LA LIBERTÉ
Version française (avec 40 ans de retard) – LA LIBERTÉ – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne – La libertà – Giorgio Gaber – 1973
Je le sais que cette chanson a été moquée plusieurs fois, mais aujourd'hui pendant que j'étais en auto, je la réécoutais (horreur horreur) dans la version d'Emma (de l'album d'hommage à Gaber). Et en la réécoutant, en dépassant la gêne pour « Strillex », j'en ai découvert une nouvelle signification, ou mieux sa signification… Et je crois que ce site peut d'une certaine façon représenter cette liberté dont parle Gaber… La liberté n'est pas de rester à l'écart à faire ce qui nous plaît le plus, n'est pas plus de (j'ajouterais seulement) voter pour ce parti ou quelqu'autre, mais est s'engager pour la collectivité, s'engager chaque jour pour changer notre petit coin de monde. Et alors peut-être vue dans cette optique, elle peut entrer de plein droit parmi CCG....
Oh, mon ami Lucien l'âne aux yeux de braise sauvage, je te le dis, il ne faut pas se moquer des chansons de Gaber avant de les avoir écoutées, de les avoir comprises et surtout, de s'être interrogé sur le sens réel de ce qu'elles véhiculent. Que ceux qui se moquent ainsi s'interrogent sur eux-mêmes et sur le sens de l'humour. Je sais, je sais : « Plaisir d'humour ne dure qu'un moment, chagrin d'humour dure toute la vie... » et c'est ce qui les attend. Prenons la chanson ici intitulée « La Liberté »... La Liberté, il y a des milliers de chansons qui la vantent et qui le font en prenant les choses au premier degré. Personnellement, je n'ai rien contre, même si souvent, le résultat est des plus conformistes. Mais Gaber, Gaber, quand même, c'est autre chose...
Que veux-tu dire exactement ?, dit Lucien l'âne en se brossant vigoureusement le ventre avec la patte arrière droite. Je connais aussi plein de chansons qui ont pour thème la liberté... Par exemple, celle de Georges Moustaki, reprise par Serge Reggiani... dont je m'étonne d'ailleurs qu'elle ne figure pas dans les CCG, elle aussi. Et je t'invite vivement à l'y mettre.
D'accord, Lucien l'âne, mon ami, c'est une hérésie que cette chanson de Moustaki ne soit pas ici, mais on ne peut tout faire à la fois et comme tu l'as suggéré, je vais bientôt l'y mettre afin de réparer cet oubli ou tout simplement, ce retard. Mais, revenons à Gaber et à sa chanson. La liberté et l'ironie de Gaber font ici une danse sautillante et tangante qui ne déparerait pas le bar d'un bordel de Buenos-Aires. Au fait, « tangante », je l'ai orthographié ainsi rapport au tango, lequel est né et a fleuri précisément dans les bordels de là-bas... Sans doute eût-il fallu l'écrire « tanguante »..., mais je m'égare. Et je vais te dire un de mes regrets, presque une de mes hontes... Giorgio Gaber est quasiment ignoré en langue française... Un comble... Un peu comme si Brassens ou Brel ou Ferré ou Trenet... Que sais-je ? Étaient inconnus en Italie... Imagine des Chansons contre la Guerre de langue française...
D'abord, il faudrait qu'elles existent... et la question se pose d'ailleurs de savoir pourquoi elles n'existent pas... Je veux dire avec cette ouverture au monde, ce souhait et l'effort correspondant d'accueillir les autres chansons d’autres langues... avec en plus, un minimum de réflexion... Passons et revenons à Gaber et à sa chanson...
En effet... Gaber donc traite de la liberté et de l'homme... En somme, il philosophe. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi la philosophie ne vivrait pas en chanson et devrait se réfugier dans des lieux secrets et finir par être l'apanage de gens tellement sérieux et nombrilistes. La philosophie, le droit de philosopher est à tout le monde et à chacun et j'aime mieux des philosophies quotidiennes et nées dans les « jardins mal fréquentés » plutôt que ces semoules produites par de ternes machines à moudre le néant. La philosophie est une aventure de tous les instants, c'est un impromptu permanent. Certains philosophes patentés, car il en existe et ils sont jaloux de leur statut, me font penser à ces grainetiers eugénistes d'origine américaine – en clair, ces gens de Monsanto – qui entendent se réserver un pré carré exclusif et définitivement hors d'atteinte du commun des mortels. Ils inventent des graines compliquées, spécifiques et stériles que seuls ils ont le droit de répandre et les moyens de les produire... Ensuite, ils s'ingénient à exclure tous les autres de ce joli marché et spécialement, ceux qui auraient l'idée d'avoir des penchants à l'originalité ou à la diversité. Donc, Gaber philosophe et toi, Lucien l'âne, pour ce qui est de philosopher, des philosophes et de la philosophie... depuis le temps que tu les pratiques... je n'ai rien à t'apprendre. Tant il est vrai que philosopher, c'est découvrir, c'est tout simplement penser le monde, la vie, etc... et que chaque nouvelle pensée s'en vient s'agglutiner aux autres. Après, chacun fait son tri. Donc Gaber philosophe et forcément, à la manière de Gaber... Comment aurait-il pu faire autrement ? Et à moi, la manière de Gaber, elle me plaît hautement.
Oh, mais à moi aussi. J'aime beaucoup Rabelais et Gaber. Par exemple. Je dis ça, car ça me vient comme ça à l'esprit. Deux mots cependant, pour insister un peu sur la dureté incisive, carrément chirurgicale de ce que chante Giorgio Gaber... Certes, il est pour « être libre » et sans doute, n'est-il pas pour la liberté, considérée par l'« homme » qu'il décrit, comme une sorte de marchandise ou d'attitude que l’on adopte car c'est l'usage, le bon ton, la mode ou pour être dans le coup, dans le vent ou du côté du manche. Quant au mot participation, je ne sais trop s'il est là par conviction ou par dérision.
Oh, Lucien l'âne mon ami, je vais te dire que j'ai le même sentiment. Je ne sais ce que voulais dire Gaber... mais la participation – au moment où il faisait sa chanson – était un thème fort prisé par les hautes couches de la société... En somme, on pouvait très exactement superposer le mot « participation » à ceux de cogestion, collaboration... ; le mot « participation » (ma non troppo) était très en vogue dans le « monde libre », le monde des chantres de la liberté par la force... Il s'agit en fait d'une sorte de récupération.. ; En somme, pour dire les choses clairement : « participation : piège à cons »... Et sachant aussi ce que Giorgio Gaber pensait de ce « monde libre » (made in USA)... J'ai donc l'idée qu'il faut – à moins d'avoir perdu tout esprit – voir dans cette chanson une solide démolition de l'athlète atlantique et de ses supporteurs...
Mon impression est exactement semblable et si tu le veux bien, recommençons à tisser le linceul de ce monde libre, participatif, enthousiaste, cosmétique, démocratique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Je voudrais être libre, libre comme un homme.
Je voudrais être libre comme un homme.
Comme un homme nouveau-né
Qui a face à lui seulement la nature
Qui marche dans un pré
Avec la joie de vivre une aventure.
Toujours libre et vital
Il fait l'amour comme un animal
Comme un homme libéré
Heureux de sa liberté.
La liberté, ce n'est pas d'être sur un arbre
Ce n'est pas le vol du bourdon
La liberté, ce n'est pas un champ libre
La liberté est participation.
Je voudrais être libre,
libre comme un homme.
Comme un homme qui à l'audace
De vaguer à sa fantaisie
Et qui trouve son espace
Seulement dans sa démocratie.
Qui a le droit de voter
Et qui passe sa vie à déléguer
Et à se faire commander
A trouvé sa nouvelle liberté.
La liberté n'est pas d'être sur un arbre
Ce n'est pas le vol du bourdon
La liberté n'est pas un champ libre
La liberté est participation.
Je voudrais être libre, libre comme un homme.
Comme l'homme civilisé
Qui se dresse avec son intelligence
Et qui défie l'univers entier
Avec la force incontestée de la science
Avec en plus le pathos
D'errer sans limites dans le cosmos
Convaincu que la force de la pensée
Est la seule liberté
La liberté n'est pas d'être sur un arbre
Ce n'est pas le vol du bourdon
La liberté n'est pas un champ libre
La liberté est participation.