LES ÉLECTEURS
Version française – LES ÉLECTEURS – Marco Valdo
M.I. – 2013
Chanson de Gaston Couté – 1899 – en beauceron ou en orléanais, comme on voudra... Ce n'était pas du français d'Île de France, ni du patois, d'ailleurs.
Couté parlait et écrivait du Couté, comme on parlait chez lui, comme parlaient les gens de chez lui du côté de Meung.
Mais le français commun évolue - tout comme les autres français parlés et écrits par les gens de langue française (en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie, en Océanie... et je ne sais où
encore). J'ai donc établi une version en français d'aujourd'hui, tel qu'il est connu ici en Wallonie...
Marco Valdo M.I.
Putain, les villes sont déjà couvertes de sales gueules ! (Les élections arrivent!)
Ah ! Bon dieu tant d'affiches sur les portes des granges !
Y a-t-il encore quelque baladin aujourd'hui dimanche
Qui danse sur des cordes au milieu de la place ?
Non ce n'est pas ça ! Tantôt, on vote à la mairie
Et les grands mots qui flûtent sur le dos du vent qui passe
Dévouement !... Intérêts !... République !... Patrie !...
C'est le peuple souverain qui lit les affiches et les relit.
(Les vaches, les moutons,
Les oies, les dindons
S'en vont aux champs, comme les autres jours
En fientant de loin en loin au long des affiches du bourg.)
Les électeurs s'en vont aux urnes en se rengorgeant,
" En route !... Allons voter !... Sacré bon Dieu ! Les bonnes gens !...
C'est nous qui tenons pour le moment les manches de la charrue,
Je vais la faire aller à dia ou bien à hue !
Pas d'abstentions !... C'est vos idées qui vous appellent...
Profitez de ce que nous avons le suffrage universel ! "
(Les vaches, les moutons,
Les oies, les dindons
Paissent dans les chaumes d'orge à belles goulées tranquilles
Sans seulement songer qu’ils sont privés de leurs droits civils.)
Il y a Monsieur Chose et Monsieur Machin qui sont candidats.
Les électeurs n'ont pas les mêmes paires de lunettes :
Moi, je voterai pour celui-là !... Et bien, moi, pour lui, je ne voterai pas !
C'est un partageux !... C'est un cocu !... C'est pas vrai !...
On dit qu'il fait élever son gosse chez les curés !...
C'est un blanc !... C'est un rouge !... – qu'ils disent les électeurs :
Les aveugles se chamaillent à propos des couleurs.
(Les vaches, les moutons,
Les oies, les dindons
Se foutent un peu que leurs gardiens s’appellent Paul ou Pierre,
Qu'ils soient noirs comme des taupes ou rouquins comme des carottes
Ils beuglent, ils bêlent, ils gloussent comme les gens qui votent
Mais ils ne savent pas ce que c'est que gueuler : " Vive Monsieur le Maire ! " )
C'est un tel qui est élu !... Les électeurs vont boire
D'aucuns comme à la noce, d'autres comme à l'enterrement,
Et le soir, le peuple souverain s'en retourne vacillant...
Y a du vent ! Y a du vent qui fait tomber les poires !
(Les vaches, les moutons,
Les oies, les dindons
Se soûlent d'herbes et de grains tous les jours de la semaine
Et ne se mettent pas à pleurer car ils ont la panse pleine.)
Les élections sont terminées, comme qui dirait
Voilà les semailles faites et on attend la moisson...
Il faut que les électeurs sortent des écus blancs et jaunets.
Pour les porter au percepteur de leur canton ;
Les petits ruisseaux vont se perdre dans le grand fleuve du Budget
Où les malins pêchent, où naviguent les gros.
Les électeurs font leurs corvées, cassent des cailloux
Sur la route où leurs représentants passent en carrosses
Avec des chevaux qui se font un plaisir – les sales rosses ! -
De semer des crottes à mesure que le Peuple souverain balaie...
(Les vaches, les moutons,
Les oies, les dindons
Se laissent dépouiller de leurs œufs, de leur laine et de leur lait
Comme s'ils avaient pris part aux élections.)
Boum !... Voilà la guerre !... Voilà les tambours qui sonnent la charge...
Portant drapeau, les électeurs avec leurs gars
Vont écraser les champs de blé où ils ne moissonneront pas.
Feu ! - qu'on leur dit - Et ils font feu ! – En avant Marche !
Et tant qu'ils peuvent aller, ils marchent, ils marchent, ils marchent...
Les gros canons dégueulent ce qu'on leur pousse dans le ventre
Les balles tombent comme des prunes quand le vent secoue les pruniers
Les morts s’entassent et, sous eux, le sang coule comme du vin
Quand troués, quatre poings solides, serrent la vis au percepteur.
Voilà du pâté !... Voilà du pâté de peuple souverain !
(Les vaches, les moutons,
Les oies, les -dindons
Pour le compte du fermier se laissent crever la peau
Tout bonnement, mon dieu !... sans tambour ni drapeau.)
Et voilà... Pourtant les bêtes ne se laissent pas faire, des fois
Des coups, le taureau encorne le tueur de l'abattoir...
Mais les pauvres électeurs sont pas des bêtes comme les autres
Quand le temps est à l'orage et le vent à la révolte...
Ils votent !...