LE BOY, LA GIRL L'AIMENT HOT
Version française - LE BOY, LA GIRL L'AIMENT HOT – Marco Valdo M.I. – 2011
d'après la traduction italienne de Bartleby d'une
Chanson allemande – Der Boy, das Girl, Sie lieben Hot - Anonym – entre 1935-1942.
Ce qui suit est le texte d'une chanson swing publiée sur un feuillet qui fut répandu dans les écoles supérieures du Winterhude, un quartier de Hambourg, par des jeunes Allemands qui se reconnaissaient dans le mouvement musical spontané antinazi de la Swingjugend (Jeunesse Swing).
Voir à ce sujet l'introduction à la chanson Nazis on My Radio.
À son avènement, le nazi mit au ban toutes les formes d'art et d'expression considérées comme extérieures aux traditions culturelles allemandes et aux valeurs esthétiques du régime. À tout l' « entartete Kunst », l'art dégénéré, fut consacrée en 1937 à Munich une grande exposition, inaugurée par Goebbels en personne et certainement pas pour le célébrer mais pour le diaboliser et l 'éliminer une fois pour toute.
Jusqu'à la musique de jazz et le swing, qui dominait incontestablement les nuits insouciantes de la République de Weimar, furent bannis par le régime, étiquetés comme « Negermusik », musique de nègre (et assez souvent aussi des Juifs), la musique des races inférieures.
Mais de nombreux jeunes, blonds et Aryens, qui aimaient à la folie la musique étazunienne, les concerts, les jams et les danses déchaînées, ne se laissèrent pas intimider et spontanément, au cri de « Swing Heil ! », se regroupèrent dans le mouvement de la Swingjugend (Jeunesse Swing), la jeunesse contre Hitler et pro-Swing.
Inutile de dire que « die Meute stupider Hitlerjugend », la Meute stupide de la Jeunesse Hitlérienne, l'emporte et les « jeunes du Swing » qui voulaient seulement jouer de la musique, danser et s'amuser à leur manière furent persécutés, arrêtés et enfermés dans les camps de concentration...
Tiens, dit Lucien l'âne, on dirait un titre de film... On dirait quelque chose comme « Some like it hot... ».
Mais tu as parfaitement raison, Lucien l'âne mon ami, c'est bien du même Hot qu'il s'agit... C'est-à-dire le mot anglais, devenu étazunien par une sorte de glissement temporel et géographique et même, géopolitique, qui signifie : très chaud, brûlant, bouillant, ardent... Enfin quelque chose comme ça. En somme, un mot qui veut dire : « qui chauffe ». Ici, il s'applique à la musique et spécifiquement, à la musique de jazz. Ainsi, pour rester en France, on trouve une revue de fanas du jazz, intitulée Jazz Hot, où se défoulait – entre autres – Boris Vian, au demeurant, garçon « très, très swing ». Mais aussi, pour revenir au mot Hot, il y eut ce fameux Hot Club de France... qui d'ailleurs existe toujours.
Mais qu'est-ce que tout cela peut bien avoir à faire avec la chanson du jour et que viennent faire ce boy et cette girl en Allemagne et à quelle époque, tout cela se passe-t-il, tu dois en savoir quelque chose toi qui racontes tant d'histoires d'Allemagne. ?
Mais très exactement ceci, mon ami Lucien l'âne, ceci que les nazis – une belle bande d'enfoirés – n'aimaient pas le jazz, musique de nègre qu'ils disaient. Et que dans la jeunesse (et même, la moins jeunesse) d'Allemagne, il y avait une masse de gens qui aimaient le jazz et qui aimaient aussi s'amuser, sans trop se soucier des lubies du führer. Mauvaise idée, au départ. Mauvaises idées, idées pernicieuses à l'arrivée, dans un régime qui entend contrôler ses sujets, y compris jusque dans leurs moindres pensées, dans leurs moindres loisirs. Et puis, tu sais, ce qu'on interdit à des gens insouciants, les rend subitement très attentifs à ce qui se passe et les voilà qui entrent en résistance... Bien sûr, en résistance musicale... On pourrait penser que cela n'a pas d'importance, qu'il suffirait de les laisser libres de leurs choix, libres d'entendre de la musique, de danser... mais voilà précisément, on vient de l'interdire. Pour le développement jusqu'au camp de concentration, je te renvoie à l'introduction...
J'ai vu, j'ai vu, dit l'âne Lucien.
Maintenant, je vais te dire que cette séquence n'est pas et ne fut pas à l'époque réservée à la seule Allemagne... En France, le régime en place avait les mêmes stupides prétentions et les mêmes causes produiront les mêmes effets. Un peu décalés dans le temps, mais c'était normal, le pétainisme, le fascisme français, n'avait pu accéder au pouvoir que dans la défaite et la destruction du pays avec des années de retard. En France, donc, la Swingjugend, la jeunesse swing – dont assurément Boris Vian faisait partie, Brassens aussi... s'est manifestée sous la forme du mouvement Zazou. Mais en France, le régime, bien que rétif et qui sentait combien cette jeunesse exprimait son dégoût et sa révolte, le régime n'a pas eu le temps de vraiment développer une action destructrice, une persécution active à l'égard de ces jeunes. Mais assurément, avec du temps, l'affaire aurait mal tourné. Les zazous étaient assez extravagants dans un régime dont le mot d'ordre était précisément : l'Ordre. Quand on imposa aux Juifs le port de l'étoile jaune, ils (certains d'entre eux, les plus rétifs, les plus zazous des zazous) s'en firent confectionner de fort grandes qu'ils portèrent bien en vue sur leur poitrine... Boris Vian, qui les connaissait assez bien tant il les a fréquentés, les a décrits dans un de ses romans de la façon suivante : « Le mâle portait une tignasse frisée et un complet bleu ciel dont la veste lui tombait aux mollets (…) la femelle avait aussi une veste dont dépassait d'un millimètre au moins une ample jupe plissée en tarlatane de l'île Maurice... ». Pour un portrait d'époque des Zazous, un peu ironique lui aussi, je te renvoie à la chanson Y a des Zazous [[http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=39782]] par Brigitte Fontaine. D'ailleurs, les zazous, on en retrouve partout... Plus tard, par exemple, ils vont revenir sous l'apparence des Beatniks, des Punks, des Rastas... Il suffit d'ouvrir un peu les yeux et les oreilles... La seule différence est dans l'intensité de la répression... Une variable selon les régimes... Encore que, actuellement, l'industrie de la mode, la pression des médias sur les cerveaux pour les empêcher de penser, leur rôle de diversion et de destruction sont tels que (provisoirement ?), les régimes sous-traitent la diffusion du conformisme au privé... Comme pour tout le reste... Même la répression est devenue une industrie privée, une machinerie commerciale... Comme dans la guerre professionnelle...D'ailleurs, regarde en Irak, comme le privé a su tirer parti de la guerre . Ainsi en va-t-il de la Guerre de Cent Mille Ans qui infecte tous les secteurs de la vie sociale, jusqu'aux recoins les plus anodins, les moins combattifs. Tout, tout est objet de surveillance; tout, tout est prétexte à commerce et dans les cas extrêmes, à répression. Tant est grande l'appétence des riches pour le pouvoir, pour la domination, pour l'exploitation des pauvres...
Tu comprends maintenant, mon ami Marco Valdo M.I., pourquoi il faut que nous tissions sans relâche aucune et par le biais des chansons – les tiennes ou celles des autres – le linceul de ce vieux monde commercial, mercantile, publicitaire et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le boy, la girl aiment le Jazz
Ils fuient la meute de ces stupides Jeunesses Hitlériennes.
Ils vont silencieux sur leurs semelles de crêpe
Elle éblouit par ses jambes, lui par son veston.
Allons de l'avant, Hot, Jazz et Swing.
Venez gars et fille, nous allons à la chose
Viens sauter à la fête de la Justice.
Si le Général de la Hitler-Jugend vient nous frapper
Alors nous deviendrons des Hommes de feu pour l'homme
L'un à la basse, l'autre au kazoo
Nous ne sommes pas encore assez nombreux
Mais un jour sera vérité ce qui maintenant est illusion
Cela ne fait aucun doute , nous vaincrons !