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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 22:46

DEUX MÈTRES SUR DEUX, DURE PRISON

 

Version française - DEUX MÈTRES SUR DEUX, DURE PRISON – Marco Valdo M.I. – 2013

Chanson italienne – Due metri per due, carcere duro – Anton Virgilio Savona – 1969

 

 


 

Ah, mon ami Lucien l'âne, voici une chanson qui me parle comme qui dirait en direct. Elle me semble sortie tout droit de ces combats sourds et terribles qui coururent tout au travers de l'Europe pendant un siècle ou un peu plus. Elle me vient au cœur car elle me semble parler d'un des auteurs qui m'ont le plus intéressé... Un auteur de langue française, né à quelques dizaines de mètres de l'endroit où je vis le jour, dont le parcours intellectuel, mental, moral... à bien des égards recoupe le mien. D'abord, le lieu... Quelque part pas loin des étangs. Ensuite, la même organisation de jeunesse... On l'appelait la Jeune Garde... Mais entre nous, plus d'un demi-siècle d'écart... Et sa vie si tumultueuse et si étourdissante. Et regarde comment va la vie, il écrivit dans le même journal que moi...

 

 

Te voilà en veine de confidences, mon ami Marco Valdo M.I. Bien loin de ta réserve habituelle...

 

 

Je n'en dirai pas plus, mais cette chanson ressemble à s'y méprendre à un de ses romans... Car il est aussi un des grands écrivains de langue française et de cette trempe, on n'en eut pas beaucoup. Paul Nizan, peut-être. En fait, dans toute la littérature mondiale, on en trouve peu, si peu de ce calibre. Lui, il écrivait en français. Orwell écrivait en anglais. Mais laissons-là mes remembrances.

 

 

Je te trouve bien rimbaldien, ce matin, dit l'âne Lucien en riant de toutes ses dents et en sortant sa langue sur le côté.

 

 

Regarde bien cette canzone... Sur l’aventure politique que décrit cette chanson, Semprun écrivait en français ou en espagnol, je ne sais plus... Lew Davidovitch écrivait en russe... Et bien d'autres dans de multiples langues... Il y aurait de quoi faire à les recenser... Je ne le ferai pas, rassure-toi. Enfin, sans aucun doute, ils furent nombreux à les connaître ces deux-mètres sur deux... Carlo Levi, par exemple... Rappelle-toi la saga du Cahier ligné, contée ici en plus de cent canzones... Et Marco Camenisch... Soit, le contexte politique est différent... Je te l'accorde, mais la cellule est toujours la même. Beaucoup jusqu'à ce que mort s'ensuive. La broyeuse était singulièrement efficace. C'est le sort de tous les dissidents : ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui – en Chine, par exemple et ceux qui viendront demain. Les dieux ont soif.

 

 

Certes, dit l'âne Lucien, les dieux ont toujours soif. ; ils ont toujours eu soif. Évidemment, si on supprimait les dieux, en somme, si on se débarrassait d'eux, de leur religion et de leurs religieux... En fait, la seule question qui se pose, ce n'est pas de savoir s'il convient de se débarrasser d'eux, mais bien comment aboutir à cet indispensable résultat. C'est tout le destin des hommes que de se débarrasser de la religion, des religieux, des dieux et de tout ce qui s’ensuit.

 

Certes, certes, Lucien l'âne mon ami, dit Marco Valdo M.I. tout songeur... Comment y arriver ? Mais cela même n'y suffirait pas à mettre un terme à la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres pour les contraindre au travail, pour imposer leur domination, pour assurer leurs richesses, pour renforcer leur exploitation... Mais enfin, c'est cependant une chose nécessaire, mais pas suffisante.

 

 

N'empêche, dit Lucien l'âne en grattant le sol devant lui de son noir sabot, on pourrait toujours commencer par là ou mener de front les deux tâches... Oui, mener de front les deux tâches et tisser ainsi le linceul de ce vieux monde assoiffé, écrasant, étouffant, mortifère et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo .I. et Lucien Lane

 

 

 

Sur la photographie grande comme un mur
Dans une salle de l'exposition, même lui y était
Portraituré parmi les vieux copains de lutte
Avec sa casquette à visière et son blouson de cuir.
Ils étaient loin les temps de la prison,
Quand ceux de l'ancien régime
L'avaient enfermé pour trois ans dans une cellule

De deux mètres sur deux, dure prison .
Maintenant, il était chef parmi les chefs,
Mais la lutte n'était pas finie :
Il fallait combattre encore
Pour la victoire complète,
Resserrer les rangs
Trouver les ennemis dans l'ombre,
Chasser les traîtres à l'idée,
Tenir des meetings, enflammer les masses, défendre la victoire
Et lutter, lutter, lutter
« Les traîtres ! Les dissidents ! Les incertains !Les faux conseillers ! »

Et lutter, lutter, lutter.
Le temps courait, le temps courait, le temps courait
Et vint un jour, – il vient toujours un jour,
Où il voulut faire davantage, il voulut se dépasser
Et il dit qu'il était important

Pour que l'idée triomphe définitivement

De respecter l'opinion de tous
Et d'ouvrir une discussion libre
Même avec les opposants.
Il dit : « Liberté de pensée », il dit : « Liberté de la presse »,

Et il en arriva même à citer Bertrand Russell.
Ah non, garçons, l'idée est l'idée, la liberté n'a rien à y faire.
Des fleuves de mots, analyse doctrinaire, Inquisition !
« Renégat !  » dirent-il, « Réactionnaire !  ».

« Lâche !  », « Traître !  »

Il vacilla, il crut être devenu fou.
Il crut être possédé du démon,
Il baissa la tête et dit :
« Je me repens, je me repens de mon péché »
« Bien, garçon, chante trois fois l'hymne de l'idée et tu auras l'absolution. »
Et il chanta, trois fois, et fut absous.
Mais, en effet, le démon devait le posséder
Car il ne se passa pas beaucoup de temps avant qu'il ne pécha de nouveau :
Il parla (l'imprudent) de crise économique
Due au manque de liberté politique
Il parla de domination autocratique
Il souhaita (le fou !) un système au moins bipartite
Et il continua à faire le charlatan
Radotant stupidement
« Liberté », « Liberté », « Liberté ».
« Tu écris, pauvre idiot, tu écris, tu fais le héros :
Tu accuses tes camarades de lutte
En disant que ce sont eux, et pas toi,
Qui sont les vrais traîtres à l'idée.
Et qu'avec eux est née une nouvelle classe :
La classe du pouvoir sans limites,
plus de forte qu'aucune qui l'avait précédée :
La classe des techniciens, des bureaucrates
La classe des nouveaux propriétaires, des nouveaux exploiteurs…
Pauvre idiot, tu écris en jouant à faire le devin,
En inventant des folles prévisions,
Prophétisant des luttes du peuple contre les nouveaux oppresseurs, comme un déséquilibré ! »
Trois ans de prison, et puis, six autres.
Encore dans la même cellule
Celle où t'avaient jeté les charognes
De l'ancien régime,
Toujours elle, toujours la même :
Deux mètres sur deux, dure prison.

Deux mètres sur deux, dure prison.

Deux mètres sur deux, prison dure.

 

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Published by Marco Valdo M.I. - dans Anton Virgilio Savona

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