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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 16:07

LA BALLADE DE PEREIRA

 

Version française – LA BALLADE DE PEREIRA – Marco Valdo M.I. – 2010

Chanson italienne – La ballata di Pereira – Marco Valdo M.I. – 2010

 

 

Jusqu'à présent, mon ami Lucien l'âne aux sabots inusables, je t'avais fait connaître des chansons que j'avais écrites à partir de textes de Carlo Levi et je les avais appelées des canzones lévianes. Eh bien, voici une chanson tabucchiane, qui, comme son nom l'indique, vient tout droit d'une œuvre de l'écrivain Antonio Tabucchi, grand connaisseur du Portugal et traducteur de Pessoa, entre autres choses. Elle raconte à sa manière, il faudrait dire à ma manière, l'histoire rapportée par Tabucchi lui-même dans un roman intitulé « Sostiene Pereira », dont tu retrouveras la trace dans l'antienne (Prétend Pereira) qui ponctue et termine ainsi chacun des quartets. Comme l'indique le titre, ceci est la version française...

 

Qu'est-ce à dire ?, ce serait donc une chanson que tu as traduite ?

 

Exactement. Je l'ai composée directement en italien avec l'aide du roman de Tabucchi, sans lequel je n'aurais rien pu faire. C'est d'ailleurs une incitation à lire Tabucchi et c'est une canzone italienne que j'ai traduite en français – forcément, a posteriori. Il est très étrange de se traduire soi-même, mais tel est le fait. Je dirais qu'en voilà assez sur moi et mon travail et qu'il est temps de parler de la canzone. D'elle, on pourrait dire qu'elle est un roman-express, sous forme de poème, sous forme de chanson. Mais tel est le défaut du barde, fût-il gaulois, même si on ne sait pas trop de quoi un gaulois peut bien être constitué, ni à quoi il devrait sa qualité (si c'en est une...) de gaulois. Tel est donc le défaut du barde qu'il ramène tout sous forme de canzone.

 

Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, tu as là mis le doigt sur un point sensible. Car ce qui vaut pour ton Gaulois vaut évidemment pour toutes les nationalités du monde...

 

Si tu dis cela, Lucien l'âne mon ami, tu vas comprendre parfaitement la canzone, dont c'est un des thèmes sous-jacents : la mise en cause de toute nationalité, en particulier en ce cas, de la portugaise. Et plus encore, la mise en cause de l'idée de race chez les hommes...si, si... crois-moi, on a réussi à inventer l'existence de races chez les humains. Passe encore, tu l'admettras qu'on distingue des races chez les animaux et qu'entre l'éléphant et la mouche, on puisse faire des distinctions raciales. Mais chez les humains, c'est une aberration. Bien entendu, si l'action se situe au Portugal, elle aurait pu se situer ailleurs et on peut très facilement la transposer dans d'autres lieux et dans d'autres temps. C'est d'ailleurs bien ainsi que les Italiens l'avaient interprété lorsque le roman fut publié. Antonio Tabucchi s'en était expliqué dans le magazine littéraire français : Lire. Voici ce que disait Antonio Tabucchi : « C'est une lecture politique de mon roman qui est responsable de son succès. « Pereira prétend » est arrivé au bon moment. Sans que je l'aie prévu. Il est sorti en janvier 1994, trois mois avant les élections qui ont vu la victoire de Berlusconi et de sa droite douteuse, typiquement italienne. Beaucoup de gens se sont reconnus dans le personnage et l'époque. Ils ont découvert dans l'air qu'ils respirent aujourd'hui quelque chose qui ressemble aux années 30 – 40, celles des Salazar, Franco, Mussolini et Hitler. Surtout, ils ont perçu le livre comme l'histoire d'une mort et d'une renaissance civique dans un environnement nationaliste, xénophobe et raciste. Et Pereira est devenu le symbole, le porte-drapeau de tous les opposants, de tous les résistants à cette droite berlusconienne. » (Antonio Tabucchi, Lire, Juillet 1995)

 

Oui mais, dit Lucien l'âne en agitant les oreilles en points d'interrogation, elle raconte quoi ta chanson ?

 

En gros, c'est l'histoire de Pereira, un journaliste portugais, un vieux journaliste, malade, cardiaque, presqu'arrivé à l'orée de la retraite, un grand spécialiste des faits divers qu'on a recyclé dans la rubrique culturelle. C'est là une des choses les plus intéressantes du livre, car tout va découler finalement de ce glissement. Pour bien m'expliquer, les « faits divers » dans la presse, c'est ce qui (sauf exception) remplit à bon compte les journaux sans impliquer jamais d'engagement sur le terrain politique. Des faits, des faits, des faits et si possible, des fesses, des fesses, des fesses, qui ne doivent même pas être vrai(e)s et même, la plupart du temps sont manipulé(e)s. C'est l'état de la presse actuelle... Disons de la "grande presse", à quelques exceptions près. Le fait-divers construit une société conservatrice à souhait : les bons sont toujours du côté de l'ordre établi ; les mauvais sont des délinquants, des criminels. Il n'y a pas de possibilité de changement dans un tel univers et c'est bien son but. Les bons se composent des juges (impartiaux et justes), des autorités (démocratiques, ou censées l'être, qui protègent les citoyens contre eux-mêmes) et des forces de l'ordre : les policiers, les militaires et leurs aides en tous genres, y compris les indicateurs, les milices... (qui protègent les autorités). Les mauvais, c'est simple : ce sont tous ceux que les premiers nommés désignent comme tels. Le policier, le juge, l'autorité t'accusent, te désignent et te voilà suspect, inculpé... Et s'instille ainsi la peur, car « ils » ont le pouvoir et les moyens (financés par ton travail...) de te condamner, te punir, t'enfermer, te taper dessus, te priver de ressources, te mettre en prison, t'enfermer dans des asiles ou dans des camps d'internement... Finalement aussi, de te torturer, de te tuer. C'est ta pauvre parole contre l'ordre établi.

 

Je vois, je vois, dit Lucien l'âne en piaffant. Mais où veux-tu en venir ?

 

À ceci donc, Lucien l'âne mon ami : quand on vit dans l'univers du fait-divers, on est enfermé dans la pensée unique, dans le respect de celui qui est au pouvoir, de ceux qui ont en mains les clés du royaume, de ceux qui protègent. En somme, si on regarde cela du point de vue qui est habituellement le nôtre, qu'on mesure cela à l'aune de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux aux pauvres afin de se rendre plus riches et plus puissants encore, on voit bien que le fait-divers, c'est le journalisme qui (à de très rares exceptions, très vite éliminées) ne met jamais en cause le pouvoir des riches, qui sert à distraire les gens des vrais enjeux... Donc, notre Pereira à qui l'on va confier la rubrique culturelle, qu'on relègue dans une pièce sordide où il pue en permanence la friture, Pereira sans le chercher et sans le vouloir vraiment, parce qu'il s'ouvre l'esprit par la littérature, va basculer du camp des riches vers celui des pauvres. Il va très exactement effectuer une révolution et changer de régime, y compris alimentaire. Il va même être amené – en raison de ses actes, à changer de personnalité, de pays et même de nom – Pereira deviendra François Baudin . Pour le reste, voir la canzone et si affinités, voir le roman de Tabucchi.

 

Dois-je comprendre que Pereira et Antonio Tabucchi, comme nous, tisseraient patiemment et obstinément le linceul de ce monde obscène et cacochyme ?

 

En effet...

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo MI. et Lucien Lane.

 

 

Cette journée rayonnait sur Lisbonne

Il puait la friture dans le bureau du Lisbôa

Moi, Pereira, je pensais à la mort

Précisément en ce beau jour d'été

Prétend Pereira

 

Cette ville pue la mort

Toute l'Europe pue la mort

Dans l'Alentejano, la veille, la police avait

Assassiné un charretier socialiste

Prétend Pereira

 

La rédaction du Lisbôa se trouve

À deux pas de la boucherie casher

La concierge est une mégère

Une informatrice de la police.

Prétend Pereira

 

La guitare et le violon jouaient

Marta dansait une valse avec l'homme gras

D'un coup elle dit : J'en marre de cette fête salazariste

Remontant son chapeau, Marta nous laissa.

Prétend Pereira

 

Pas de Garcia Lorca, c'est un subversif

Il y a une guerre civile en Espagne

Les autorités portugaises sont alliées de Franco

Pas de Garcia Lorca au Lisbôa.

Prétend Pereira

 

 

La guitare et le violon jouaient

Marta dansait une valse avec l'homme gras

D'un coup elle dit : J'en marre de cette fête salazariste

Remontant son chapeau, Marta nous laissa.

Prétend Pereira

 

Pas de Garcia Lorca, c'est un subversif

Il y a une guerre civile en Espagne

Les autorités portugaises sont alliées de Franco

Pas de Garcia Lorca au Lisbôa.

Prétend Pereira

 

Écoutez Céleste, vous êtes la concierge

Vous avez le défaut de foutre votre nez

Dans les choses qui ne vous regardent pas

C'est justement ça qui ne me convient pas.

Prétend Pereira

 

Je passe devant la boucherie

Je note les débris de la vitrine

Et les inscriptions qui salissent la façade

Ce sont des voyous. Et la police ?

Prétend Pereira

 

Eh bien, Marinetti est une charogne

Marinetti a commencé par chanter la guerre

Il a salué la marche sur Rome

Il faut le dire : Marinetti est une charogne...

Prétend Pereira

 

Pereira s'installe dans un compartiment

Il y a une femme belle, blonde, avec une jambe de bois

Le Portugal vous plaît ? Il me plaît beaucoup

Mais ce n'est un pays pour le peuple auquel j'appartiens.

Prétend Pereira.

 

Au dessus de lui, il y avait son directeur

Un personnage du régime et il y avait le régime.

Au Portugal, tous étaient bâillonnes.

On ne pouvait pas exprimer ses opinions.

Prétend Pereira

 

Il vaut mieux apprendre les nouvelles par la rumeur, Manuel

Par les journaux, on ne sait jamais rien

Quelles sont les nouvelles, Manuel ?

Des choses turques, des choses turques, docteur.

Prétend Pereira

 

Mon cousin est arrivé d'Espagne

Pour recruter des volontaires pour les brigades

Et alors ? Alors, docteur, il faut le cacher

Je connais une pension pour couples clandestins, peut-être...

Prétend Pereira

 

Cessez de fréquenter le passé

Il est trop plein de nostalgie et de souvenirs

Il faut fréquenter le futur

Il faut connaître les jeunes

Prétend Pereira

 

Savez-vous ce que crient les nationalistes espagnols ?

Ils crient : Vive la Mort !

Et moi, de la mort, je ne veux rien savoir

La vie me plaît et tous ses rebondissements.

Prétend Pereira

 

Il était amoureux d'une fille couleur de cuivre

Monteiro Rossi est mort battu à sang

Ils lui avaient fracassé le crâne

À coups de crosse de revolver et de matraque

Prétend Pereira

 

Dans ma petite valise, je mis le nécessaire

Un passeport français tout neuf

Avec la photo d'un homme, comme moi, gras

Un certain François Baudin, un beau nom.

Prétend Pereira

 

La ballata di Pereira

 

Canzone italiane – La ballata di Pereira – Marco Valdo M.I. – 2010

 

 

Canzone tabucchiane, scritta in Italiano e commentata in francese, dopo essere tradotta per l'autore stesso. Insomma, un'autotraduzione.

Dunque, per il commento, veder LA BALLADE DE PEREIRA.

 

In quella giornata sfavillante su Lisbona

Puzzava di fritto nella stanza dell'Lisbôa

Io, Pereira, pensavo alla morte

Proprio in quel bel giorno d'estate

Sostiene Pereira

 

Questa città puzza di morte

Tutta l'Europa puzza di morte

In Alentejano, la vigilia, la polizia aveva

Ammazzato un carrettiere socialista

Sostiene Pereira

 

La redazione dell'Lisbôa sta

A due passi della macelleria ebraica

La portiera è una megera

Un'informatrice della polizia

Sostiene Pereira

 

La chittara e la viola suonavano

Marta ballava un valzer con l'uomo grasso

Subito disse : di questa festa salazarista sono stufa

Rimettando il cappello, Marta ci lasciava

Sostiene Pereira

 

Niente Garcia Lorca, è un sovversivo

C'è una guerra civile in Spagna

Le autorità porthoghesi sono alleate di Franco

Niente Garcia Lorca all'Lisbôa

Sostiene Pereira

 

Senta Celeste, lei è la portiera

Lei ha il difetto di ficcare il naso

Nelle cose che non la riguardanno

È proprio questo che non mi va

Sostiene Pereira

 

Passo davanti alla macelleria

Noto i frantumi della vetrina

E le scritte chi imbratanno la facciata

Sono teppisti. E la polizia ?

Sostiene Pereira.

 

Ebbene Marinetti è una carogna

Marinetti ha cominciato a cantare la guerra

Ha salutato la marcia su Roma

Bisogna dirlo : Marinetti è una carogna..

Sostiene Pereira.

 

Pereira si accomoda in un scompartimento

È una signora bella, bionda, con una gamba di legno

Le piace il Portogallo ? Mi piace molto.

Ma non è il paese per il popolo a cui appartengo.

Sostiene Pereira

 

Sopra di lui, c'era il suo dirretore

Un personaggio de regime e c'era il regime

In Portogallo, tutti erano imbavagliati

Non si poteva esprimere propri opinioni.

Sostiene Pereira

 

Meglio prendre notizie a voce, Manuel.

Dai giornali non si sa mai niente

Che notizie ci sono, Manuel ?

Cose turche, cose turche, dottore.

Sostiene Pereira.

 

Dalla Spagna è arrivato mio cugino

Per reclutare volontari per le brigate

E allora ? Allora, dottor, bisogna nasconderlo

Conosco una pensioncina per coppiette clandestine, forse...

Sostiene Pereira.

 

Smetta di frequentare il passato

È troppo pieno di nostalgia e di ricordi

Bisogna di frequentare il futuro.

Bisogna di conoscere i giovani

Sostiene Pereira

 

Lo sa cosa gridano i nazionalisti spagnoli ?

Gridano : Viva la Muerte !

E io di morte non voglio sentire

Mi piace la vita e tutti i suoi eventi.

Sostiene Pereira

 

Era innamorato d'una ragazza color di rame

Monteiro Rossi è morto pestato a sangue

A colpi di calcio della pistola e di manganello

Gli avevano fracassato il cranio.

Sostiene Pereira

 

Nella piccola valigia misi il necessario

Un bel nuovissimo passaporte francese

Con la foto d'un uomo, come me, grasso

Un certo François Baudin, un bel nome.

Sostiene Pereira

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Published by Marco Valdo M.I. - dans Marco Valdo M.I.