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26 octobre 2008 7 26 /10 /octobre /2008 15:39
Le testament du curé Meslier.




Jean Meslier (Mazeny, Champagne 1664 – Étrépigny, Champagne 30 juin 1729), curé d'Étrépigny, en Champagne (commune proche de Charleville-Mézières , où naquit et grandit plus tard un autre imprécateur de haut vol, le dénommé Arthur Rimbaud - actuellement département des Ardennes – 08 – Région Champagne-Ardennes) eut cette idée de publier – en les déposant sous forme de testament – ses pensées et ses colères à titre posthume. Est-ce parce qu'il y travailla jusqu'au bout de sa vie ou en application d'un principe de précaution ? Toujours est-il que ce texte et sa lettre aux paroissiens qui le présente ont surgi à son décès, puis ont disparu et par la suite, ont connu des fortunes diverses avant de pouvoir venir au jour en édition intégrale plus de deux cents ans après ce dépôt, qui pourtant les a sauvés. Dans cette aventure du « Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier », le caviardage de Voltaire fut assurément une vilénie (Meslier à la sauce déiste de Voltaire est à la correction littéraire et intellectuelle, ce que le fast-food est à la cuisine – une trahison !), mais l'arrangement voltairien eût quand même le mérite (involontaire) d'attirer l'attention sur les 3 exemplaires que Jean Meslier avait déposés au greffe. Grâce soit rendue, dès lors, au hollandais Rudolf Charles, éditeur de son état, qui tenta la première intégrale !

Quant à savoir pourquoi Jean Meslier n'a pas publié de son vivant, j'ai ma petite idée à ce sujet . Tout simplement, il faut quand même connaître un peu les Ardennes pour comprendre que un : trouver un éditeur était en soi une odyssée, deux : qu'écrire le « Mémoire » (outre que de tenir sa charge de curé...), était aussi un formidable défi et trois : qu'enfin, en rédiger les copies prenait du temps et était essentiel pour en assurer la postérité... Le reste est sans doute dû à la volonté d'aller le plus loin possible dans la rédaction... Jean Meslier ne s'en cache pas lui qui commença son texte par : « Mes chers amis, puisqu'il ne m'aurait pas été permis... » et dit – en substance ensuite – « Je vous l'aurais bien dit de vive voix, juste avant de mourir, mais je ne suis pas sûr.... (ceci traduit en langage moderne) que j'aurai encore toute ma tête à ce moment... Donc j'ai pris la précaution d'écrire ». En ce temps-là, la mémoire des bûchers de l'Inquisition illuminait encore l'Europe.

Par ailleurs, on n'a pas fini de disserter sur Jean Meslier. Je n'en dirai pas plus ici, sauf à reprendre ce que les paysans de Lucanie disaient au temps de Carlo Levi (1936) : « Noi, non siamo cristiani, siamo somari » (« Nous nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme »), sauf à reprendre la phrase de Jean Meslier qui excommunie quiconque la prononce ou la reproduit : «Je voudrais, et ce sera le dernier et le plus ardent de mes souhaits, je voudrais que le dernier des rois fût étranglé avec les boyaux du dernier prêtre. »

Puis-je ajouter, dit Marco Valdo M.I., que c'est aussi le mien de souhait – et pas le dernier.

Et, comme disait cet autre mécréant anarchiste de Brassens : « Et tant mieux si c'est un péché, nous irons en enfer ensemble... Il suffit de passer le pont... »


Chanson italienne – Il testamento del parocco Meslier - Anton Virgilio Savona - 1972

Version française – Le testament du curé Meslier – Marco Valdo M.I. - 2008



Vous avez sur le râble le fardeau pesant

Des princes, des prêtres, des tyrans

et des gouvernements;

des nobles, des moines, des chanoinesses et des prélats,

des fripons de garde-sel et de tabac

et des magistrats.

Vous avez sur le râble les puissants et les guerriers,

les ineptes, les inutiles et les rusés,

et les douaniers,

les riches qui volent pour s'engraisser

laissant le peuple entier

entretemps – crever.


Abattez

les riches condottières

et les princes !

Ce sont eux,

pas ceux de l'enfer,

les diables !


Des vermines qui laissent au paysan

seulement la paille du grain

et la lie du vin.

Ils théorisent paix, bonté et fraternité

et puis, ils légalisent les trônes

et l'inégalité.

Ils ont inventé le Dieu des puissants

pour endormir et faire plier

les corps et les esprits.

Ils ont inventé les démons et les enfers

pour faire trembler et taire

les pauvres et les sans-terre.



Abattez

les riches condottières

et les princes !

Ce sont eux,

pas ceux de l'enfer,

les diables !


Ce ne sont pas les démons de la cour inférieure

vos pires ennemis,

après la mort; mais ce sont ces gens qui lèvent les doigts,

anéantissent et font pourrir

votre vie !

Et si vous vous unissiez, vous pourriez les arrêter

en utilisant du boyau de prêtre

pour les pendre;

Ainsi, vous ne seriez plus leurs esclaves

mais enfin, du fruit de votre travail, les maîtres !



Abattez

les riches condottières

et les princes !

Ce sont eux,

pas ceux de l'enfer,

les diables !

 

Notre bon Meslier

 

Pour en revenir à notre bon Meslier, curé de son état, il est proprement indigne de lui imputer la méconnaissance du christianisme, fût-il des origines. Bien au contraire, c'est de le bien connaître qu'il en eut la dégoûtation. Il suffit de lire les écrits de Jean Meslier pour s'en rendre compte de manière tout-à-fait objective. Par ailleurs, il ne pouvait ignorer cela ayant subi le « séminaire » de Châlons, été ordonné prêtre et nommé curé le 7 janvier 1689 curé d'Étrépigny et de But dans les Ardennes .

 

Cela dit, il voyait clair dans le jeu des illusions chrétiennes et plus spécifiquement, catholiques, apostoliques et romaines. Il disait, par exemple : « …vous adorez effectivement des faibles petites images de pâte et de farine, et vous honorez les images de bois et de plâtre, et les images d’Or et d’Argent. Vous vous amusez, Messieurs, à interpréter et à expliquer figurativement, allégoriquement et mystiquement des vaines écritures que vous appelez néanmoins saintes, et divines ; vous leur donnez tel sens que vous voulez ; vous leur faites dire tout ce que vous voulez par le moyen de ces beaux prétendus sens spirituels et allégoriques que vous leur forgez, et que vous affectez de leur donner, afin d’y trouver, et d’y faire trouver des prétendues vérités qui n’y sont point, et qui n’y furent jamais. Vous vous échauffez à discuter de vaines questions de grâce suffisante et efficace. Et en plus, vous vilipendez le pauvre peuple, vous le menacez de l’enfer éternel pour des peccadilles, et vous ne dites rien contre les voleries publiques, ni contre les injustices criantes de ceux qui gouvernent les peuples, qui les pillent, qui les foulent, qui les ruinent, qui les oppriment et qui sont la cause de tous les maux, et de toutes les misères qui les accablent. »

 

J'insiste pour qu'on relise la dernière phrase, dit Lucien l'âne, on dirait qu'elle parle de l'Italie actuelle et de bien d'autres pays.

 

Je la relis, Lucien mon ami : « Et en plus, vous vilipendez le pauvre peuple, vous le menacez de l’enfer éternel pour des peccadilles, et vous ne dites rien contre les voleries publiques, ni contre les injustices criantes de ceux qui gouvernent les peuples, qui les pillent, qui les foulent, qui les ruinent, qui les oppriment et qui sont la cause de tous les maux, et de toutes les misères qui les accablent. »

 

En effet, dit Lucien l'âne en redressant la tête et en lançant d'un coup de cou sec sa crinière en arrière pour dégager ses yeux, que cela plaise ou non aux cagots, Jean Meslier avait une vision du monde assez lucide.

 

Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

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Published by Marco Valdo M.I. - dans Anton Virgilio Savona

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