PRINTEMPS DE PRAGUE
Version française – PRINTEMPS DE PRAGUE – Marco Valdo M.I. – 2010
Chanson italienne – Primavera di Praga – Francesco Guccini – 1970
PRINTEMPS DE PRAGUE est une chanson de Francesco Guccini qui fut écrite et chantée deux ans après l'événement qu'elle rapporte.
Une chanson en mémoire du jeune militant communiste tchèque Jan Palach. Oui, mon ami Lucien l'âne, et sans doute pourras-tu le confirmer, toi qui passes les frontières humaines sans que nul ne
s'en aperçoive et qui fut à Prague en ces temps-là... Oui, on peut être communiste et partisan de la liberté, oui, on pouvait être communiste et résistant à l'intérieur de l'URSS, de la Chine (et
aujourd'hui encore), de la Yougoslavie, de Cuba... On peut être communiste et pour cette raison précisément, être désespéré par le régime imposé par le Parti Communiste, par un État communiste,
par un régime communiste et être désespéré car ce régime est purement et simplement un régime capitaliste d’État et n'a donc rien de communiste, sauf l'étiquette. Tu sais comme moi que dans les
camps sibériens du temps où le PCUS (Parti Communiste d'Union Soviétique) était au pouvoir, la plus grande partie des prisonniers politiques étaient des communistes, des communistes qui
résistaient au nom même du communisme [de l'idéal communiste]. Tu te souviens comme moi du massacre des marins de Cronstadt par l'armée rouge. Ces communistes résistant au régime, certains les
ont appelés dissidents, mais dissidents de quoi ? Je ne l'ai jamais vraiment compris... En vérité, les dissidents étaient les gens au pouvoir, ces apparatchiks, ces gens d'appareil, ces
arrivistes, ces bureaucrates et autres technocrates qui avaient dévié (je choisis le mot à dessein) les désirs et les exigences de la révolution des Soviets, comme dans d'autres pays, leurs
homologues dévièrent les désirs et les exigences des peuples révolutionnaires... En fait, ces hommes de pouvoir agissaient exactement comme les capitalistes et les libéraux qui ont inventé un
régime qu'ils ont baptisé eux-mêmes de « démocratique » pour piper les dés et pour conserver leur emprise sur la société. En somme, sur le chapitre du pouvoir, ce sont les mêmes gens, ce sont des
pratiques semblables, car dans un cas comme dans l'autre, le seul but est de tenir le pouvoir afin de protéger et de développer les privilèges des castes et des coteries au pouvoir. Peu importe
le régime pourvu qu'on aie la richesse... et le pouvoir. L'une ne va pas sans l'autre.
Comment te donner tort, Marco Valdo M.I. mon ami ? Il suffit de regarder un peu le monde, même par le biais des téléviseurs et on découvre tous ces caïmans batifolant dans leur aquarium, on les voit tous là avec leur sourire de carnassiers, dégoulinant d'ambition et d'avidité. Rien qu'à les voir, j'en ai mal au ventre... et je ne te parle pas de la nausée que j'en ressens... Tu sais, nous les ânes, on n'a pas à cacher nos sentiments, nos idées (puisqu'officiellement, on n'en a pas)...
C'est évidemment une chance... Mais pour en revenir à la chanson de Francesco Guccini et à celui et même ceux qu'elle célèbre, je voudrais t'apporter deux trois précisions qui évidemment ne sont pas dans la chanson – si ce n'est de façon implicite. D'abord, qu'il n'y ait pas d'équivoque : c'est bien pour sauver le communisme de ses fossoyeurs que Jan Palach et ses amis se sont immolés par le feu. Comme en Hongrie, en Allemagne et en Pologne, comme en Russie et en Ukraine, des années avant, d'autres militants se rebellèrent... J'insiste, leur but n'était certainement pas de favoriser le retour des tenants du capitalisme. Pour dire les choses autrement, ils ne souhaitaient pas moins de communisme, bien au contraire; ils voulaient plus de communisme et un communisme vrai et débarrassé des manies et des oripeaux du pouvoir. Ensuite, sur la place Wenceslas, Jan Palach, qui avait tiré au sort le n°1, fut le premier des immolés, mais en fait, il y en eut sept autres encore (au moins) – tous issus de ce groupe d'étudiants, qui avaient décidé de mettre leur vie en jeu pour changer les choses... Dans leur geste désespéré, il y avait tout l'espoir d'un autre monde possible.
Comme je vois ce qui se passe aujourd'hui, dit Lucien l'âne en dressant les oreilles, ce monde n'est pas encore advenu, bien au contraire... Les choses ont encore empiré sous l'empire de l'Empire. Crois-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, en mémoire de Jan Palach et de tous les autres qui portaient l'espoir d'un autre monde – Salvador Allende, Che Guevara, Puig Antich, Carlo Giuliani par exemple – tissons, comme le chantaient les Canuts de Lyon, le linceul de ce vieux monde avide et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Revêtue de ses vieux atours, la place grise
Regardait sa nouvelle vie
Comme chaque jour, la nuit arrivait
Phrases coutumières des murs de Prague.
Mais ensuite la place stoppa sa vie
Et un instant, il y eut un cri de la foule troublée
Quand la flamme violente et atroce
En criant éteignit tout son de voix.
Comme des faucons, les chars sont postés
Volent les paroles sur les visages rougis
Vole la douleur brûlant chaque rue
Et chaque mur de Prague pousse ses cris .
Quand la place stoppa sa vie
La foule blessée suait le sang,
Quand la flamme de sa fumée noire
Quitta la terre et s'éleva vers le ciel,
Quand chacun eut la main teintée
Quand cette fumée se dispersa au loin
Jean Huss de retour sur son bûcher brûlait
L'horizon du ciel de Prague
Dis-moi qui sont ces hommes lents
Aux poings serrés et avec la haine entre les dents
Dis-moi qui sont ces hommes fatigués
De baisser la tête et d'avancer,
Dis-moi de qui portait-on le corps,
Que la ville entière accompagnait;
La ville entière muette criait
Son espoir dans le ciel de Prague.
Dis-moi de qui portait-on le corps,
Que la ville entière accompagnait;
La ville entière muette lançait
Son espoir dans le ciel de Prague.