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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 21:48

VAN LOON

 

Version française – VAN LOON – Marco Valdo M.I. – 2009

Chanson italienne – Van Loon – Francesco Guccini – 1987


« Van Loon est dédié à mon père, qui lisait les œuvres de ce Piero Angela de son temps, c'est-à-dire des années 30. Van Loon était un Hollandais (ou un Flamand, je ne me souviens pas trop), vulgarisateur d' histoire, de géographie et d'humanité, dont les écrits se retrouvaient souvent dans les maison de ceux qui, comme mon père, avaient beaucoup d'intérêts, mais n'avaient pas eu l'occasion ni les moyens pour étudier. Une chanson intense que j'ai essayé plusieurs d'introduire dans le répertoire de mes concerts. Je l'ai essayée puis je fus forcé de la remettre de côté. Je n'arrivais pas à la chanter sans me sentir mal et pleurer, car, entretemps, mon père était mort. Un auteur des années trente, quarante, un écrivain de la génération de nos pères; je l'ai identifié avec cette génération que jeune, je classais dans les perdants. Mais en grandissant, tu t'aperçois que ton père n'était pas un perdant; c'était simplement quelqu'un contraint à vivre ainsi. Jeunes, on pensait que jamais on ne condescendrait à des compromis,que personne ne pourra nous y contraindre. Avec le temps, on change d'idée... Plus l'âge s'allonge et plus tu comprends ces pères que dans les années avant, tu avais refusés ou combattus, surtout car leurs défaites sont devenues ensuite aussi les tiennes et aussi les petites, d'abord même pas reconnues, victoires. » -Francesco Guccini


Hendrik Willem Van Loon, né à Rotterdam en 1882, mais naturalisé étazunien, fut un journaliste et un vulgarisateur de l'Histoire qui eut une certaine notoriété dans les années cinquante. Il avait un visage sympathique. Nombre de ses livres de vulgarisation furent traduits en italien... Aujourd'hui, on pense Internet, il suffit d'un clic; mais avant même l'Internet, la place des vulgarisateurs avait été prise par la télévision.

Ainsi, Guccini écrit une chanson sur les pères. Sur son père, sur mon père, sur les pères de tous.


...

Guccini dit n'avoir jamais pu la chanter sans pleurer, et je lui donne entièrement raison. Combien de fois, il m'est arrivé, à moi qui ne suis certes pas enclin aux larmes, d'avoir une larme à l'œil à la strophe finale. Et c'est aussi une chanson ardue, au texte inaccessible, une des rares que je ne me suis jamais hasardé à traduire dans n'importe quelle langue. Et cela en dit long. Et enfin, une des chansons que j'aime le plus dans ma vie. Et cela en dit encore plus long. [R.V.]


Et bien, tu vois, tu as eu tort... dit Lucien l'âne en secouant ses oreilles plus longues que celles de la mule du pape. Je te l'avais bien dit que tu ne devais pas traduire cette chanson. Que c'était au-delà de tes capacités... Mais tu as voulu faire le malin et voilà le résultat... Y a qu'à le regarder, c'est pas fameux...


Quoi, quoi, qu'est-ce que tu me dis ? Qu'elle est pas bonne ma traduction... C'est possible, tous comptes faits, mais c'est la mienne. Si je t'écoutais, je ne traduirais plus rien. Et quoi ? N'était-il pas dit qu'ici, on n'attendait pas des chefs d'œuvre de traductions, seulement d'honnêtes traductions faites par qui prendrait la peine de le faire... Ici, sur le site des CCG, traduire, c'est oser, c'est prendre le risque – devant tout le monde – de se tromper, de faire fausse route et même, de s'étaler comme un équilibriste qui manque un mouvement. Et ensuite, tu crois que je n'ai pas vu ce que dit Riccardo Venturi...


Oui, je crois que tu aurais dû réfléchir à ce qu'il dit là.



Mais justement, j'ai réfléchi et donc, j'ai traduit. D'abord, parce que comme les choses allaient, il n'y aurait jamais de traduction française et tu ne saurais même pas ce qu'il y a dans cette histoire de Van Loon. Et puis, Ventu a certainement des raisons personnelles de ne pas le faire et moi, j'ai des raisons personnelles – sans doute les mêmes que les siennes d'ailleurs, de le faire. Et puis, quand un ami est empêché, je trouve que c'est bien de faire le pas à sa place.


Ah oui, tu as des raisons personnelles... dit Lucien l'âne. Et on peut savoir lesquelles ?


D'abord, le portrait de cet homme aux épaules trop étroites pour son destin : c'est un peu nous tous. Et puis, cette histoire feutrée des pères... Et enfin, le nom-même de Van Loon. À le voir, je n'ai pas pu m'empêcher de me rappeler une interview de coureur cycliste, un qui racontait une anecdote, un souvenir de sa jeunesse.


Qu'est-ce que cette histoire de cycliste vient faire ici ?, dit l'âne Lucien proprement abasourdi.


Je te raconte l'histoire et tu comprendras. Le cycliste (je ne sais plus qui, ni quand, ni où... ma non importa) dit – pas tout à fait ainsi, mais le fonds de l'histoire est bon :

lorsque j'étais débutant dans une course de kermesse, quelque part en Flandre, j'étais plein d'orgueil et fier de mes mollets et le peloton dormait ou à peu près. Disons qu'il allait son train-train. J'y ai vu ma chance de gagner une course et j'ai foncé. Dieu que j'étais fier, tout seul devant, filant comme le vent. Et d'un coup, j'entends dans mes oreilles comme un bruit de train, comme une puissante machine qui me rattrape et une voix me dit, la voix d'un ancien, d'un coureur expérimenté : « Petit, je suis venu t'aider. As-tu déjà roulé derrière derny ? Alors, mets-toi derrière et accroche-toi, on va rouler. » On avançait à un train d'enfer, quelque chose comme soixante kilomètres à l'heure et l'écart avec le peloton ne faisait plus qu'augmenter. Moi, j'avais de la peine à le suivre... Et voilà l'arrivée... Là, la locomotive s'arrête presque et me laisse passer pour me donner la victoire... » Une histoire de père en quelque sorte.

D'accord, dit Lucien l'âne en souriant. Mais quel rapport avec Van Loon...


Ceci tout simplement, une sorte d'homonymie : la locomotive s'appelait Rik Van Looy. Et moi, je ressens cette anecdote, ce geste, cet homme, comme sans doute, on ressent toute histoire de main tendue. Y a pas à dire, elle m'émeut... Bien sûr, bien sûr, je vois l'ironie de tes yeux brillants et noirs comme l'ébène...


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.


Van Loon, un homme destiné, je dirais, depuis toujours

À un travail plus fort

Que ses épaules ou son intelligence

Ne pouvaient supporter

Sembla presque porté par une belle chance

Tant qu'il dut aller.

Il semble pourtant qu'il ne soit pas entré dans l'histoire,

Mais ce sont des choses qu'on sait seulement après;

D'autre part, personne n'a jamais demandé de choisir,

Ni même à l'aigle ou au rat;

Puis un certain jour marque tout un avenir

Ou une guerre éclate comme un jet de pierres,

Mais j'ai vu des fois aussi un rat rugir

Et même un aigle tomber.


Combien d'années, jour après jour,

Devons nous vivre avec quelqu'un

pour comprendre ce qui lui passe par la tête

Ou ce qu'il veut ou ce qu'il est.

Touristes du vide, explorateur de personne

Qui ne soit ni je ni moi.

Van Loon vivait et je le croyais mort
Oh - pire - inutile, seulement par la distance
Entre ses mythes divers et ma jeunesse et ma superbe d'alors,
Mon ignorance;
Qu'en savais-je combien il avait navigué
Avec le courage d'un Cabot dans les écumes,
De chacun de ses jours, et qu'un requin est devenu,
Jour après jour, un poisson d'eau douce.



Van Loon, Van Loon,
Que rumines-tu, quand se tait
La pensée et le moment se pacifie ?
Suis-tu une ombre ou cette paix
L'as-tu en toi ?


Je voudrais savoir
Ce que tu vois quand tu regardes autour de toi,
De lointains panoramas ou ce jour
Est déjà suffisant, est comme une don nouveau
Pour toi ?


Van Loon, Van Loon
À quoi pensas-tu dans ce début septembre
Brouillardeux qui tache l'Appennin;
Maintenant que tu as le temps de penser
Mais à qui ?


Va, mon vieux, va
Ne crains rien, chacun aura sa raison
Et même une justification
Même si on ne saura jamais laquelle,
Jamais !


Maintenant Van Loon se prépare tranquillement

À son dernier voyage;

Ses bagages sont déjà prêts depuis longtemps.

Comme tout homme prudent

Ou mieux, son bagage,

L'habituel d'un simple ou d'un sage,

C'est peu ou presque rien.

Et sûr qu'il ira dans un de ses lieux ou une de ses histoires,

Avec tous ses libres que la vie lui a interdits,

Avec de vieux amis dont il a perdu la mémoire,

Avec l'infini,

Où même sur nos montagnes, il y a toujours l'été,

Mais si quelqu'un le veut, cet hiver sans soucis

Où le gel crissait sous les clous

Des chaussures d'un autre temps, de ses dix-huit ans,

De ses dix-huit ans.


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Published by Marco Valdo M.I. - dans Francesco Guccini

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