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2 avril 2019 2 02 /04 /avril /2019 09:20

 

 

 

TRAVAILLER AVEC LENTEUR (2019)

 

Version française – TRAVAILLER AVEC LENTEUR – Marco Valdo M.I. – 2019 (2010)

Chanson italienne – Lavorare con lentezza – Enzo Del Re – 1974

 

 

 

 

 

 

« Une des figures les plus radicales de l’alternative politico-musicale des années soixante. Utilisant comme instrument une chaise et demandant comme cachet le minimum syndical de la paie d’une journée de travail d’un métallo, Del Re avait coutume de se lancer dans des performances imprévisibles et provocantes, de vrais marathons par lesquels il entendait représenter et dénoncer l’infinie répétitivité du travail en usine. À une époque où le refus du travail avait une valeur morale et idéale, Del Re a représenté l’utopie la plus avancée de la rébellion et de la dénonciation [du travail]. Tout en étant diplômé du Conservatoire de Bari, il avait en fait refusé les instruments classiques pour adopter des matériaux pauvres et de récupération (cartons, objets usuels) avec lesquels il transformait ses chansons en récitatifs monodiques avec un accompagnement rythmique très soutenu. Aujourd’hui, Del Re, le dernier chantauteur de Mola di Bari, comme il se définit lui-même, sa longue barbe blanche, ses yeux paisibles et pétillants, il appartient à la multitude de ceux qui résistent. Il s’accompagne toujours en jouant d’objets de la vie de tous les jours, qui remplissent parfois une fonction symbolique, comme quand il utilise une valise comme percussion, pour raconter l’émigration. »

 

 

Tu vois, Lucien l’âne mon ami, dit Marco Valdo M.I., j’ai traduit ce commentaire, cette introduction à la chanson d’Enzo Del Re. Je ne le fais pas toujours, mais cette fois, je voulais le faire, car j’aime beaucoup ce qui est dit de ce chantauteur. Oui, je sais, ce mot de chantauteur n’existe pas dans les dictionnaires de langue française. Ils n’ont qu’à l’y mettre, car c’est vraiment quelque chose de particulier que ces chantauteurs qui écrivent ou inventent des chansons qui racontent vraiment quelque chose, ces artistes qui parlent de la vraie vie, qui s’en vont dans l’air et les rues porter le message de révolte, qui construisent une pensée, qui prennent leur parti dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d’accroître impitoyablement leur puissance, leur richesse et leurs privilèges.

 

Moi, dit Lucien l’âne tout ragaillardi, il me rappelle Homère, tu sais bien l’aède aveugle qui nous a conté l’Odyssée et l’Iliade ou les aèdes du Sud, ceux de Méditerranée qui, encore aujourd’hui, en ont continué la pratique. Il y en a même qui se bandent les yeux pour pouvoir s’isoler du monde (comme devait l’être Homère) et retrouver le chant intérieur, le rythme qu’il imprime en frappant le sol d’un bâton.

 

C’est exactement ça. Je te ferai lire un jour ce qu’en raconte Carlo Levi, dit Marco Valdo M.I. Cela dit, Del Re redonne à la chanson, comme bien des autres en Italie (à mon sens plus qu’en région de langue française), toute sa place comme instrument de lutte et comme lieu de pensée, de philosophie quotidienne et populaire. C’est important, cette pensée qui s’incarne ainsi, cette résistance à la lobotomisation télévisuelle et médiatique. Une pensée faite main, une philosophie artisanale, une invocation à la révolte artistique. En somme, il nous montre plusieurs choses qui me plaisent bien : d’abord, que l’art, la chanson, la poésie sont les armes de la révolte, en quelque sorte subversives par nature (sinon l’art, la poésie, la chanson sont vides de sens et de substance et se dissolvent à peine esquissées); l’autre chose, c’est – souviens-toi que Pierre Valdo fut le fondateur de la fraternité des pauvres de Lyon – sa volonté de mettre son « cachet », je cite, au « minimum syndical de la paie d’une journée de travail d’un métallo ».

 

C’est rare, en effet, dit Lucien l’âne.

 

C’est rare, c’est plein de sens et c’est honnête. C’est une manière d’affirmer l’égalité et d’affirmer une volonté de ne pas tirer profit des autres. C’est l’antipode de la manière dominante. De même, pour en venir à la chanson, elle exprime très bien le meilleur conseil qui se puisse donner à un « travailleur » (à quelqu’un ou quelqu’une qui est contraint au travail « libre » – Arbeit macht frei !). Travailler avec lenteur – « Festina lente ! » (Hâte-toi lentement, disait Auguste). Évidemment, c’est le contraire de l’idée démente de « compétitivité », c’est le refus du monde de la concurrence, c’est le refus de la productivité ; mais, regarde comment vont les choses, c’est aussi agir lentement pour épargner le travailleur – ce qui est essentiel, et bien faire son travail, ce qui l’est aussi. Car actuellement, malgré toutes leurs prétentions, les choses résistent elles aussi à la vitesse, à la précipitation et les objets (les services, les journaux) deviennent de plus en plus des machins, de la camelote. « Chez ces gens-là, Monsieur, on ne pense plus On court ».

 

Nous les ânes, on a toujours fait ainsi : travailler avec lenteur, avancer avec lenteur. C’est notre devise. C’est pas qu’on refuse de faire les choses, mais on veut les faire à notre rythme, faire les choses utiles et seulement celles-là et les faire bien pour le plus grand « profit » de tout le monde. J’entends bien, le profit réel, l’agrément que l’on se partage et pas cette escroquerie financière qu’ils nomment pareillement « profit ».

 

Ne sois pas gêné, Lucien l’âne mon ami, d’user des mots. Ce n’est pas juste de décrier ce beau mot de profit au prétexte qu’ils nous l’auraient volé lui aussi. Il n’y a rien de désolant à tirer profit des choses à partir du moment où le profit est partagé, où le profit est collectif, où le profit « profite » à chacun et à tous, qu’il n’est pas accaparé par certains. À propos de mots volés, il y en a beaucoup, mais je te laisse les deviner.

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Travailler avec lenteur

Sans faire aucun effort :

Qui est rapide se fait mal

Et finit à l’hôpital.

À l’hôpital, il n’y a pas de place

Et on peut y mourir vite.

 

Travailler avec lenteur

Sans faire aucun effort :

La santé n’a pas de prix

Dès lors, ralentir le rythme :

Pause, pause, rythme lent,

Pause, pause, rythme lent,

Toujours en dehors du moteur,

Vivre au ralenti !

 

Travailler avec lenteur

Sans faire aucun effort :

Je te salue, je te salue,

Je te salue du poing fermé ;

Dans mon poing, il y a la lutte

Contre la nocivité.

 

Travailler avec lenteur

Sans faire aucun effort :

 

Travailler avec lenteur,

Travailler avec lenteur,

Travailler avec lenteur,

Travailler avec lenteur,

Travailler avec lenteur !

 

 

TRAVAILLER AVEC LENTEUR (2019)
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Published by Marco Valdo M.I.

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