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4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 09:21

 

 

Le Pont de Mons

 

 

Chanson française – Le Pont de Mons – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
104
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, IX)

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Sache, Lucien l’âne mon ami, si tu ne le sais déjà, qu’après le mariage, la vie continue, pour Nelle et Till comme pour tous ceux qui sont unis par cette vénérable coutume.

 

Qu’y faire, dit Lucien l’âne en riant. Nul ne peut échapper à cette dérive du temps, nul ne peut l’arrêter, même le plus heureux des événements.

 

Si je te dis ça, enchaîne Marco Valdo M.I., ce n’est pas que j’aie la moindre intention de philosopher à propos de cette curieuse habitude de se marier, mais simplement pour faire le raccord avec le moment où la dernière chanson avait laissés Nelle et Till. Donc, les aventures continuent et avec les Gueux des Mers, Nelle, Till et Lame poursuivent la lutte contre la présence espagnole et ses alliés ecclésiastiques. Je ne dis pas catholiques, car il faut – comme le fait Till lui-même et comme le fait le Prince de liberté – ici faire la distinction entre d’un côté, les gens qui vivent dans les Pays, qui peuvent être de telle ou telle confession ou sans confession du tout, et donc en ce compris les « catholiques » (généralement par tradition ou par habitude, mais gens de mœurs pacifiques et peu soumis aux idées et aux pratiques de l’Inquisition et peu désireux de nuire à leurs voisins fussent-ils d’une autre confession ou simplement, indifférents ou sans appartenance religieuse ou athées) et de l’autre côté, l’écrasante machine de domination qu’est l’Église catholique.

 

Permets-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, avant d’en venir à la suite, juste une petite remarque personnelle « à propos de cette curieuse habitude de se marier ». Ne l’as-tu pas pratiquée toi aussi ? À ce qu’il me semble, ce fut bien le cas. Cela dit…

 

Lucien l’âne mon ami, là, je t’arrête à mon tour un instant pour te faire remarquer que le fait de l’avoir pratiquée moi aussi fait tout simplement que je peux parler d’expérience. En somme, je te donne un avis d’expert.

 

Pour cette matière, dit Lucien l’âne, je pense que les experts ne manquent pas. Mais revenons à ta nouvelle chanson et à ce curieux « pont de Mons ». De quoi s’agit-il ?

 

Tu fais bien, Lucien l’âne mon ami, de recentrer l’attention sur le pont de Mons, dont je m’empresse de te dire deux mots. Pour ce qui est du pont lui-même, il s’agit d’un pont-levis, qui placé par-dessus les douves, devant une des portes de la ville, permet lorsqu’il est baissé l’accès à la cité et relevé, empêche le passage. Donc, tu en déduiras facilement que Mons, ville principale et chef-lieu du Hainaut, est à cette époque une ville fortifiée, entourée de remparts et de douves, dont on trouve traces encore aujourd’hui dans les boulevards circulaires qui l’entourent. Il reste encore dans le vocabulaire « mémoriel » des cités contemporaines cette expression « intra muros » qui désigne le « centre ville ».

Dans cette guerre de libération, comme on a pu le lire ici, il y eut pour les Gueux sur terre tant de victoires et tant de défaites ; il y eut un moment où s’accumulaient les victoires et puis, faut de moyens, la révolte fut écrasée par les troupes espagnoles. C’est alors que le mouvement des Gueux prit la mer.

La victoire des Gueux de terre, si je peux les nommer ainsi, à Mons était une prise capitale, qui fut rapidement contrariée par la suite. C’était dans les débuts de cette longue guerre en l’an 1572. Elle montre toute l’étendue de cette guerre des Gueux qui s’étendait sur un territoire qu’on pourrait appeler aujourd’hui le cœur de l’Europe. J’avais déjà fait remarquer également qu’il s’agit d’une épopée fluviale où apparaissent l’Yser, la Lys, l’Escaut, la Sambre, l’Oise, la Meuse, le Rhin, l’Ems… Et puisqu’il s’agit de Mons, laquelle est située au confluent de la Haine et de la Trouille, on les ajoutera.

 

Oui, tout ça est bien intéressant, dit Lucien l’âne, mais quand même, la chanson…

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, elle raconte l’exploit cavalier par lequel les Gueux, conduits par Louis de Nassau, frère du prince de Liberté, ont enlevé la ville aux Espagnols. C’est un bond superbe d’un genêt sur le pont qui se relevait et qui le rabattit et ouvrit ainsi la porte de la ville aux Gueux. Le reste est chanté par Till (accompagné au tambour par Lamme et au fifre, par Nelle) à la demande des Gueux de mer, à la fin d’un repas de fête. Enfin, tu remarqueras qu’elle est plus longue et n’a pas la même structure que les autres chansons de la Légende, car j’ai repris intégralement la chanson de Till.

 

Voyons voir et tissons le linceul de ce vieux monde inquiet, inquiétant, intolérant, fanatique et cacochyme.

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Till, Lamme et Nelle, le joyeux escadron,

Aux couvents reprennent le bien du pays

Que par romaines momeries et processions,

Les gens de l’Église au peuple avaient pris.

 

L’argent ainsi récupéré

Donne des armes à la liberté

Et c’est droit de guerre

Pour ceux qui n’en ont guère.

 

Lamme ramène saucissons et jambons,

Volailles, oies, dindes, poules, poulets et chapons

Et après lui, au bout d’une corde ecclésiastique

Il traîne les veaux et les porcs monastiques.

 

La jubilation s’empare des Gueux de mer.

Et dans la joie, ils requièrent au dessert

La chanson du pont de Mons, la victoire ;

Till chante ; Lamme et Nelle rythment l’histoire.

 

Le Pont de Mons

 

« Où sont tes piétons ou les cavaliers ?

Ils sont au bois, égarés, foulant tout :

Railles sèches, muguets en fleurs.

Monsieur du Soleil fait reluire

Leurs faces rouges et guerrières,

Les croupes luisantes de leurs coursiers ;

Le comte Ludwig sonne du cor :

Ils l’entendent. Doucement battez le tambour.

 

Au grand trotton, bride avalée !

Course d’éclair, course de nue ;

Trombe de fer cliquetant ;

Ils volent, les lourds cavaliers !

En hâte ! En hâte ! À la rescousse !

Le pont se lève… De l’éperon

Au flanc saignant des destriers !

Le pont se lève : ville perdue !

 

Ils sont devant. Est-ce trop tard ?

Ventre à terre ! bride avalée !

Guitoy de Chaumont, sur son genêt,

Saute sur le pont qui retombe.

Ville gagnée. Entendez-vous

Sur le pavé de Mons

Course d’éclair, course de nue,

Trombe de fer cliquetant ?

 

Vive Chaumont et le genêt !

Sonnez le clairon de joie, battez le tambour.

C’est le mois du fin, les prés embaument ;

L’alouette mont chantant dans le ciel.

Vive l’oiseau libre !

Battez le tambour de gloire.

Vive Chaumont et le genêt ! Or ça, à boire ça.

Ville gagnée !… Vive le Gueux ! »

 

  Le Pont de Mons
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Published by Marco Valdo M.I.
3 novembre 2018 6 03 /11 /novembre /2018 18:03

 

LES EMBUSQUÉS

 

Version française – LES EMBUSQUÉS – Marco Valdo M.I. – 2018

Chanson italienne – Gli imboscati – anonyme – 1918

 

 

 


Sur l’air de "Bombacè" del Sor Capanna (1865-1921), probablement la toute première version de Il general Cadorna
Te
xte tiré de "Al rombo del cannon: Grande Guerra e canto popolare", de Franco Castelli, Emilio Jona, Alberto Lovatto, éditeur Neri Pozza

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Je me disais, Lucien l’âne mon ami, que j’allais l’insérer sans commentaire, car il y a tant à faire ici. J’en étais là de mes pensées en cours de traduction quand je me suis mis à ruminer. Il m’est d’abord venu l’idée que si l’on remplace « De Caporetto à Udine » par « De la Panne à Verdun », on peut en conclure immédiatement que c’était pareil sur tous les fronts, d’un côté comme de l’autre : à l’Ouest, rien de nouveau, sans compter le front de l’est où la même guerre produisait les mêmes effets. On peut y ajouter qu’on mourrait à l’offensive et on mourrait tout autant à la défensive.

En 1916, de l’autre côté du front, Erich Mühsam écrivait « Le Chant des Soldats »et tant d’autres dans de nombreux pays en de nombreuses langues, dont certaines sont ici dans un beau rassemblement de chansons contre la guerre.

 

 

Pour conclure ce bref dialogue, je voudrais dire que le cri de « Guerre à la Guerre » était le cri de ralliement de ceux qui en étaient réchappés. Les autres étaient enveloppés dans une stupeur muette pour l’éternité. Quant à nous, en accord avec tous ceux-là, tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, lâche, belliqueux, planqué et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Il ne faut pas beaucoup d’études
Pour reconnaître les embusqués
Qui arborent des guêtres luisantes
Et des cheveux gominés.

 

Et quand viendra la paix,
Eux seuls seront les héros
Et ils chanteront à la postérité
Ce que nous, nous avons fait.

 

De Caporetto à Udine,
Il n’y a que des embusqués
Qui, seuls, font la guerre,
Qui, seuls, sont soldats.

 

LES EMBUSQUÉS
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Published by Marco Valdo M.I.
31 octobre 2018 3 31 /10 /octobre /2018 21:24

 

Le Marié malgré lui

 

Chanson française – Le Mariage malgré lui – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
103
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, VII)

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Le Marié malgré lui, dit Lucien l’âne, voilà un titre qui me rappelle une pièce de théâtre que j’ai dû voir il y a bien longtemps, quelque temps après le temps de Till. Ainsi donc, Till va se marier, qu’est-ce qui a bien pu lui prendre ? En voilà une aventure qu’on n’attendait pas ; du moins, pas ici en plein milieu de cette guerre qui n’en finit pas. Qu’il se marie un jour, la chose était prévisible et même, on peut présager de l’élue. Bref, on s’y attendait depuis longtemps ; justement depuis qu’il fréquentait sa jeune amie ; peut-être, même avant. C’était, comme qui dirait, écrit dans le vent. D’ailleurs, si ma mémoire d’âne est bonne, il s’est déjà marié une fois, mais c’était pour du beurre, comme on disait quand enfants, on jouait à jouer la vraie vie.

 

C’est bien comme ça, Lucien l’âne mon ami, que va se produire cet événement : de manière tout à fait impromptue. Till va se marier, mais en quelque sorte par accident et comme tu le dis, au moment où il s’y attend le moins. Et nous aussi, d’ailleurs. Mais il fallait bien qu’à un certain moment, il se marie ; il ne pouvait quand même pas attendre la fin de la guerre. Remarque bien que son mariage sera une tribulation de cette interminable guerre et si cette guerre est interminable, c’est qu’elle dure quatre-vingts ans, une vie d’homme en somme et que la Légende est précisément l’histoire de cette guerre et de comment en faire advenir la libération de l’occupation espagnole avec tous les massacres et les inconvénients qu’elle comporte. Pour en revenir au titre et à ce « marié malgré lui », il faut comprendre que si sans aucun doute possible, Till était destiné à épouser Nelle et Nelle à épouser Till – ce qui était écrit dans les étoiles déjà du temps de Nabuchodonosor, nul n’avait imaginé des noces aussi soudaines, aussi abruptes et aussi expéditives.

 

Ah oui, dit Lucien l’âne, depuis le temps que duraient les fiançailles et puis, si loin de Damme, quelle histoire ! Mais, dis-moi, au juste, quelles ont les circonstances de ce mariage soudain ? Comment Till en est-il arrivé là ?

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, lors de la prise de Gorcum, Till avait reproché au capitaine Marin de ne pas respecter l’accord conclu lors de la capitulation de la ville, à savoir que les assiégés ne seraient pas inquiétés et qu’ils pouvaient en toute liberté s’en aller. 19 religieux catholiques avaient été arrêtés et Till avait protesté contre ce reniement de la parole donnée. Les religieux avaient été réclamés par le Sire de Lumey, grand amiral, Till avait été chargé de les amener à La Brielle ; là aussi, face au Sire de Lumey, Till prit leur défense en répétant : Parole de soldat est parole d’or. Souviens-toi, il dit aussi :

 

« La libre conscience est notre trésor

Et le prince de liberté a parole d’or

De celui qui se rend sans détour,

On respecte la personne toujours. »

 

Néanmoins, le Sire de Lumey fait pendre les moines en leur prison et exige que Till, s’il ne veut ne pas être pendu lui-même, reviennent sur ses accusations et déclare que Lumey avait raison d’arrêter et tuer les religieux. Till refuse, il doit donc être pendu.

On dresse la potence sur la Grand Place de la ville. Le reste est dit dans la chanson et tu découvriras là comment et avec qui Till s’est marié et pour quelle raison il l’a fait à ce moment.

 

Oui, dit Lucien l’âne, tu as bien fait d’arrêter là et de ne rien dire de la suite. On la découvrira avec la chanson. Ensuite, tissons le linceul de ce vieux monde parjure, menteur, lâche, malhonnête, imbécile et cacochyme.

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Une barque emmène droit à la mort

Les dix-neuf moines à Gorcum arrêtés.

Till leur dit : « Si je peux, je vous sauverai :

Parole de soldat est parole d’or. »

 

Plus tard, les dix-neuf religieux pendus,

Sire de Lumey, grand amiral des Gueux,

Fit venir Till pour être entendu

Et lui dit : « Tu mourras comme eux. »

 

« Parole de soldat n’est plus parole d’or,

Répond Ulenspiegel, je suis ton prisonnier.

Tu peux me faire pendre à ton grand hunier,

Mais de les assassiner ainsi, tu as eu tort. »

 

« Soldat, demande pardon ou tu es mort. »

« Je ne lèche pas des bottes sans conscience.

Je ne le ferai pas, parole d’or. »

« Parole de chanvre, qu’on le mène à la potence ! »

 

On dresse les fourches au Grand-Marché.

Ainsi, la ville consternée apprend

Qu’on va pendre sans justice et sans pitié

Till le Gueux, Till l’esprit libre et vaillant.

 

 

Sire de Lumey, avec sa garde et cuirassé,

Vient à cheval par lui-même s’assurer

De l’exécution de celui qu’il a condamné.

Sur la place, le peuple se presse courroucé.

 

Till est déjà sur l’échelle de la mort,

En son linge, bras liés au corps,

Mains jointes et corde au cou,

Contemple la foule de son air doux.

 

À l’instant où va basculer la vie,

Tout de blanc fleurie, une jeune fille

Au pied du gibet surgit et pousse un cri :

« Cet homme est le mien, je le prends pour mari ! »

 

« Vive la fille qui sauve la vie ! Vive la pucelle ! »

Les us et coutumes d’ici font défense

De pendre un homme qu’une demoiselle

Veut prendre pour époux au pied de la potence.

 

« Il doit l’épouser, vive la mariée ! Vive la Belle ! »

Et l’amiral Trèslong demande : « Qui est-elle ? »

« C’est mon aimée, dit Till, c’est mon éternelle. »

« Moi fifre et Till soldat, nous embarquons avec toi », dit Nelle.

 

Le Marié malgré lui
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Published by Marco Valdo M.I.
30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 10:35

 

Planter Café

 

 

Chanson française – Planter CaféYves Montand – 1956 (à Moscou) – 1958 (disque)

Texte : Eddy Marnay

Musique : Emil Stern

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui aurait pu rester dans les limbes discographiques, si je n’étais pas tombé dessus par hasard. Comme tu t’en es sûrement déjà aperçu, le répertoire d’Yves Montand est très vaste et très divers et ce n’est pas là un hasard, car Montand était un chanteur-interprète (comédien, militant politique, « french lover » et plein d’autres choses aussi) ; il n’écrivait pas ses chansons et ne jouait pas d’un instrument particulier, en scène en tout cas. De ce fait, il recourait à des textes et des compositions d’autres créateurs. Cependant avant d’aller plus avant, il me faut souligner qu’au sein de ce répertoire d’inspiration éclectique, cette chanson ressort par son aspect – à mon sens faussement – bonenfant et en dépit de quoi je trouve que c’est une bonne chanson.

 

J’espère bien, dit Lucien l’âne. De toute façon, ce n’était pas la peine de le préciser, car j’imagine que tu n’insères pas ce que tu considères comme une mauvaise chanson ou alors, tu en donnerais les raisons. Mais voyons celle-ci.

 

En apparence, dit Marco Valdo M.I., il s’agit d’une chanson du genre exotique comme pouvait en chanter Henri Salvador ; notamment, tiens, Je ne peux pas travailler .

 

« Monsieur Jean le commerçant qui a des plantations
Me dit "Jules, viens donc chez nous, faut cueillir le coton"

Mais


Je peux pas travailler courbé
J’ai les doigts de pieds recourbés
Je peux pas travailler penché
Ma colonne veut pas se plier. »

 

Mais en apparence seulement, car celle-ci évoque un ouvrier, un manœuvre qui plante le café et elle se passe dès lors forcément dans un pays tropical et l'image est celle d’un travailleur que le travail rebute. C’est une représentation folklorique des ouvriers (esclaves ?) agricoles au Brésil (par exemple), pays grand producteur de café ; un pays rongé et ravagé par une classe moyenne phagocytaire et fascisante, fascinée par l’ambition et la richesse des riches. Une chanson avec son poids d’ironie et une bonne dose de second degré dans l’interprétation. Mais sur le fond, elle croise une autre chanson française où il est question de planter du café où les réalités apparaissent mieux. Sans doute, te souviens-tu de cette chanson de Maurice Dulac intitulée : « Dis à ton fils !» et particulièrement de la dernière strophe :

 

« Tu vois, ton fils n’est pas rentré,
Les soldats nous l’ont tué.
- Je sais bien qu’il n’est pas mort pour rien,
Nous serons libres demain.
- Mais demain, il va falloir se lever.
- Je sais bien, il faut planter le café. »

 

 

On peut y ajouter le « Duerme, negrito » de l’Argentin Atahualpa Yupanqui, auteur d’origine amérindienne.

 

 

« Dors dors Negrito
Ta maman est au champ
Negrito

Travaillant,
Travaillant durement,
Travaillant si,
Travaillant en deuil,
Travaillant si,
Travaillant en toussant,
Travaillant si,
Travaillant et pas payée
Travaillant si,
Pour le Negrito tout petit
Pour son Negrito, oui. »

 

Ces conditions de travail et de vie indécentes, dit Lucien l’âne, que l’on fait subir aux somari sont exactement celles que depuis toujours les hommes imposent aux ânes. Pour comprendre ça, je suggère d’aller voir aussi du côté de Rocco Scotellaro et par exemple : « Noi non ci bagneremo »

 

« Nous, nous ne nous baignerons pas sur les plages
Nous, nous irons faucher
Et le soleil nous cuira comme la croûte du pain. »

 

Enfin, nous, nous tissons – tels les canuts :

 

« Mais notre règne arrivera
Quand votre règne finira :
Nous tisserons le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la révolte qui gronde. »

 

– le linceul de ce vieux monde lourd, pesant, écrasant et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Planter café,
C’est pas pour les gens fragiles ;
Il n’y a qu’à se baisser,
Mais c’est ça qui est difficile.

 

Fait chaud l’été,
Le soleil pèse des tonnes ;
Il se fait porter,
Mais c’est trop pour un seul homme.

Moi, déjà j’ai mal au bras
Quand je pense qu’il faudra :
Cueillir café
Quand la fleur tombe des branches
Et mélanger la semaine et les dimanches

 

Le patron dira

Ce qu’il voudra :
Mon sommeil, il est à moi.

Porter café
Jusqu’au ventre des navires :
Il n’y a qu’à grimper
Et faire semblant de sourire.

 

Rêver café,
Je ne connais rien de pire
Pour m’énerver :
Ça m’empêche de dormir.

 

Ton métier contre le mien,
Mais surtout je te préviens :

 

Planter café,
C’est pas pour les gens fragiles :
Il n’y a qu’à se baisser
Mais c’est ça qui est difficile
Difficile, difficile…

Difficile…

 

 Planter Café
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Published by Marco Valdo M.I.
29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 16:41

 

L’HOMME ET L’ARBRE


Version FRANÇAISE – L’HOMME ET L’ARBRE – Marco Valdo M.I.2018

Chanson italienne – L'omo e l'arberoTrilussa – 1932
Poème de Carlo Alberto Salustri, dit Trilussa, tiré du recueil “Giove e le bestie”, publié en 1932
Mis en musique par Giuseppe Micheli dans le disque “Trilussa e il suo tempo (e la sua Roma)”
Interprétation : Alba Bosi, Marcello Baldassarini et les solistes du Gruppo Folkloristico Romano.

 

 

Olivier penseur

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, «  L’HOMME ET L’ARBRE », est évidemment un sujet gigantesque à propos duquel il y aurait tant et tant à dire. On en disait déjà deux ou trois choses l’autre jour en discutant d’une autre chanson de Trilussa qui parlait d’un arbre qui faisait son testament .

 

Cet arbre-là était généreux, remarque Lucien l’âne, mais dans le fond, j’ai l’impression que tous les arbres ont toujours été généreux, même sans le savoir, comme le Monsieur Jourdain de Molière faisait de la prose. Ainsi, même un arbre mort est toujours généreux ; comme tous les morts, il offre son corps. De plus, des morts d’arbres, il y en a des millions, si ce n’est des milliards chaque année. Je me demande s’il restera encore quelque chose de l’Amazonie après la généreuse destruction qui s’annonce ; le résultat de cette curieuse alchimie où l’arbre vivant se transforme en profit mort et en terre battue sera probablement une sorte de Brésil chauve. La déforestation est pire que la guerre.

 

Tu ne crois pas si bien dire, Lucien l’âne mon ami. Pour en revenir à la chanson, elle prend la forme d’un dialogue enter un olivier, l’arbre nourricier de la Méditerranée, et son assassin avec en prime une intervention divinement ironique. En gros, l’imbécillité humaine veut sacrifier ce brave olivier, porteur de splendides récoltes pour en faire un saint de bois (ou plusieurs, qu’importe), star de la crédulité et de l’adoration des miraculeurs. Mais heureusement, le Dieu Soleil de son Paradis envoie un rayon d’or pour signifier son courroux et prendre la défense de l’olivier menacé de sainteté. On ajoutera que par ce même geste, le Dieu de ce Paradis Ensoleillé (n’est-ce pas le grand Rhâ lui-même ou sa réincarnation ?) met à mal la figure du saint, de tous les saints et par là, de la sainteté si chère à l’Église et à d’autres religions. Pourquoi chère à l’Église ? Dame, ce sont ses marionnettes qui dans son théâtre d’ombres égarent les hommes.

 

Hou-là, dit Lucien l’âne, on fit brûler des gens pour moins que ça et il n’y a pas si longtemps encore. Combien j’ai croisé d’histoires de saints sur ma route ? Je n’en sais plus rien ; mais, je me souviens très bien de combien elles étaient absurdes et ridicules.

 

« Saint de bois, saint de fer, si tu ne crois pas, tu vas en enfer. »

 

Bof, tissons le linceul de ce vieux monde majuscule, crédule, ridicule et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Comme il sciait un olivier, un jour,
Un bûcheron entendit ce discours
- « Plus tard, peut-être, tu éprouveras du remords
De m’avoir conduit ainsi à la mort.

 

Pourquoi m’arraches-tu de ma terre ?
Aurais-tu cette rage barbare
De me massacrer comme ce hêtre
Qui fut transformé en secrétaire ? »

 

Le bûcheron répond aussitôt
« Au contraire, un sculpteur célèbre,
Un maître du ciseau et du marteau,
Te prépare une fin bien plus digne.

 

Sous peu, sur l’autel, on te mettra ;
On te portera en procession,
Tu seras un saint et à l’occasion,
Tu feras les miracles que tu voudras. »

 

L’arbre dit : « Je te remercie bien,
Mais la récolte d’olives que j’ai sur le dos
Ne te semble pas un miracle plus gros
Que tout ce que je ferais comme saint ?

 

Tu méprises trop de choses belles
Au nom de la foi ! Tu t’agenouilles
Dès que remue une gargouille
Et jamais, tu ne vois les étoiles ! »

 

À peine, ces mots dits
Qu’éclate une lumière sans pareille :
Un rayon d’or tombant du Paradis
Bénit l’arbre d’un clin de soleil.

 

L’HOMME ET L’ARBRE
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Published by Marco Valdo M.I.
28 octobre 2018 7 28 /10 /octobre /2018 13:43

 

LE TESTAMENT D’UN ARBRE

 

Version française – LE TESTAMENT D’UN ARBRE – Marco Valdo M.I. – 2018

Chanson italienne (Laziale Romanesco)Er testamento d’un arbero Trilussa – 1934

Texte de Carlo Alberto Camillo Mariano Salustri, alias Trilussa (1871-1950), tiré du recueil “Cento favole” publié en 1934.

 

 

 

 

 

 

 

Poésie dans le passé – mais encore aujourd’hui, malheureusement – impudemment censurée et violée par les « bonnes âmes » (que Dieu les foudroie !), s’ils osent la proposer amputée des derniers, très beaux et dramatiques vers qui en retournent tout à coup et complètement l’apparente signification initiale. « Er testament d’un arbero », en version italienne, a récemment a été mise en musique par Marco Schunnach, dans une adaptation pour le chœur qu’il dirige : l’« Ensemble vocale Note…volmente ». Dommage que même le « maestro » n’échappe pas à la violence qui de toujours a offensé ce poème, en s’arrêtant aux habituels « poverelli » et en omettant également les derniers vers où se trouve toute la signification de cet authentique chef-d’œuvre, évidemment trop bouleversant, hier comme aujourd’hui.

 

J’ai pensé initialement de proposer « Er testament d’un arbero » comme Extra, seulement pour lui rendre l’intégralité et la dignité qu’elle mérite… Mais ensuite j’ai pensé qu’il peut à bon droit figurer dans ce parcours, maintenant très fourni, où on parle de la « Guerre des Mille (ou Dix mille ?) Ans que les Riches Font aux Pauvres »

 

Dialogue Maïeutique :

 

Il n’a pas tort, Lucien l’âne mon ami, l’ami Alessandro d’insister sur les derniers vers et le rôle essentiel qu’ils jouent dans la chanson en en renversant tout l’édifice de bonne moralité des bonnes gens ; c’est un peu de la même technique qu’usera Georges Brassens à la fin du Gorille – enfonçant la porte arrière du magistrat et de l’Hécatombe – tranchant dans les soubassements de la gendarmerie. Je rappelle les passages :

 

« La suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c’est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait
 : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l’homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille
 !… »

 

et

 

« Ces furies, comme outrage ultime,
En retournant à leurs oignons,
Ces furies, à peine si
j’ose
Le dire, tellement c’est bas,
Leur auraient même coupé les choses:
Par bonheur, ils n’en avaient pas
 ! »

 

Certes, dit Lucien l’âne en soupirant. Cela dit pour cet arbre, il faut espérer qu’il sera entendu et qu’on tiendra effectivement compte de son testament, ce dont on peut douter quand on voit ce qui est advenu au « Grand Chêne » que chantait – lui encore – Georges Brassens :

 

« Un triste jour, enfin, ce couple sans aveu
Le passa par la hache et le mit dans le feu.
Comme du bois de caisse, amère destinée
 !
Il périt dans la cheminée. »

 

Un jour, si ça tombe, il n’y aura plus d’arbres du tout et alors, que feront tous ces braves gens – enfin, leurs descendants, s’il en existe encore ? Une dernière remarque cependant, on notera que toutes ces références à Brassens sont pur hommage à Trilussa. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde indigne, indifférent, ingrat, incendiaire et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Un arbre d’un bois, un jour d’hiver,
Appela les oiseaux et fit son testament :
« Je laisse mes fleurs à la mer,
Je laisse mes feuilles au vent,
Mes fruits au soleil et ensuite
À vous, toutes mes graines.

 

À vous, oiseaux pauvres,
Pour que vous me chantiez des chansons
À la belle saison.
Et je veux aussi que mes branches,
Quand elles seront sèches,
Chauffent le feu des pauvres.

 

Mais sur mon tronc, je vous signale,
Il est une branche qui doit
Être confiée à Dieu et aux hommes.
Car cette branche, simple et modeste,
Fut forte et généreuse et elle l’établit
Le jour où elle soutint un honnête homme
Quand il s’y pendit. »

 

 

 

LE TESTAMENT D’UN ARBRE
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Published by Marco Valdo M.I.
27 octobre 2018 6 27 /10 /octobre /2018 20:47

 

 

 

À L’OMBRE

 

Version française – À L’OMBRE – Marco Valdo M.I. – 2018

Chanson italienne (Laziale Romanesco) – All’ombraTrilussa1932

 

Texte de Trilussa, de son recueil “Giove e le bestie”, 1932.‎
Musi
que : Guido Rocca et Piero Umiliani

 

 

 

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

Ah, dit Lucien l’âne, quelle bonne idée de faire une version française de cette chanson All’ombra, car c’est toujours un bon moment quand on peut tel le ramasseur d’olives à l’heure de la méridienne s’allonger sous le couvert. Même nous les ânes, on aime ça.

 

Et comment donc, Lucien l’âne mon ami, c’est un plaisir universellement partagé. Cependant, la chanson va au-delà de cette joie simple. Pour une double raison que je m’en vas t’expliquer tout à l’heure, ce qui veut dire bientôt, ou bien ici et maintenant, sur le champ, sans dételer, mais pourrait tout aussi bien vouloir dire tantôt ou plus tard.

 

S’il te plaît, Marco Valdo M.I. mon ami, ne te lance pas dans de telles considérations langagières, même si – je le reconnais, tout à l’heure veut dire tout de suite ou dans un instant, tout en sous-entendant quand j’aurai fini de dire ce qui me passera par la tête d’ici-là. Je n’ignore pas ton penchant à la digression et parfois, il m’importe de le réfréner. Lors donc, dis-moi ce que tu avais l’intention de m’expliquer – sans plus faire de détour – à propos du sens de cette chanson qui, soit dit en passant, est assez simple et direct.

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, précisément, non. C’est, comme je te l’ai annoncé, une chanson à double ou triple sens. C’est ce qui fait toute sa richesse et qui est sans doute à l’origine de sa conception en ce qui concerne la version de Trilussa, lequel était fabuliste et s’approvisionnait au magasin de l’Antiquité et aux échos de la rue. Pour ma part ici, afin de ne pas compliquer les choses, je m’en tiendrai à chanson de Trilussa et à ma version française. Donc, Trilussa lit son journal et dit-il, parle à des animaux et en tire la satisfaction qu’ayant ainsi parlé, il n’ira pas pour autant en prison. Forcément, sauf peut-être chez Orwell, on n’imagine pas l’âne ou le cochon s’en allant déposer plainte et d’ailleurs à quel sujet ? Alors ? Que peut-il craindre s’il s’adresse à des humains ? Ici et aujourd’hui dans notre réserve indienne de Wallonie, sans doute rien. Mais ailleurs ?

 

Allez savoir, dit Lucien l’âne. Une dénonciation, ça s’est déjà vu que dans certains pays, elle soit suivie des pires traitements.

 

Voilà le deuxième sens de la chanson, reprend Marco Valdo M.I. ; pour le troisième niveau, il suffit de voir le lieu et la date de cette chanson : Rome, 1932. Là à Rome et dans tout le pays et à ce moment (et à nouveau aujourd’hui ou demain), l’ambiance était pourrie par le fascisme. La surveillance était constante et la dénonciation était devenue un art fort pratiqué. Tel est le sens de la chanson : dénoncer la dénonciation, en tout cas, la prévenir, dire son fait au régime et à son goût pour la délation organisée.

 

Comme tu le soulignes, Marco Valdo M.I., il y a des endroits où cette chanson est d’une brûlante actualité. Enfin, nous, nous tissons le linceul de ce vieux monde délateur, dénonciateur, espion, sycophante et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Alors que je lisais mon journal habituel

Installé à l’ombre d’un parasol,

Je vois un porc et je dis : – Salut, cochon !

Je vois un ânon et je dis : – Salut, bourricot !

 

 

Sans doute, ces bêtes ne me comprennent pas,

Mais j’ai au moins la satisfaction

De pouvoir dire les choses comme elles sont

Sans peur de finir en prison.

 

 

 

 

À L’OMBRE
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Published by Marco Valdo M.I.
26 octobre 2018 5 26 /10 /octobre /2018 13:30

 

 

La Prise de Gorcum

 

 

Chanson française – La Prise de Gorcum – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
102
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, VII)

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Bon sang de bonsoir, mais que vient faire ici ce Gorcum, demande Lucien l’âne et qui a bien pu le prendre ?

 

Oh, Lucien l’âne mon ami, que voilà un bel effet de rhétorique, car je ne peux pas imaginer que tu ne saches pas que ce Gorcum, comme tu dis, n’est autre que l’actuelle ville néerlandaise de Gorinchem, petite cité à présent millénaire, qui se situe quelque part en Hollande méridionale, au bord d’une de ces voies d’eau qui servent de delta à la Meuse et au Rhin. À l’époque de Till, au cœur de la petite ville on trouvait une citadelle et une grande église ; c’était une place-forte. Il s’agissait de contrôler la circulation sur le fleuve et l’accès à l’intérieur des terres et le passage vers la mer, qui étaient les sources de richesse de ces gens industrieux, très doués pour le commerce.

 

Certes, Marco Valdo M.I., je n’ignore pas vraiment ce qu’était Gorcum, mais il me plaisait de t’entendre l’expliquer. Cela dit, on ne sait toujours pas qui a pris Gorcum, ni en quoi cela concerne-t-il notre ami Till.

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, notre ami Till et notre ami Lamme, comme tu t’en rappelles certainement, ont rejoint les Gueux des Mers et Till sert efficacement comme artilleur, tandis que Lamme comme toujours cherche sa femme. Après la prise de Brielle, la flottille de flibots de Trèslong poursuit son expédition et arrive ainsi à Gorcum, ville à laquelle les Gueux proposent la capitulation. Sachant que les habitants n’ont pas très envie de se battre pour le compte du Roi d’Espagne et moins encore pour les Espagnols, dont en vérité, ils n’ont que faire, un accord est vite trouvé et appliqué, dans lequel il est entendu que quiconque voudrait quitter la ville pourrait s’en aller librement.

 

Voilà qui est fort bien, dit Lucien l’âne ; si toutes les libérations pouvaient se passer ainsi…

 

En effet, dit Marco M.I., cependant, il y a un mais. L’accord est globalement appliqué à l’exception toutefois de quelques moines et religieux catholiques qui sont retenus prisonniers. Cette circonstance va ulcérer Till pour qui un accord est un accord, une parole est une parole, un pas vers la libération et la paix est chose sacrée et pour qui il convient de préserver le futur, quand les Espagnols chassés et l’Inquisition muselée et abolie, il faudra revivre ensemble entre gens du pays.

 

Oh, conclut Lucien l’âne, Till se révèle fin politique outre qu’homme honnête et de parole. Quant à nous, il nous faut tisser le linceul de ce monde où des nations corrompues par des bateleurs de foire se mentent à qui mieux mieux, un monde incapable d’assurer sa propre existence, flagorneur, tricheur, médiocre et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Qui bat la caisse entend le tambour !

Sur leurs cogues, sur les canaux et sur la mer,

Les Gueux vont vêtus de velours,

Pourchasser l’Espagnol avec leurs buses de fer.

 

Grand expert canonnier, au matin tôt,

Till chante sa joie. Au soleil haut,

Il pointe, tire et troue comme le beurre

Les lourdes barcasses des envahisseurs.

 

Les Gueux prennent Gorcum par capitulation.

En échange, il est accordé sauf-conduit

À tout qui, de la ville ou de la garnison,

Veut quitter librement le pays.

 

Marin, le capitaine, l’a formellement promis,

Mais il retient dix-neuf moines au fort.

« Parole de soldat doit être parole d’or,

Dit Till, et ce n’est pas le cas ainsi. »

 

« Oh, ce sont les moines, la lèpre des nations.

Ils ont porté en ville feux, misères et punitions,

Dit un vieux Gueux ; ils sont la terreur des familles,

Devant leur ostensoir, ils font agenouiller les filles.

 

Si on les laisse, ils iront avec leurs frères

Dans les villages prêcher le populaire

Contre nous et par leurs harangues de mort,

Faire brûler d’autres gens encore.

 

Qui donc, par excommunication,

A mis les Pays au ban des nations ?

Qui arma contre nous ciel et terre ?

Qui de sang a noyé la terre des pères ? »

 

Par Charles Quint, premier bourreau,

Par Philippe, son fils, second bourreau,

Chez nous, plus de cent mille périrent ;

De chez nous, plus encore partirent. »

 

Till dit : « La libre conscience est notre trésor

Et le prince de liberté a parole d’or.

De celui qui se rend sans détour,

On respecte la personne toujours.

 

Demain, sans l’Espagnol, seront nos journées.

En confiance, il nous faudra revivre alors.

Paroles de paix sont paroles d’or ;

Promesses de paix sont choses sacrées. »

La Prise de Gorcum
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24 octobre 2018 3 24 /10 /octobre /2018 17:38

 

Vieillir

 

 

Chanson française – Vieillir – Jacques Brel – 1977

 

 

Cloué à la Grande Ourse,
Cracher sa dernière dent

 

 

 

Petit complément à la Douce Mort de Katheline, car c’est en dialoguant à propos de cette aimable sorcière et du sort imbécile qu’on lui faisait qu’il m’est revenu à l’idée que Barbara chantait « À mourir pour mourir », que j’avais insérée il y a déjà plus de 4000 chansons et que Jacques Brel avait chanté « Mourir cela n’est rien, Mourir la belle affaire… ». Sauf que cette chanson-là n’était pas dans les Chansons contre la Guerre malgré son premier quatrain :

 

Mourir en rougissant
Suivant la guerre qu’il fait,
Du fait des Allemands,
À cause des Anglais.

 

Quatrain qui à lui seul justifierait sa présence.

 

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.

 

 

Mourir en rougissant
Suivant la guerre qu’il fait,
Du fait des Allemands,
À cause des Anglais.

Mourir baiseur intègre
Entre les seins d’une grosse,
Contre les os d’une maigre,
Dans un cul de basse-fosse.

Mourir de frissonner,
Mourir de se dissoudre,
De se racrapoter,
Mourir de se découdre

Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans,
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes.
Cloué à la Grande Ourse,
Cracher sa dernière dent
En chantant « Amsterdam ».

Mourir cela n’est rien,
Mourir la belle affaire,
Mais vieillir…
Ô vieillir !

Mourir, mourir de rire,
C’est possiblement vrai.
D’ailleurs, la preuve en est
Qu’ils n’osent plus trop rire.

Mourir de faire le pitre
Pour dérider le désert ;
Mourir face au cancer
Par arrêt de l’arbitre.

Mourir sous le manteau,
Tellement anonyme,
Tellement incognito
Que meurt un synonyme.

Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans,
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes.
Cloué à la Grande Ourse,
Cracher sa dernière dent
En chantant « Amsterdam ».

Mourir cela n’est rien,
Mourir la belle affaire,
Mais vieillir…
Ô vieillir !

Mourir couvert d’honneur
Et ruisselant d’argent ;
Asphyxié sous les fleurs
Mourir en monument.

Mourir au bout d’une blonde,
Là où rien ne se passe,
Où le temps nous dépasse,
Où le lit tombe en tombe.

Mourir insignifiant
Au fond d’une tisane,
Entre un médicament
Et un fruit qui se fane.

Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans,
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes.
Cloué à la Grande Ourse,
Cracher sa dernière dent
En chantant « Amsterdam ».


Mourir cela n’est rien,
Mourir la belle affaire,
Mais vieillir…
Ô vieillir !

 

Vieillir
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24 octobre 2018 3 24 /10 /octobre /2018 16:42

 

La douce Mort de Katheline

 

 

Chanson française – La douce Mort de Katheline – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
101
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, VI)

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

La mort douce ? La douce mort ? Comment une mort peut-elle être douce ?, demande Lucien l’âne. Personnellement, moi qui suis immortel, je n’ai pas fait l’expérience de la mort et je ne la ferai pas. Et puis, même, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui l’aurait faite. Je veux dire quelqu’un de vivant.

 

 

C’est assez normal, dit Marco Valdo M.I. ; souviens-toi que pour l’humain moyen et je suppose qu’il en va de même de façon générale pour l’animal, la mort est le but de la vie et chacun s’efforce d’y arriver. C’est même elle qui donne son sens à la vie. Reste à savoir dans quel état et dans quelles conditions on y parvient.

 

Une mort douce est paradoxale, cependant, reprend Lucien l’âne. Enfin, tout dépend de ce qu’on appelle la mort. Est-ce l’acte de passer de la vie au néant, l’action de ce passage ? Ou l’entend-on comme l’état dans lequel on se trouve par disparition ou par absence de vie ?

 

Ça, Lucien l’âne mon ami, c’est un peu ce qu’en pensait Alphonse Allais, qui disait : « La mort est un manque de savoir-vivre » et remarque également que pour le commun des mortels, ne pas mourir le serait aussi. Cela dit, revenons à la chanson qui raconte la mort douce de Katheline la bonne sorcière. Donc, étant soupçonnée d’être sorcière, elle est condamnée avec certains remords et bien des regrets par le tribunal, qui s’en tient à « Dura lex, sed lex », au destin des sorcières. Un destin absurde, comme bien tu le penses. On la soumet à l’épreuve de l’eau : si elle en sort, elle est réputée sorcière et brûlée vive ; si elle coule et se noie, elle sera considérée comme une bonne chrétienne et enterrée dans le jardin de Dieu, qui est le cimetière autour de l’église.

 

C’est évidemment absurde, dit Lucien l’âne. Voilà où mènent les croyances religieuses. Mais au long de mes pèlerinages dans les sociétés majoritaires religieuses, j’ai u constater que les sorcières, plus encore que les sorciers, sont l’objet de la vindicte de diverses professions : les curés, les religieux en général et les médecins. Ça se comprend, car ce sont de dangereuses concurrentes ; généralement plus appréciées par les populations en raison du fait qu’elles sont plus compétentes dans leurs domaines respectifs.

 

Donc, Lucien l’âne mon ami, la bonne Katheline doit être soumise au supplice de l’eau et le bourreau l’emmène à la tête de toute une immense procession des « officiels » et de tout le peuple, jusqu’au canal pour y être précipitée. Ce qui est fait dans les règles. Mais surgit alors un événement insolite, un geste merveilleux de solidarité et d’amour : les villageois plongent dans le canal à sa suite, la repêchent encore vivante, la sèchent et la ramènent chez elle. Les autorités n’ont pas osé bouger. Malheureusement, Katheline est trop malade et finit par mourir trois jours plus tard entourée de la douceur des gens qui l’escortent ainsi vers le néant. Tel est le sens de la mort douce de Katheline.

 

Assurément, dit Lucien l’âne, c’est là une belle et douce mort et même, une mort en gloire – terme pour fois exact. À mourir pour mourir, c’est une bonne mort. Maintenant, reprenons notre tâche incommensurable et tissons le linceul de ce vieux monde qui n’en finit pas de crever, de s’éteindre pour nous laisser vivre, vieux monde crachotant, cahotant et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

« Ne le frappez pas, vous brisez son corps ! »

À deux doigts de sa propre mort,

Katheline défend son amant,

Pourtant si méchant.

 

« Il a tué Hilbert par amour,

J’ai soif, mon corps brûle tant,

Hanske, mon bel autour,

Comme tu souffres sur ce banc.

 

Cœur chaud et bras froids,

Viens, Hans, mon aimé,

J’ai soif, viens contre moi,

Hans, viens m’aider !

 

Je vois venir le grand troc.

De la mort, j’entends le chariot,

J’entends le bruit sec de ses os

Qui craquent et croquent.

 

Elle me mène à une grande rivière

D’eau fraîche et claire,

Je veux boire, le feu en ma tête

Rue et mord comme une bête.

 

Hans, mon aimé, ne sois pas fâché

Contre ta bonne servante !

Face à tout le monde, je te défendrai.

Hans, j’entends la mort qui chante. »

 

Katheline est à l’épreuve de l’eau condamnée :

Si elle surnage, elle est sorcière et brûlée ;

Noyée, elle sera chrétienne patentée,

Repêchée et au jardin de l’église enterrée.

 

Devant Katheline en robe de toile,

En procession marchent vers le canal

Le curé, les vicaires, le bedeau

Le bailli, les échevins, le bourreau.

 

Au signal du prévôt, le bourreau

La jette dans le canal ; des hommes

Plongent et la repêchent vivante comme

Si la mort de Katheline venait trop tôt.

 

Ainsi Katheline par les villageois sauvée,

Trempée, glacée, gelée, désespérée,

Trois jours durant, à la mort, s’oppose

Et enfin, apaisée, dans ses bras, elle se pose.

 

 La douce Mort de Katheline
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