PLACE FRATELLI BANDIERA
Version française - PLACE FRATELLI BANDIERA – Marco Valdo M.I. – 2011
Chanson italienne (Milanais) – Piazza Fratelli Bandiera – I Gufi – 1965
d'après la version italienne de Bartleby.
En somme, Lucien l'âne mon ami, ces hiboux (mais oui, hiboux se dit « gufi » en italien), donc ces hiboux font généralement de très chouettes chansons et je trouve que celle-ci est particulièrement intéressante. D'abord, car elle est de grande qualité, mais ce n'est pas à ça que je pensais, c'est plutôt à ce qu'elle raconte. En fait, c'est l'histoire de la déshumanisation de la vie citadine avec la destruction des espaces publics au profit et pour le profit du privé, des promoteurs, des gens malades de l'avidité.
Je vois le genre, dit Lucien l'âne, ces escrocs sans aucun scrupule pour qui seul compte leur profit... En fait, c'est un pur épisode de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent contre les pauvres afin d'accroître leurs richesses. Ils ne se soucient de rien et tout est bon pour eux du moment qu'ils en tirent leur miel. Ils s'escroquent même entre eux. J'en ai connu dans toutes les villes et à toutes les époques ; j'en ai même connu qui n'hésitaient pas à chasser les gens de chez eux...
Et bien, c'est exactement ce qui se passe dans la chanson. Mais elle a quelque chose de particulier et c'est ce qui ajoute par rapport à d'autres chansons sur le même thème, par exemple « Le Petit Jardin »de Jacques Dutronc (qu'il faudra mettre dans les CCG) : ce personnage du petit vieux et son destin... On sent très bien qu'il incarne la ville, le quartier lui-même... Et comme la chanson date de 1965, depuis, la chose n'a fait que croître et embellir... La ville tentaculaire (mais Verhaeren parlait déjà des villes tentaculaires) s'est encore étendue, elle a mangé tous ses faubourgs, elle a repoussé plus loin encore sa coulée de béton et d'asphalte.
Pour tous ces petits vieux, pour nous-mêmes, surtout toi qui le sera un jour, il est plus que nécessaire de tisser le linceul de ce monde efficace, édificateur, ravageur, profitable et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Il était
Sur la Place Fratelli Bandiera
Il était
Un petit vieux dont je ne sais s'il avait
Quatre-vingts ans
Ou à peu près
Il y avait
Sur la Place Fratelli Bandiera
Il y avait
Un petit jardin où il pouvait
Aller se reposer
Et être à l'air pour causer
Mais un jour sont arrivés
Les gens de la Commune, service de l'environnement
Ils ont fait place nette de tout
Quatre plantes, une petite table et une chaise
Où il pouvait aller prendre le frais
Le petit vieux
Appuyé à son balcon
Quand il a vu ça
Et tombé comme une pierre
Une attaque cardiaque
C'est ce qu'ils ont dit hier à l'hôpital
Quand tombe le soir
Place Fratelli Bandiera emplie de voitures
Il y a un petit vieux qui régulièrement pète un câble
Il se met
Juste au milieu
De la route
Avec son pot de géranium
Une chaise
Et quand passe un vigile, il lui dit :
« Hé, sens-tu cet air-ci
Que nous avons
Encore aujourd'hui ! »