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15 janvier 2019 2 15 /01 /janvier /2019 12:49
TAMERLAN

 

Version française – TAMERLAN – Marco Valdo M.I. - 2019

Chanson allemande – Mir ist heut’ so nach TamerlanKurt Tucholsky – 1922

 

Texte de Kurt Tucholsky, sous le pseudonyme de Theobald Tiger.

Musique de Rudolf Nelson (1878-1960), Allemand, compositeur et imprésario de cabaret.

Texte trouvé sur Mudcat Café, dans la base de données musicale allemande

Chanté à l’origine par Fritzi Massary (1882-1969), une actrice et compositrice autrichienne. Récemment repris par Ute Lemper dans son album "Berlin Cabaret Songs" de 1996.

 

 

Petit Tamerlan illustré

 

 

 

Le cabaret berlinois à l’époque de Weimar n’avait rien à envier au cabaret parisien, et la vie sociale étincelante et, surtout, la vie nocturne étaient absolument comparables. Kurt Tucholsky, correspondant à Paris du journal « Die Weltbühne », a respiré ces deux incroyables airs de liberté débridée et est devenu l’un des plus importants auteurs de pièces pour cabaret. Mais déjà au début des années vingt, Tucholsky a commencé à respirer un autre air, cette fois-ci méphitique et malade, qui était apprécié par les castes politiques, financières et militaires, mais aussi par beaucoup de gens ordinaires, celui du désir d’un retour à l’homme fort – le Tamerlan de la chanson – qui allait ramener l’Allemagne à son ancienne splendeur impériale. C’est peut-être pour cela que le grand Tucholsky, habitué à l’air frais et libre, après l’avènement du nazisme ne put plus respirer. Amoureux de la beauté, juif et anti-autoritaire, ennemi juré de tout nationalisme guerrier, Tucholsky s’enfuit en Suède et s’y suicida en 1935.

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Quoi ? Que vient faire Tamerlan dans un cabaret berlinois d’il y a presque cent ans ?, demande Lucien l’âne.

 

Tout réfléchi, dit Marco Valdo M.I., je peux te l’expliquer. Mais pour cela, il faut mieux connaître Kurt Tucholsky et sa manière de procéder et doublement : dans la création poétique, littéraire, politique et dans la vie, particulièrement dans ses relations avec les femmes. Pour cette chanson, il convient de se souvenir qu’il s’agit d’une chanson de cabaret, ce qui implique une forte dose d’acide comique, mêlé d’acide ironique et d’acide humourique. On doit donc se figurer un cabaret de l’époque, t’en souviens-tu ? Mettons l’Ange bleu tel qu’il apparaît dans le film de Sternberg.

 

Certainement, Marco Valdo M.I., ces cabarets étaient des lieux où on pouvait passer la soirée ou même la nuit, où on mangeait (mais pas dans tous), où on buvait (dans tous), on consommait diverses substances (partout, mais pas tous), où il y avait une piste de danse (mais pas dans tous) et où des artistes se produisaient – du musicien à la stripteaseuse en passant par le magicien, le danseur, la chanteuse, etc. L’éclairage – sauf sur l’artiste – y était généralement tamisé. Il y avait là toute une atmosphère de complicité, d’alcôve, d’alcool ; une fausse réalité alimentée par une intimité factice.

 

Donc, Lucien l’âne mon ami, imagine la chose. On est dans un cabaret et c’est une dame qui chante Tamerlan. Sa chanson relate la conversation qu’elle tient avec son compagnon quand elle est assise avec lui à une table dans la salle du cabaret comme une de ces multiples jeunes femmes rêveuses. Et de fait, elle rêve, elle rumine, elle calcule aussi ; son imagination voyage entre le songe et la réalité, entre ses illusions de jeune femme et la réalité qui l’attend au sortir du fantasme. Bref, elle est à la recherche du prince charmant, de l’homme fort à séduire qui lui assurera un bel avenir. Son compagnon de soirée est Tucholsky lui-même qui fait écho à leurs chuchotements.

 

Tucholsky, dit Lucien l’âne, mais il n’a jamais rien eu d’un Tamerlan, même si c’était un séducteur assidu.

 

Oh, je le sais, Lucien l’âne mon ami, je l’ai d’ailleurs décrit en action dans une chanson intitulée « Mademoiselle Ilse », où on retrouve cette même atmosphère berlinoise des années de Weimar, la même qu’on peut reconnaître dans le Fabian. Die Geschichte eines Moralisten (Fabian, l’histoire d’un moraliste) d’Erich Kästner, publié en 1931. La version originale intégrale, qui devait s’intituler Der Gang vor die Hunde (Le couloir pour le chien), n’a été publiée qu’en 2013 et en 2016 en français sous le titre significatif (pour décrire cette époque et la nôtre) : « Vers l’Abîme ».

 

Donc, Lucien l’âne, retiens que cette chanson est un aparté entre deux personnes au cabaret et tout comme dans Mademoiselle Ilse, Kurt Tucholsky se met en scène dans son costume de séducteur, c’est le pseudo-Tamerlan avec qui la dame s’entretient. Écoute-le dire en conclusion en s’appliquant à lui-même cette ironie cinglante et lucide :

 

Aujourd’hui, je suis fort comme Tamerlan !

Un petit peu Tamerlan, ce serait épatant.

Ce n’est pas pour toi et moi,

Ils ont tous un grain !

Ne pleure pas pour rien,

Il n’y en a plus maintenant

Comme Tamerlan.

 

Reste maintenant à voir le côté prophétique de la chanson, car la chanson (plus exactement, l’auteur de la chanson) a souvent joué le rôle périlleux de Cassandre. En l’occurrence, ce sera le cas. Sortant du néant avant de la créer et d’y retourner, Tamerlan reviendra sur la scène du monde et sur son passage, l’herbe disparaîtra. L’humanité aussi, d’ailleurs.

 

Il me semble, dit Lucien l’âne, que si cette chanson résonne tant à nos oreilles, c’est qu’elle trouve à nouveau écho dans notre temps. Je vois partout des apprentis Tamerlan. Enfin, en voilà assez pour cette chanson ; tissons le linceul de ce vieux monde de ce vieux monde déliquescent, tourmenté, crétin, fantasmatique et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

 

 

 

Tamerlan le duc des Kirghizes était

Et tout le monde savait en Asie

Que quand Tamerlan traversait les vertes prairies,

Où il marchait, l’herbe ne repoussait jamais.

Et que toutes les femmes craignaient son arrivée,

Car quand les villes tombaient, tombaient les filles.

Il était toujours prêt pour une lutte acharnée,

C’était le bon temps en Asie !

 

Aujourd’hui, je suis fort comme Tamerlan !

Un petit peu Tamerlan serait mieux.

Ce serait quand même embarrassant,

Ça fait rire, ça me gêne un peu.

Je pense que quelque chose va arriver,

Cette nuit, quelque chose va se passer.

 

Aujourd’hui, je suis fort comme Tamerlan !

Ce serait bien un petit peu Tamerlan.

Et dans le public, le fluide, je le sens

Serpenter comme le courant.

Oh Monsieur, allez-vous-en,

Il n’y a place ici à présent

Que pour Tamerlan.

Tamerlan, ma chère enfant, oui, du gâteau !

Être comme Tamerlan, ce serait très beau.

Un Tamerlan, elle peut chercher longtemps,

Dans ce trafiquant de devises ventripotent

Et quand une femme embrasse un gros chauve

On sait que c’est pour du vent.

Elle cherche en vain son Tamerlan,

Redescends sur terre, regarde-le !

 

Ici, on ne trouve pas de Tamerlan,

Ce serait bien un petit Tamerlan.

Je vais regarder les hommes ici, ohlala,

Il n’y a pas de Tamerlan là !

Aujourd’hui, je suis fort comme Tamerlan !

Un petit peu Tamerlan, ce serait épatant.

Ce n’est pas pour toi et moi,

Ils ont tous un grain !

Ne pleure pas pour rien,

Il n’y en a plus maintenant

Comme Tamerlan.

 

TAMERLAN
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Published by Marco Valdo M.I.

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