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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 21:58

DANSE MACABRE 1916

 

Version française – DANSE MACABRE 1916 – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson allemande – Totentanz 1916 – Hugo Ball

 

 

 

 

 

 

 

Comme certainement tu le sais, Lucien l’âne mon ami, les danses macabres, qui sont les danses des morts, traversent l’histoire d’aussi longtemps qu’on s’en souvienne. Et peut-être même en as-tu déjà vues ?

 

 

J’en ai vu énormément en peinture et en gravure ; il y a même peut-être des sculptures, mais je n’en ai pas rencontrées. Si j’ai bien compris leur usage, elles servaient souvent à conjurer les destins effroyables et infernaux ou à les représenter pour impressionner les vivants.Mais n'avais-tu pas déjà établi une version française d'une Totentanz ?

 

 

C’est bien cela. Il s'agissait de la Danse Macabre en Flandre , postérieure d'un an à celle-ci. J’ajouterais cependant que les danses macabres ont quelquefois pris la forme de chanson. Et c’est le cas de celle qui nous échoit d’aujourd’hui. La particularité, c’est qu’il s’agit d’une danse macabre, d’une danse de morts, d’une danse des morts contemporaine de l’auteur ; elle est datée de 1916 , il y a tout juste une centaine d’années. 1916, note bien l’année ; on se massacrait à qui mieux mieux dans la Marne, la Somme, l’Aisne, sur l’Yser et dans plein d’autres endroits d’Europe.

 

 

Je vois. Mais au fait, Marco Valdo M.I. mon ami, qui est cet auteur contemporain de sa chanson ?

 

 

Elle est l’œuvre, cette danse macabre moderne, d’un poète dadaïste, un des fondateurs du mouvement Dada. Il s’agit d’Hugo Ball, poète, romancier de langue allemande, né en 1886 dans la Rhénanie-Palatinat pas loin des frontières suisse et française. En 1915, il s’exile clandestinement en Suisse pour éviter son incorporation. En février 1916, il fonde à Zurich avec Huelsenbeck, Tzara, Arp et d’autres un mouvement artistique antinationaliste, antimilitariste et révolutionnaire : le mouvement Dada.

 

 

Et que raconte cette canzone, car de cela, tu ne m’as encore rien dit ?

 

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, cette Totentanz 1916 est une chanson assez ironique, assez persifleuse que j’intitulerais plus volontiers : « Chanson macabre », « Chanson des morts », car ce sont eux qui, en quelque sorte, chantent leurs louanges à la mort et à l’Empereur (d’Allemagne) qui la leur a si généreusement offerte. Ils chantent ces morts du fond de leur tombe où ils attendent confortablement installés et tranquilles que l’Empereur vienne ressusciter leurs corps. Dès lors, tu imagines bien que ces morts ne sont pas ces quelques danseurs maigrichons que l’on voit sur les gravures ou les tableaux plus anciens, mais ces millions de cadavres qui parsèment les champs, les bois et les vallées d’Europe.

 

 

Découvrons cette étrange mélopée macabre et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde toujours parsemé de cadavres et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 

Ainsi nous mourons, ainsi nous mourons.
Et tous les jours, nous mourons,
Car se laisser mourir est si confortable.
Le matin encore dans le sommeil et le rêve
À midi là-bas.
Le soir au fond de la tombe déjà.

 

La bataille est notre maison close.
Notre soleil est de sang.
La mort est notre voie et notre mot d’ordre.
Nous quittons femme et enfant – 
Que peut nous importer ?
Quand on vient justement de se quitter.

 

Ainsi nous assassinons, ainsi nous assassinons.
Tous les jours, nous assassinons 
Nos camarades de danse macabre.
Mets-toi devant moi, mon frère,
Avance ta poitrine, mon frère
C’est toi qui dois tomber et mourir, mon frère.

 

Nous ronchonnons peu, nous grognons moins,
Nous nous taisons tout le jour,
Jusqu’à ce que l’iliaque fasse demi-tour. 
Dur, notre lit de camp
Sec, notre pain.
Le cher Dieu, sanglant et salissant.

 

Nous te remercions, nous te remercions,
Empereur, de ta faveur pleine d’affection,
De nous désigner pour la mort .
Dors seulement, dors doux et calme,
Jusqu’à ce que tu ressuscites encore,
Notre pauvre corps que l’herbe recouvre.

 

 

 

 
 DANSE MACABRE 1916
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9 avril 2016 6 09 /04 /avril /2016 20:14
L’INDIEN

Version française – L’INDIEN – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – L'indianoDel Sangre – 2016

 

 

 

 

 

Combien de lunes, as-tu vu passer ?

Tu les as regardées naître et s’effacer
Sous un ciel de nuits fanées
De départs, de retours et de flambées.

 

Combien de cris lancés dans le vent 
Que tu ne pouvais même pas entendre ?
Entre les mille tambours grondants
Qui battaient une folle chamade.

 

Dites à mon fils que le temps est arrivé
Qu’il lève les yeux et regarde vers le soleil.
Poudre noire, tu es rené
Et le chant de guerre berce ton oreille

 

Dites à mon fils de ne pas pleurer,
Car l’Indien en ville est rentré.

 

Tu as prié ton Dieu combien de nuits ?
Ces nuits de consentement non-dit
Mais ces rêves abandonnés à sécher
Au soleil ne se peuvent étouffer.

 

Et le destin t’a emporté ;
Le chevauchant sans peur
Et avec les loups, tu as pactisé
Avec tes yeux d’une autre couleur.

 

Dites à mon fils que je mourrai debout,
Car j’ai ri au visage de la douleur.
Ce sera en guerrier que je tomberai,
Ce sera par amour que je mourrai.

 

Dites à mon fils de ne pas pleurer,
Car l’Indien en ville est rentré.

 

Combien de pluie est tombée sur le grain
Qui ne t’a pas donné un morceau de pain ?
Combien de plumes ont écrit l’histoire
Qui avaient muselé l’histoire ?

 

Un matin, on t’a vu danser 
Sous les nuages des faubourgs
Entre les squelettes d’usines et de tours
Parmi les fantômes de ceux qui s’en sont allés.

 

Dites à mon fils que le temps est arrivé
Qu’il lève les yeux et regarde le soleil.
Poudre noire, tu es rené
Et le chant de guerre berce ton oreille.

 

Dites à mon fils de ne pas pleurer,
Car l’Indien en ville est rentré.

L’INDIEN
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Published by Marco Valdo M.I.
6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 15:29

ET POURTANT, IL SOUFFLE

 

Version française – ET POURTANT, IL SOUFFLE – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – Eppure soffia – Pierangelo Bertoli – 1976

 

 

 

 

 

ÉOLE SOUFFLE ENCORE ET TOUJOURS 

 

 

Pour le commentaire, voir LE FLEUVE PÔ  de Ricky Gianco.

 

L’eau se remplit d’écume et le ciel, de brumes ;
La lèpre chimique détruit la vie dans les fleuves.
Mortellement malades, les oiseaux volent avec peine.
L’intérêt glacé a condamné les portes de la vie.
Une île entière a trouvé dans la mer une tombe.
Le faux progrès a voulu tester une bombe ;
Puis, la pluie, qui devrait désaltérer la terre vivante,
Lui apporte par contre la mort radioactive.


Et pourtant, le vent souffle encore là-haut,
Il vaporise l’eau à la proue des bateaux,

Il susurre des chansons aux feuilles,
Il embrasse les fleurs, mais jamais ne les cueille.


Un jour, l’argent a découvert la guerre mondiale,
Il a mis sa marque putride sur l’instinct bestial.
Il a tué, brûlé, détruit en une ronde triste, 
Il a enveloppé d’un noir linceul toute la terre
Et vite caché la clé d’inventions secrètes.
Ainsi se couvriront de boue même les planètes,
Se pollueront les étoiles, ira la guerre parmi les soleils.
Ils appellent erreurs leurs crimes contre la vie.

Et pourtant, le vent souffle encore là-haut,
Il vaporise l’eau à la proue des bateaux,

Il susurre des chansons aux feuilles,
Il embrasse les fleurs, mais jamais ne les cueille.

Et pourtant, il effleure les campagnes,
Il caresse les flancs des montagnes,

Il ébouriffe les cheveux des femmes ;

Avec les oiseaux, il court à perdre haleine.
Et pourtant, le vent souffle encore là-haut ! ! !

 

 

ET POURTANT, IL SOUFFLE
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5 avril 2016 2 05 /04 /avril /2016 22:21
LES YEUX DE GÉRONIMO

 

Version française – LES YEUX DE GÉRONIMO – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – Gli occhi di Géronimo – Del Sangre – 2016

 

 

 

Je les ai regardés avec mes yeux de Géronimo.

 

Dialogue maïeutique

 

Voici, mon cher ami Lucien l’âne, une chanson dont le titre ne manquera pas d’intriguer certains. Elle s’intitule « Les Yeux de Géronimo ». Au départ, j’avais dans l’idée que c’était une sorte de personnage qui se prenait pour Géronimo, lequel est un Apache légendaire. Le personnage de la chanson (licencié de son emploi) reparcourait en imagination l’aventure des populations amérindiennes en lutte pour leur survie en la plaquant sur sa propre vieJ’avais en mémoire une autre chanson italienne où parlait un personnage qui disait : « Et moi, j’étais Sandokan ». Mais après coup, il m’est apparu préférable de te proposer une évocation de Géronimo lui-même. Même si, quand même, le personnage de la chanson…

 

 

Comment peux-tu être aussi affirmatif ?, Marco Valdo M.I. mon ami.

 

 

Eh bien, je suis arrivé à cette conclusion en parcourant la biographie de Géronimo, un Amérindien Apache, né en 1829, soit – remarque-le bien – 100 ans après la mort du bon curé Meslier . Géronimo, quant à lui, mourra en 1909 assez misérablement de pneumonie déporté dans un fort en Oklahoma. De ce fait, il me faut te raconter un peu la vie de cet homme et la mettre en parallèle à la chanson. Il connut dès sa jeunesse la vie errante des tribus apaches – aux confins des Étazunis et du Mexique ; il est admis, tout jeune, parmi les guerriers. Sa colère va se déchaîner après le meurtre de sa famille (sa mère, sa femme, ses trois enfants) par l’armée mexicaine et il accomplira son devoir de vengeance en massacrant à son tour des Mexicains, qui pris de terreur imploraient le saint du jour : « Jeronimo ». Dès ce moment, il s’empare de ce nom qui, peut-être le croyait-il, lui avait été adressé. Les tribus apaches mènent pendant dix années une guérilla avant de se rendre et d’accepter d’être cantonnées dans une réserve, dont Géronimo avec d’autres va s’échapper avant d’être repris et ainsi de suite durant le reste de sa vie. Une longue série de redditions et de reprises de la guérilla contre les Mexicains d’abord, puis contre les ÉtazuniensOn enverra contre les Apaches des milliers de soldats afin de mettre fin à cette perpétuelle révolte. Au total, il mènera la lutte – avec des hauts et des bas – pendant près de 30 ans et il regrettera jusqu’à sa mort de s’être finalement rendu.

 

 

Oh, dit Lucien l’âne pensif, il a dû avoir une vie difficile et terrible, une vie hantée par la colère et la mort. Une vie de paria, un perpétuel qui-vive ou qui-meurt. Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I., pourquoi le titre est-il « Les Yeux de Géronimo » et pas seulement, « Géronimo ».

 

 

Excellente question et je vais te répondre en deux temps, sur deux plans. Pour commencer de façon générale. C’est dans les yeux, dans le regard que l’on peut vraiment voir l’homme, c’est là que s’exprime le mieux ce que j’appellerai l’homme intérieur, celui qui est en dedans. Le corps peut subir bien des vicissitudes, bien des déboires ; il peut se flétrir, il peut se mutiler, mais le regard – comme à certains égards – la voix attestent du plus profond de l’être. Ils sont comme hors de ces atteintes de l’âge ou des usures physiques. Le regard reste lui-même tant que l’homme intérieur résiste au temps qui passe. Et maintenant, de manière particulière en ce qui concerne Géronimo, je t’ai préparé un gros plan de son regard, de ses yeux et comme tu pourras le constater toi-même, ils sont remplis de son histoire. Par parenthèse, j’ai pu le faire car Géronimo est un de ces personnages mythiques (disons comme Buffalo Bill, alias William Frederick Cody (1846-1917), son presque contemporaindont on possède une série de photographiesIl faut d’ailleurs, pour beaucoup d’entre nous, faire un effort d’imagination pour arriver à situer Géronimo dans le temps, tant ces histoires de western, de tribus indiennes, ces histoires d’Amérique nous semblent si lointaines comme les légendes arthuriennes ou les aventures des mousquetaires. Mais Géronimo est un personnage réel qui à quelques années près aurait pu jouer son propre rôle dans un film. Ainsi, je te rappelle que cet homme est mort en 1909 et que, par exemple, « L’Origine des Espèces » de Charles Robert Darwin  date de 1859, soit un demi-siècle auparavant ; et si Géronimo était venu en Europe, il aurait fait la traversée sur un paquebot transatlantique à vapeur et aurait gagné Paris en train, il aurait monté en haut de la Tour Eiffel, comme nous pourrions le faire toi et moi.

 

 

Cela dit, les problèmes que posaient Géronimo et les siens ne sont toujours pas résolus et les Amérindiens survivent généralement mal dans les réserves où on les a parqués. Et il n’est sans doute pas à l’ordre du jour de les régler. Il doit y avoir un relent de ça dans le regard si perçant de Géronimo. Alors, pour notre part, tissons, tissons le linceul de ce vieux monde raciste, perclus, recroquevillé sur ses inégalités et cacochyme.

 

Heureusement !

 

Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

 

 

J’avais dans un sac à dos, mes quinze ans et un peu de rêves
Et la terre me brûlait sous les pieds,
J’avais les pupilles dilatées par le trop de soleil déjà fixé
Et ma confiance dans la vie, mise à l’épreuve.

Avec la violence du matin, qui mordait sans trêve
Comme un chien qui saute droit à la gorge,
J’avais le cœur à contre temps et ma flamme sous le vent.
Quand l’incendie éclate, on n’a pas un instant.

 

J’avais du sang sur mon vêtement quand ils m’ont agenouillé
Et porté au tribunal enchaîné,
Mes blessures encore ouvertes et les pieds entravés.
Jure sur Dieu, jure de dire la vérité.

 

Mais de ma bouche, Votre Honneur ne saura pas plus la vérité 
Que de chaque gredin que j’ai tué,
Chaque banquier en costume, chaque garde de la moralité.
Je crois bien que je mentirais de m’excuser.


J’avais une famille et un travail au moins honnête
Et les cheveux trop tôt blanchis sur ma tête.
Réduction de personnel, ils m’avaient dit ;
Sans un salut, sans même un merci.

 

Et ma maison eut vite un ciel comme toit,
Quand la banque me l’enleva
Et il ne reste rien, sauf le reflet d’un miroir
Où j’ai peur de me voir.

J’avais les dents gâtées et le courage dans le doigt
Lorsque je pressai sur la détente
Et n’espérez pas que je me repente
De les avoir tous étendus dans ce trou avant moi.

 

J’avais la vie ravagée d’un homme de quarante ans
Mais, ils ne m’ont pas fait plier, pas même un instant.
Ils ont tout pris, mais pas le regard de ce temps :
Je les ai regardés avec mes yeux de Géronimo.

 

 
LES YEUX DE GÉRONIMO
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Published by Marco Valdo M.I.
3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 22:14
LE FLEUVE PÔ

Version française – LE FLEUVE PÔ – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – Il fiume Pô – Ricky Gianco – 1977

 

Une des premières chansons écologistes, suivant d’un an à peine Eppure soffia [[4833]] de Bertoli.

 

 

 

Kafka a pris un bain (dans le fleuve)


Avant de se transformer en hanneton

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

In’y a donc pas que l’Escaut, la Meuse, le Rhin, le Rhône, la Seine, la Senne, la Loire, le Danube, etc, sans aller jusqu’à évoquer les autres fleuves du monde, le Pô aussi sert d’égout industriel et agricole. Il n’y a là rien d’exceptionnel, la situation est semblable ou pire, partout dans le monde. C’est un effet du progrès, enfin, c’est ainsi qu’on l’appelle. Le progrès, c’est comme le camembert : Tant plus ça va, tant plus ça pue, tant plus, c’est meilleur. Si on continue, on finira quand même par en être dégoûtés.

 

 

Comme si déjà, on l’avait particulièrement apprécié, dit Lucien l'âne en riant. Tous ces ennuis ont commencé avec la machine à vapeur. Mais qu’y faire ?

 

 

D’abord, éclaircir les idées. Ce n’est pas d’une guerre à la Terre qu’il s’agit. La Terre n’a pas à s’en faire, aucune inquiétude à avoir pour elle, du moins pendant quelques milliards d’années encore. De son point de vue, la pire des guerres nucléaires ne serait qu’une facétie de cette espèce passagère et transitoire, composée de bipèdes arrogants et dès ce moment où elle aurait déclenché son feu d’artifice, disparue. Exit l’artificier avec ses bombesRésumons : comme le chameau [[12553]] de la chanson, la Terre s’en fout. Il fut un temps où les Alpes n’existaient pas et il n'y avait pas de Pô non plus, bien entendu. Peut-être viendra le temps de leur disparition, y compris celle du Pô. Alors, un peu d’arsenic, d’ammoniaque, de plomb ou d’uranium dans le Pô ou n’importe où ailleurs, du point de vue de la Terre, c’est insignifiant. Par contre, et c’est ici que je veux en venir, par contre, pour l’humaine nation et les autres espèces vivantes, là, il est question de vie et de mort. Et toutes les espèces sont concernées, l’humaine, les ânes, tous les mammifères, les insectes, les poissons… Tous les êtres vivants, rigoureusement, tous. Sauf peut-être, les bactéries. Et là, on peut parler de guerre.

 

 

Bien vu, dit Lucien l’âne en fronçant le sourcil. J’allais justement tenir le même raisonnement. La guerre, oui ; mais quelle guerre ?

 

 

Eh bien, je vois en ton œil profond l’idée qui te passe par la tête. N’est-ce pas à la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]] que tu penses ?

 

 

Bien sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, et je vais t'expliquer pourquoi. Comme il est dit dans la chanson, le pauvre Pô et ses affluents sont progressivement saturés de produits toxiques, d’éléments nuisibles, de poisons, de polluants et tous ces effluents sont le résultat de l’activité frénétique et incontrôlée des hommes. Comme tu penses bien, ce n’est pas nous les ânes ou les abeilles ou les corneilles ou les renards, ou même les loups qui pourrissons les terres, les rivières et le fleuve. Ce sont les humains avec leurs sales manies. Et encore, pas tous. Seulement certains d’entre eux et pour quelle raison ?

 

 

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, quelle que soit la substance incriminée (nitrate, fer, plomb, uranium, pesticides, engrais, antibiotiques et bien d’autres encore) rejetée dans le fleuve, le but principal de la manœuvre est de tirer du profit (d’abord en fabriquant et vendant les produits ; ensuite, en rejetant les déchets). La cause première est cette insatiable envie de profit, de richesse et pour maintenir tout ça en place, cette nécessité de détenir le pouvoir. Et nous voilà ainsi en plein cœur de la Guerre de Cent Mille Ans. Tel est le moteur de cette guerre à la vie.

 

Ainsi la Guerre des riches contre les pauvres est aussi une guerre contre la vie elle-même. Il est plus que nécessaire que nous continuions notre tâche et tissions le linceul de ce vieux monde hanté par le progrès, malade de ses propres déjections, polluant et pollueur, avide, trop avide et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 


Le fleuve Pô naît des glaciers du Monviso,
Transporte du plomb et des pesticides,
Descend dans vallée et puis, conflue avec le Tanaro
Et emmène l’ammoniac vers des nouveaux lidos.
Un peu plus loin, le Pô rencontre le Ticino,
Dévale ensuite vers le Panaro
Et retrouve ainsi dans son lit de l’arsenic.
La Sesia et l’Oglio ajoutent le mercure.


Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est un fleuve chimique sans H2O
Sans hache deux o.
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est une partie de ce corps vivant que je n’ai pas
Que je n’ai pas.


Il paraît que c’est dans le Pô que Kafka a pris un bain
Avant de se transformer en hanneton
Et il y aurait même un témoin
Qui a vu Achille y tremper le talon.
Sont arrivés des experts américains
Qui savent tout et s’en lavent les mains,
Mais grave erreur, ils les ont lavées dans le fleuve
Et maintenant, sur leurs doigts poussent des écailles…

Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est un fleuve chimique sans H2O
Sans hache deux o.
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est une partie de ce corps vivant que je n’ai pas
Que je n’ai pas.


Il s’agit sûrement de légendes
Et la région Lombardie n’en fait pas toute une affaire.
La région est saine et on peut avoir confiance ;
Elle vient d’approuver son plan nucléaire.


Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est un fleuve chimique sans H2O
Sans hache deux o.
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est une partie de ce corps vivant que je n’ai pas
Que je n’ai pas.

 
 
 LE FLEUVE PÔ
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Published by Marco Valdo M.I.
2 avril 2016 6 02 /04 /avril /2016 16:23
CIGARETTES



Version française – CIGARETTES – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – CigarettesSimone Cristicchi – 2013

 

Ce texte remonte à octobre de 1912 et est tiré d’un rapport de l’Inspectorat du Congrès américain sur les immigrés italiens dans les États-Unis d’Amérique.

 

Généralement, ils sont de petite taille et de peau sombre...

 

 

 

 

Dialogue maïeutique

 

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une canzone d’une actualité confondante. À l’écoute ou à la lecture, on dirait qu’elle a été composée hier ou aujourd’hui matin. Que dit-elle en gros ?

 

Dis-le-moi, dis-moi cela d’abord de sorte que je puisse comprendre ce que tu me racontes, car à ton habitude, tu suis ta pensée sans trop te soucier de savoir si les autres comprennent où tu en es et où tu veux en venir. Et puis, ce titre est quand même étrange ; pourquoi « Cigarettes » ?

 

Pour ce qui est de ce titre, en effet étrange, de « Cigarettes », j’ai dans l’idée qu’il s’agit tout simplement de ces choses que l’on passe en contrebande, en cachette de la douane ; mais peut-être que je me trompe, qui sait ? Pour ma façon de procéder, je te donne pleinement raison, Lucien l’âne mon ami, c’est une de mes mauvaises habitudes : je fais trop confiance aux autres, à leur bienveillante attention. J’oublie souvent que d’autres ne peuvent suivre les méandres de mes méditations, ni en deviner les péripéties antérieures. Bref, il est parfois bon de faire le point avant d’aller plus loin. Dès lors, cette chanson raconte une histoire de migration, une histoire d’émigrés, une histoire de réfugiés, de ces réfugiés que l’on dit « économiques »  – non pas qu’ils soient moins chers, mais bien parce qu’ils cherchent à échapper à la misère. En fait, Lucien l’âne mon ami, tous les réfugiés se ressemblent au moins sur un point : ils fuient leur lieu de vie précédent où, généralement, ils avaient leurs familles, leurs amis, leurs connaissances et toutes ces affinités qui rendent familiers et rassurants les lieux et les gens qui vous entourent. Tu le sais aussi bien que moi qu’il faut de très impératives raisons pour tout abandonner et aller vers des pays inconnus où l’on sera forcément un inconnu et un paria.

 

Ah, je commence à comprendre, il s’agit d’une chanson sur l’émigration, dit Lucien l’âne.

 

Pas vraiment, répond Marco Valdo M.I. Pas vraiment, car je dirais plutôt qu’il s’agit d’une chanson d’immigration. Une chanson qui envisage le migrant du point de vue du pays « d’accueil » – si on peut l’appeler ainsi. En fait, cette chanson énumère tous les défauts de l’immigré, toutes ses tares comme les imaginent les « gens de quelque part ». J’énumère à mon tour leurs griefs pour que tu comprennes bien. Les immigrés : sont petits, bruns, sales, ils puent, ils vivent en groupe (sous-entendu : en bande, en tribu, en troupeau – une idée de berger et de brebis, de pasteur et d’ouailles ?), ils parlent des dialectes incompréhensibles, ils ne maîtrisent pas la langue locale, ils font beaucoup d’enfants, ils mendient, ils volent, ils sont violents, ils violent, ils s’en prennent à « nos » femmes, ils organisent des bandes criminelles et bien d’autres choses encore.

 

Joli portrait, en effet, dit Lucien l’âne. Le pire, c’est que j’entends ça tous les jours dans les rues, sur les places, partout.

 

Et ce n’est pas fini. Les « bonnes gens » disent aussi : il faudrait fermer les frontières, car si ces réfugiés sont ici, c’est la faute du gouvernement qui est trop laxiste, qui les laisse entrer, qui ne les sélectionne pas.

 

Si je suis bien, pour un peu, ces « braves gens » exigeraient qu’on les reconduise chez eux.

 

J’entends ça chaque jour, ici et maintenant, hic et nunc et tu as raison, c’est vraiment une chanson d’actualité, d’une brûlante actualité.

 

Oui, bien sûr, sauf que, sauf que ce texte date de 1912 – il y a un peu plus d’un siècle et que les « migrants, émigrés, réfugiés, immigrés » dont il parle sont des Européens (en l’occurrence, des Italiens) et qu’ils essayent d’atteindre le « paradis de leurs rêves » : l’Amérique. Merica, Merica ! Sauf aussi que ce n’est pas la « vox populi » qui s’exprime, ce n’est pas un discours d’un parti populiste, c’est un rapport officiel parlementaire sur les immigrés.

 

Moi, je me demande ce que donnerait un même rapport parlementaire aujourd’hui dans l’un ou l’autre de nos bons États désunis d’Europe ou même, du parlement européen.

 

Ah, Lucien l’âne mon ami, tu ne penses pas si bien dire. Ils ont déjà pris des accords pour renvoyer les réfugiés en Turquie en sachant pertinemment que la Turquie est un régime fasciste, que le pouvoir turc massacre les Curdes ou Kurdes, qu’il renvoie les réfugiés vers les lieux de guerre et de mort.

 

Arrêtons là et reprenons notre tâche qui, je le rappelle, consiste plus que jamais à tisser le linceul de ce vieux monde égocentrique, xénophobe, inhospitalier, criminel et cacochyme.

 

 

 

Heureusement !

 

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

Généralement, ils sont de petite taille et de peau sombre.

Ils n’aiment pas l’eau, beaucoup d’entre eux puent,
Car ils portent le même vêtement de nombreuses semaines.
Avec du bois et de l’aluminium, ils se bâtissent des baraques
Dans les faubourgs où ils vivent, collés les uns aux autres.
Lorsque ils réussissent à se rapprocher du centre,
Ils louent à des prix élevés des appartements délabrés.
Ils se présentent d’habitude par deux et cherchent une chambre avec possibilité de cuisiner.
Ensuite, après quelques jours, à quatre, six, dix, ils se regroupent.
Entre eux, ils parlent d’anciens dialectes, des langues incompréhensibles



Cigarettes si vous plait...do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you paisà tell me wht’s your name.
Cigarettes si vuos plait... do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you but don’t wanna play your game.

Ils font beaucoup d’enfants qu’ils peinent à élever.
Ils utilisent les jeunes pour demander l’aumône,
Et souvent devant les églises, des femmes vêtues de sombre
Et des hommes presque toujours âgés invoquent la pitié,
Avec des tons plaintifs et impertinents.
On dit qu’ils volent et sont violents.
Nos femmes les évitent,
pas seulement car ils sont peu attirants et un peu sauvages
mais aussi car la rumeur court de viols
Perpétrés en cachette dans les rues à l’écart
Quand les femmes reviennent de leur travail.
Nos gouvernants ont ouvert trop grand les entrées aux frontières
Mais, surtout, ils n’ont pas su sélectionner
Ceux qui entrent dans notre pays pour travailler
Et ceux qui pensent y vivre d’expédients ou, d’activités criminelles ».

Cigarettes si vous plait...do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you paisà tell me wht’s your name.
Cigarettes si vuos plait...do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you but don’t wanna play your game.

CIGARETTES
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Published by Marco Valdo M.I.
1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 17:43
LES FOUS

 

Version française – LES FOUS – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – I matti – Francesco De Gregori – 1987

 

 

Ils s’arrêtent de longues heures, 

Pour se reposer, les os et les ailes, les os et les ailes, 

Et vont fumer... des centaines de cigarettes.

 

 

 

 

Les fous, les fous ; que peut bien raconter une chanson sur les fous ?, dit Lucien l’âne en ridant le front.

 

Oh, plein de choses. Il y a d’ailleurs beaucoup de chansons à propos des fous et de la folie. Encore qu’il faille distinguer la folie individuelle, cette manière particulière d’être : parfois, maladie, parfois, meilleure santé mentale. Écoute bien ce qu’en disait Pascal, le philosophe auvergnat – je le cite de mémoire : « Quelle étrange folie que de n’être point fou ». La formulation n’est peut-être pas parfaite, mais c’est bien le sens. Il est de ces folies qui sont des maladies et qui engendrent de grandes souffrances et d’autres qui relèvent de la divergence de pensée d’avec l’ordre ambiant – et qui peuvent faire naître de plus grandes souffrances encore. Et puis, il est des folies collectives – ce sont les plus terribles et les plus dangereuses ; il en est de très massacrantes, même si certaines paraissent assez douces et pacifiques ; le germe de la terreur vit en elles et souvent, débonde.

 

J’imagine bien tout cela, Marco Valdo M.I. mon ami, et sans doute, y a-t-il un rapport avec la canzone dont tu viens de faire une version française. Mais ne pourrais-tu me donner quelque précision sur cette dernière.

 

Bien sûr. Elle chante les fous, ceux du genre tranquille (dans nos régions, on les appelle des « demi-doux »), un peu décalés par rapport au monde affairé où nous sommes. Elle chante une sorte de folie-refuge. Ce sont des fous qui se tiennent à l’écart des grands tracas du monde et cheminent ainsi toute une vie. Peut-être leur manque-t-il un peu de ces convictions et de ces capacités mentales (ou les cachent-ils ?) qui amènent les hommes à participer à la grande foire de la société.

 

Dans le fond, Pascal, que tu citais, avait peut-être raison. Moi qui ne suis qu’un âne, je me sens assez proche de ces fous « contents, entre le chemin de fer et les champs » et beaucoup moins des agités de l’économie, des zélés du travail, des mordus de l’ambition et des zélotes de l’apparence. Il me paraît urgent de penser autrement cette société et de tranquillement tisser le linceul de ce vieux monde sain d’esprit, méprisant, méprisable, suractif, suractivé et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

 


Les fous vont contents, entre le chemin de fer et les champs.
À la chasse aux grillons et aux serpents, à la chasse aux grillons et aux serpents. 
Tenus en laisse par la folie, les fous vont contents 
À la chasse aux grillons et aux serpents, à la chasse aux grillons et aux serpents. 

Les fous n’ont plus rien, autour d’eux plus aucune cité 
Même s’ils crient qui les entend, même s’ils crient des vérités. 
Les fous s’en vont contents, au confin de la normalité, 
Comme des étoiles tombantes, dans la mer de la Tranquillité,
Transportant de grosses enveloppes de plastique du poids total du cœur, 
Pleines d’ordure et de silence, pleines de froid et de rumeur. 

Les fous n’ont pas de cœur ou s’ils l’ont, il est usé, 
C’est une caverne toute noire. 
Les fous restent là à songer à un train jamais arrivé 
Et à une femme emportée par on ne sait quelle tourmente. 
Les fous marchent sans patente, 
Les fous vivent toute une vie, dans la nuit, enfermés à clé.

Les fous s’en vont contents, ils arrêtent le trafic de la main, 
Puis ils traversent le matin, à l’aide d’une fiasque de vin.
Ils s’arrêtent de longues heures, 
Pour se reposer, les os et les ailes, les os et les ailes, 
Et vont fumer, dans les églises,
Devant l’autel, des centaines de cigarettes.

 

 

 
LES FOUS
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Published by Marco Valdo M.I.
31 mars 2016 4 31 /03 /mars /2016 19:35

UNE LUCIOLE D’AOÛT

 

Version française – UNE LUCIOLE D’AOÛT – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – Una lucciola d’agosto – Gianmaria Testa – 2003

 

 

 

 

 

 


Une luciole d’août
S’en allait un matin doux,
Fière de sa valise,
Chercher la lune
Et criait aux quatre vents
Sa joie d’être vivant.
Elle la criait aux quatre vents
Et sa lumière clignotait joyeusement.

Mais la luciole d’août, douce luciole,
Vit le soleil qui naissait.
Seul, derrière les montagnes,
Elle vit le soleil qui brillait.
Elle dit au soleil : il ne faut pas monter
Avec ta lumière assassine.
Elle cria au soleil – de ne pas monter
Et sa lumière déjà décline.


Et sur un perce-neige,
On trouva une luciole d’août, douce luciole,
Tenant dans sa main droite,
Sa valise contenant la lune.
Ils dirent : elle sera morte
De peur ou d’amour trop fortes.
Ils dirent : elle sera morte,
Car elle n’avait plus de lumière,
Car elle n’avait plus de lumière.


Et le soleil vit la luciole
Sur cette fleur de neige
Et à la luciole,
Il offrit un sourire.


 


Un des derniers, si pas le dernier, poème de Gianmaria Testa, dit par lui-même le 21 novembre 2015. Un poème contre la guerre (version française Marco Valdo M.I.) :

 

LA BEAUTÉ EXISTE

Dans le bec jaune-oranger d’un merle
Dans n’importe quelle fleur
Dans l’horizon perdu et lointain de la mer
La beauté existe.
C’est un mystère dévoilé
Un secret évident
La vie.
La beauté existe

Et elle n’a peur de rien
Même pas de nous
Les gens.

 

 
 
UNE LUCIOLE D’AOÛT
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30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 21:11
SENS DESSOUS – DESSUS

Version française – SENS DESSOUS – DESSUS – Marco valdo M.I. – 2016

Chanson italienne – Sottosopra – Gianmaria Testa – 2011

 

 

 


Moi, je reste ici par ma volonté et je me contente
De parler avec l’enfant.

 

 

 

 

 

 

Tu vois, Lucien l’âne mon ami, même si comme moi, on déteste travailler dans l’instant, dans la coulée de l’actualité, on peut parfois faire l’exception. C’est le cas, ce soir, pour Gianmaria Testa, que j’avais traduit plusieurs fois pour les Chansons contre la Guerre. Je l’avais même suivi – de loin – lors d’une tournée au Québec où il s’essayait à chanter Ferré. Et donc, je me suis dit qu’aujourd’hui, je lui consacrerai une version française d’une de ses chansons. Hommage du vice à la vertu !

 

 

En effet. Qui es-tu toi pour décider de pareil hommage ?, dit Lucien l’âne en souriant.

 

 

Oh, comme tu le sais, je ne suis rien et comme toi, je m’en vais dans le sous-bois d’un petit pas. Mais, si tu veux bien, je reviens à Gianmaria Testa et à sa chanson Sottosopra qui me semble incarner sa situation présente. Car, tu le verras en lisant, cette chanson raconte l’histoire d’un homme qu’on écarte de son destin et qui va se réfugier sur un toit – solitaire, pour réfléchir à sa propre vie. Évidemment, comme pour toute la poésie, il faut dépasser l’interprétation au premier degré (où cet homme était un travailleur révolté et désespéré) et lui donner un plus vaste horizon. En l’occurrence, je l'ai reformulée pour l’infini du néant, où – dit Gianmaria Testa :

«  Ainsi tout seul, je continue mon histoire.
Il ne m’importe plus de descendre ou de rentrer ».

 

 

Eh bien, saluons cet homme en sa retraite éternelle et reprenons notre tâche et tissons le suaire de ce vieux monde si frelaté, télévisuel, médiatisé et cacochyme.

 

 

Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 


Beaucoup plus que la terre sous mes pieds,
Ici me manquent les voix et la cité
Et puis, tu me manques toi que je ne vois plus
Depuis que je suis ici au-dessus.


Nous sommes montés avant la fin de notre service 
Pour voir du toit de l’usine
Si d’en haut, on pourrait identifier
Celui qui nous a fait licencier.

 

À toute allure, le premier jour est passé :
Nous dessus, et les autres dessous à se demander
Qui sont ces visages sur le toit
Et que peuvent-ils regarder de là.


Puis la patrouille est arrivée, 
Un enfant a salué d’un balcon.
Avant qu’il fasse nuit, la télévision

S’est installée.

Non, je ne descends pas
Et on ne m’aura pas en bas,
Même pas la télé.
Non, je ne descends pas
Et va-z-y toi
Devant la télé !


Comme des passants quand il pleut à l’improviste,
Entassés sous l’abri d’un porche unique,
Ceux de dessous s’écrasaient sans façon
Devant la camera de la transmission.

 

Moi sur le toit, je suis resté moi-même ;
Pour moi, c’est la faute à la délocalisation.
Tous voulaient le micro pour dire

Quelque chose à la télévision


Quand l’obscurité tomba dans les rues,
Sur les grilles et les barrières de Turin,

Même le lampion du balcon s’est éteint
Où cet enfant regarde les nues.


Moi pour un instant, j’ai cru te voir
Parmi les autres en dessous, par solidarité.
Ce n’était pas toi et je suis resté dans le noir,
Sur le toit, seul à bivouaquer.


Non, je ne descends pas
Et on ne m’aura pas en bas,
même pas la télé.
Non, je ne descends pas
Et va-z-y toi
Devant la télé !


Des jours et des nuits ont passé depuis ce moment
Et dans la rue, tout recommence à circuler.
Quelqu’un lève les yeux de temps en temps 
Et me regarde regarder.

 

Les camarades sont partis et je les comprends,
Il n’est pas si facile de rester
Quand quelqu’un t’attend,
Si tu as quelqu’un à qui raconter.


Ainsi tout seul, je continue mon histoire.
Il ne m’importe plus de descendre ou de rentrer,
Il ne m’importe même plus de savoir
Qui m’a licencié.

Les jours passent tous égaux sans que je les compte ;
Ils étouffent qui les prend pour argent comptant.
Moi, je reste ici par ma volonté et je me contente
De parler avec l’enfant.

 

 

 

SENS DESSOUS – DESSUS
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30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 12:02

JE T’OFFRIRAI UNE ROSE

 

Version française – JE T’OFFRIRAI UNE ROSE – Marco Valdo M.I. – 2010 – nouvelle version 2016.

Chanson italienne – Ti regalerò una rosa – Simone Cristicchi – 2007

 

 

 

Je t’offrirai une rose, 

Une rose rouge pour peindre toute chose 

 

 

 

Une autre chanson qui parle de folie et d’asiles.

 

 

Moi, dit Lucien l’âne, je trouve cette nouvelle version plus jolie…

 

 

 

Je t’offrirai une rose,

Une rose rouge pour peindre toute chose ;

Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;

Une rose pour t’aimer.

Je t’offrirai une rose,

Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,

Une rose blanche qui te serve à oublier

La moindre peine.

 

Je m’appelle Antonio et je suis fou à lier

Je suis né en 54 et je vis ici depuis que j’étais enfant ;

Ils m’ont enfermé ainsi dans un asile durant quarante ans.

Je t’écris cette lettre, car je ne sais pas parler –

Pardonne ma calligraphie de petit garçon –

Et je m’étonne d’éprouver encore une émotion,

Mais la faute est à ma main qui ne cesse de trembler.

 

Je suis un piano avec une touche cassée,

L’accord dissonant d’un orchestre d’ivrognes

Et jour et nuit continuent à se ressembler

Dans le peu de lumière qui traverse les vitres opaques.

Je fais encore sous moi tant j’ai peur ;

Pour la société des sains, nous avons toujours été des hideurs.

Je pue de pisse et de chiure :

J’ai une maladie mentale et il n’existe pas de cure.

 

Je t’offrirai une rose,

Une rose rouge pour peindre toute chose ;

Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;

Une rose pour t’aimer.

Je t’offrirai une rose,

Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,

Une rose blanche qui te serve à oublier

La moindre peine.

 

Les fous sont des points d’interrogation sans phrase,

Des milliers d’astronefs qui rentrent à la base.

Ce sont des pantins étendus au soleil à sécher ;

Les fous sont des apôtres d’un Dieu qui les a rejetés.

Avec la frigolite, je me fabrique de la neige ;

Dtre toujours seul, m’a fait si malheureux.

Maintenant prenez un télescope, mesurez les distances

Et regardez entre vous et moi, qui est le plus dangereux ?

 

Dans les pavillons, nous nous aimons en cachette

Ciselant un coin qui soit à nous seulement.

Je me rappelle les rares instants où nous nous sentons vivants,

Plus un de ces dossiers cliniques perdus dans des archives.

Tu seras le dernier à disparaître de mon cœur ;

Tu étais comme mon ange lié à un radiateur.

Malgré tout, je t’attends à chaque heure

Et si je ferme les yeux, je sens ta main qui m’effleure.

 

Je t’offrirai une rose,

Une rose rouge pour peindre toute chose ;

Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;

Une rose pour t’aimer.

Je t’offrirai une rose,

Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,

Une rose blanche qui te serve à oublier

La moindre peine.

 

Je m’appelle Antonio et je suis sur le toit

Chère Marguerite, ça fait vingt ans que je t’attends

Nous sommes les fous quand personne ne nous comprend

Je te laisse cette lettre, à présent je dois partir sans toi

Pardonne ma calligraphie de petit garçon –

Et je m’étonne d’éprouver encore une émotion,

Qu’Antonio sache voler, ça t’étonne toi ?

 
 
 
JE T’OFFRIRAI UNE ROSE
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  • : Carnet de chansons contre la guerre en langue française ou de versions françaises de chansons du monde
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