte di più » et « La Chiave », deux petits joyaux rock, musique et texte de grande valeur.

 

La seconde période, l'actuelle, est caractérisée par une ouverture plus grande vis-à-vis de l'orchestre de la part de l'administration pénitentiaire et du Tribunal de Surveillance au travers de la concession d'autorisations et de mesures alternatives. Aujourd'hui, les membres de l'orchestre sont tous libres. Leur musique aussi se ressent de ce changement. Les airs s'emplissent d'ironie, les textes sont imprégnés de plus d'humour, même s'ils sont toujours liés à l'incarcération... (tiré du site officiel du groupe).

 

Les chants des prisons peuplent l'histoire. Chants de galère, chants de chaîne, chants de l'oiseau en cage... Les prisonniers ont une grande familiarité avec la chanson, avec la parole et le souffle. Le prisonnier aspire à l'air libre. Les chants des fileuses, enfermées à longueur d'années dans leurs ateliers sont un des premiers grands textes de la littérature française.

Le chœur des esclaves de Verdi hante l'opéra.

Les chants des camps de concentration (des lagers) et l'orchestre de Terezin résonnent encore à travers l'histoire proche.

 

Mais plus proches encore, contemporains pour tout dire, le groupe « Presi per caso », né et développé dans la prison romaine de Rebibbia, parle à son tour le prison – vue de l'intérieur, du prisonnier aux prises avec le temps. Le temps du prisonnier ou mieux, le temps chez le prisonnier est ramené à son état de matière essentielle de la vie. Le temps, le prisonnier, plus nettement que le travailleur « libre », le prisonnier s'aperçoit qu'en fin de compte, c'est la matière -même de son existence. Tempus fugit. Et que reste-t-il à la fin ? En prison, on vit de rien, on vit de ce rien qu'est le temps.

 

Ainsi parlait Marco Valdo M.I.

 

 

À nos yeux de sel

Le temps ici dedans

Est comme une mer à l'arrêt

Dans une accalmie

C'est un temps de verre

Un temps fragile et dense

De cris pendus dans la nuit

Ici aux confins du monde.


Le temps est un caillot de souffle

Enchaîné dans une cour

Et un ciel qui tombe en morceaux

Où on ne voit jamais le soleil.

 

Un temps de mots rares

Qui ont déjà tout dit

Un temps emprisonné

Entre la veille et le sommeil.

Un temps qui est trop

Contretemps de faim et de soif

Est une blessure secrète

Qu'on ne peut juger.

Des ailes de métal sur le visage

Te salissent le sourire.

Le temps de la prison

Est un temps qui semble à l'arrêt

Mais passe, passe... passera l'enfer.

 

Le temps est un père qui vieillit

Le temps est un fils qui pleure

Le temps est peu de chose

Mais ici, on vit de rien.

Des ailes de métal sur le visage

Te salissent le sourire.

Le temps de la prison

Est un temps qui semble à l'arrêt

Mais passe, passe... passera l'enfer.

 

 

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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 22:40

LES VAMPIRES

Version française – LES VAMPIRES – Marco Valdo M.I. – 2009

d'après la version italienne – I VAMPIRI – Riccardo Venturi – 2008

de la chanson portugaise – Os Vampiros – José « Zeca » Afonso - 1958


« Os Vampiros » est une des chansons les plus fameuses de José « Zeca » Afonso. Il l'a composée en 1958 au temps où le salazarisme, cette variante portugaise du fascisme, était florissant. Car, vois-tu mon ami Lucien, même un âne peut le comprendre, il y a fascisme et fascisme, tout comme il y a libéralisme et libéralisme. Parfois même, ils se confondent. Comme pour les vins, il en est de doux, il en est de demi-secs, il en est de secs et même, il en est de bruts. Comme pour les vins aussi, il en est de diverses provenances, de grands et de petits crus, des fascismes locaux, des nationaux; il en est même qui ont des prétentions internationales; certains vont jusqu'à vouloir régenter le monde.

C'est inquiétant ça, dit Lucien l'âne. Cette perspective me désole, surtout pour vous les humains. Nous les ânes, on n'est pas aussi directement concernés.

« Les Vampires » est une chanson descriptive. Elle décrit très exactement cette couche de population, cette bande qui – tel le gang du chou-fleur d'Arturo Ui – veut mettre la main sur la cité, sur le pays, sur le monde afin d'en sucer toutes les richesses et toutes les gloires et comme dit la chanson : « danser en rond dans la pinède de leur roi » (comme des candidates aux élections ou de jeunes pucelles...) – fût-il d'opérette.

Oh, oh, dit Lucien l'âne, je comprends tes allusions. Opérette et gomina, je vois ça...


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.


Dans le ciel gris, sous l'astre sourd

Battant de leurs ailes le silence de la nuit

Ils viennent en bandes avec des pieds de velours

Pour sucer le sang frais des brebis.

 

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

 

Les vampires arrivent de partout

Ils se posent sur les trottoirs et sur les toits

Ils portent dans leur ventre de très anciens égouts

Rien ne les relie à leurs vies brisées.

 

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

 

Il y en a qui se fient à leur aspect sérieux

Et quand ils arrivent leur ouvrent leur porte.

 

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

 

Les vaincus tombent à terre apeurés

On entend leurs cris dans la nuit étouffée

Dans les fossés, gisent les victimes d'une idée

Et du sang du troupeau, jamais ils n'ont assez.

 

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

 

Ce sont les maîtres de tout l'Univers

Seigneurs par la force, dominateurs sans lois.

Ils s'emplissent de blé et boivent le vin vert

Ils dansent en rond dans la pinède du roi.

 

Il y en a qui se fient à leur aspect sérieux

Et quand ils arrivent leur ouvrent leur porte.

 

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.

Ils mangent tout, ils mangent tout

Ils mangent tout et ne laissent rien.


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14 juillet 2009 2 14 /07 /juillet /2009 22:59

Déteints par le temps


Canzone léviane – Déteints par le temps – Marco Valdo M.I. – 2009

 

Cycle du Cahier ligné – 29


Déteints par le temps est la vingt-neuvième chanson du Cycle du Cahier ligné.


Cette canzone léviane comme toutes celles du cycle du Cahier ligné mêle des éléments du récit torrentuesque de Carlo Levi et l'histoire du personnage enfermé qui résiste à son destin par un grand cinéma onirique afin de garder sa raison : celle de vivre, principalement.


Dès lors, le malade-prisonnier-enfermé continue à lutter contre sa solitude et dans son voyage mental, il s'en va cette fois à la rencontre de ses familiers. Il entame un retour aux origines, une reconstruction de son monde, une réaffirmation de ses racines familiales.


La lecture d' « Achtung Banditen! » de Piero Tognoli qui relate les années de prison de l'anarchiste Marco Camenisch (toujours emprisonné à l'heure actuelle) est très éclairante quant au rôle essentiel des proches et singulièrement, de la famille. Sa mère Annaberte, son frère Renato ne l'ont jamais abandonné et Manuela, qui l'a épousé en prison et les compagnons qui le soutiennent encore...


Oh, oh !, dit Lucien l'âne, te voilà maintenant qui défend la famille. Tu m'étonneras toujours, mon ami Marco Valdo M.I.


Et oui, je défends la famille... Enfin, comprenons-nous bien. Je défends la famille quand elle est défendable. Vois-tu, Lucien mon ami si poilu, la famille a plusieurs façons d'être ou d'agir. Georges Brassens, tu sais bien, Tonton Georges, raconte cette histoire des quatre bacheliers et de ce père (c'était le sien) qui vient rechercher son fils, accusé de vol, chez les flics et qui lui dit tout simplement : « Bonjour, petit ! ». Les pères des trois autres bacheliers furent indignes... Ils s'en prirent à leurs propres enfants... Ainsi, selon les cas, je suis d'accord avec Gide et son « Familles, je vous hais ! » - et il y a beaucoup de raisons pour certains de haïr la famille et je suis très pour la famille quand elle est un lieu d'amour, de tendresse, de solidarité. Enfin, presque. Par exemple, j'aurais un père ou un frère fasciste... Je crois bien que je les renierais.


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.

Mon père est vieux, il a quatre-vingt-trois ans,

Il attend sa fin. Patiemment.

En son temps, il a été mineur

À Carbonia et ailleurs.

Il était fier et droit

Maintenant, sa vie pèse d'un poids.

Ce n'est plus qu'une longue veille.

Un jour qu'il s'était mis au soleil.

Il a pris froid.

Le mal lui a pris le milieu du dos

Quelle douleur ! Quelle horrible douleur !

Je meurs, disait-il, je meurs…

On lui donna un peu d'aspirine, un verre d'eau.

Soudain, après un quart d'heure

D'un coup, il redresse son dos.

Que m'as-tu donné, dit-il, ma fille ?

Ma douleur est partie.

Un peu d'aspirine et de l'eau.

Rien qu'un peu d'aspirine et de l'eau

Et la douleur est partie

Mon père est vieux maintenant

Du haut de ses quatre-vingt-trois ans.

 

Nous étions huit enfants à la maison.

Quatre filles et quatre garçons.

Trois sœurs, sœurs au couvent

Une seule mariée dans sa maison.

Un frère a fait carrière dans la Marine.

Un autre en Allemagne travaille à l'usine.

Un autre (moi) est malade, en prison.

Á Rome, le dernier est mécanicien.

Notre mère vit encore dans la maison de Fonni.

Maman nous aime bien

Elle nous parle et elle sourit.

Je la vois ainsi, ici et maintenant

Comme aux beaux dimanches d'antan.

Mais comment fait-elle pour rester là ?

Comment sourit-elle encore ?

Dans ce village là-bas,

Où les étendards de mort,

Neufs ou déteints par le temps

Gardent les seuils des vivants.

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13 juillet 2009 1 13 /07 /juillet /2009 21:02

LES EUNUQUES

(AU ROYAUME D'ÉTHIOPIE)

Version française – LES EUNUQUES (AU ROYAUME D'ÉTHIOPIE) – Marco Valdo M.I. – 2009

d'après la version italienne – GLI EUNUCHI (NEL REGNO D'ETIOPIA) – Riccardo Venturi – 2009

de la chanson portugaise – Os Eunucos (No reino da Etiópia) – José Afonso – 1970

 

« … Il n'y a pas seulement le pouvoir, la classe dominante, avec son comportement qui peut être historiquement déterminé. Il y a aussi le consentement de personnes qui ont des responsabilités intellectuelles ou politiques et qui tendent à laisser faire. En définitive, il s'agit d'une attitude de complicité. J'ai cherché d'exprimer cela dans une chanson intitulée Les Eunuques. Ceci est un pays d'eunuques (…) Ils finiront pas se dévorer entre eux, comme dit Brecht.

(José Afonso, en 1970, à propos du Portugal.)



Petit commentaire de l'âne et du traducteur.


« En Pologne, c'est-à-dire nulle part... » disait Alfred Jarry pour situer Ubu. Nulle part, c'est-à-dire partout. Un des princes les plus célèbres de l'histoire était prince de Danemark et annonçait déjà : Il y a quelque chose de pourri au royaume de...


Regarde, dit Lucien l'âne, regarde le sous-titre : « dans le royaume d'Éthiopie »...


Oui, évidemment, l'Éthiopie, mais là, les eunuques biologiques et les harems faisaient partie du paysage. En réalité, on parle ici d'Ethiopie, pour éviter la censure... et puis, l'allusion est souvent plus forte que l'accusation directe.


Donc, si je comprends bien, dit Lucien l'âne, finalement, il parle du Portugal...


En effet, « ceci est un pays d'eunuques... » indique bien le Portugal d'Afonso. Mais, souviens-toi, au Portugal, c'est -à-dire partout... aurait pu compléter José Afonso ou cet autre José de langue et de culture portugaise, José Saramago, dont les romans fables, invariablement situés au Portugal, racontent et pensent l'histoire du monde ou plus modestement, celle des hommes. Tout çà pour dire que les Eunuques sont au pouvoir partout et on les voit se démener pour accomplir leur destin d'eunuque. Petite précision utile : il existe des eunuques issus de mâles et des eunuques issues de femelles. Ce sont des espèces redoutables; ils s'aplatissent devant leurs chefs de meute en répandant tous les signes de la soumission, ils hurlent de concert et chassent en bande les faibles et les isolés.


En effet, dit Lucien l'âne en frémissant des naseaux, où ces eunuques sévissent, il y a quelque chose de pourri... Une odeur étrange se répand, une odeur pestilentielle, c'est le parfum de la honte qui monte, qui monte...


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.



Les eunuques se dévorent entre eux

Ils ne changent pas d'uniforme, ils sont vénaux

Et quand les autres sont brisés

Ils défendent les tyrans contre leurs pays

Ils défendent les tyrans contre leurs pays.


En tout, ce sont plus ou moins des bourreaux

Les chefs de rayon dans les jardins du harem

Et quand les autres sont brisés

Ils ne tuent pas les tyrans, ils en redemandent

Ils ne tuent pas les tyrans, ils en redemandent


Impassibles, ils supportent toute douleur

Avec l'olympienne vision des samouraïs.

Il y avait un serviteur de trop dans la satrapie

Mais il fut jeté dans la tanière des chacals

Mais il fut jeté dans la tanière des chacals


En se prosternant à la lumière du jour,

Ils lèchent le cul des notables

Et quand les autres sont réduits en bouillie

Ils ne tuent pas les tyrans, ils en réclament

Ils ne tuent pas les tyrans, ils en réclament.


 

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12 juillet 2009 7 12 /07 /juillet /2009 12:58

TÉRÉSA TORGA

 

Version française – TÉRÉSA TORGA – Marco Valdo M.I. – 2009

d'après la (dernière) version italienne de Riccardo Venturi – 2009

Chanson portugaise – Térésa Torga – José Afonso – 1976

 

 

 

Cette chanson extraordinaire rapporte une aventure tout aussi extraordinaire aux confins de la liberté humaine, là où liberté et convenances sociales se regardent dans les yeux. Une femme, un beau jour – car ce ne pouvait être qu'un beau jour – à Lisbonne, se mit à danser nue au milieu d'un carrefour.

 

Un photographe qui passait par là en fit des photos et se fit presque lyncher par les bonnes gens qui voulaient rhabiller la dame et éloigner les enfants. Autre confrontation entre la liberté et les convenances sociales.

Tout cela est bien beau, dit Lucien l'âne. J'aurais aimé être présent et recevoir ce cadeau des cieux. Mais toi, Marco Valdo M.I., qu'aurais-tu fait ?

 

Moi, dis-toi bien, que je n'aurais rien fait du tout. Peut-être quand même, applaudi, peut-être aurais-je dansé avec elle et en être humain civilisé, je me serais sans doute déshabillé aussi... Pour ne pas la laisser seule face aux préjugés absurdes... Nous devons, comprends-tu Lucien, nous les hommes, retrouver le chemin de l'humanité. Bien entendu, je ne suis pas poilu comme toi et cela explique que je m'habille contre les intempéries, peut-être aussi, moi aussi, un peu, pour cacher mon humanité, pour dissimuler ce que tout le monde connaît, pour protéger mes faiblesses... Peut-être... Comme on met des chaussures pour ne pas se blesser les pieds en marchant... Mais le temps d'une danse, le temps d'une fête, le temps d'une communion... à poil, bien évidemment, comme toi, mon ami.

 

Et pour le photographe... Qu'en penses-tu ?

 

Écoute bien ceci, Lucien mon ami... Le pommier donne des pommes; le photographe fait des photos. La dame danse nue; sans doute, est-elle belle, je ne sais. D'ailleurs, tu le verras dans la chanson, la même société qui veut la rhabiller de force, la fait danser nue pour de l'argent et annonce hypocritement qu'elle est « disc-jockey ». Donc, le photographe est là – comme celui qui fait les chansons, comme le poète – pour raconter le monde. C'est la mission qui est la sienne dans la grande tâche de la vie. Comment ne pas comprendre ça ? C'est tout simple. Qu'il soit photographe patenté ou pas, il est Témoin de la Vie Humaine, il est Témoin de l'Humanité, il est l'œil qui regarde... Va-t-on condamner notre œil ? Comprends bien aussi qu'il n'est pas voyeur, il n'entre dans sa démarche rien de ce peu ragoûtant penchant... Donc, pour résumer, il a fait ce que sa conscience de photographe lui demandait de faire et il a bien fait.

 

Et d'en faire une chanson... demande Lucien l'âne, qu'en penses-tu toi qui fais aussi des chansons ?

L'aurais-tu fait ?

 

Mais bien évidemment et d'abord, comme dit Riccardo Venturi, pour que Térésa Torga ne meure jamais, ni elle, ni son geste. En fait, je te l'ai déjà dit, si je – et les autres pareil, je pense – fais des canzones, c'est précisément pour que la mémoire ne se perde pas, mais aussi pour magnifier ce qui doit l'être – cette belle scène, par exemple ou pour « tisser le linceul du vieux monde », comme chaque jour. Et puis l'aventure se passe à Lisbonne et j'aime beaucoup Lisbonne et les dames de Lisbonne, surtout celle dont le prisonnier rapporte le souvenir dans sa canzone « Le Siège de Lisbonne », dont il m'avait soufflé les détails. Si tu veux, je te la ferai connaître...

 

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.

 

 

Juste au milieu de l'avenue

Juste au croisement de la rue

À quatre heures précises, éperdue

Dansait une femme nue.

 

Les gens qui la voyaient danser

Coururent auprès d'elle

Avec l'intention de la rhabiller

Mais alors arrive António Capella

 

Qui, dans la cacophonie,

Seul pensa à la photographier.

Une femme en démocratie

N'est pas un objet de salon.

 

Qui, dans la cacophonie,

Seul pensa à la photographier.

Une femme en démocratie

N'est pas un objet de salon.

 

On dit qu'elle s'appelle Térésa

Que son nom est Térésa Torga,

Qu'elle est disc-jockey à Benfica

Et depuis un temps fait partie des fadas.

 

Elle loue une petite carrée

Mais elle a été une grande star;

Maintenant, elle est modèle par nécessité

Raconte Antonio Capella.

 

Térésa Torga, Térésa Torga

Défaite dans ce bordel-là

Il n'y a pas de drapeau sans lutte

Il n'y a pas de bataille sans lutte

 

Térésa Torga, Térésa Torga

Défaite dans ce bordel-là

Il n'y a pas de drapeau sans lutte

Il n'y a pas de bataille sans lutte

 

 

 

 

 

 

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11 juillet 2009 6 11 /07 /juillet /2009 21:32

Le Frisson des Morts

Canzone léviane – Le Frisson des Morts – Marco Valdo M.I. – 2009

Cycle du Cahier ligné – 28


Le Frisson des Morts est la vingt-huitième chanson du Cycle du Cahier ligné.


On hésite entre une chanson du fond de la fosse (un peu le ton d'un Oscar Wilde, un ton de romantisme anglais, un ton noir et sombre et d'une tristesse infinie, un spleen très fin du dix-neuvième siècle entre Lewis, Mathurin et Baudelaire...) et une chanson d'amour impossible : « Mais, Sœur Armande / Personne ne vous a donc jamais dit »...


On ne sait d'ailleurs pas trop si Sœur Armande est inaccessible parce qu'elle est protégée par ses vœux ou sa cornette ou si plus simplement encore, elle n'est pas déjà passée dans les bras de la mort.


Ainsi la longue songerie du prisonnier-blessé-enfermé continue et d'autres angoisses – pourquoi le cacher – surgissent du fond de la terre fantasmée. Quand l'esprit vagabonde, il traverse toutes sortes de paysages, de riants villages aussi bien que de lugubres pays.


Oh, dit Lucien l'âne, j'ai connu de ces passages, de ces vallons si sombres et si humides et si froids dans les brumes de fin d'été – déjà – qu'on se serrait les uns contre les autres et qu'on se serait cru tout bonnement dans la tombe. J'en ai encore le poil tout retourné. Rien que d'y penser. Et il est certains lieux d'enfermement où on s'y croirait vraiment... Et puis, on rêve mal quand on est mal pris...


C'est, en effet, un des résultats de la torture psychologique de l'enfermement; l'isolement à l'ombre – car, vois-tu Lucien, mon ami, pour dire qu'un homme est en prison, on dit aussi qu'il est à l'ombre – conduisent à des phases de dépression, des moments de mélancolie, des frissons terribles qui donnent cette sensation d'être déjà mort en étant encore vivant; d'être mort-vivant, en quelque sorte. Et c'est cela, cette subtile oppression que raconte cette canzone.


Mais quand même, il y a Sœur Armande, dit Lucien et sa présence me réjouit.


Je crois bien qu'elle réjouit aussi notre prisonnier... et lui évite de définitivement sombrer.


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.



Comme il faisait frais dans cette fosse.

On n'y voyait que le ciel.

Ça c'est vraiment passé ?

Et il n'a pas eu peur ?

Il était à peu près, environ çà.

Non, je n'avais pas peur,

Dans la tombe là tout en bas,

On ne voyait que le seul azur

Et passer un corbeau agile.

L'air me parvenait pur

Et, immobile avec les morts,

Nu déjà dans l'argile,

Je tremblais et je rêvais encore.

Il y avait le froid et la terre,

et les os et les morts,

et les chiens qui déterrent

et les chèvres qui broutent et qui errent,

et les racines et les vers,

et le sang jeune dans mes artères.

Cette tombe était trop grande.

À mes yeux, voyez-vous, c'était son seul tort

Exactement à l'opposé du frisson des morts.

Mais, Sœur Armande

Personne ne vous a donc jamais dit

Que cet espace entre vos dents,

Si subtil et si aimable en même temps

Est plein de grâce, et votre sourire aussi.

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11 juillet 2009 6 11 /07 /juillet /2009 21:27

LE DISCOURS DE DÉMOSTHÈNE

 


Version française - LE DISCOURS DE DÉMOSTHÈNE – Marco Valdo M.I. – 2009

à partir de la version italienne – Il DISCORSO DI DEMOSTENE – Riccardo Venturi – 2009 d'une chanson grecque

H Δημοσθένους λέξις (Dionysis Savvopoulos / Διονύσης Σαββόπουλος) - 1972


Aucun Grec ne peut éviter de se confronter à son histoire et à son mythe. Spécialement dans les périodes dures de l'histoire récente, le recours à des clés métaphoriques de l'histoire et à la mythologie antique et à leurs figures, a été pour le combattant grec de la Liberté une praxis quotidienne nécessaire, comme si tout avait déjà été vécu... Hélène, Ismène et Cristème de Ritsos vivent la tragédie du temps actuel, transposées mais sans perdre leur authenticité; et ainsi, de cette chanson, le Démosthène de Savvopoulos trouvera en sortant de prison où il a été renfermé, la solitude et les cafés vides. Une tragique, glaçante chanson de dignité à laquelle l'auteur donne délibérément un titre en grec ancien, pour faire voir que le protagoniste de la chanson est Démosthène, l'orateur, et non un Démosthène quelconque. Mais, en même temps (et c'est là sa grandeur), Démosthène est le symbole de tous les Démosthènes quelconques, de tous ceux qui ont été privé de leur liberté pour leurs idées. …

 

Mais il faut se rappeler ceux qui, durant les années de la dictature grecque et avant de la guerre civile... sortaient de prison. Il faut imaginer surtout les poètes et les artistes qui,par dizaines, payèrent de la prison leur opposition. Il faut imaginer aussi Savvopoulos lui-même, qui fut emprisonné après le coup d'État du 21 avril 1967. En ce sens, Démosthène est pour Savvopoulos une figure autobiographique ou qui lui sert à parler de la condition des prisonniers politiques et du vide qu'il trouva à la sortie. Savvopoulos l'écrivit en prison. En 1972, il l'inséra dans un album intitulé Βρωμικό ψωμί (pain sale). [RV]

 

Démosthène, la référence à la Grèce antique et dès lors, LE DISCOURS DE DÉMOSTHÈNE de Savvopoulos résonnent sans doute de façon particulière dans la langue grecque contemporaine ( ne l'appelle-t-on pas le démotique – en somme, la langue populaire...) et pour ces Grecs qui connurent en effet dictatures, tortures et massacres une grande part du siècle dernier, ces Grecs qui avaient résisté aux Allemands et auxquels les « Alliés » (anglo-saxons) volèrent, au prix d'un immense massacre, une révolution pourtant populaire et méritée.

 

Mais il est tout aussi éclairant, ce « DISCOURS DE DÉMOSTHÈNE » pour tous ceux qui – encore aujourd'hui dans nombre de pays européens – ont fait ou font encore des séjours forcés dans les maisons d'arrêt, les quartiers de haute sécurité, ces isoloirs et ces mouroirs de la démocratie libérale – bref, les lieux où le pouvoir enferme ses opposants politiques, enferme les partisans de la liberté et de la justice sociale, enferme les porteurs de lumière et de révolution...

 

C'est normal, dit l'âne Lucien, ce sont les péripéties de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent contre les pauvres et la prison est une des armes du pouvoir, elle isole et fait mourir à petits feux. Et celui qui en sort après un temps souvent long est perdu et ne sait trop - dans un premier temps – où retrouver ses marques. Que sont ses amis devenus.... ?

 

Ce vieux monde est décidément intolérable; il nous faut le changer... Tout ceci montre qu'il faut en tisser le linceul... et organiser la résistance et la solidarité. Ora e sempre : Resistenza ! Et particulièrement, tenir une place au chaud pour ceux qu'ils ont confinés à l'ombre.

 

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.

 

Quand je sortirai de cette prison

Il n'y aura personne qui m'attendra

Les rues seront toutes vides

Et la ville me sera étrangère.

Tous les cafés seront fermés

Et mes amis exilés,

Et le vent m'entraînera

Quand je sortirai de cette prison.

Et le soleil s'endormira

Sur les ruines d'Olinthe,

Et mes amis, et mes ennemis

Auront des allures de mythe.

Pétrifiés face à moi

Ils seront des rhéteurs et des voleurs.

Pétrifiés les mendiants,

Et les putes, et les prophètes.


Je serai debout devant le portail

Avec mes couvertures sous le bras.

Et je ferai un signe de la tête

Pour saluer le maton.

Sans désir et sans dieu,

Comme un roi dans un drame antique

Je prononcerai mon discours

devant ce portail, debout.

 

Sans désir et sans dieu,

Comme le roi d'un drame antique

Je prononcerai mon discours

devant ce portail, debout.

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