MAUDIT SOIT CELUI QUI A TROUVÉ L'ÉPÉE
Version française – MAUDIT SOIT CELUI QUI A TROUVÉ L'ÉPÉE – Marco Valdo M.I.– 2010
Chanson italienne – Sia maledetto chi a trovato la spada – Piero Salvetti – 1644
Chanson écrite en 1644 par le Florentin Piero Salvetti; la musique est d'un auteur inconnu (probablement, comme il était d'usage souvent à l'époque et encore plus récemment, elle devait être chantée sur l'air d'une chanson populaire connue; mais on en a perdu la mémoire).
Eh bien, Marco Valdo M.I., te voilà à Florence vers 1644. J'ai dû y passer en ce temps. Peut-être même que j'aurais croisé ce poète de Salvetti. Mais tu sais, les poètes sont des gens un peu timides, parfois. Ou alors, réservés, ou tout simplement, occupés à écrire leurs poèmes. Et souvent, ils ne se soucient pas des ânes comme moi. Ou alors, a-t-il oublié de se présenter; ce qui serait bien normal. Je me souviens bien d'un certain Pier, Piero, Pietro... qu'on disait poète... Mais va-t-en savoir si c'était bien lui. Qu'a-t-il donc écrit de si étonnant que des siècles plus tard, on s'en souvienne au point que tu le traduises...
Disons pour te faire plaisir que c'est bien celui-là le Pier, Piero, Pietro que tu as rencontré... C'était un charmant garçon et nul doute qu'il t'aurait entretenu de savantes et poétiques considérations, s'il avait su qui tu étais... Car, mon ami Lucien l'âne au poil si rude, pour les poètes et les littérateurs, les écrivains, les amateurs de belles histoires, tu es un point de référence, une sorte de primus (je ne dirai pas de "Premier", ce serait t'insulter – du moins de ces derniers temps)... Bref, il aurait été heureux de te connaître. D'ailleurs, si tu ne m'avais pas parlé la première fois, on ne se connaîtrait pas et surtout, on ne converserait pas ainsi de chansons. Quant à la chanson, elle a ceci d'extraordinaire – en plus d'être une excellente chanson, un très beau poème – d'être sans doute la première chanson antimilitariste ou mieux encore, antimilitaire de l'histoire de l'Italie. Quel métier en effet que militaire - la chanson de Piero dit exactement ceci :
« Quel vilain métier !
Tu crèves si tu y vas
Et, si tu tentes de fuir, tu es pendu. »
et Pier, Piero, Pietro... de conclure avec une grande intelligence de la chose :
« Celui qui estime qu'il y a de la gloire
À mourir d'un coup de pistolet ou d'estoc
Je le tiens pour un sot... »
Remarquable conclusion, que j'approuve entièrement, dit Lucien l'âne en riant. Hihan. Dommage qu'il ne soit plus là, je lui offrirais bien mon dos pour une petite promenade...
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Oh ! Maudit soit celui qui a inventé l'épée
Et pire encore celui qui a inventé le fusil !
Que soient maudites les armes et les armuriers,
Et en particulier,
Ces sales bêtes de l'artillerie,
Qui font sursauter et massacrent.
Pourtant il se trouve des gens tellement fous
Qu'ils manigancent avec des instruments
Et la paix trépasse !
C'est tellement mieux d'aller dans de lointains pays
Trouver quelqu'un qui te brise la tête
Et va à la guerre comme à une fête.
Flandre et Allemagne
Pays de Cocagne
Et finir là sa vie
Comme si on ne pouvait mourir ici.
Mais comme les fous sont toujours chanceux
Il n'est pas besoin d'aller si loin.
À présent il faut partir :
Ces Rolands seront satisfaits
Moi, je suis désespéré
Ennemi mortel de la milice
Je dois devenir soldat
Je dois étaler fièrement ma flemme
Je ne suis pas gêné de dire que je suis poltron
Il doit y avoir toutes sortes de personnes
Me dit un bel esprit
Qui s'en va-t-à la guerre
Pour chercher à grandir ainsi
Moi, j'y parviens par couardise
Moi qui n'incline pas à tant de grandeur
Je me contente de rester tout petit
Tout en étant si affligé,
Soudain voici un tambour, allemand,
Et il me dit : « Herr Soldat, lustig, fort in Krieg! »
Je lui réponds plus apeuré que jamais. Que le mal t'emporte!
À cette invite, il rajoute
Une tambourinade
Et si longue, que je crois encore l'entendre,
Regardez quelles trouvailles !
Pour faire d'un homme timide, un téméraire,
Il faut parler allemand et battre du tambour !
De plus, pour me donner du courage
Ils veulent que j'emporte avec moi un tas d'armes
Que j'attrape la rage, si je le peux !
Et puis, laissez-moi vous dire, je suis couard
Si je pouvais, je me couvrirais d'un rempart.
Celui qui estime qu'il y a de la gloire
À mourir d'un coup de pistolet ou d'estoc
Je le tiens pour un sot;
Et, fût-ce encore sage, moi, je ne veux pas d'histoires
Quant à me donner la mort, le ciel s'en chargera
Je veux crever tranquille et à mon aise !
Et puis, je ne peux pas comprendre pourquoi
Quelqu'un doit faire la querelle et le duel
Et, en s'épargnant,
Les faire faire à celui-ci ou celui-là
S'il ne tenait qu'à moi
J'estime que tuer les gens est une faute,
Je voudrais que celui qui a pissé, essuie.
On me prêche
Qu'il faut s'en prendre à l'ennemi;
Très bien, je l'ai compris.
Mais je n'ai d'inimitié vis-à-vis de personne.
Je suis en bonne entente et en confiance avec tous.
Pourquoi m'en prendrais-je à quelqu'un ? La conscience ?
Un tantinet de patience
Que je raille moi aussi, que, par ma foi
Con de..., corps de...
S'il me vient le caprice de faire de la viande,
J'en promets à qui je veux, à qui j'en donne.
Ô puissance du ciel, qu'est-ce que je ferai ?
Je jure que je mettrai
Sens dessus dessous la terre et le monde en pétard;
Si je m'en mêle, basta; mais... Je ne m'en mêle jamais.
Ah ! Que me sert le flegme,
Si demain on part,
Disent ces guerriers, pour servir Mars ?
Ô si toutes les tempéraments étaient comme le mien
Mars se passerait de serviteurs.
Pauvre de moi, si j'étais au moins cuirassé
Si je pouvais, comme beaucoup, de chaque chute
Accuser le cheval,
Ou, en me prétendant fatigué,
Obtenir Pégase des Muses;
C'est que, en ces temps coupables,
La littérature n'a pas d'espace
Apollon va à pieds et l'envoie à sa place.
Il me semble être ce grand oiseau magnifique.
Ainsi : je suis; je regarde et en l'air et je m'envole;
Les gens disent : « Serviteur, maître ! »
Et moi bien coi, je vais à mes affaires;
Je me ris de l'ennemi; il regarde et je glisse,
Et ne sachant si la chose est fausse ou certaine,
Il est en bas bouche bée
Et moi de rire tant, je me compisse.
Mais qu'est-ce que je raconte d'un cheval, je suis à pied !
Pour dire, m'en aller à pied ! Beau caprice !
Et c'est que je dois rester jour et nuit
En armure, comme un poulet dans un pâté !
Ô ciel, je te prie, je me trouve dans ce bourbier
Envoie-moi donc la goutte;
C'est peut-être une recette
Pour que je n'y aille pas ou au moins, j'y aille en voiturette.
Quel vilain métier !
Tu crèves si tu y vas
Et, si tu tentes de fuir, tu es pendu.
De sorte que, de toute manière,
Pour zigouiller un brave homme
Sans voler, le bourreau trouve la guerre.
Et j'aurai moins de gêne
D'être pendu par le cou;
Car il n'y a finalement qu'une seule peur
Mais voilà un qui m'appelle
Et qui m'ordonne de faire la sentinelle.
Ô mon étoile ennemie !
Je n'ai pas encore eu le temps de dire adieu à la dame,
Et je ne me console pas de savoir qu'à l'armée
On oublie chacun son aimée.
Il se pourrait que j'oublie les belles,
Mais pas vous, non pas vous, gourmandines !