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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 10:36

Le Grand Rat

 

Canzone léviane – Le Grand Rat – Marco Valdo M.I. – 2009

Cycle du Cahier ligné – 62

 

 

Le Grand Rat est la soixante et deuxième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.

 

Quel étrange titre, où as-tu bien pu pêcher pareil titre, dit Lucien l'âne en frissonnant tout le long de son ventre comme seuls savent le faire les ânes et les équidés pour écarter les taons ? Ce Grand Rat me fait frissonner, j'en ai comme la tremblotte jusqu'au bout de ma queue.

 

Ne t'inquiète pas ainsi, mon cher Lucien. Je vais t'expliquer tout ça et c'est encore bien plus terrible que tu ne crois. D'abord, le titre d'une canzone est souvent pris dans le corps de la canzone elle-même; comme tu le sais, le titre, souvent, on le choisit après, quand on est face au texte; comme pour un tableau, on cherche un titre. Ici, le Grand Rat est venu tout seul, si j'ose dire. Il est entré tout seul dans l'histoire, il s'y est faufilé suivi de ses innombrables petits. Mais ce n'est que normal, les rats se sont toujours faufilés partout et il y a toujours eu des rats en prison, si l'on songe aux rats biologiques. Ils sont d'ailleurs parfois d'excellents compagnons de galère. Pour qui reste longtemps enfermé de force, le rat peut même devenir un ami; certains ont apprivoisé jusqu'à des oiseaux ou des araignées. Mais là, on est dans le domaine de la vie qui cherche à survivre malgré tout.

 

Bon, j'admets très bien qu'on puisse avoir des amis rats. J'en connais d'ailleurs moi-même un certain nombre avec lesquels je m'entends très bien, dit Lucien l'âne. C'est parce qu'on est un âne qu'on ne peut pas comprendre et estimer les autres espèces animales. Ainsi, je fréquente bien la pire espèce qui soit, la plus dévastatrice... Mais non pas les rats... Mais bien ta race à toi, celle des hommes qui détruit joyeusement les autres espèces, qui se détruit elle-même et qui détruit la planète entière et qui sait demain, l'espace tout entier. Donc, dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami bien qu'humain, quel est ce grand Rat s'il n'est pas biologique...

 

Je vais te le dire, mon ami l'âne que je n'ai absolument pas l'intention de blesser, de tuer, ni même de forcer au travail... Nous, nous ne sommes pas aux galères. Mais avant de te le dire, je voudrais insister une fois encore sur l'indignité qu'il y a dans cet univers carcéral : on y meurt plus qu'à son tour, on s'y suicide à tour de bras ou plus exactement, on est suicidé à tour de bras ( et les tueurs ne sont jamais poursuivis – souviens – toi, j'avais fait la chanson à propos de l'assassinat en prison de Gaetano Bresci [http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=8334&lang=it] ou même, on y meurt à petits feux – c'est le cas par exemple de Marco Camenisch, dont je t'ai déjà tant parlé. Je me demande d'ailleurs si cette lente torture n'est pas pire encore... Cette lente torture est précisément celle qu'inflige le Grand Rat et les innombrables petits... Le Grand Rat, c'est le temps, ce rongeur de l'absolu, c'est à lui qu'il faut résister ou c'est lui qu'il faut subvertir et apprivoiser par le rêve intérieur, par ce repli au cœur de soi-même. Voilà ce dont elle parle cette canzone, de tous ces jours anonymes qui saison après saison dissolvent les couleurs.

 

Je comprends, dit Lucien l'âne en clignant des yeux. Je me souviens très bien de cette chanson et de ton récit Achtung Banditen ! À propos de Marco Camenisch. Et puis, je trouve très juste ta conclusion de l'autre fois où tu parlais de la déraison d'État » : « Quand on vous disait qu'on était en guerre, dans cette guerre que les riches et les puissants font aux pauvres depuis cent mille ans.
Cette chanson est faite à la mémoire de tous ceux qui furent suicidés ou qu'on retrouva pendus dans les prisons (et ailleurs aussi) sous les régimes les plus divers, dans les prisons des princes ou des États - certains même sont dits démocratiques. Appelons çà la déraison d'État. »

 

Crois-moi, Lucien mon ami, face à la déraison d'État, une seule devise : Ora e sempre : Resistenza !

 

Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

On a sonné trop fort

Ainsi commence le jour

Encore la neige, encore

La vraie neige qui blanchit le jour

Des anges blancs descendent noirs

Sur la terre noire

Enfer de fleurs

Et se dissolvent dans les couleurs.

La neige se remplit d'épouvante,

Mon temps inépuisable.

Traverse la lumière et serpente.

Concentré, interminable.

Ne cherchez pas les raisons des rats,

Ne vous laissez pas piéger !

Ne vous laissez pas ronger !

Car autrement le Grand Rat,

Ou ses innombrables petits, vous détruira.

Partout l'armée innombrable des rats

De génération en génération, traverse les millénaires.

Les temps sont immenses, leurs vies éphémères

Des milliers de glaneurs et de glaneuses sur les champs

Font mourir l'amour et le contentement.

Paillette d'or ensevelie dans la terre.

Quelque chose au fond de la mémoire chante.

La parole est signifiante.

Le temps infini désespère,

Le vide en prend un bout avec ses dents de rats,

Voici comment raisonner le rat,

Ne pas posséder, juste prendre,

S'aimer, sourire et comprendre.

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Published by Marco Valdo M.I. - dans Marco Valdo M.I.

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