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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 20:57

 

LA LÉGENDE DU SOLDAT MORT
Version française – LA LÉGENDE DU SOLDAT MORT – Marco Valdo M.I. – 2012

D'après la version italienne LEGGENDA DEL SOLDATO MORTO – Roberto Fertonani – 1971 d'une

Chanson allemande - Legende vom toten Soldaten – Bertolt Brecht – 1918

 

 

 

 

 

Avec les caisses et les au revoir

Et les femmes et les chiens et le curé !

Et le soldat mort noir

Comme un singe bourré.

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

1918 : le jeune Eugen Berthold Friedrich Brecht fils d'un sévère dirigeant de quartier, a un peu plus de vingt ans. Il écrit des poésies. Pas seulement ; il les met en musique, seul, en écrivant les accords pour la guitare et avec une vieille guitare, il les joue pour les amis. Et l'année de la défaite de l'Allemagne du Kaiser, la première « année zéro » d'une Allemagne qui, plus tard, aura à en revivre une autre, plus terrible encore. Il vient alors à l'esprit du jeune Brecht, depuis toujours opposé à la guerre, d'écrire une ballade antimilitariste. Ainsi naquit la « Legende vom toten Soldaten », le 13 août 1918. Une fois encore, il écrit la musique. À vingt ans, Brecht écrit celui qui sera sans doute le plus féroce texte antimilitariste allemand de tous les temps. Celui-là même qui, en 1935, servira de justification aux nazis pour lui ôter la nationalité allemande, alors qu'il était déjà en exil. La même année, Paul Dessau en réécrit la musique. La version anglaise ("The Legend of the Dead Soldier"),dont le texte est jusqu'à présent resté introuvable fut interprétée par Dave Van Ronk [R.V.]

 

 

Tu sais, Lucien l'âne mon ami, être confronté à Bert Brecht, ou à Kurt Tucholsky, ou à Franz Jozef Degenhardt... est une aventure redoutable... On est là soudain devant de la poésie assez rude, assez charpentée et de la poésie qui conte certaines heures effroyables de la guerre de Cent Mille Ans... Loin de Charles d'Orléans ou de Ronsard. Et si l'on se place dans le domaine de la chanson, la constatation est évidemment la même, mais ce que je voudrais ajouter, c'est que ces textes, par ailleurs et pas toujours, musicalisés, montrent nettement le fait qu'il y a des genres et des niveaux très variés dans la chanson et qu'on ne peut en faire abstraction. Ceci m'amène à parler du site des Chansons contre la Guerre lui-même et des chansons qu'il rassemble. Lui aussi, il rassemble des choses exceptionnelles, qui dans leur ensemble, ont un ton particulier. Ce n'est pas tant qu'elles soient contre la guerre – cela va de soi, qui importe, mais bien le fait qu'elles sont la plupart du temps (il y a certes des exceptions...) d'une qualité qu'on ne retrouve que rarement dans ce que déversent les médias et l'industrie du disque.

 

Voilà de bien étranges considérations et je me demande quel rapport il peut y avoir avec la chanson dont tu vas me parler...

 

J'y viens, j'y viens... La raison... C'est que précisément cette Légende du Soldat mort est exemplaire de ce que je viens de te décrire. C'est une poésie, un poème rude, de haut vol, terrible. La musique ne vient qu'ensuite... je veux dire la musique instrumentale, car la musique elle-même est déjà dans les paroles. Et puis, elle est d'une densité au sens strict du mot « extraordinaire ». C'est là une de ces grandes chansons qui content les épisodes de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent contre les pauvres, que les puissants réservent aux faibles, que les princes d'empire font à l'encontre des paysans révoltés...

 

En effet, Marco Valdo M.I., mon ami, dit Lucien l'âne en secouant sa belle crinière noire, et nombreux sont les empires où ce genre de massacres eut lieu. Maintenant, ce soldat mort m'intrigue... Je n'arrive pas à comprendre qu'on le traîne ainsi par les routes... Quel étrange cortège nocturne... Mais il me rappelle une autre chanson qui parle de ces années-là et dont, sauf ta modestie, tu es l'auteur – avec l'aide de Günter Grass, ce qui n'est certes pas rien... Elle s'intitule : « À la prochaine ! » [[http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=37758&lang=it]].

 

De fait, avec l'aide de Günter Grass... Tu y vas fort, Lucien l'âne mon mai. C'est plus qu'avec l'aide... Sans lui et son livre, il n'y aurait rien eu. Que savais-je moi de toutes ces Histoires d'Allemagne ? Mais évidemment, pour ce qui est du jeune Brecht, la situation était fort différente... Il avait le nez dedans... Et crois-moi, ça sentait....

 

Ça sent toujours les grands massacres, dit l'âne Lucien d'un air sentencieux. Et c'est une odeur très particulière... Ainsi, les guerres sont une des choses les plus caractéristiques de ce vieux monde où les riches et les puissants entendent bien conserver par tous les moyens leur domination ; c'est ce qui rend ce monde si détestable... mais reprenons notre tâche et tissons le suaire de ce monde valeureux, héroïque, guerrier, fier, cent fois victorieux et cacochyme.

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

On en était au cinquième printemps

Aucun espoir de paix devant

Le soldat conclut le propos

Et mourut de la mort du héros.

 

La guerre n'était pourtant pas finie encore

Il ne plaisait pas au Kaiser,

Que son soldat fut mort :

Il lui semblait qu'il était bien trop vert.

 

L'été s'étala sur les tombes

Et le soldat dormait comme une bombe.

Quand arriva dans la nuit estivale

Une commission militaire médicale

 

La commission s'installa

Au-dedans du cimetière.

Et d'une pelle consacrée sortit de terre

Le malheureux soldat.

 

Le Docteur examina le soldat

Ou du moins, ce qui restait de celui-là.

Le Docteur trouva le soldat en parfait état

Et il le déclara bon pour le combat.

 

Ils emmenèrent le soldat fantasque

La nuit était belle et bleuie

On peut, quand on ne porte pas de casque,

Voir les étoiles de la patrie.

 

Ils versèrent un schnaps d'enfer

Dans son corps putréfié

Et à son bras, ils mirent deux infirmiers

Et une femme au majestueux derrière.

 

Le soldat puait la rage ou même, pire,

Alors, on vit boiter un curé tout noir

Qui balançait au-dessus de lui un encensoir

Pour qu'on ne puisse rien sentir.


Devant la musique et les grosses caisses

Jouait une marche militaire.

Et le soldat, comme il avait appris à le faire,

Levait les jambes jusqu'à ses fesses.

 

En le tenant fraternellement par le bras

Les deux infirmiers marchaient au pas.

Sans eux, dans la boue, il retomberait déjà

Et cela ne se peut pas.

 

Ils enduisirent son suaire

De rouge de blanc de noir

Et ainsi, ils l'emmenèrent

Sous les couleurs, la saleté s'égare.

 

Un monsieur en frac marchait devant

Avec sa poitrine amidonnée

Il se tenait comme un vrai Allemand

Conscient de devoir assumer.

 

Ils passèrent ainsi avec les grosses caisses

Ils s'engagèrent sur la route sombre

Et le soldat balançait son ivresse

Comme les flocons dans l'ombre.

 

Les chats et les chiens criaient,

Les rats des champs sifflaient sauvagement

Ils ne veulent pas être français

Car c'est un un avilissement

 

Et quand ils traversent les hameaux,

Toutes les femmes sont là.

La Lune brille. Les arbres font les beaux

Et tous crient Hourra !

 

Avec les caisses et les au revoir

Et les femmes et les chiens et le curé !

Et le soldat mort noir

Comme un singe bourré.

 

Et quand ils traversent les hameaux,

Personne ne peut le voir

Tant ils sont autour du héros

Avec les caisses, les hourras et l'encensoir.

 

Tant à brailler et danser autour du héros

Qu'on ne le voit pas.

Peut-être le verrait-on de haut

Où les étoiles brillent déjà.

 

Mais les étoiles ne sont plus là,

Voici l'aurore

Alors, comme il a appris à le faire, le soldat,

Se redresse en héros mort.

LA LÉGENDE DU SOLDAT MORT
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Published by Marco Valdo M.I.

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