Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 octobre 2021 7 03 /10 /octobre /2021 17:49

L’ALLÉGRESSE

 

Version française – L’ALLÉGRESSE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson portugaise – Alegria – José Saramago – 1970 : #alegria – Teresa Salgueiro – 2019

Texte : José Saramago – 1970

Chanson : Teresa Salgueiro – 2019

L’ALLÉGRESSE

Amadeo de Souza-Cardoso – 1911

 

En 1970, José Saramago a publié son deuxième recueil de poèmes, intitulé Provavelmente alegria, ALLÉGRESSE PROBABLEMENT. Dans ce recueil, il a inclus un poème qui parlait – dans ce Portugal endormi, morose, émigré partout, écrasé par une dictature peut-être plus catholique que fasciste, penché sur les guerres coloniales – d’un droit inaliénable de l’homme : la joie. Je ne sais pas si nous sommes encore habitués à considérer la joie comme un droit, et même comme l’un des plus importants ; le fait est qu’elle est généralement l’une des plus piétinées, des plus opprimées, des plus brisées. Tout pouvoir – et j’ajouterais même, saramagiquement, toute “religion” – cultive une inimitié mortelle envers la Joie, et une amitié tout aussi mortelle envers la Mort. Habitués que nous sommes à esquiver les moments où nous nous sentons joyeux, à en avoir honte, d’ailleurs, et à ne pas oser en exprimer les accents parce que c’est un péché, un crime ou les deux, nous refusons catégoriquement ce droit, nous le craignons comme la peste bubonique et nous nous remettons entre les mains poilues de ceux qui exercent sagement cette forme d’esclavage subtil et barbare. En 2019, Teresa Salgueiro a dû remarquer tout cela ; elle dit qu’elle cherchait quelque chose qui parle de la joie pour y mettre une mélodie, et qu’elle l’a trouvée dans les vers de Saramago. Qui sont donc arrivés au port dans une chanson à laquelle Teresa Salgueiro a donné un titre avec le hashtag Twitter, #alegria, presque comme si elle voulait la diffuser par les moyens dont José Saramago n’aurait pas pu disposer il y a plus de 50 ans. Note textuelle : dans la chanson chantée, Teresa Salgueiro répète les strophes. Dans le texte qui suit, elles sont indiquées en retrait et en italique. [RV]


 


 

 

Dialogue maïeutique

 

C’est toujours la même chose, Lucien l’âne mon ami, pour déterminer le mot juste quand on passe d’une langue à une autre – ici, du portugais au français. Pourtant, il n’y a même pas de doute sur le sens, sur la qualité de l’objet, du sentiment en cause ; c’est juste qu’il y a plusieurs états à cet état.

 

Ohlala, dit Lucien l’âne, que tout ça m’a l’air tarabiscoté. Ne peux-tu en venir au fait, ce serait plus simple, ne penses-tu pas ?

 

Oui, non, peut-être, pas vraiment, répond Marco Valdo M.I., mais allons-y quand même. Le mot portugais est « alegria ». Comment le ressens-tu, comme ça, sans chercher plus loin ?

 

Qui ? Moi ?, dit Lucien l’âne. Sans plus réfléchir, je dirais : la joie, le plaisir, le contentement.

 

C’est bien ça, répond Marco Valdo M.I. ; sans réfléchir, tu m’en cites trois, sans même dire, l’allégresse qui est, à mon sens, le plus évident et sa transposition en français. Il faudrait y ajouter la gaîté, la gaieté, l’entrain, la vivacité, l’alacrité, la jouissance et la réjouissance, le ravissement, la jubilation, la félicité, le bonheur. Je m’arrêterai ici.

 

Moi, dit Lucien l’âne, j’y ajouterais le bien-être, la béatitude, le bien, la satisfaction, la bénédiction, le délice, la volupté, l’extase (et en son pas ultime, l’épectase), l’exaltation, le septième ciel, l’euphorie, le nirvana, l’enivrement, l’ivresse, la délectation, l’enchantement.

 

Restons-en là, Lucien l’âne mon ami, il y en a sans doute d’autres encore, mais tel n’est pas mon propos et encore moins celui de José Saramago, ni de Teresa Salgueiro.

 

J’imagine, dit Lucien l’âne, qu’il s’agit de tout ça à la fois.

 

Peut-être, reprend Marco Valdo M.I., et finalement, j’avais opté pour la joie et maintenant, d’avoir dialogué avec toi, de t’en parler, je penche définitivement pour l’allégresse. Le pire, c’est que le même genre de question se pose pour de nombreux mots. C’est d’ailleurs une des raisons qui font que primo, je ne propose jamais qu’une « version française » – parfois, plusieurs, et que secundo, j’évite également de commenter les versions faites par d’autres surtout quand il s’agit d’un texte qui s’affirme lui-même poétique.

 

Et, suggère Lucien l’âne, c’est souvent le cas dans la chanson.

 

Certes, ajoute Marco Valdo M.I., et je ne parle même pas de la place des mots, ni de l’ordre des phrases. C’est un fameux bazar, tu peux me croire. Sur le fond, quand même, deux mots pour dire que cette « allégresse » soit chantée par José Saramago est assez inattendu, car, comme tu le sais certainement, c’était un fervent de Fernando Pessoa, dont on sait le penchant vers la saudade, la mélancolie, la tristesse, la dépression. Là-dessus, je n’épiloguerai pas non plus, j’en ferais toute une histoire bourrée d’hétéronymes. Contentons-nous donc de l’allégresse, ce n’est pas si souvent qu’on la rencontre.

 

L’allégresse, dit Lucien l’âne, est notre seule terre d’exil. Ici, dans l’île de la Joie, petite, introuvable et infinie, nous vivons et nous rions en tissant le linceul de ce vieux monde ennuyeux, bruyant, adipeux, cirrhosé et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Au loin, j’ouïs déjà les cris

Déjà, la voix de l’amour dit

L’allégresse du corps,

L’éclipse du mauvais sort.

 

Les vents déjà s’échauffent,

Déjà l’été débourse

Tant de fruits, tant de sources

Et le soleil nous réchauffe.

 

Je cueille le jasmin, déjà et le nard ;

Déjà, je mets mes colliers de roses

Et je danse entre les trottoirs

De prodigieuses danses.

 

Les sourires déjà s’amorcent,

Déjà, la ronde rompt les solitudes

Oh, la certitude des certitudes ;

Oh, l’allégresse des noces.

 

Je cueille le jasmin, déjà et le nard ;

Déjà, je mets mes colliers de roses

Et je danse jusque bien tard

De prodigieuses danses.

 

Les sourires déjà s’amorcent,

Déjà, la ronde rompt les certitudes ;

Oh, l'allégresse des solitudes ;

Oh, l’incertitude des noces.

 

 

L’ALLÉGRESSE
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
2 octobre 2021 6 02 /10 /octobre /2021 11:30
LE CROQUEMITAINE

 

Version française – LE CROQUEMITAINE – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – L’uomo neroCarmen Consoli – 2021
Album : Volevo fare la rockstar

 

LE CROQUEMITAINE

 

Encore moins rassurant est « L’homme noir », un personnage inquiétant qui voudrait se débarrasser des gays et des noirs, rêve du retour d’Hitler et des berceaux pleins avec un langage et une rhétorique vétéro-fascistes. Il le dit ironiquement : « La démocratie est un échec, une perte de temps, mieux vaut laisser une seule personne décider. J’étudie les chants de Balilla, je deviendrai un fasciste diplômé en souveraineté, mais hélas, je suis toujours un “démocrate”.

L’homme noir, Le croque-mitaine, souvent identifié à la figure de Babau, est une créature légendaire, un être amorphe, maléfique et sombre présent dans les traditions de différents pays. En Russie, il est connu sous le nom de Buka, en Hongrie sous le nom de Mumus ou Bubus, dans la région allemande sous le nom de Butzemann, aux États-Unis d’Amérique sous le nom de boogeyman (également orthographié bogeyman, boogyman ou bogyman). Dans les pays hispanophones, cette figure est connue sous le nom d’El Coco. Dans les pays francophones, il est connu sous le nom de croquemitaine.

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

Commençons, Lucien l’âne mon ami, par le titre de la chanson, qui en italien est « L’uomo nero » et qui devrait se traduire tout à fait régulièrement par « L’homme noir ».

 

Oui, dit Lucien l’âne, je vois bien la difficulté ; il y a une ambiguïté, une amphibologie, un amphibole, un vague, une incertitude. Un « homme noir », soit, mais est-ce un homme à la peau noire ou foncée, un homme habillé de noir, un homme saoul, un jésuite, que sais-je ? Voilà le problème de ce titre.

 

Oui, et en plus, Lucien l’âne mon ami, il faudrait y ajouter tout le poids de cette nouvelle manie contemporaine du « politiquement correct ou incorrect » ou du « socialement correct ou incorrect » ou dans le cas qui nous occupe, on ne saurait échapper au « racialement correct ou incorrect » et donc, honneur aux dames, la question se pose de mettre ce nom au féminin. Pour éviter ces difficultés, j’ai utilisé le sens populaire de l’« uomo nero » en italien, celui en français de « croquemitaine », mot très avantageux, car il est pareil pour le masculin, le féminin, le plurisexe, le neutre et que sais-je encore – on en invente tous les jours ? De cette manière, on peut éviter aussi la question spéciste, c’est-à-dire du spécisme qui est une variante répandue du racisme.

 

Évidemment, dit Lucien l’âne, on aurait pu traduire l’« être noir », ce qui aurait permis de n’exclure aucune espèce biologique. Mais qu’en sera-t-il demain avec les robots ? Revendiqueront-ils aussi qu’on les appelle autrement que de ce mot que d’aucun artificiel pourrait considérer comme infamant et exiger, comme le font actuellement certains, d’interdire les livres de Karel Čapek et d’Isaac Asimov ? On a déjà interdit et brûlé tant de livres.

 

Mais, Lucien l’âne mon ami, cet « être noir » aurait eu les mêmes inconvénients de genre que l’« homme noir » et puis, l’idée même qu’on utilise le mot « noir » est en soi insupportable à certains. Il faudrait occulter le noir. D’autant plus qu’on avait déjà fait une version française d’une chanson italienne et qu’on l’avait intitulée « L’homme en noir » ; souviens-toi, elle était de Brunori Sas, c’était elle aussi « L’uomo nero » Ainsi, le croquemitaine convient très bien. Encore que c’est une dénomination et un concept ancien que les nouvelles générations ne connaissent pas et ne reconnaissent pas. À propos du croquemitaine, qu’on ne rencontre plus trop de nos jours, je ne saurais trop conseiller d’aller voir ce qu’en dit Erik Jordan : Le croque-mitaine et autres monstres du monde.

 

Oh, répond Lucien l’âne, rien n’est moins sûr, car les croquemitaines eux-mêmes pourraient considérer qu’on les considère mal, qu’on les dévalorise et exiger l’abandon d’un tel usage de leur nom. Quel foutoir ! C’est pas pour dire, mais ne pourrait-on s’en tenir aux mots et aux langues tels qu’ils se sont constitués eux-mêmes à travers le temps. Ce ravalement de façades me semblent futiles et en même temps, terriblement lourds et imprécis.

 

C’est pourquoi, Lucien l’âne mon ami, étant grands partisans de la « liberté », je propose qu’en ce qui nous concerne, nous nous en tenions à nos habitudes.

 

Oh, dit Lucien l’âne en riant, la « liberté », elle est comme l’âne, elle a bon dos. Par exemple, pour nous les ânes et généralement tous les animaux, toutes les espèces sauf une, on considère d’un œil étonné le port du pantalon chez les hommes, qui a l’air d’être une obligation et être dès lors, un odieux attentat à la « liberté ».

 

D’accord, Lucien l’âne mon ami, je te comprends parfaitement, mais moi, sous nos latitudes, j’ai froid aux fesses sans pantalon. Mais je t’en prie, revenons à notre croquemitaine et je vais faire court en dévoilant que « l’uomo nero » qui sévit ici est identifiable et qu’il s’agit in fine du ou de la fasciste, noirs en raison de leur chemise, de leur uniforme et e qu’on ne voit pas immédiatement, de leurs intentions – toutes choses des plus noires. Pour le reste, on s’en reportera à la chanson.

 

En effet, Marco Valdo M.I., tenons-nous-en là et reprenons notre tâche qui est, je le rappelle, de tisser le linceul de ce vieux monde nationaliste, fasciste, sexiste, raciste, spéciste et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

 

 

 

J’ai un plan parfait dans ma tête

L’équilibre entre instinct et entendement

Un pied dehors, un pied dedans

Un coup au tonneau et puis un, au cercle.

 

Il me faudra décider, convaincre

Et puis, la peur fédère.

À outrance, je défendrai la frontière,

J’ai un arsenal de slogans pour vaincre.

 

Oh mein Führer, il est temps de revenir de l’enfer.

Plus aucun dissident, aucun pédé, aucun visage noir.

Audacieux avant-gardistes, il est temps de sortir du placard ;

Je suis votre chef, moi aussi, je suis un vrai Führer.

 

J’ai un plan parfait dans ma tête.

Le but suprême cautionne tous les moyens ;

Je suis l’homme qui convient,

L’antidote idéal à ce monde indompté et bête.

 

Il me faudra convaincre, il me faudra savoir

Avaler la boue pour survivre.

Les certitudes et les berceaux pleins vont revivre ;

Femme, tu pourras de nouveau honorer ton devoir.

 

Oh mein Führer, il est temps de revenir de l’enfer.

Éclopés, artistes, débauchés, faites vos bagages.

Avant-gardistes audacieux, il faut montrer notre visage.

Je suis votre chef, peut-être grossier, mais fier.

 

J’ai un plan parfait dans ma tête,

Un but stratégique, un coup décisoire.

Il me faudra convaincre, il me faudra savoir

Inventer un ennemi terrible, une tempête.

Cela peut sembler un choix fermé

De ne laisser qu’un seul parler.

 

Viens à nous, Grand Frère !

Laisse ta moustache au vestiaire.

Avec ta malignité et ton poing de fer,

Tu as su y faire.

Liquidons le Moyen Âge,

Moto et sac de couchage.

Je suis votre condottiere,

J’ai un évangile et de la rage

Et le cœur noir (Ah ah, la la la la la),

Noir (Ah ah, la la la la),

Noir (Ah ah, la la la la la).

 


 

LE CROQUEMITAINE
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
27 septembre 2021 1 27 /09 /septembre /2021 11:41
JEU DE FILLE



Version française – JEU DE FILLE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Gioco di bimbaLe Orme (Pagliuca-Tagliapietra) 1972


 


LA FILLE SUR LA BALANÇOIRE

Winslow Homer – 1879


 

Dialogue maïeutique

 

Voici une histoire, Lucien l’âne mon ami, une histoire ancienne et en même temps, une histoire d’aujourd’hui et dont je crains fort qu’il s’agisse encore d’une histoire de demain et même, d’une histoire de toujours.

 

Une histoire d’hier, une histoire d’aujourd’hui, une histoire de demain, une histoire de toujours ?, demande Lucien l’âne. Mais une histoire de quoi ? En somme de quoi s’agit-il ?

 

Pour le dire tout droit, sans fioriture, dit Marco Valdo M.I, c’est l’histoire d’un meurtre, l’histoire d’un assassinat et sans doute aussi, sans que cela soit dit d’un crime sexuel, d’un viol. Pourtant à entendre la chanson, on dirait une histoire rêveuse, qui pourrait – du moins au début – être une histoire heureuse et se révèle finalement tragique. Véritablement, c’est une histoire triste : l’histoire d’une fille que la mort vient chercher dans son sommeil somnambule, qu’un homme s’en vient surprendre et sans doute lui aussi pris dans son propre cauchemar, finit par assassiner la fille.

 

Oh, dit Lucien l’âne, cette histoire, ce Jeu de Fille me rappelle cette autre chanson dont nous avons déjà parlé ensemble, celle que chantait Isabelle Aubret et qui s’intitulait La Source.

 

En effet, dit Marco Valdo M.I., et je pense qu’il vaut mieux renvoyer au dialogue que l’on fit à cette occasion, car on n’a pas changé d’avis. Pour le reste, de façon générale, il vaut mieux laisser la chanson elle-même dire ce qu’elle sait et ce qu’elle ressent.

 

Bonne idée, continue Lucien l’âne, d’autant qu’il y faut un certain halo poétique pour évoquer plus que montrer crûment. Dans ce genre d’affaire, il convient de laisser flotter une sorte de brume afin d’atténuer l’horreur.

 

Qu’est-ce qui peut expliquer pareil comportement meurtrier ?, dit Marco Valdo M.I., véritablement, on ne sait. Mille choses, rien ? Et c’est bien là le problème et une chose est certaine, et c’est bien le pire, les « sanctions » ne résolvent rien et n’ont jamais empêché que ces horreurs se reproduisent ; la plupart du temps, avec d’autres acteurs et souvent, imprévisibles, inimaginables. Évidemment, ça ne rend pas ces brutalités plus supportables.

 

Comme je vois, et je m’en doutais depuis longtemps, dit Lucien l’âne, car j’ai toujours connu, tout au long de mon long périple, de tels malheurs et comme tu le dis, personne n’a jamais trouvé le moyen d’y mettre fin. C’est une étrange maladie qui touche l’humanité. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde brutal, absurde, dérangé, taré et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


 

 

Les yeux clos, elle avance sans bruit,

Au pas d’une chanson magique

Et sur la balançoire, berce ses rêves.


Avec son long peignoir, son visage de lait,

Les rayons de lune sur ses cheveux épais,

Parmi les fleurs, la poupée de cire détonne,

Les feux follets jaloux l’espionnent.

 

Elle se balance, le vent la prend pour une voile.

Égrenant ses vœux, elle cueille les étoiles.

Du mur, se détache une ombre furtive.

Dans ce jeu d’enfant, une femme s’esquive.

 

Un cri le matin au milieu de la rue,

Un homme en morceaux invoque les nues.

Il répète d’une voix à jamais éperdue,

« Je ne voulais pas l’éveiller comme ça.

Je ne voulais pas l’éveiller comme ça. »

JEU DE FILLE
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
24 septembre 2021 5 24 /09 /septembre /2021 10:28
LE DERNIER SOURIRE

 

Version française – LE DERNIER SOURIRE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Ultima risataAlessio Lega2021

 

Paroles et musique : Alessio Lega
Video : Raffaele Rago

TG Suite – La Cronaca Cantata, bando « Open City 2021"
Comune di Scandicci

 

LA MORT

D'après Paul Kidby – 2014


Dédiée au comique afghan Khasha Zwan.


 

Dialogue maïeutique

 

Je vais commencer notre petit dialogue maïeutique, autant dire « accoucheur de pensée » par une citation, dont je laisserai à chacun le soin de l’interpréter par rapport à l’assassinat qu’évoque la chanson. Pour ta gouverne, je rappelle que fin juillet 2021, le citoyen afghan Fazal Mohammad, mieux connu par ses fans sous le nom de « Khasha Zwan », était assassiné par les talibans. C’était un humoriste, un comique, un homme plein d’ironie et de rire et comme pour les amis de Charlie-hebdo, c’était ce que lui reprochaient fondamentalement les talibans.

 

Ah, dit Lucien l’âne, ces talibans, ce sont des bouchers.

 

Tu ne crois pas si bien dire, Lucien l’âne mon ami. Voici maintenant ma citation, elle fut écrite en 1937 par Jacques Prévert, pour le dialogue d’un film intitulé Drôle de Drame.

 

Pour un drôle de drame, c’est un drôle de drame. Avec tout ce qui se passe en Afghanistan, c’est le cas de le dire, dit Lucien l’âne.

 

Donc, reprend Marco Valdo M.I., la citation – c’est William Kramps, le tueur de bouchers qui parle :

 

« Vous comprenez : moi, dans le fond, ça m’arrange de tuer les bouchers parce que – de ma nature, je suis plutôt sensible ; je n’ai jamais fait de mal à une mouche. J’aime bien les bêtes, j’ai une passion pour les animaux tandis que les bouchers, eux, ils les tuent les animaux. Alors moi, je tue les bouchers. Et puis, je leur prends leur argent aux bouchers, puisqu’ils tuent les animaux et que moi, je les aime les animaux, je n’ai pas de remords, vous comprenez. Un peu d’argent, un boucher de temps en temps, un peu de soleil et un peu d’amour. »

 

Si j’ai bonne mémoire, dit Lucien l’âne, l’acteur qui joue le rôle de William Kramps est Jean-Louis Barrault. Et bien évidemment, je vois très clairement qui sont les bouchers quand il s’agit d’imposer la religion. Et j’en sais quelque chose, moi qui parcours le monde depuis la plus haute Antiquité ; j’ai toujours vu les massacres et les exactions perpétrées au nom des religions, des croyances, des dogmes et autres hallucinations.

 

C’est bien Jean-Louis Barrault - Jean-Louis Barrault qui dit Moi, je tue les bouchers. Tout ça, dit Marco Valdo M.I., c’était pour introduire la chanson d’Alessio Lega et la version française que je viens de finir. Là aussi, il convient d’interpréter et de réfléchir doublement. Cela dit, il est possible que la version française soit légèrement décalée par rapport à la chanson italienne ; mais c’est le cas de quasiment toutes les versions. Celle-ci est assez fidèle cependant.

 

À voir le nombre de chansons d’Alessio Lega que nous avons déjà vues ici, il n’y a pas à s’y tromper ; nous on doit partager une certaine vision des choses avec lui. Cela dit, la chanson, que dit-elle ?, demande Lucien l’âne. En substance.

 

Elle se présente comme une mise en scène, répond Marco Valdo M.I. ; comme la mise en scène de la dernière scène d’un artiste comique, conscient de ce qui l’attend. Lue ainsi, la première strophe est terrible :

 

« Comme c’est la fin bientôt

De ce spectacle bien minuté,

Avant de vous quitter

Et de disparaître derrière le rideau ».

 

Effectivement, dit Lucien l’âne. Tout est dit ou presque.

 

La fin aussi, Lucien l’âne mon ami, est grande d’effroi et glaçante. La mort, en burqa, vient chercher l’artiste et derrière son paravent, la dame en noir sourit. Enfin, l’acteur aime à le penser.

 

« Elle a fait un seul signe de tête encor

Elle a dit “Hop là” et j’étais déjà mort.

Ici, les femmes ont un visage secret

Pourtant, j’ai cru qu’elle me souriait.

 

Mais de ses yeux, j’aurais dit

Qu’elle me sourit. »

 

Si je comprends bien, dit Lucien l’âne, entre ces deux strophes, il y a le reste de la chanson.

 

Exactement, enchaîne Marco Valdo M.I., et comme il en va d’ordinaire ici, on le laissera dans l’ombre afin que chacun puisse en faire sa religion.

 

Très drôle, dit Lucien l’âne, ce « en faire sa religion » ; un paradoxe comique pour nous qui somme athées, anticléricaux et obstinément irréligieux ; le tout, par souci de liberté. En ce qui concerne d’ailleurs, ça fait des siècles que je fuis à travers le monde ceux qui voudraient me contraindre à leurs pratiques. Dès lors, tissons le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, religieux, oppressant et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Comme c’est la fin bientôt

De ce spectacle bien minuté,

Avant de vous quitter

Et de disparaître derrière le rideau,


Je voudrais remercier déjà

Tous les acteurs de ce gala.

On se reverra, si on ne meurt pas ;

Si de rire, vous ne mourez pas


Avant mon dernier rire, avant.

 

Pour l’heure, en bas, une voiture m’attend

Avec quatre types barbus et armés.

Ils friment, mais ce sont des gens pressés.

Qui sait si les bourreaux sont payés à présent ?

 

Quelle belle escorte ! Quelle grande finale !

Pour un comédien afghan inconnu.

Ma vidéo devient virale,

Moi, je suis n’y suis déjà plus.

 

Sur vos écrans, je suis parti depuis longtemps.

 

Plus généralement, grâce aux Talibans

Avec leurs fusils tordus ?

Le monde entier s’en fout complètement,

Mais quelqu’un les leur a vendus

 

Avec trois grenades, ils font une friture

D’un aéroport et deux bouddhas.

Je pense à Mahomet, le pauvre gars

Avec ses fanatiques, de vraies ordures.


Qui sait s’il condamne ces ordures ?

 

Et je remercie aussi les Américains

Qui sont partis d’ici avant-hier ;

Depuis vingt ans, nous attendons le lendemain

Dans la paix des cimetières.

 

Comme un cadeau, ils nous ont envoyé

Leur belle démocratie si renommée

Emballée comme la théière de leur mémé,

Toute neuve, on dirait qu’elle n’a jamais été utilisée.


Tellement neuve, on ne l’a jamais utilisée.

 

Grâce à la mort sous burqa, quelle finale !

Pour me trancher la gorge, elle était devant moi :

J’ai dit : « Attention à la lame – elle est sale ».

Je n’ai pu dire que ça, car le temps avait fui déjà.

 

Elle a fait un seul signe de tête encor

Elle a dit “Hop là” et j’étais déjà mort.

Ici, les femmes ont un visage secret

Pourtant, j’ai cru qu’elle me souriait.

 

Mais de ses yeux, j’aurais dit

Qu’elle me sourit.

LE DERNIER SOURIRE
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
18 septembre 2021 6 18 /09 /septembre /2021 18:01
LA CHANSON DU SOLDAT

 

Version française – LA CHANSON DU SOLDAT – Marco Valdo M.I. – 2021

d’après la version italienne – CANZONE DEL SOLDATO de Riccardo Gullotta2020

D’une chanson arménienne – Մարտիկի ԵրգըAshot Satyan / աշոտ սաթյան – ca. 1943

 

Poème : Gegham Saryan [Գեղամ Սարյան]

Musique : Ashot Satyan [աշոտ սաթյան]

Interprètes : 1. Arpenik Hakobyan [Արփենիկ Հակոբյան] – 2. SHANT TV, épisode Sahmanin [Սահմանին] /Al confine, 2016 – 3. Harutyun Mkrtchyan – 4. Carmen Balian
 

ARMÉNIE

Martiros Sarian – 1923

 

 

 

Le monument « Jamais plus de guerre »

 

Le monument a été érigé dans le parc de la Victoire à Erevan en 1975, à l’occasion du 30ᵉ anniversaire de la victoire dans la Seconde Guerre mondiale. Sur une plaque sont gravés les mots en arménien et en russe. Sur une population de 1,5 million d’habitants, 500 000 Arméniens ont combattu dans l’armée soviétique contre les Allemands. Environ la moitié ont été tués ou ont disparu. À titre de comparaison, l’armée américaine a compté 400 000 victimes sur une population de 130 millions d’habitants.

Vahan Khachikyan, le sculpteur de l’œuvre, n’a pas pu assister à l’inauguration. Il est mort dans un accident peu avant, à l’âge de 24 ans.

Aujourd’hui, le monument est dans un état de délabrement. Les proches du sculpteur l’entretiennent tant bien que mal. On n’en parle plus ; il figure sur la liste des reliques soviétiques gênantes. Peu de gens prêtent attention à son histoire et à sa signification.

La chanson

La chanson a été composée pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle était intitulé Karot [Կարոտ] / désir, d’après le livre de poèmes du même nom de Gegham Saryan. Quelque temps plus tard, le titre a été modifié pour devenir le titre actuel, La Chanson du Soldat.

Le poète Gegham Saryan

Son nom de naissance était Gegham Baghdasaryan. Il est né à Tabriz, en Iran, en 1902. Il a déménagé à Gyumri en Arménie à l’âge de vingt ans. Il a publié plus de 40 ouvrages de poésie. Il est décédé en 1976 à Erevan.


 


 

 

Je veux rentrer en avion chez moi,

Là, ma mère veillera sur moi,

Et je reverrai le ruisselet

Qui tant me manquait,

Qui au printemps recréera

De ses eaux cristallines

Des montagnes, la douce cavatine.


J’irai à la source m’agenouiller

Dans les pâtures me coucher ;

Comme me manquent ces eaux fraîchies

Et les fleurs aux suaves fragrances,

Et nos vertes prairies,

Où dans mon enfance

Les vents m’ont embrassé !


Si je ne tombe pas en me battant,

Le pays natal au cœur,

Très chère maman,

Je reviendrai certainement

Et je te réveillerai, sur l’heure,

D’un baiser plein de douceur

Et je te serrerai fort, maman.

 

Très chère maman,

Je reviendrai certainement

Et je te réveillerai, sur l’heure,

D’un baiser plein de douceur

Et je te serrerai fort, maman.

 

Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
17 septembre 2021 5 17 /09 /septembre /2021 13:05

 

Le Monde des Animaux

 

Chanson française – Le Monde des Animaux – Marco Valdo M.I. – 2021

 

Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.

 

Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur ; Épisode 10 La Victoire morale ; Épisode 11 – Le Parti et ses Partisans ;

 

Épisode 12

 

 

 

LES DEUX SINGES ENCHAÎNÉS

 

Pieter Bruegel l’Ancien – 1562

 

 

Dialogue maïeutique

 

Le Monde des Animaux, Lucien l’âne mon ami, n’est cette fois, pas un documentaire animalier cinématographique, ni télévisé, ni vidéolisé, mais bien un journal illustré publié à Prague, qui, je te le rappelle, se trouvait encore à l’époque dans l’Empire austro-hongrois ; on était au début du XXᵉ siècle. Comme quoi, les animaux ont toujours été des sujets de publication pour un large public.

 

Oh, dit Lucien l’âne, ça ne m’étonne pas. Cependant, je serais bien incapable de dire quel fut le premier journal du genre, en quel pays et à quel moment. En tout cas, je pense que compte tenu la nécessaire technique d’impression en grand nombre et des photographies, il faut imaginer que ce ne peut être avant la moitié du XIXᵉ siècle. C’est lié du journal à grand tirage lui-même. Mais on n’est pas là pour faire de l’encyclopédisme technologique. Tout ça est fort bien, mais encore ?

 

Tout juste, Lucien l’âne mon ami. J’en viens donc à la chanson et à ce Monde des Animaux en ce qu’il a marqué l’aventure politique de Jaroslav Hašek et son Parti. Comme il le dit lui-même, le Monde des Animaux fut son école politique ; une terrible école de réalisme, comme on le découvre dans la description (par la chanson) de ce journal où quasiment tout est faux, copié, volé, plagié. En cela, il a raison de se prétendre : « le magazine national unique ». Bien sûr, comme toujours avec l’auteur de Chveik, il faut lire entre les lignes et au-delà du mur de la dérision.

 

Oui, dit Lucien l’âne, je vois ; c’est ce même Jaroslav Hašek dont tu déclaras dans notre dialogue à propos de La Chanson de Chveik le soldat :

 

« Chveik serait une sorte de bombe à comique ».

 

Oui, celui-là même, répond Marco Valdo M.I. ; celui-là même aussi qui de rédacteur au Monde des Animaux passe à la politique et crée le Parti, dont on s’occupe présentement ici.

 

« Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie

À la grande école de la tromperie,

Comme rédacteur au Monde des Animaux »

 

Il avait transporté au Parti la devise du Monde des Animaux. Une bonne devise au demeurant et toujours efficace, surtout dans les affaires, le commerce et la politique.

 

 

Oui, je pense bien qu’il s’agit de lui, dit Lucien l’âne, mais au fait, quelle est donc cette fameuse devise ?

 

Oh, dit Marco Valdo M.I., elle vaut la peine d’être connue et répercutée de par le monde :

 

« Dis toujours du bien de toi ! »

 

En effet, il n’y a pas mieux, dit Lucien l’âne, pour se faire voir et se faire apprécier du public. C’est un slogan fort rentable. Quant à nous, de nous, nous ne dirons rien de semblable. Ça n’a aucun intérêt et c’est d’ailleurs strictement inutile. On n’ambitionne rien, on n’a rien à demander, on n’a rien à vendre et puis, dans le fond, comme disait notre grand-mère, on s’en fout et elle ajoutait même, « Je m’en fous tellement, que je m’en fous ! » Nous, c’est pareil. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde intéressé, agité, ambitieux, merveilleux et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Dans la grande école de la vie, le politique

Doit apprendre à berner les citoyens.

Il faut savoir se salir les mains,

Car tout n’est pas propre en politique.

Dans les tavernes, le politique sourit

À l’électeur, le salue et lui dit

Son très vif intérêt en deux mots

Et pressé, s’en va vers d’autres pots.

Comme citoyen, au bistrot, ce qui plaît

Au politique, c’est qu’on lui foute la paix.

 

 

Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie

À la grande école de la tromperie,

Comme rédacteur au Monde des Animaux,

Là, on vit de l’innocence des animaux

On vit là de la crédulité des gens.

Le patron criait, mentait, faisait semblant ;

En politique, le patron serait au moins député.

Le patron est mort, il faut en dire du bien.

Le patron me considérait comme un chien,

Moi, je considérais le patron comme un âne bâté.

 

 

Le Monde des Animaux est très populaire,

Il ne contient rien d’extraordinaire.

Tout est découpé de journaux étrangers,

Sauf les animaux rares qu’on a inventés.

C’est le magazine national unique.

Au Monde des Animaux, on dupait la terre entière.

On écrivait l’histoire des chiens prolétaires

Crevant de faim, battus, faméliques.

Sa devise : « Dis toujours du bien de toi ! »

Est celle du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.

 

 

À propos d’animaux rares,

Le parti avait trois ailes.

Dans chacune d’elles, on savait boire.

La première au restaurant La Chandelle

Pratiquait la gastronomie politique

Et sirotait les alcools, les spiritueux et les vins.

On y vit le procureur de la future république.

Au Café Slave, la seconde entonnait les bières sans faim.

Au Litre d’Or, chez la troisième, en une puissante unité

Confluaient les trois courants en une convaincante ébriété.

Le Monde des Animaux
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
11 septembre 2021 6 11 /09 /septembre /2021 19:05

 

Le Parti et ses Partisans

 

Chanson française – Le Parti et ses Partisans – Marco Valdo M.I. – 2021

 

Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.

 

Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur ; Épisode 10 La Victoire morale ;

 

 

Épisode 11

LA TAVERNE

 

Bohumil Kubišta – 1910

 

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

Souviens-toi, Lucien l’âne mon ami, dans cette histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi, on en était resté à la tentative de confrontation démocratique et pacifique des idées avec le Parti National-Social lors d’un meeting de ce dernier. L’affaire s’était terminée par l’expulsion brutale des contradicteurs et même, de leur passage à tabac. Chose qui avait été baptisée justement la victoire morale.

 

Je me souviens parfaitement de ça, dit Lucien l’âne, et cette conclusion réaliste :

« Aux partisans, il faut souvent des soins urgents.

Sauf accident, un parti débutant vaincra moralement. »

 

Fort bien, dit Marco Valdo M.I. ; alors, il ne me faut pas expliquer ce qu’est une victoire morale et sa signification profonde. Ainsi, suite à cette première victoire morale, les membres du Parti, au nombre de sept, se replient sur leur quartier-général-refuge, l’auberge du Litre d’Or pour un moment de répit mérité.

 

Et puis, après ?, demande Lucien l’âne.

 

Après, répond Marco Valdo M.I., la chanson en profite pour présenter quelques-uns des partisans, qui, note le en passant, se révèlent tous être des anarchistes. Comme quoi, il y a eu aussi des partis anarchistes, dont celui-ci dont on s’apercevra qu’il est quand même fort différent des partis classiques. On y découvre Mahen – Jiří Mahen, de son vrai nom Antonín Vančura, poète et dramaturge, qui plus tard, sous la république tchèque, deviendra metteur en scène et directeur du Théâtre national de Brno ; il se suicidera en 1939 à l’entrée des armées nazies en Tchécoslovaquie. On y rencontre le poète et cabarettiste Joseph Mach, plus tard également écrivain, homme de théâtre et de cinéma ; il est l’auteur de l’« hymne » du Parti. Enfin on croise un commissaire de police qui persuade le conteur de l’histoire, président-fondateur du Parti, Jaroslav Hašek de laisser son emploi de rédacteur dans le journal anarchiste « La Commune ». C’est à la suite de cette intervention, venue d’en haut, qu’il entre au journal « Le Monde des Animaux » et fonde le Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.

 

 

Oh, dit Lucien l’âne, il n’y a là rien d’étonnant. Si je me souviens bien, toi-même, tu fus l’inspirateur du parti de Blanche Neige et des Sept Nains, qui connut aussi une étonnante victoire morale lorsqu’il se présenta (sans toi) aux élections et Pierre Dac et Francis Blanche avaient bien créé Le Parti d’en Rire. Par ailleurs, ce commissaire n’a pas vraiment tort. À mon sens, c’est à nouveau, l’histoire de la baleine ; elle peut désavouer et maudire la mer, il lui faut pourtant s’y mouvoir et jouer son rôle de baleine. C’est pareil pour les ânes, je dois le dire. Maintenant, je suis curieux de connaître la suite de cette aventure politique. En attendant que tu la composes, tissons le linceul de ce vieux monde anarchiste, monarchiste, turfiste, fasciste et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Après son écrasante victoire morale,

Le Parti reforma ses rangs à l’écart,

Derrière la maison communale.

Avec nos yeux au beurre noir,

On avait l’air de conspirateurs.

Pour panser nos douleurs,

Le poète Josef Mach dit alors :

« L’ardeur pousse au combat politique,

On la puise au fond d’une barrique. »

Ainsi, on rentra au Litre d’Or.

 

Il y avait au Parti toutes sortes d’adhérents :

Des journalistes, des étudiants, des artisans.

Mahen était un chaud partisan.

C’était un anarchiste, oralement ;

À plein temps, il philosophait.

Implacable contre tous les tyrans,

Il les dénonçait, il les condamnait.

Au nom de la Raison, il les mettait au ban.

Mahen était à la société entière,

Ce qu’à la Révolution, était Robespierre.

 

Notre Parti était truffé de libertaires :

Josef Mach, le jour, était un poète discret,

Le soir, il chansonnait dans les cabarets.

Jiří Mahen, dans le théâtre, faisait carrière ;

C’étaient des artistes, moi, j’étais journaliste,

Le commissaire, père d’un ami, m’avertit.

La police d’État de Vienne vous tient pour anarchiste.

Être anarchiste est donc interdit ?

Pas du tout, mais c’est gênant.

Pour vous, pour votre frère et pour vos parents.

 

Moi aussi, j’ai connu ça, dit le conseiller ;

Moi aussi, j’ai été révolté,

Mais depuis, je suis devenu monarchiste.

Voyez, maintenant, j’ai un bon métier.

Quittez la Commune, ce journal anarchiste.

Vous y gagnerez, croyez-moi.

Ainsi, j’ai fondé le Parti pour un Progrès modéré

Dans les Limites de la Loi.

Ainsi, j’écris dans Le Monde des Animaux.

Ainsi, je me conforme aux ordres d’en haut.

 

 

 

 Le Parti et ses Partisans
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
9 septembre 2021 4 09 /09 /septembre /2021 17:57
LE DROIT DE…

Version française – LE DROIT DE… – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson allemande – BefugnisAchNee, Lieber Doch Nicht – ante 2006

 

 

LUCIEN ET LE PHILOSOPHE

Mosaïque byzantine – Ve S.

 

 

Dialogue maïeutique

 

 

Oh, dit Lucien l’âne, ça ne fait pas beaucoup de renseignements à propos de ce groupe.

 

Certes, dit Marco Valdo M.I., d’autant que le site qu’il semblait avoir a disparu. Mais, la chose est fréquente, les groupes sont des choses transitoires. Certains durent plus longtemps, mais ce sont des exceptions. Cela dit, c’était assez prévisible en raison même de la dérision qui brillait de tous ses feux dans le nom de ce groupe. Ce « Ach nee, lieber doch nicht », que je rendrais en français par : « Ah non, j’aimerais mieux pas ».

 

Dérision, ironie, j’imagine tout cela, dit Lucien l’âne et ça me rappelle quelque chose ou quelqu’un, je ne sais plus trop.

 

Tu as raison, Lucien l’âne mon ami, c’est manifestement une allusion à la nouvelle d’Herman Melville et à son personnage de Bartleby, qui répondait à toute sollicitation par « I would prefer not to », traduite diversement en français par « je ne préférerais pas », « je préférerais ne pas », « j’aimerais mieux pas » ou encore « j’aimerais autant pas ».

 

Ah oui, c’est bien lui, c’est bien à Bartleby que je pensais, dit Lucien l’âne. Un étrange personnage, celui-là. Mais quand même, dis-moi quelque chose de la chanson.

 

La première chose, répond Marco Valdo M.I., que je te dirai, c’est à propos de ma version française. Elle a ceci de particulier que pour donner la sensation de la version allemande, j’en ai fait une version « brute », à la limite d’une traduction littérale. Ainsi, elle a quelque chose de rugueux. Ce qui, dans le fond, correspond assez bien à son contenu, que je te laisse découvrir. Cela dit, elle se situe dans la tonalité et la ligne de ce groupe ; tout comme dans AnklageACCUSATION, elle porte la voix d’un individu face à la société et c’est une voix ferme, une voix forte, celle de quelqu’un qui n’entend pas laisser étouffer sa voix, qui n’accepte pas de se laisser contraindre sans se faire entendre. Celui-là qui parle ou qui crie pose d’ailleurs la question essentielle que chacun devrait poser au monde dans lequel il vit et aux gens qui entendent le dominer. De quel droit ? Qui donne le droit ? Qui prend le droit ? Qui crée le droit ? Comment le droit se crée-t-il ?, me paraît la meilleure formulation et d’ailleurs, la question essentielle. Autre chose est d’y répondre. On ne saurait éluder le droit, il est ou en tout cas, il agit comme une loi naturelle de la société, il lui donne une ossature et une autonomie qui se régule. Pour tout dire, je rappellerais volontiers que la baleine vit dans la mer et que l’humain vit en société dans la nature et qu’il faut chercher dans ces coins-là – un peu comme Spinoza et sa nature, un peu comme Lucien et son aréopage de philosophes sans dieux, un peu comme Albert Camus, un peu également comme Carlo Levi.

 

Marco Valdo M.I. mon ami, arrête-toi là, c’est bien suffisant, il nous faut conclure ici. Je te rappelle qu’on n’est pas pour faire de la philosophie, même s’il apparaît que je devrais y avoir quelques Lumières. À aller dans cette direction, nous marcherions vers l’infini devisant sans relâche de ce vieux monde idiot, brutal, absurde, aride, avide, arrogant, affameur, assassin et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

 

Qui vous donne le droit de traîner les gens devant les tribunaux ?

Qui vous donne le droit de me prendre ma liberté ?

Qui vous donne le droit de faire les poches aux citoyens ?

Qui vous donne le droit de paralyser ma propre volonté ?

 

Ceci est aussi mon pays, c’est aussi mon pays…

 

Qui vous donne le droit d’emmener des soldats à la guerre ?

Qui vous donne le droit de me forcer à faire quoi que ce soit ?

Qui vous donne le droit de ne ressentir aucun scrupule ?

Qui vous donne le droit de tuer des gens régulièrement ?


Ceci est aussi mon pays, c’est aussi mon pays…

 

Qui vous donne le droit de faire passer les lois avant les gens ?

Qui vous donne le droit de tracer des frontières ?

Qui vous donne le droit de prendre des décisions pour d’autres personnes ?

Oui, qui vous a donné à vous en personne tous ces droits de merde ?

 

Ceci est aussi mon pays, c’est aussi mon pays…

 

LE DROIT DE…
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
7 septembre 2021 2 07 /09 /septembre /2021 20:08
ACCUSATION

 

 

Version française – ACCUSATION – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson allemande – AnklageAchNee, Lieber Doch Nicht – ante 2006.

 

 

LES SINGES

à la manière d’Abraham Teniers – ca. 1660

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

Mon ami Lucien l’âne, voici une chanson qui porte le titre redoutable d’ « ACCUSATION », comme tu peux le voir et comme tu le sais, les gens n’aiment pas d’être accusés.

 

Je les comprends, dit Lucien l’âne, moi non plus. Mais au fait, de quelle accusation est-il question dans la chanson ?

 

En fait, répond Marco Valdo M.I., ce que je peux t’en dire, c’est qu’il s’agit de l’accusation portée par un individu contre la société dans laquelle il vit. Qui est celui qui parle ? On ne le sait pas. C’est une voix anonyme, venue du cœur même de la société. Pour le reste, il faut se reporter à la chanson elle-même, car la voix exprime une série d’accusations portant sur une série d’éléments différents. Ce n’est pas une chanson simple qu’on peut résumer en deux coups de cuillère à pot. D'autant que la voix anonyme s’efforce de nuancer, de complexifier.

 

Bien, bien, dit Lucien l’âne, je vais faire ce que tu conseilles. Cependant, ne pourrais-tu quand même en dire un peu plus ?

 

Bon, répond Marco Valdo M.I., alors voici, mais il te faudra quand même approfondir ensuite. On a donc cet être humain (on ne sait s’il est homme ou femme, jeune ou vieux, que sais-je ?), d’un côté, et de l’autre, en face, la société. La voix s’interroge sur sa condition, sur l’inévitable nécessité d’accepter et soi-même et la société – cette dernière au moins partiellement. On ne saurait faire autrement et ça, du simple fait qu’on est plongé dedans. La baleine ne peut nier la mer.

 

Jusque-là, dit Lucien l’âne, je suis. D’ailleurs, la voix – hors une société – à qui pourrait-elle s’adresser ? De quoi parlerait-elle d’ailleurs ? Et même, parlerait-elle tout simplement et dans quelle langue pour formuler son discours ? Sans société, pas de langue ; mais surtout, sans langue, pas d’accusation possible.

 

Je vois, Lucien l’âne mon ami, que tu commences à comprendre la chanson. Peut-être sous-entend-elle cela, peut-être pas. Mais elle pousse à la réflexion sur le rapport entre l’individu et la société et fait paraître la confrontation entre cet individu qui entend vivre selon ce qu’on appelle la « morale naturelle » (ne pas tuer, ne pas exploiter, ne pas mépriser, ne pas laisser faire non plus ce qu’on rejette ainsi) et la société elle-même où des forces antagonistes entendent s’imposer et imposer leur domination et leurs façons de faire qui mettent à mal la société, qui la difforment, qui l’enlaidissent. L’accusation est nette, même si elle est formulée par incidence, comme en miroir.

 

JE NE FABRIQUE PAS DE MINES, MOI,

JE NE TUE PERSONNE, MOI,

MOI, JE NE PRODUIS, MOI,

AUCUNE FAMINE, MOI.

 

 

Oh, dit Lucien l’âne, je vais laisser la chanson dire le reste. Juste une dernière remarque pour dire que la dernière strophe me rappelle Les Singes de Jacques Brel, qui disait :

 

« Avant eux, il y avait paix sur terre,
Quand pour dix éléphants, il n’y avait qu’un militaire,
Mais ils sont arrivés et c’est à coups de bâtons
Que la raison d’État a chassé la raison,
Car ils ont inventé le fer à empaler
Et la chambre à gaz et la chaise électrique
Et la bombe au napalm et la bombe atomique
Et c’est depuis lors, qu’ils sont civilisés
Les singes, les singes, les singes de mon quartier
Les singes, les singes, les singes de mon quartier. »

 

Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde brutal, criminel, exploiteur et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

Chez moi, ça se passe comme ça.

Je dois l’accepter, pourquoi pas vous ?

Moi, je ne finis rien, je commence tout.

Après tout, je ne triche pas.


Tous pareils, tous frustrés.

Dans cette société, on doit s’adapter ;

Moi, je manque de conviction pour ça

Et qui plus est, je ne veux pas.

 

Je ne vis ni pour le chaos, ni pour foutre le feu.

Je vous assure, je ne suis un danger

Pour personne, ni pour vous, ni pour eux.

Moi, je reste tel que j’ai toujours été.

 

Moi, je pense à la vie tout simplement,

Vous vous occupez de vos affaires.

Quand moi, je veux faire seulement

Au mieux, je me heurte à vos barrières.

 

Je suis juste un peu coloré – Et puis quoi ?

Cela vous fait mal, comme la goutte dans le gros doigt ?

Tout ne serait que noir et blanc – des enfants aux ancêtres ?

On ne peut pas vivre uniquement dans le paraître.

 

JE NE FABRIQUE PAS DE MINES, MOI,

JE NE TUE PERSONNE, MOI,

MOI, JE NE PRODUIS, MOI,

AUCUNE FAMINE, MOI.

 

Tout allait bien sur Terre avant vous, vos affaires

Et votre spiritualité incroyable ;

Votre apathie a tout foutu en l’air.

De ça aussi, vous serez tenus coupables.

ACCUSATION
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.
3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 18:19
BALLADE POUR UNE BALLERINE

 

Version française – BALLADE POUR UNE BALLERINE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Ballata a una ballerinaMarco Sonaglia2021
 

Ballate dalla grande recessione (ballades de la grande récession)
Texte : Salvo Lo Galbo
Musi
que : Marco Sonaglia


DÉSHABILLAGE DE LA DANSEUSE

Henri de Toulouse-Lautrec – 1894
 

 

« Ballade à une danseuse » est une chanson poignante dédiée aux derniers moments de l’existence de la danseuse juive polonaise Lola Horovitz (nom de scène Franceska Mann), morte à 26 ans au camp de concentration d’Auschwitz après s’être beaucoup battue (« Ballade pour qui voit venir sa mort, Ballade pour qui veut choisir son sort. ») ; c’est une chanson qui nous apprend que la connaissance du passé est essentielle pour éviter de commettre des erreurs à l’avenir (comme le diraient I Nomadi – les Nomades, un autre groupe dont Sonaglia s’inspire, « Hier engage aujourd’hui pour demain »).

 

 

Résister même quand tout est perdu : telle est la leçon que la danseuse polonaise laisse derrière elle, même plus de 75 ans après sa mort.

Courage et intelligence : tels sont les traits saillants de Franceska Mann, une danseuse polonaise morte à Auschwitz des mains des nazis. Ses origines l’avaient arrachée à la danse, sa grande passion et son travail. Elle avait captivé des foules d’hommes, y compris les plus hauts dignitaires nazis qui, une fois au camp, l’avaient reconnue et “regardée”. Ils se repentiraient de ces oeillades lascives. À l’occasion de la Journée de commémoration de la Mémoire, nous racontons l’histoire de Franceska Mann, la danseuse qui s’opposa aux nazis.

 

La danse, quelle passion !


Franceska Mann est née à Varsovie, le 4 février 1917. Enfant, elle a commencé à étudier la danse, une passion qui conditionnera toute sa vie. De fait, dans les années Trente, elle était l’une des danseuses les plus appréciées de la capitale polonaise. Elle se produisait sous le nom de Lola Horovitz. En 1939, au plus fort de l’effervescence nazie, elle se classe quatrième d’un concours international de ballet à Bruxelles. Mais à la fin de 1943, les engagements commencèrent à se raréfier au ghetto de Varsovie. Oui, car Franceska était juive.

 

La trappe de l’hôtel Polski

 

En 1943, Himmler ordonne la liquidation immédiate et complète du ghetto de la ville. Franceska, ainsi que de nombreux autres Juifs qui avaient obtenu des papiers de citoyenneté de pays neutres, principalement d’Amérique du Sud, se sont installés dans la partie aryenne de Varsovie, à l’hôtel Polski, au 29 de la rue Dluga, pour être précis. Mauvaise stratégie : l’hôtel était un piège de la Gestapo, mis en place avec l’aide de quelques collaborationnistes, pour capturer des Juifs. Des milliers de personnes ont été remises.

 

Rencontre avec Josef Schillinger


Le 23 octobre 1943, à l’âge de 26 ans, Franceska monte dans l’un des trains infâmes à destination d’Auschwitz. Il y en avait des centaines. Lorsque le train s’est arrêté, on leur a dit que ce n’était qu’un arrêt intermédiaire vers la Suisse. Puis ils ont commencé à décharger les passagers et à séparer les hommes des femmes. Là, Franceska rencontre Josef Schillinger, rapporteur au crématoire II du camp d’Auschwitz : « Mesdames et messieurs, au nom de l’administration du camp, je vous souhaite la bienvenue ! Je suis désolé que votre voyage ait dû être interrompu, mais les autorités suisses ont demandé que vous soyez désinfectées avant d’entrer en Suisse afin d’éviter d’introduire des maladies sur leur territoire », déclara Schillinger. Franceska, mortifiée de honte comme les autres déportées, a commencé à se déshabiller et – comme l’ont ordonné les militaires – à déposer ses objets précieux. Pendant ce temps, Jozef Schillinger et Wilhelm Emmerich la regardaient. Elle réalisa qu’elle se trouvait au camp d’Auschwitz-Birkenau et qu’elle avait une chance de salut.


 

Danse, le salut !

 


Alors, en se déshabillant, elle improvisa un strip-tease. D’abord, elle souleva sa jupe, puis elle enleva son chemisier, s’appuyant sur un poteau pour ôter une chaussure. Et avec cette arme improvisée qu’elle frappa Schillinger au front. Profitant de la confusion, elle saisit son arme et tira deux coups de feu dans l’estomac de l’officier. Elle blessa également Emmerich, mais seulement à une jambe. Cet incident le fera boiter toute sa vie. C’est le début du chaos : les autres femmes rejoignent également la révolte, mais les Allemands répriment tout dans le sang, à coups de mitrailleuses et de grenades. Même la courageuse Franceska mourut et le reste des femmes finit dans les chambres à gaz. Mais tout ne fut pas inutile. « L’action héroïque d’une femme faible face à une mort certaine donna un soutien moral à chaque prisonnière. Nous avons tout de suite compris que si nous levions la main sur eux, cette main pouvait tuer ; eux aussi étaient mortels ». Résister, toujours et dans tous les cas, même face à une mort certaine, est l’une des nombreuses façons de conserver son humanité.

 

 

Moi, je vous aurais libérées, mais, les belles,

Vous devez d’abord vous changer.

Lola comprend en montant aux douches ;

Elle se déshabille lentement pour capter

L’attention du soldat, prendre son arme

Et tirer deux balles dans son ventre.

 

Ballade pour qui voit venir sa mort,

Ballade pour qui veut choisir son sort.

 

Depuis l’hôtel Polski à Bergen-Belsen jusque là,

Au lieu de dire et de noncer, déjà,

Horovitz appela les autres à ses côtés

Les encourageant à attraper

L’histoire en plein vol, comme si une danse

Pouvait suspendre en l’air les insoumises.

 

Ballade pour qui voit venir sa mort,

Ballade pour qui veut choisir son sort.

 

Le soldat embrasse la ballerine,

Par d’autres SS, d’un tir meurtrier

Frappée à mort, la figurine

Arrive à son dernier palier,

Juive, de son vrai nom, Franceska Mann,

À Auschwitz, finit dans les flammes

 

Ballade pour qui voit venir sa mort,

Ballade pour qui veut choisir son sort.


De la vie et de la mort, que dire ?

Ces histoires emmêlées toujours à réécrire ?

Une ballade pour qui va mourir

Et cette fois, choisit de vivre.

 

BALLADE POUR UNE BALLERINE
Partager cet article
Repost0
Published by Marco Valdo M.I.

Présentation

  • : CANZONES
  • : Carnet de chansons contre la guerre en langue française ou de versions françaises de chansons du monde
  • Contact

Recherche