IL ARRIVERA
Version française – IL ARRIVERA – Marco Valdo M.I. – 2010
Chanson italienne – 'L Rivarà – Ivan Della Mea - 1979
'L Rivarà ("IL ARRIVERA" en dialecte milanais) est la chanson introductive de Sudadio Giudabestia, seulement précédée brièvement de la première strophe de Io so che un giorno. Introductive et en un certain sens, récapitulative : l'univers de la rue Montemartini, la rue du quartier Corvetto où vivait et est mort Ivan Della Mea, est présenté tout entier, dans sa composante humaine et politique.
Ivan Della Mea n'aimait pas trop faire de préambule. Il se lance directement, et d'un
coup. La chanson se « passe » en un jour précis : celui de la mort de Che Guevara. C'est, donc, le 9 octobre 1967. Un navetteur qui travaille toute la journée rue Montemartini, venant
de qui sait quel coin perdu de l'hinterland milanais a manqué son train et vague, bourré, par la rue. En quelques mots, il dit tout à un Della Mea qui vague comme lui et c'est toute une vie, tout
un désespoir, toute une solitude. La mort de sa femme et de son fils, qui sauta sur une mine après guerre (encore proche alors) et l'attente quasi-messianique des « justes » et des
« héros » qui « viendront aussi pour nous ». Peu importe qui ils seront, des merdes, Staline ou Dieu. Le vin et le rachat d'un jour. Della Mea est embarrassé, justement ce
soir-là il vient d'apprendre que le héros, le Che, a été assassiné. Il tire dix mille lires de sa poche, montrant ainsi un sentiment de culpabilité à penser au héros lointain tandis que devant
lui il a une terrible quotidienneté ( « Sa raison était mon tort »).
Il s'aperçoit alors, et nous avec lui, que dans cet univers circonscrit, visible de la fenêtre de sa maison, les « héros » n'existent pas. Existent des gens quelconques, avec leurs grandeurs impensables (« Divin par le haut « ) et leurs pires bassesses (« bestial par le bas »), qui sont inséparables et qui devraient rendre inutile la recherche ou l'espoir en des « héros » et en des mythes lointains. Subitement, l'univers Montemartini s'ouvre. Ivan Della Mea décide de le chanter dans son intégralité.
À commencer par Rita, la
« folle de la rue », figure centrale de la chanson, qui fait subitement son apparition. Ainsi dans cette première chanson elle est déjà dans les jardins avec la rose et son besoin
d'amour. Della Mea est comme abasourdi, de cet étourdissement qui frappe quand on comprend subitement quelque chose qui ne s'est pas encore bien formé dans la tête : un éclair, qui pourtant dans
les premiers instant se heurte au vide. Nonobstant, même ce vide, avec le navetteur qui dort sur la rue et Rita dans les jardins, doit être chanté. [RV]
Je sais qu'un jour
Viendra vers moi
Un homme blanc
Vêtu de blanc
Et il me dira
Mon cher ami
Tu es fatigué
Et avec un sourire
il me donnera la main...
… et tout commença avec le navetteur
Étendu par terre brouillard printemps
Ses lèvres violettes dures à mâchonner
Et son vieil œil fixe dans le soir.
« J'ai travaillé », dit-il, il était serein,
« Durant tout le jour justement dans cette rue
Puis vin grappa puis j'ai manqué le train
J'ai perdu mes sous dans l'auberge.
Ma femme je l'ai déjà perdue en soixante
Mon fils sur une mine après guerre
J'ai manqué le train de six heures quarante
Laissez-moi dormir ici par terre.
Mais un jour il reviendra aussi pour nous »,
Je le regarde : « Qui viendra ? », je demande
« Les justes », dit-il, « Les martyrs, les héros,
Enfin tous, merde, Staline, Dieu. »
Et alors je ne sus plus quoi dire
Sa raison peut-être était mon tort
Je lui donnai fautif dix mille lires
Je lui dit : « Excuse-moi, mais le héros est mort.
Le héros est mort ce soir
Avec son œil dur suspendu à essuyer
Et celui qui l'a tué au printemps
Au fond est seulement un navetteur. »
De ma fenêtre je ne vois plus de héros
De ma fenêtre aujourd'hui je vois seulement
Des faces, des yeux, des corps et des têtes de gens comme nous
De ma fenêtre, je ne vois plus de héros
Mais bien plus souvent un bête humain
Divin par le haut bestial par le bas, le même
Que celui dont vous ne voulez plus de héros
Et maintenant chez moi la tête vide
Je me penche sur la rue Montemartini
Ma femme est avec moi à la fenêtre
Elle me dit : « Il y a Rita dans les jardins ».
Rita de l'amour, dame Rita
À sa manière est une navetteuse
L'hiver enfermée à la Villa Fiorita
Et maintenant sur la plaine de jeux, elle attend.
Elle attend on ne sait quoi
Avec un sourire et en main une fleur
La même fleur, une tige de rosier
« Je suis Rita », chante-t-elle, « et je veux un peu d'amour.
Auf wiedersehen encore mon amour
Auf wiedersehen encore de Rita
Auf wiedersehen à tous même à Dieu
Au revoir à la Villa Fiorita. »
Et je reste là avec le vide dans ma tête
Et l'œil perdu dans la rue Montemartini
Ma femme tranquille ferme la fenêtre
Elle la ferme sur Rita et ses jardins.