Chanson française et italienne – Bénarès – Benares – Marco Valdo M.I. – 2005
Il fut un temps où les peuples du monde, ceux qui avaient été mis en colonie, en esclavage, en sujétion aux délires de la
civilisation; un temps où la partie civilisée du monde venait de s'entredétruire (12.000.000 de morts la première fois, 40.000.000 la seconde) et se préparait pour une troisième fois (est-ce bien
fini ?), un temps où deux camps s'affrontaient et où ces peuples vinrent au jour et parmi les plus grands d'entre eux, on trouvait l'Inde. C'était au temps de Nehru où les peuples tentèrent une
autre voie : celle du tiers-Monde (comme il y eut un Tiers État), celle des pays non-alignés - ça fait toujours plaisir de savoir qu'il y a des gens et des peuples qui ne veulent pas
s'aligner.
Nehru rassembla à Delhi tous les écrivains de l'Asie (poètes, aèdes, romanciers, nouvellistes, chanteurs, psalmodieurs...) - de l'Oural à la frontière égyptienne. Les artistes de centaines de
peuples, de centaines de langue (de milliers ? ça dépend comment on compte...) réunis pour opposer la poésie aux impérialismes ambiants. Ce Congrès dura des jours et des jours.
Et...
Pour présider à ce caucus gigantesque et babelien, le président de l'Inde fit appel à un écrivain venu d'ailleurs, un écrivain qui par sa position géographique ne pouvait faire partie de
l'assemblée, mais par sa proximité poétique avec les paysans sans terre du monde entier avait sa place "naturelle" dans cette assemblée; Nehru fit venir Carlo Levi.
Carlo Levi en ramena un livre - dont on reparlera ici.
Aujourd'hui, juste un écho de son passage à Bénarès, à Bénarès, cœur de
l’Inde.
Benares, cuore dell’India
Sponda del Gange
Uomini nudi
Donne ammantate
Nell’aria grigia
Le ragazze sedute
Si stringono
Per farmi
Un posto
Tra loro.
Bénarès, cœur de l’Inde
Rive du Gange
Hommes nus
Femmes drapées
Dans l’air gris
Les filles assises
Serrées
Pour me faire
Une place
Parmi elles.
Benares, cuore dell’India
Sogno del Gange.
Mille statue
Immobili
Grigie di sonno
Toccare l’acqua
della corrente
Gesto eterno
Con la mano, con la mano.
Bénarès, cœur de l’Inde
Rêve du Gange
Mille statues
Immobiles
Grises de sommeil
Toucher l’eau
Du courant
Geste éternel
de la main,
De la main
Benares, cuore dell’India
Sponda del Gange.
Una barca, vi salgo
Un vecchio barcaiolo
Gondoliere del Gange
Spinge lunghi remi di bambù.
Sette pire ardono
Alte fiammate rosse
Ossa incenerite
Bénarès, cœur de l’Inde
Rive du Gange
Une barque, j’y monte
Un vieux marinier
Gondolier du Gange
Pousse de longues rames de bambou
Sept bûchers brûlent
Hautes flammes rouges
Os incinérés.
Benares, cuore dell’India
Sogno del Gange.
Le vacche leccano
Il viso livido
Dei morti
Brucano
I fiori
Dei morti
Il freddo del matino
M’entra nell’ossa
Bénarès, cœur de l’Inde
Rêve du Gange
Les vaches lèchent
Le visage livide
Des morts
Broutent
Les fleurs
Des morts
Le froid du matin
M’entre dans les os
Benares, cuore dell’India
Sponda del Gange
Mendicanti accoccolati
Moncherini
Piaghe
Ulcere
Occhi bianchi
Popolo di pellegrini
Cercando
L’eterna salvezza
Bénarès, cœur de l’Inde
Rive du Gange
Mendiants accroupis
Moignons
Plaies
Ulcères
Yeux blancs
Peuple de pèlerins
Cherchant
Le salut éternel
Benares, cuore dell’India
Sogno del Gange.
Pellegrini nudi
Barbuti
Polverosi
Tremanti
Nel sole pallido
Come un fiume di popolo
Verso l’acqua sacra
Del Gange.
Bénarès, cœur de l’Inde
Rêve du Gange
Pèlerins nus
Barbus
Poussiéreux
Tremblants
Dans le soleil pâle
Comme un fleuve de peuple
Vers l’eau sacrée.
Du Gange.
Benares, cuore dell’India
Sponda del Gange
Benares, cuore dell’India
Sogno del Gange.
Bénarès, cœur de l’Inde
Rive du Gange
Bénarès, cœur de l’Inde
Rêve du Gange.