LE MIRACLE
Version française - LE MIRACLE – Marco Valdo M.I. – 2010
Chanson italienne – Il Miracolo – Giorgio Gaber – 1994
Un miracle, un miracle... Où çà ?, dit Lucien l'âne tout fébrile et joyeux. J'aime les miracles. Je me souviens qu'un petit gars qui était né sous mes yeux dans une étable, un soir d'hiver, il y a bien longtemps, s'était mis à faire des miracles. Du moins, c'est ce qu'on a dit. J'ai pas trop bien suivi l'affaire, mais je crois bien que çà a mal fini pour lui. Mais ce sont des rumeurs, des bruits, rien de vraiment sérieux dans tout çà. Alors, moi les miracles, j'aimerais bien en rencontrer un, un vrai, véritablement vrai. Et la chanson du jour en raconte un. Fais-moi voir, raconte-moi.
Ah, Lucien l'âne mon ami, en matière de miracles, il n'y a pas de miracle... Tu vas être déçu. Il y a bien un miracle, mais un miracle, comment dire, virtuel – en cela, il ressemble à tous les autres miracles dont on a jamais parlé. Quand même, il y a de l'espoir pour toi, car c'est un miracle virtuel, mais futur; en somme, un miracle potentiel, un miracle dont la réalisation effective est encore à venir et pour le coup, cette fois, possible. Quoique improbable... Du moins, à court terme. Un peu comme la révolution... Elle est possible, elle est future et la seule chose qu'on ignore, c'est le comment et le quand de sa réalisation. Et bien, dans ce sens, ce miracle est une révolution.
Ah bon, dit Lucien l'âne, un peu désappointé et dubitatif. Finalement, c'est quoi ce miracle ?
C'est tout simplement l'arrêt, la disparition de la télévision.
La télé va disparaître, dit Lucien l'âne en ouvrant des yeux plus grands que son ventre. La télé va disparaître... Ce serait un miracle, ce serait une vraie révolution, en effet. Mais enfin, il y a tellement de gens qui gagnent de l'argent ou tiennent le pouvoir avec elle qu'ils ne la laisseront jamais tomber.
Évidemment. Ceux-là s'accrocheront au radeau tant qu'ils pourront. Mais, le miracle sera que tout simplement les gens, les simples gens, vivront un désamour, une désaffection, puis un rejet, une pure indifférence face aux gesticulations de l'écran, face aux soubresauts de la machine à décerveler, si chère à Ubu et à ses successeurs... Voilà comment se réalisera ce miracle, selon Gaber. Tu comprends, les télés seront toujours là, les écrans seront toujours aussi glauques, les marionnettes continueront à diffuser leurs baratins, mais il n'y aura plus personne pour les regarder. On ne les éteindra même pas; au mieux, on coupera le son pour ne plus entendre leurs borborygmes. Les écrans continueront à s'agiter, mais dans leur coin dans l'insouciance générale. Voilà le miracle. D'ailleurs, en partie, c'est déjà le cas. Si tu additionne ceux qui sont indifférents, ceux qu'elle ennuie, ceux qu'elle rend allergiques et ceux qui s'endorment devant l'écran, tu verras que cela représente déjà beaucoup de monde.
Ah, dit Lucien l'âne, la machine à décerveler tournant dans le vide, voilà qui est réjouissant comme perspective. À propos de miracle et de suaire, il temps que l'on tisse le linceul de ce vieux monde télévisuel et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Dit : L’œil humain, comme je crois l’œil bovin, est l'organe pour la réaction des stimuli de la lumière qui sont immédiatement transmis aux centres nerveux. Il suffit d'un minimum d'effort, une toute petite fente pour impressionner nos sens qui sont déjà fort nerveux.
Écran fluorescent unique source de magie
Soirée de télévision
Lumière diffuse dans ma maison, des voix de compagnie
Mais soudain
Un peu d'incertitude jusqu'à ce que
La main se serre sur la télécommande
Et s'illumine le monde
Écran fluorescent unique source d’énergie
Mais soudain
Et si soudain te vient à l'esprit
Te vient à l'esprit comme un film de science-fiction
Que ce verre lumineux pourrait aussi finir
Dans l'indifférence totale
Si tu en viens à penser pour un instant seulement qu’il n'existe pas
De spectateur
Et si en regardant la bouche d'un acteur, d'un journaliste ou d'un président
Il devient évident
Que plus personne n'écoute
Que tous sont sortis, tous sont partis
Et qu'au premier plan, il n'y a que cette bouche
Et sa folie...
Miracle ! Miracle !
Et si soudain te vient à l'esprit
Te vient à l'esprit que cette bouche colorée
Passe dans les chambres en vain
La grand gueule est là qui parle
Et, on n'entend même pas le son.
Si tu vois ta maison vide
Comme vue de loin, toujours de plus loin
Dans les immeubles, il y a seulement la télévision et
Personne.
S'il te vient à l'esprit que rien n'a résisté
Que la masse est morte doucement et l'individu
S'est réveillé...
Miracle ! Miracle !
La grande fluorescence n’enchante plus personne
Miracle !
La douce ensorceleuse ne séduit plus personne
Un Miracle !
Et dehors, sur les places et dans les rues
La vie
Recommence à être vraie
Et l'air frais, et on respire
Et dehors, sur les places et dans les rues
La vie