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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 23:08

LETTRE À MA FIANCÉE

Version française – LETTRE À MA FIANCÉE – Marco Valdo M.I. – 2009

Chanson italienne – Lettera alla Fidanzata – Riccardo Venturi – 1990 (25 giugno)

 

Lucien mon ami, regarde ce beau chardon... C'est Riccardo qui te l'offre, à toi expressément... À toi : « Ma un asin bigio, rosicchiando un cardo... ». Bon d'accord, pas plus que moi, tu sembles connaître l'auteur de ce petit bout de phrase...

 

Mais si, mais si, dit Lucien l'âne en secouant sa jolie queue en signe de confirmation. Je sais bien qu'il s'agit d'un texte de Carducci. Que penses-tu ? Que j'ai traîné pendant des siècles tout autour de la Méditerranée sans savoir les textes qui parlent de l'âne... Je comprends que toi, mon ami Marco Valdo M.I., qui selon tes propres dires ne connaît que fort peu l'italien et l'Italie, tu ne saches que peu de choses de Carducci. Je le comprends bien, mais moi, Lucien, enfant de Lucien, depuis le temps que je me promène en âne littéraire et cultivé... Et puis, laisse-moi te résumer ce passage – dont je remercie notre ami de me l'avoir un peu dédié... C'est l'histoire du chameau... De ce chameau mêlé à mille aventures et qui invariablement, quels que soient les événements «  s'en fout ». le refrain de la chansonnette est : « Le chameau s'en fout ». Et bien, ici l'âne qui mange le carde de Riccardo, pour tout sauf manger son carde, fait exactement comme le chameau.

 

Mais, mais, Lucien mon ami, ne t'emballe pas comme çà... Je la connais la chanson du chameau et d'ailleurs, tu aurais pu préciser que ce fameux refrain est dit ou chanté sur un ton absolument et rigoureusement sinistre, si possible d'une voix caverneuse... Mais l'essentiel, c'est quand même que Riccardo Venturi, alias, alias... Ici Ahmed il Lavavetri ove il Lavacardi... nous ait invités à un jeu de traduction. Et en voici le résultat... qui n'est d'ailleurs pas une traduction facile, mais des plus fidèles quand même. Quoique, elle ne soit pas plus fidèle qu'à l'habitude; disons qu'elle ressemble au texte d'origine; elle peut en donner une idée. Comme dit Riccardo de son propre texte – qui est vraiment un Extra des plus extras, on ne sait si elle est bonne ou mauvaise, si elle est belle ou laide... Et j'ajouterais si elle est compréhensible ou non. D'ailleurs, j'ai dû créer quelques néologismes … Pour son texte et pour ma traduction, je fais appel aux lumières de Boby Lapointe qui disait :

« Je dis que l'amour,
Même sans amour,
C'est quand même l'amour
Comprend qui peut ou comprend qui veut! »

 

Remarque, remarque, dit Lucien, qu'on a accepté son jeu, il giuoco... Où cela va-t-il nous emmener ?

 

Je n'en sais trop rien, mais une chose sûre (chaussure ?) est que j'ai eu bien du plaisir à retrouver le mot « eteronimo », qui est notre nature profonde. Quant à la musicalité de notre composition, ce n'est pas moi qui pourrai en juger, n'ayant pas l'oreille musicale.

 

Ni moi non plus, dit Lucien l'âne, qui ait les oreilles trop musicales... À moins que tu ne te décides à me lire le texte en le psalmodiant comme tu sais si bien le faire , parfois.

 

Allons, je vais te le lire comme le psalmiste...

 

 

 

Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

 

 




Je t'écris, ma chère, pendu à un roc métastatique

Qui surplombe cette corniche granitique

De Casalverminoso, bourg, un jour fourmillant,

Disparu dans les neiges, vêtu en émigrant.

 

Perdu désormais depuis longtemps, depuis huit mille heures

Dans la mer des Astrophynges, Christ Pantocrator

Comme un bouchon tiré d'une bouteille grise

Faisant la navette entre l'éternité et la laisse.

 

Je me charge de vin, un galicien à la saveur soyeuse

Loin du souvenir, avec une pipe en main

Remplie de Latakia sur le précipice humain

Sacerdotal romarin de couleur tubéreuse.

Les faux éclatent des pierres molybdènes,

Je m'interroge sur le plan des soutiens-ricochets;

L'épée des crépuscules se mélange aux violettes

D'un Sole Ventiquattr’Ore mis en page rose.

Voici l'ancien paysage; carte sans destination pratique.

Je m'imagine écrire des lettres asphodéliques :

À larges dents nagent les verbes et les adjectifs

Jetant bas le masque des rythmes positifs.

Et le fou encore vient avec ses poings serrés, lents

À te courir sur le nez, à recompter tes dents...

« Je t'aime, oui je t'éééémeuh, tant que j'ai une grande peine au coooeur »

(Liqueur multicolore, grande pâleur d'amour).

Cerveau épouvanté par un syndrome formel

Et la monnaie de prix offerte à une averse;

Quel chat noir et lucide, je suis ce soir !

Je me sens un peu Falloppe vêtu en Havanais.

En démontant et passant lentement, j'engloutis les mâtines;

Je t'écris ma chère, encore, couvrecouleuvrine,

Je revois peu à peu ces instants et les visées,

Canon un peu essoufflé de l'art sans monnaie.

 

Porteur d'espoirs d'ancien grand lignage

Je verse dans mon verre trois tonnes de courage

Je t'écris, ma chère, gonflé d'odorants liquides

Tirant de la terre la force des Atrides.

 

Et pourtant souffle, souffle le havane rouge

(le vent atteint, quelle chaleur, à l'intérieur, les lèvres rouges).

Le lacet déjà enlace cette figure basanée,

Le chêne s'algorythme, lavandière effeuillée.

 

Éternel épamprage aux œillades fumantes

Et de larmes trop connues sur les pavés évanescents;

Amoureux, Trésor, d'or, tu feras un effort d'or

Pour regarder les étoiles au-dessus d'un visage incolore.

 

Mais déjà on pirouette (cacahouète) sur une maladroite tempête

La civette du sens sidéral se terre

J'ai la barbe courte et les moustaches christo-marxistes de Groucho

Perdu dans l'hébraisme de ce jour étrange

Je me vends ici à des brutes de troisième main

 

Et toi où es-tu ? Je me demande mille fois

Suivant les aléas (et la poule chante)

Dans le jeu des tours cachés des sens obscurs

Ne rejette plus la source des futurs incertains

 

Où donc a fini la semence qui dégorge en lait blanc

De cette canne rouge, avant qu'on s'en aperçoive ?

!Ay, qué eres hermosa!, femme au conditionnel

Du nombril mobile, puits de l'animal.

 

Et puis nous serons libres, en volant sur une ligne intérieure

En mangeant givre et gel, en buvant les glaçons...

Je t'écris, ma chère, légèrement, mais l'âme éperdue souffre

Comme une vieille chaussure dont on a ôté la semelle.

 

Et alors tu te diras : Est-ce le suc de la vie ?

C'est un suc de descente, un suc de remontée;

De tranches de Parnasse qui se consomment cyniques

mes pieds remontent comme des cas cliniques.

 

L'image est espérance et l'espérance est neige,

Elle se dissout et déjà retombe et se reforme légère.

Des cimetières à la mer, on recycle en songe

Avec cette feuille souple courbée par le besoin,

 

Comme le riz qu'on écrase, la pâte qu'on mêle

De lumière errant sur l'ombre grimpée.

Et sois sûre et lente, peut-être turlupinée

Durissime et terrible, douce et guindée.

 

Mais si on fait le compte, tu verras que le juge sort

Avec sa toge propre et ses lèvres très dégoutantes,

Je traverse la façade, je me cogne aux échafaudages,

Suspendu entre les citrons, je refais les échaudages.

 

Les consoles d'ordinateurs et les murs en pierre abouliques

Auxquels une chenille asphyxique a déjà montré les dents.

Ignorent les guipures, marasmes étouffants

Et moi qui m'éloigne avec mille lires et un tango

 

« Je te lance des regards précis, tout le reste est faux

Et je creuserai les nuages jusqu'au noir absolu. »

Si le secours arrive, tu verras quelle cohue

Se produit et toute la famille déjà se démène

Décrépie et muséale, cyanure de sulfure

Méthacrylate aldéhyde, elle s'infecte à coup sûr !

 

Lucrèceborgia indomptée, je suis le héros de la discorde

Sublime et un peu survolté, rempli de miséricorde,

Les pierres redoutent des futurs de névroses

Un peu plus moelleux, juste sucrés.

 

Je t'écris d'une vie, pas encore finie

Je plie mes avantbras d'un siècle et une heure

Précis comme un fuseau, heureux de tes silences

Moi, je me réinventerai en tueur d'absinthes.

 

Toi, énorme arrachepétales, gardienne des bois

Ô Domina, je te confie cette ultime mission

Retourne-moi les ongles, harcèlesurrénales,

Reine de milliers de carnavals défleuris

 

Je suis ici sur ce rocher, je voulais te le dire

Avant que le temps ne s'enfuie et ne disparaisse.

Et je me remémore un jour, tu venais à perdre haleine

À une rencontre daltonienne et un peu bousculée.

 

Avec un vert sale exsangue de pavillons immondes

Il est temps d'y repenser, il est temps d'y voir.

Mais le flux du passé a désormais tout envahi.

Le remède aux ennuis sera de passer par d'autres ennuis.

 

Et perdu dans les vignes, hélas, un jour je retournerai

Pour regarder sans voix chevaux, lemmes et commas

Avec entre les mains un carde et aussi un naturel

(Shiseido) à califourchon sur une aurore boréale.

 

De Casalverminoso, je t'écris ma chère et je ferme

et je timbre le chant de et je ne m'illusionne pas

J'ai un mal millimétrique au troisième ou quatrième os

Et je ne peux te serrer, mais peut-être puis-je, puis-je.




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Published by Marco Valdo M.I. - dans Riccardo Venturi

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