« HISTOIRE » DE LA MORT DE LORENZO PANEPINTO
Version française – « HISTOIRE » DE LA MORT DE LORENZO PANEPINTO – Marco Valdo M.I. – 2010
à partir de la version italienne d'une chanson sicilienne « Storia » per la morte di Lorenzo Panepinto – Rosa Balistreri – 1978
Lorenzo Panepinto (1865 – 1911) : un instituteur de l'école primaire de S. Stefano di Quisquinia (Agrigento), enseignant, socialiste et syndicaliste, il fut – pour tout cela – assassiné par la mafia le 16 mai 1911, devant chez lui, de deux coups de fusil. Il avait organisé les ouvriers agricoles en une Lega (Ligue) et obtenu la première gestion collective d'un ex « feudo » (grand domaine), éliminant ainsi l'exploitation parasite des « intermédiaires » (gérants...), c'est-à-dire des mafieux. Il est d'un grand intérêt sociologique de signaler que seule la prostituée du village alla jusqu'à affronter l'assassin pour le dévoiler et faire voir qui il était. Elle disparut également. Personne ne sait plus rien d'elle et son témoignage manqua au procès. La Lega et ses femmes vêtues de rouges pleurèrent don Lorenzo Panepinto. Le peuple chanta cette « histoire » que Rosa Balistreri recueillit en 1977.
Quelle « histoire », dit Lucien l'âne en hérissant sa crinière. Elle me rappelle celle de Salvatore Carnevale, de Beppino Impastato et d'autres encore.
Tu as parfaitement raison. Et qui sait combien ils sont ces hommes (ou ces femmes) simplement courageux qui affrontèrent à visage découvert les tristes mannequins mafieux, lesquels ne sont que les marionnettes des gens de pouvoir, qu'il s'agisse du pouvoir local, régional ou au plus haut niveau de l'État italien. Quelquefois même, encore au delà. Ce fut notamment le cas à partir de la guerre quand la mafia se joignit aux « forces alliées »... Elle ne les a jamais plus quittées. L'anticommunisme viscéral – c'est-à-dire en clair la haine du peuple – est le ciment de cette alliance.
En somme, dit Lucien l'âne, la mafia est une des armées que les riches mettent en campagne dans leur éternelle lutte contre les pauvres afin de les asservir, de les dominer, de les exploiter et de briser toute tentative de reconquête collective du bien collectif qu'est la vie.
C'est, en effet, l'instrument de la domination et ses rapports avec le « pouvoir » sont encore illustrés aujourd'hui par les financements qu'elle - la mafia – a consentis pour amener certains hommes politiques au sommet (local, régional, national...). Car le jeu entre elle et le pouvoir est une sorte de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette... Le premier qui... ». Un échange de bons services. Je te cite trois noms d'hommes de pouvoir : Giovanni Leone, Giulio Andreotti et l'inénarrable Silvio B. dont on raconte qu'ils sont liés à cette sale pieuvre, qu'elle a facilité, promu, soutenu leur ascension... Une véritable histoire qui rappelle celle d'Arturo Ui, racontée par Bert Brecht. Lequel Bertolt Brecht avait bien remarqué combien les épisodes de la Guerre de cent Mille Ans , comme les ours, se suivent et se répètent... lorsqu'il écrivit « Les Affaires de Monsieur Jules César »; Brecht dit d'ailleurs à ce sujet : « «En gardant l'esprit bien ouvert, vous y découvrirez certaines indications sur la façon dont les dictatures se créent et dont les empires se fondent.» Tout comme, le journaliste-écrivain italien actuel Roberto Saviano pourrait écrire « Les Affaires de Monsieur Silvio B. »... Je pense même que Marco Travaglio (et d'autres) en a déjà écrit un ou plusieurs chapitres. Quoi qu'il en soit, s'en prendre à la mafia, et le faire ouvertement est un acte de courage et une nécessité prophylactique que l'on soit juge, journaliste, écrivain, chanteur, instituteur, mère, femme, militant ouvrier ou paysan, syndicaliste, chômeur, responsable politique, médecin, avocat ou sociologue...
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le seize mai en début de soirée
Temps sombre et lune cachée
Les scélérats et traîtres funestes
Ne voulurent pas allumer les lampadaires
Au village, il y avait un tel deuil
Quand arriva la fille, pauvre créature
Mon père comment je fais à présent
Quand fillette, je reste seule maintenant
Et don Lorenzo s'en va à sa tombe
Accompagné de toute la Lega.
Accompagné de toute la Lega
Tous restèrent la langue muette
Chacun restait la langue muette
Pensait à la vie de don Lorenzo
Nous pleurions, nous tous Siciliens
Le père mort qui défendait notre pain.
Les intermédiaires sont complices
Tout comme les agents communaux
Les puissants ne l'avalaient pas
Que don Lorenzo nous ouvrit les yeux.
Et pour avoir aidé le peuple
Don Lorenzo finit assassiné.